dimanche 25 mai 2014

SAVOIR DIRE MERCI

Faites le portrait, en forme d’hommage, d’une personne de 

qui vous vous sentez redevable
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Avez-vous déjà vu un jeune enfant dessiner le portrait d’un personnage ? D’abord, il trace un rond pour la tête et un ovale plus ou moins grand pour le corps et quatre coups de crayons obliques pour les jambes et les bras. C’est ainsi qu’il m’apparut la première fois lorsqu’il se leva de son siège. Petit, rondouillard, court sur pattes et ouvrant les bras pour m’accueillir. Son crâne dégarni sur le sommet  était cependant couvert d’une épaisse auréole de cheveux très noirs tout autour de la tête. Il ne portait pas la barbe mais une petite moustache courte, bien noire et bien raide. Ses yeux vifs, brillaient comme deux pierres de jais, dans la demi-obscurité de ce coin d’atelier. Son regard me transperça comme pour me déchiffrer.  Vêtu tout de noir, d’un costume un peu étriqué sur son ventre bedonnant, il me donna l’impression d’un diable sur ressort sortant d’une boite et je restais éberluée.
Afin de respirer le bon air des montagnes, j’étais en internat, dans une région où les élèves étudiaient l’italien. Or, j’apprenais l’espagnol. Il fut décidé que pour le bac, je suivrais les cours avec une jeune fille professeur, mais à la ville voisine. Ils furent programmés tous les dimanches matin. Et c’est ainsi que je me retrouvais ce jour-là, dans cet appartement vieillot où  Monsieur Ganota modelait sur une table, des petites silhouettes d’argile. «Mademoiselle Ganota ? » demandai-je. « Elle a dû s’absenter mais je suis au courant de votre problème. C’est moi qui vais vous donner les cours.» me répondit-il. Devant mon air effarée, il ajouta : « N’ayez pas peur, Mademoiselle, je ne mange personne. Asseyez-vous là et sortez vite votre cahier ! Le temps nous est compté ! » Je m’exécutais et c’est ainsi que je fis la connaissance de cet homme affable et bon enfant. Consciencieux à l’extrême, il ne lâcha aucun exercice avant de s’être assuré que je l’avais bien compris. Je repartis alors avec bon nombre de devoirs. Et ce fut ainsi de semaine en semaine. Il était loin d’être ennuyeux ou rébarbatif car il avait toujours une anecdote à raconter pour encourager ma curiosité et approfondir ma connaissance de la langue et de la littérature. Prise par l’attrait de son récit, je m’habituais bien vite à comprendre l’espagnol et à lui répondre dans cette langue.

lundi 19 mai 2014

LE DÉPART EN VACANCES


Merveilleux départs en vacances…
Lorsque j’étais enfant, les grandes vacances avaient leur rituel : nous quittions l’appartement où nous vivions pendant deux mois. Tout le mois d’août, maman et ses quatre enfants le passait chez son père installé dans un village bourguignon. Pendant ce temps, papa remontait travailler après avoir pris ses congés annuels « nature » avec nous, en juillet. Fin août, il revenait nous chercher pour la rentrée et le retour dans l’appartement.
C’était dans les années 50, peu de temps après la sortie de la guerre. De beaux étés, parfaits pour le camping et les séjours à la campagne, pleins de la joie de découvrir cette branche de la famille résidant au sud de l’ancienne ligne de démarcation. Et cette liberté ! Car mon père, très bricoleur, notamment en mécanique, venait de faire l’acquisition d’une C4 de six places presque désossée mais avec « un excellent moteur ». Toute la famille, petits et grands avaient contribué à sa remise en état ; de plus, avec les ressources des surplus américains, nous étions bien équipés en matériel de camping. Les voyages s’offraient à nous… et les vacances avec !
Je vous laisse imaginer la préparation fiévreuse de ce départ pour deux mois. Juillet, camping dans le Morvan, et août, vacances sédentaires chez le grand-père. Plus deux intermèdes que papa réservait aux Alpes, toutes proches.
Les parents ne dormaient pas beaucoup avant la route, occupés qu’ils étaient par les valises et le chargement de la voiture. Nous non plus car nous étions très excités, et la nuit était courte.

Trois ou quatre heures du matin ! Le jour commençait à se lever… j’ai toujours conservé le souvenir de la joie qui s’emparait de nous au réveil : l’unique occasion de l’année de se lever si tôt, comme les adultes… Et ça sentait bon l’herbe mouillée par la rosée de la nuit. L’air était un peu frais et bientôt le ciel prenait de belles couleurs. Nous étions vite prêts car impatients de monter dans notre carrosse, avec à la main le petit sac de voyage plein de jeux et de littérature.
Cinq heures, c’était le décollage ! Et les villes, les lieux s’égrenaient : Troyes, Châtillon-sur- Seine, le Val Suzon, Dijon, Beaune, Chalon-sur-Saône, … la vitesse moyenne sur route nationale traversant les agglomérations approchait alors les 50km/h. on regardait beaucoup la route et les paysages, plus que les enfants d’aujourd’hui.

dimanche 11 mai 2014

LES VOISINS


Histoires de voisinage, histoires d'humanité... Les voisins, c'est toute une histoire !











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C’est il y a bien longtemps déjà. Ma grand-mère a, pour voisine, une charmante anglaise de quatre-vingt ans. Je la revois, grande, mince, élégante, toujours bien pomponnée. Ses cheveux gris argentés illuminent son visage sévère. Elle porte de délicieuses robes très souples aux tissus clairs imprimés de fleurs aux couleurs acidulées rose bonbon, bleu tendre ou violet mauve, ce qui nous surprend fortement car dans le quartier, toutes les personnes âgées y compris ma grand’mère s’habillent de noir, à peine agrémenté d’un col ou de parements blancs. La couleur n’est pas de mise.
Ma grand-mère vit, dans une de ces maisons anciennes, en pierre, à trois étages, juste à l’angle de la place du donjon. A l’intérieur, un escalier de bois étroit aux marches élevées donne accès, à chaque niveau, à deux petites pièces. Dans la maison voisine, accolée  à la sienne, vit seule, au deuxième étage, Madame Graix. Elles se rencontrent souvent et taillent une petite bavette sur le seuil de la porte.
La guerre arrive et avec elle, les bombardements fréquents. « Vite, aux abris ! » Ma grand’mère ne va pas loin. Elle a une cave souterraine aux murs épais et voûtés. Il lui suffit de descendre. Mais Madame Graix n’en pas. Elle doit rester chez elle, presque sous les toits. Surgit alors une idée géniale ! « Creusons un gros trou dans le mur juste sous la tablette de toilette et bouchons-le par un énorme oreiller ! Recouvrons-le d’une taie imprimée presque similaire au papier peint du mur. A chaque alerte, vous pourrez ainsi venir dans notre cave ! » Tel un furet, Madame Graix se glisse agilement de son chez-soi, chez ma grand’mère et dégringole les escaliers pour se mettre à  l’abri. Et ce petit manège dure pendant plusieurs années. Elle n’a pas besoin de sortir dans la rue. Les soldats allemands sont là, sur la place. La situation est bien trop dangereuse.
Un jour, un obus tombe sur la maison voisine à la sienne et éventre un des murs de sa chambre. Quelle frayeur que cette découverte en remontant l’alerte passée ! Et que serait-il advenu d’elle  si elle était demeurée dans son appartement ?  Pour toujours, elle voue une infinie reconnaissance à ma grand’mère. La guerre est finie. Une solide amitié unit les deux voisines.

samedi 3 mai 2014

GERALD ASSOULINE

Le photographe Gérald Assouline expose à Gentilly. Sans aucune indication sur le photographe et avant même d'avoir vu l'exposition accompagnée d'une conférencière, les participants à l'atelier ont écrit sur deux photos L'attente et J'aime les femmes qui lisent.
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© L'attente, Gérald Assouline

Si la neige était parchemin
Tu écrirais ton histoire
Dans la froideur du petit matin
Le corps engourdi de sommeil
Mais aussi et surtout
Des fatigues de la veille
Au rythme de tes pas
En long filigrane
Sur les pavés et le macadam
Qui mènent à tes usines

Si la neige était parchemin
Tu écrirais l’histoire de tes fils
Sortis tout droit de la nuit
Pour s’engouffrer encore endormis
Dans le trou béant de la mine
Dans cette bouche
Dévoreuse de lumière
Qui les vomira, noirs
Dans le noir revenu
Et parfois lourd
De leur souffle disparu

Si la neige était parchemin
J’y lirais la vie de tes filles
Inscrivant de leurs pas
Furtifs ou appuyés
Le quotidien chaque jour répété