mercredi 28 janvier 2015

UN AMI D'ENFANCE


Margot est ma meilleur copine, je suis toujours fourré chez elle et, plus précisément, avec elle dans son grand grenier qui nous sert de local de prédilection et où personne, en général, ne vient nous déranger. Y sont entreposés jouets et analogues, tels que guignols et pantins, masques et déguisements, babioles et colifichets. Cela en fait un vaste théâtre où nous pouvons folâtrer jusqu’à ce que des sommations de plus en plus sonores et menaçantes nous en extirpent.
De deux ans mon aînée et lectrice acharnée de la Comtesse de Ségur, elle mène le jeu et, bon gré mal gré, m’en impose : elle sera châtelaine et moi page, maîtresse de maison et moi valet, professeur et moi élève, juge et moi inculpé, Blanche-Neige et moi tous les sept nains pour la servir.
Le cinéma est pour nous une source d’inspiration. Ainsi, d’une séquence tirée du film « La Momie », Margot singe l’acteur vedette, Boris Karloff. Plus précisément, elle se tient debout, adossée contre le mur, les avant-bras croisés sur sa poitrine et les yeux clos. Quant à moi, accroupi et coiffé d’un casque colonial, je joue le rôle de l’égyptologue déchiffrant la malédiction propre à réveiller la momie. Margot décroise avec lenteur ses bras, les laissant retomber à ses côtés puis ouvre grand les yeux, dardant un regard qui, immanquablement, me glace d’épouvante… et j’en redemande.
Une fois, interrompant soudain je ne sais quel scenario, Margot m’interpelle à brûle-pourpoint :
-          Au fait, pendant que j’y pense, j’aimerais bien savoir si tu as l’intention un jour de te marier avec moi. Répond par oui ou par non !
-          Euh… Oui.
-          Très bien ! Alors il faut vite nous fiancer afin que tu ne te ravises pas dès que j’aurai le dos tourné.
-          Et quand on sera fiancés, je ferai quoi ?
-          C’est pas difficile, tu devras toujours me protéger.
-          Et toi ?
-          Moi ? Quelle question ! Mais c’est la même chose voyons : je devrai toujours me faire protéger par toi.
-          Alors si c’est comme ça, d’accord, nous sommes fiancés.
-          Hé, ne vas pas si vite, tu oublies les fiançailles. Nous allons y procéder tout de suite.
Côte à côte devant l’autel, une malle poussiéreuse surmontée d’un bibelot ébréché, nous
nous prosternons puis, agenouillés, la main dans la main – l’autre étant sur la tête -, nous
nous proclamons solennellement fiancés l’un à l’autre, à charge pour moi de la protéger
toujours et, à charge pour elle de se faire toujours protéger par moi. Alors d’une voix
caverneuse, Margot, prononce l’indispensable formule magique de consécration que je
répète après elle : « Alibaba, pyjama, kéktuféla »

DES ANIMAUX ET DES HOMMES


Et s’il n’existait d'animaux que dans les musées paléontologiques et dans les ateliers de taxidermistes ? Et si empailleurs et rempailleurs de vieux trophées de chasse transformaient de nobles et sauvages fauves en carpettes douces, si douces trônant ainsi au chevet de certains chasseurs invétérés ayant participé à une chasse revigorante et attractive qui consiste à tirer presque à bout portant sur un animal traqué et malmené lors d’une safari qui coûte les yeux de la tête ?  Et s’il fallait montrer les dents face à cet alignement de canines et d’incisives de ces mêmes grands-fauves que des «  houba houba » se sont fait monter en collier ? Alors, ours, tigres, singes aux dents trop longues pour ces messieurs, n’auraient plus qu’à y laisser leur peau et leurs os. Les grand fauves, cousins directs des  « dents de sabre » datant de la préhistoire, tout comme les derniers rhinocéros et les éléphants dont les ancêtres tués par les Cro-Magnon ou congelés dans les steppes et ensevelis dans les pampas finissent édentés par l’homme qui leur extirpe défense et canine ! Massacrés dans un bain de sang, ils pourrissant sur place dans un charnier, seulement pleurés par quelques défenseurs et garde-forestiers qui risquent leur vie à chaque instant, tués par les braconniers bien armés. Des troupeaux de pachydermes adultes sont tués laissant au désespoir les jeunes et les bébés sur place face aux plus grands dangers. Ces
gardes valeureux souvent issus de la même ethnie que les tueurs et les assassins, tuant pour gagner la pitance pour leur propre famille, récupèrent les jeunes et peuvent les élever au biberon en attendant de les « placer » ! Une chose est certaine : ces jeunes éléphanteaux, bébés-gorilles, macaques, orang-outan ou chimpanzés resteront marqués dans leur esprit par des visions d’hommes armés, fleurant la sueur et la peur. Et dans leurs yeux affolés, la panique et la frustration seront leurs premières imprégnations
Mais il existe néanmoins des réseaux d’entraide où des autochtones-nourrisseurs encadrés par des spécialistes du comportement animal apportent à ces volontaires une aide bénéfique et ciblée. Afin de s’occuper de tous ces orphelins et de les amener vers une autonomie, en essayant à plus ou moins long terme de les « relâcher » d’abord dans un enclos d’adaptation, puis ensuite dans leur milieu naturel dit « sécurisé » muni d’une balise, le plus loin possible de sites ou conflits et combats font rage. Considérés comme des « gêneurs »  mais aussi voleur de territoire, fauves, singes et éléphants, n’ont pas la vie longue. Les avis sont partagés ! Qui de l’homme ou de l’animal en est le pire prédateur ? L’homme ne pouvant supporter de partager quoique ce soit quand il s’agit de s’octroyer des terres à cultiver ou d’en extraire les ressources minières ? Les grands primates et les éléphants qui n’ont plus qu’à courber le dos argenté ! L’histoire se finit souvent non à coup de « kalache », mais avec des balles de gros calibres qui vous abat un siècle de connaissances sous plusieurs tonnes  en une seconde ?

samedi 10 janvier 2015

LE CADEAU


Le jour de mes huit ans, alors que j’assistais à ma séance de catéchisme, mes compagnes ne parlaient que de la représentation du cirque à  laquelle elles allaient assister l’après-midi, toutes excitées d’impatience. Pour ma part, je n’y pensais même pas, sachant que nos moyens ne me permettaient pas d’y aller.
Au moment de prendre congé pour retrouver ma maman qui m’attendait, une personne me dit de revenir à l’église pour 1 h30. Elle parla à ma mère puis je partis déjeuner à la maison.
A  l’heure dite, je me retrouvai dans un car en direction de la Bastille.
J’avais un sentiment d’irréalité à cause des lumières, des paillettes des artistes du cirque. Je savourai chaque seconde pour garder les numéros en mémoire afin de les revivre en rêve, plus tard. Je tremblai pour les trapézistes qui prenaient des risques pour les belles écuyères sur les chevaux, les petits chiens savants, les dresseurs de fauves et le clown rigolo. Monsieur Loyal, droit et digne annonçait les numéros. Les jongleurs et tous les autres numéros m’ont ravie.
Quel bel anniversaire ! Quelle journée magnifique ! Combien de fois j’ai revu ce moment en rêve. Mais aujourd’hui je me pose la question : « Qui est la bonne fée qui m’a fait ce beau cadeau ? » Je ne le saurai jamais mais je m’en souviendrai toujours !
J’ai vu d’autres spectacles de cirque depuis. Ils étaient très bien mais la magie n’était pas aussi grande.

Mireille
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Souvent, un cadeau qui marque, c’est celui a acquis  plus  de valeur sentimentale que de valeur financière ! C’est pourquoi  il est difficile de faire un cadeau qui soit un véritable présent, réfléchi et surtout adapté à son destinataire qu’il faut bien connaitre. Est-ce un vrai geste qui vient du cœur ou plutôt le résultat d’une obligation plus ou moins mercantile ? Même avec de la bonne volonté, on peut parfois tomber à côté. Et alors le recevoir est parfois encore plus difficile comme ce fut le cas de Jocelyne et Jacqueline!
C’est l’après-guerre et les hivers sont très froids. Grand’mère a peu de moyens pour gâter ses deux petites filles. Aussi passe-t-elle de longs mois à collectionner des restes de laine pour leur tricoter avec amour, un pull-over bien chaud ou un gilet durant les longues soirées. Au long des années, elle en prend l’habitude.  Les premières années, les enfants, très jeunes ne se soucient guère de leur allure, et cette multitude de teintes, formant quelques dessins abstraits et irréguliers, peut ressembler de loin à du jacquard  mais en grandissant les fillettes redoutent un peu ce présent.
En ce soir de Noël, pour Jocelyne et Jacqueline la surprise n’est donc pas de savoir quel cadeau leur offre leur grand-mère, un paquet dans chaque main, mais plutôt de quelles couleurs sera l’incontournable gilet et qu’elle en sera la nuance dominante. Avec lenteur, elles dénouent la mince ficelle dorée et déplient le papier cadeau. Le papier de soie leur laisse  apercevoir déjà une double teinte foncée. Leurs craintes grandissent car bien sûr, ce sont les roses et bleus pastel qui sont de mode !