Documentaire sur la comédienne et débat passionné : Peut-on aimer qui l'on veut ? Interdictions légales et pression sociale.
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Célestin est là sur le seuil de la
maternité. Son fils va naître ! Cet évènement particulièrement joyeux le
renvoie quelques années en arrière quand, sur le seuil de la maison familiale,
il a dit adieu à jamais à son enfance, son sac de marin sur l’épaule. Les mots
de sa mère l’ont blessé à jamais.
Comme dans un film, il se revoit, tout
bambin, si différent de ses frères aînés si grands et élancés, lui si petit et
tout râblé. Très jeune, il sent que quelque chose cloche. Ses grandes oreilles
décollées, ses yeux légèrement bridés, et son nez épaté ne rappelle en rien le
physique de ses parents, pas même celui de ses grands-parents, d’un oncle ou
d’une tante. Et ses cheveux assez clairs certes, mais crépus, crépus !
Comme il aurait aimé avoir des cheveux bruns mais raides, oui raides et non pas
crépus ! Et ce teint presque bistre en hiver qui prend si vite la couleur
du pain d’épices en été, au point de fuir le soleil pour ne pas devenir trop
noir. Très vite, à l’école, les enfants se moquent de moi. Mon prénom, oublié !
Je suis « le bâtard » quand ce n’est pas « le macaque » ou
« le singe ». Dans ce village des bords de mer, tous se connaissent,
les langues vont bon train mais pourquoi s’arrêtent-elles toujours dès que
j’approche. Seuls leurs regards me transpercent et me poursuivent. En
grandissant, je me pose tant de questions que je retourne dans ma tête sans
jamais oser demander à mes
parents : « Pourquoi suis-je si laid, pourquoi si
différent ? ». J’ai beau me regarder dans le miroir, je ne retrouve
aucun trait commun, ni avec mon père, ni avec mes frères. Peut-être la couleur
de mes cheveux est-elle celle des cheveux de ma mère ? Mais peut-être au
fond n’est-ce qu’une illusion ! Mes parents m’aiment et me lui montrent.
Ils ne font pas de différence. Pourquoi est-ce que j’éprouve ce besoin de me torturer ainsi !