Enfant, un
bel été, c'était la saison de la fenaison ; mon père fauchait les prés, dès
l'aube, parfois très loin de la maison, avec sa faux affûtée comme un rasoir ;
vers les neuf heures, nous défaisions les andains alignés parallèlement, les
étendions à l'aide d'une fourche. Nous faisions ensuite la pause de midi,
déjeunions sous un arbre, à l'orée d'un bois, au plus fort de la chaleur.
Au milieu de
l'après -midi, nous allions retourner le foin étendu le matin ; avant la tombée
du jour, nous ratissions l’herbe coupée le matin, pour faire des meules : il
fallait s'activer par grand beau temps.
Le lendemain
matin, nous allions défaire les meules de la veille, afin de retourner le foin
une nouvelle fois ; ainsi, le fourrage, sec et odorant, fleurant le serpolet,
était chargé à grandes fourchées sur le traîneau tiré par les deux vaches : en
altitude dans les prés pentus à très forte déclivité, il était impensable
d'utiliser la charrette qui se fût retournée avec l'attelage dans le précipice,
avec pertes et fracas.
Il était
parfois nécessaire de transporter le foin dans une bâche, jusqu'au fenil.
C'était une
vie rude mais saine, au plus près de la nature. Qu'il faisait bon le soir de
rentrer, après avoir cueilli dans les sous-bois aux fougères arborescentes des
cèpes, des girolles ou bien à l'orée du bois, des fraises et des myrtilles.
Je
n'oubliais jamais en redescendant d'Escots de faire rentrer les poules dans le
poulailler à cause du renard, des belettes des fouines, des maraudeurs et de
rapporter les œufs à la maison.
Faire une
bonne omelette aux champignons en rentrant après avoir allumé le feu dans
l'âtre et se reposer en regardant à l'horizon le soleil fermer son rideau
écarlate jusqu'à la prochaine représentation...jusqu'au lendemain matin, à
l'aube, pour le voir se lever sur le champ de sarrasin en fleurs, aux épais
épis de fleurs blanches mellifluentes : blé noir qui accompagnera l'hiver un
civet de lapin : un vrai festin !
Combien en
ai-je vu des ciels de Turner sans connaître cet immense artiste !