Nicole,
je crois bien la connaître. C’est ma sœur. Elle est l’aînée, et si dans notre
enfance elle était plus grande que moi, aujourd’hui c’est tout le contraire.
Ce qui
gouverne sa vie : la hantise de prendre du poids, conserver un peu de sa
jeunesse. Extrêmement coquette, elle aime choisir des vêtements jeunes qui
flattent sa silhouette menue. Elle porte les cheveux très courts, couleur
cassis, lui permettant de se couvrir le chef de chapeaux ou casquettes qu’elle
a en quantité, de toutes formes et de toutes couleurs, pour l’hiver ou l’été,
et cela lui va à merveille. Autre caractéristique : les bijoux fantaisie.
Là aussi, il y a abondance ! Deux voire trois colliers superposés pour
rappeler les couleurs bariolées de certains pulls ou tee-shirts, plusieurs
bracelets à chaque bras, et bien sûr des boucles d’oreilles sans lesquelles
elle se sentirait toute nue.
Si vous
croisez dans la rue une petite personne marchant un peu penchée en avant, un
chapeau de saison sur la tête et chantonnant sans arrêt, c’est elle.
Elle a
gardé un côté enfantin, s’amusant à frôler les boutiques pour en ouvrir sur son
passage les portes automatiques, garnissant son lit de peluches, ce qui oblige
son mari à « virer tout ça » d’un haussement d’épaules avant de se
coucher. Qu’à cela ne tienne, le lendemain, elles reprennent place.
D’une
grande générosité, elle a beaucoup d’amis et adore recevoir, mais que c’est
difficile de vivre avec elle ! Moi, je n’y tiens pas plus de trois ou
quatre jours.
Toujours
levée la première, et très tôt, à sept heures elle s’estime en retard, elle se
hâte de commencer sa cuisine, attendant avec impatience que son mari fasse
surface pour se précipiter dans la chambre, aérer et faire le lit pour que
toute la maisons soit impeccable à 11 heures du matin pour pouvoir regarder les
émissions de jeux à la télé. Elle ne manque jamais Les Zamours. Après un
déjeuner vite expédié, elle devient hôtesse bénévole dans son association où
elle est plus qu’attendue tant elle s’y est impliquée.
Ma sœur
est une sacrée tête de mule et son mari un grand râleur. C’est la bagarre
perpétuelle pour des riens, l’heure de faire les courses, la température de la
maison, le choix d’un menu ou d’un film… Ca rouspète, ça crie, ça boude, mais
jamais longtemps, jusqu’au prochain prétexte. Ils sont en fait inséparables
depuis 53 ans mais se trouver entre eux est plutôt incommode.
Colette
.....................................................................................................
Veuve
avec deux enfants à charge à l’époque j’avais accepté un travail à la Sécurité
Sociale et c’est là que je l’ai rencontrée. Elle occupait le bureau à côté du
mien. Elle avait vingt-huit ans, était célibataire et sans enfant. Son rêve
aurait été d’avoir un enfant mais « pas le bonhomme », ce qui était
plutôt mal vu à l’époque. Elle s’est entichée de mes deux fils et sans rien me
dire s’est mise à tricoter pour eux – des vêtements magnifiques que je n’aurais
jamais pu acheter. Elle leur apportait du chocolat, des bonbons, achetait des fournitures
pour la rentrée scolaire. Peu à peu, elle devint comme une sœur pour moi et une
seconde mère pour mes enfants. Elle prenait ma place en diverses occasions et quand
je ne pouvais pas honorer mes obligations. Si je venais à disparaître, je
pouvais compter sur sa présence pour mes fils. Cela me tranquillisait bien que
sa présence pouvait paraître parfois un peu envahissante et qu’elle se montrait
souvent autoritaire.
Sa vie
était très vide, elle ne faisait rien et n’avait personne… sauf nous. Elle
vivait presque recluse, ne faisait pas beaucoup d’effort pour aller vers les
autres et ne prêtait aucune attention à sa tenue. Un jour mes fils lui ont dit
« quand même tu as de beaux yeux bleus, tu devrais t’acheter du bleu… et pourquoi
tu ne te maquilles jamais ? » Peu à peu sous notre influence, elle
devenue plus coquette et s’est ouverte un peu, a découvert les sorties comme le
cinéma. Elle est devenue moins triste… mais n’était pas drôle non plus. Une
année, nous l’avons emmenée avec nous au club Med, dans ce qui était les
premières paillotes. Elle nageait, profitait et semblait heureuse. Ce qui lui
manquait c’était bien sûr une famille unie et aimante bien à elle. Nous avons
partagé ensemble plusieurs années de notre vie puis elle a disparu. Un jour, en
sortant d’un train de banlieue, un sale type, voulant lui arracher sa chaîne et
sa médaille en or, l’a projetée brutalement sur l’arrête du trottoir. Le choc a
été très violent et à l’hôpital ensuite, on nous appris que la vie l’avait
quittée. C’était comme si elle n’avait jamais vraiment eu sa chance et nous
l’avons beaucoup regrettée.
Rose
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire