mardi 13 novembre 2012

LE THEATRE

Bientôt le grand soir, le temps presse. Problème : comment s’habiller ? Il faut faire les rayons des grands magasins. Robe, jupe, pantalon, j’hésite. Sac et chaussures assortis, bien sûr.

Programmer la visite chez le coiffeur avec peut-être en plus quelques conseils de maquillage. Comme le temps passe vite, c’est pour ce soir. On prend la voiture, ou le métro, mais à minuit le métro il n’y en aura plus.

Une longue file devant le théâtre. Il ne fait pas chaud, c’est bientôt l’hiver et il souffle un petit vent bien frais.

Enfin, nous approchons de la caisse, nous avons les billets, encore quelques marches à monter, l’épais tapis étouffe le bruit de mes hauts talons et, nous pénétrons dans la salle où le spectacle va avoir lieu. Peu de monde pour le moment, nos fauteuils sont presque face à la scène.

L’heure tourne, la salle se remplit peu à peu. Un groupe de jeunes assez bruyants s’installe juste derrière nous. Pourvu qu’ils se calment pendant le spectacle ! Tout le monde bavarde, prend connaissance du programme, puis la lumière décroît, les conversations ne sont plus qu’un murmure. Doucement le silence s’installe, le rideau rouge bouge un peu. Le brigadier frappe les trois coups, le rideau s’ouvre et apparaissent quelques tutus et les premières notes de musique s’envolent.

La féérie peut commencer.
 
Monique
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Faire pleurer Margot
Serait pour tout dramaturge
Le signe du succès
 
Chez une ingénue
Avoir les yeux de Chimène
Signe un grand amour
 
Théâtre de boulevard
Est un remède sans égal
Aux peines et soucis
 
Les feux de la rampe
Éclairent acteurs et décors
Durant la séance


Traversant l’espace et le temps
Hors des sentiers battus ou de l’insipide verbiage
Évolue l’art théâtral en ses intrigues
À la coloration comique ou tragique
Tôt en matinées ou tard en soirées
Reviennent sur scène héros et héroïnes
En face d’un public appréciatif, voire conquis.

 
Tirades et réparties se succèdent sans désemparer,
Haine et amour, alternent de-ci de-là
En des envolées qui viennent s’inscrire
Au répertoire du jeu théâtral
Transcendé le cas échéant par une vedette
Remporter un jour le prix Molière
Est en l’occurrence un couronnement.
 
Emmanuel
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J’ai découvert le théâtre, celui de Molière, fin des années 50. J’étais au lycée, nous devions interpréter  Le Cid de Corneille. La prof de français nous fit écouter sur un 33t le texte joué par Gérard Philippe dans le rôle de Rodrigue. Ce fut une révélation, l’acteur était formidable. Aussi, devant apprendre les répliques de Rodrigue dont je devais tenir le rôle, je répétais à la maison en essayant de me souvenir des intonations de ce grand acteur disparu trop tôt. Plus tard, Francis Huster devint, après lui, l’un des meilleurs interprètes dans ce style.
L’année suivante, nous devions apprendre Le malade imaginaire de Molière. Ce fut un plaisir. En plus de mon rôle, je devais donner la réplique à deux de mes camarades. Je tenais le rôle d’Angélique, de Toinette et d’Argan. Ce fut un délice.
Nous sommes allées rue Blanche voir cette pièce jouée par des élèves comédiens de nos âges. Dans des habits d’époque, elles étaient maquillées, poudrées, gesticulaient et parlaient fort. C’était très drôle.
Je garde toujours le regret de n’avoir pas pu m’inscrire  pour suivre des cours de théâtre. Aurais-je réussi à en faire mon métier ? Je ne sais pas mais pendant trois ans au moins j’aurais fait ce qui me plaisait et cru à un avenir rêvé.
J’ai trouvé l’Avare de Molière, joué par Louis de Funès, également formidable. On aurait dit le rôle écrit pour lui.
J’aime le théâtre de boulevard, les pièces sont amusantes et le dénouement souvent inattendu. Les émissions « Au théâtre ce soir » étaient un vrai bonheur et il est dommage qu’elles aient été supprimées car on allait ensuite se coucher détendu et riant encore des répliques.
Jacqueline Maillan, Maria Pacôme ou Marthe Mercadier nous ont bien fait rire. La dernière pièce que j’ai vu 13 à table était jouée par Marthe Mercadier et était pleine de rebondissements. Une pièce comme La cage aux folles est toujours et encore un régal.
Tant qu’il y aura des acteurs pour jouer avec leur cœur, le théâtre traversera les siècles pour notre plus grand plaisir.
 
Mireille
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Nous avons eu la chance dans le cadre des Théâtrales Charles Dullin d'assister à une séance de répétition de la pièce : Yvonne Princesse de Bourgogne au théâtre de Villejuif.
Quel n'a pas été mon effroi quand j'ai découvert tous ces personnages masqués comme à la Commedia Del Arte.
La metteur en scène avait choisi délibérément de masquer le visage des acteurs. Elle avait mis en place différents ateliers de familiarisation de port de masque afin que chaque acteur puisse s'approprier le sien. Chaque masque étant une pièce unique sensé épouser parfaitement et mettre en évidence les caractéristiques morphologiques de chacun. Pour le Prince : ce sera le nez qui apparaîtra comme une péninsule dans un visage émacié d'une blancheur cadavérique, mettant en évidence deux yeux immenses ourlés d'un large trait charbonneux de crayon gras pour souligner ce regard de rapace captateur et scrutateur. Le masque s'arrête au-dessus d'une large bouche rouge-sang laissant apparaître des dents d'une blancheur éclatante de jeune loup. Le sourire se voudrait charmeur, mais... À travers le velours de ses propos d'une extrême politesse mielleuse transparaissent de jolis pics sarcastiques. D'une nature volubile, il mène habilement son monologue d'un ton hautain et narquois. Les commissures de ses lèvres se plissent pour laissant s'installer un sourire dédaigneux où chacun est en mesure de comprendre qu'aucun sentiment bienveillant n'aura sa place ! Pour la Reine : ce sera les rides noires d'expressions accentuant la courbure d'une bouche finement maquillée de rouge qui seront soulignées. J'ai senti une femme dans la souffrance psychique. Le restant du visage masqué par un loup voile quelque peu ce regard qui se dérobe comme derrière un rideau de larmes intérieures, dans ce visage rigidifié fardé à l'excès de blanc.
Le maquillage renforce et personnalise les expressions et les sentiments que l'acteur est sensé exprimer.
Pour le Roi : Le masque met en évidence une bouche maquillée de noire encadrée d'une moustache à la Salvador Dali et d'une perruque digne du roi Louis XIV... Ce n'est que pour mieux accentuer ce personnage original partagé entre la rigidité protocolaire et ce côté bon vivant et populaire. Il apparaît à travers ses nombreuses petites quintes de rire et ses plaisanteries graveleuses quand il parle du "beau sexe" : les femmes.
Les courtisanes fort dénudées, portent perruques talquées à outrance, maquillage blanc de rigueur et yeux fardés à l'excès sous un petit loup. Elles se pâment, pausent et font des mimiques de félines énamourées. Entre deux sourires évocateurs, de leurs bouches rouges entrouvertes en permanence, sort un flot ininterrompu de paroles. Elles évoluent en permanence dans l'espace qui leur est réservé autour du jeune prince convoité. Mais c'est sous son masque, que ce jeune courtisan au regard noir de jais souligné d'eyeliner m'a le plus inquiétée et mise mal à l'aise... je pressentais un personnage intriguant.
Le coté trop clean du majordome sur son trente et un dans son costume trois-pièces ne m'a pas marqué outre mesure ! Son masque blanc ne révélait que mieux l'enfermement de son personnage derrière la rigidité obséquieuse du protocole. Mais de tous, le personnage marquant c'est évidemment Yvonne : énigmatique et fantomatique. Personnage inexistant et pourtant si présent au point de bouleverser la vie de chacun.
Elle m'est apparue tout de blancs lambeaux vêtue... si triste, si tragique, si fragile aussi... Son attitude prostrée, son physique à la quasimodo m'a émue, interpellée. Je frémissais rien qu'à l'idée que ce jeune prince se réjouissait de la réduire à néant. Après avoir vu la pièce entière, je me suis rendue compte que je mésestimais cette jeune femme !
Après avoir discuté avec la metteur en scène, je ne comprenais pas pourquoi elle dénudait tant les courtisanes alors vêtues que de collants blancs, je visionnais sans doute les jolies robes à "grand-corps", mettant leur silhouette de l'époque à l'honneur. Mais il s'agissait de faire contraster la pudibonderie et la moralité de la reine. Donc, les courtisanes lors de la première représentation se sont vues affublées d'un tutu blanc court dévoilant la blancheur de leur silhouette dénudée pour mieux indiquer la légèreté de leurs mœurs et de leur moralité.
L'attitude et la tenue vestimentaire d 'Yvonne, son manque de gestuel et d'expression m'ont traumatisées. Ce n'était que pour mieux faire contraster deux mondes absolument opposés dans leur mode de fonctionnement, incapables de se comprendre et de s'apprécier.
Le côté "cour des miracles" m'insupportait et me gênait au plus haut point ! Je l'ai évoqué et j'ai eu la surprise de découvrir au cours de la représentation, la transformation de cette petite "Cosette" en un merveilleux papillon blanc brillant de tout ce frêle éclat éphémère d'un diamant brut trop jalousé.
 
Claudine
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Théâtre, mot magique ! Que d’images, il évoque ! Faire du théâtre, aller au théâtre, ce sera un drame ou une comédie ? A moins que ce ne soit  une tragédie-comédie ! Théâtre,  spectacle grandiose avec ses costumes, ses décors, son ambiance plus ou moins feutrée, sa part de mystère.
Faire du théâtre ! … C’est d’abord jouer un rôle. Sortir du quotidien, se faufiler avec plaisir, dans la peau d’un autre personnage souvent si différent de soi-même ; mais c’est vrai, faut-il encore apprendre ce rôle, sans changer une virgule ni même un point ! Mettre le ton, en un mot : vivre son personnage ; pour soi, non! pour les autres ! Pas de théâtre sans spectateurs. Mais alors, attention au trac !
Dès le collège, dans notre petite ville de province, nous faisions du théâtre. Monter sur la scène de «l’amphithéâtre», c’était un honneur mais aussi une responsabilité. Ne décevoir ni le professeur, ni les parents… Et surtout ne pas craquer, ne pas devenir la risée des autres élèves ! Toutes ne se risquaient pas car, gare à la chute ! Combien de répétitions avant le grand jour : du sérieux, des fou-rires, des disputes, des reprises et du travail, beaucoup de travail pour que les spectateurs soient heureux. Il fallait aussi essayer les costumes et là aussi, que de rires ! Et que d’énervements ! Une couture qui craque, un ourlet qui se défait…
Une année, la pièce se déroulait vers 1900. Revêtir une robe ample, serrée à la taille par une longue ceinture large, au corsage ajusté orné de dentelles et, en superposition, une jupe aux couleurs chatoyantes et au tissu vaporeux, ce ne fut pas une mince affaire ! De plus, porter perruque pour les cheveux courts ou somptueux chignon pour soutenir les énormes chapeaux décorés de rubans et de plumes d’autruche demanda beaucoup d’habilité et de patience ! Marcher d’un air naturel, avec élégance, fut tout un art ! De surcroit, une très longue traîne complétait l’habillement des deux principales protagonistes. Que de concentration pour ne pas les piétiner ou les accrocher! Que de préparatifs avant le grand jour ! Nous nous prenions pour de grands artistes ! Nous y voilà ! La salle est pleine. Tous les parents sont présents et nous, dans les coulisses, attendons les trois coups qui ouvriront le rideau. La pièce va commencer ! L’une d’entre nous l’annonce : Pauline…  ! Euh ! Je ne me souviens plus du titre de la pièce ni même de l’auteur, illustre inconnu. Le public nous était conquis d’avance. Ce fut un beau succès ! 
Mais un jour, mes parents me dire : «nous t’emmenons à Paris et nous irons au théâtre ! ». Ce ne fut pas à la Comédie-Française ni à l’Opéra-comique  mais  au Théâtre Récamier. Situé dans une impasse bordée de plantes, c’était une ancienne salle de spectacle transformée en théâtre par la compagnie Renaud-Barrault. Il n’était pas imposant mais sa façade de pierre blanche avait fière allure. Pour la circonstance, nous nous étions mis sur notre «trente et un». Nous allions voir «Harold et Maude» de Colin Higgins ! La mise en scène de cette pièce était de Jean-Louis Barrault. Après la lumière de la rue, le hall paraissait un peu sombre. Je me souviens de l’atmosphère ouatée qui nous entoura dès notre entrée et des lustres qui brillaient dans la pénombre. Nous montâmes un escalier large, majestueux et bientôt, nous nous assîmes dans notre loge. Un grand rideau rouge fermait la scène mais très vite, le spectacle commença. Olivier Rivière, jeune acteur, interprétait le rôle d’Harold, et Madeleine Renaud, celui de Maude. Cette pièce à l’humour un peu noir, est très drôle à ses débuts car elle est très décalée dans le temps. Harold, jeune oisif, ne pense qu’à visiter les cimetières ou à se suicider de façon grotesque. Il cherche surtout à surprendre son entourage. Son jeu et ses mimiques me faisaient rire. Mais quand apparut Maude, d’abord cocasse et virevoltante, puis philosophe et sérieuse, je fus subjuguée par sa maitrise et son interprétation. Peu à peu la scène s’assombrit et Maude finit par se suicider. Dans la pénombre, au centre, seule, ne reste plus qu’à ras du plancher, la tête de Maude, qui disparait au moment même où les quelques lumières qui brillaient dans la semi-obscurité, s’éteignent et que crépitent les applaudissements des spectateurs. Je restais quelques instants, interloquée. Devant tant de talent, je compris ce que représentait le travail d’interprète d’une véritable comédienne au théâtre.
 
Marie-Thérèse
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Dans ma jeunesse, c’était l’immédiat après- guerre, nous avions besoin de joie, de fantaisie pour oublier les jours sombres. Les opérettes étaient là pour nous y aider. Jouées dans de beaux théâtres aux salles richement décorées : Gaité lyrique, Mogador ou Le Châtelet. C’était Luis Mariano, Georges Guétary, Rudy, Hirigoyen pour la beauté des voix ; Maurice Baquet, Lily Fayole, Bourvil ou Annie Cordy pour l’amusement, que nous venions applaudir. Et les airs les plus connus de La belle de Cadix, du Pays du sourire, de L’auberge du cheval blanc nous trottaient dans la tête pendant des jours et des jours.
Les comédies musicales aux thèmes plus actuels ont pris la relève, suscitant autant d’engouement car le besoin de rêver est toujours aussi intense.
Autrefois, avant le début du spectacle, nous attendions les trois coups frappés par le brigadier pour que le silence se fasse, que les lumières s’éteignent et que le rideau se lève. Maintenant, quelqu’un vient demander d’éteindre les portables et bien souvent, il n’y a plus de rideau.
De petites pièces faisant davantage appel à la réflexion sont données dans des théâtres plus modestes, au décor parfois minimaliste suggérant un lieu ou une époque.
Sérieux, truculents et parfois très drôles, les acteurs sont plus proches des spectateurs favorisant ainsi la transmission des émotions. Lorsque l’acteur sent que la salle est prête à adhérer au spectacle, son jeu est meilleur.
Je me souviens de la pièce Harold et Maud dans laquelle un adolescent suicidaire est amené peu ou peu à prendre goût à l’existence, à trouver en sachant regarder les choses de l’intérêt à la vie. Madeleine Renaud, déjà âgée, jouait avec tant de pétillance une grand-mère amoureuse de la vie, grimpant dans un arbre et faisant le poirier sur scène, que nous étions fascinés autant que le jeune homme, et qu’elle recueillit une immense ovation.
Dans un autre genre, je me souviens Des peines de cœur d’une chatte anglaise. Tous les acteurs portaient des masques de chats et jouaient des sentiments humains de jalousie, d’amour, de vitalité avec des attitudes félines. Un vrai régal !
Enfin assez récemment, j’ai adoré cette pièce Mozart, père et fils, dans ce petit théâtre de la Cartoucherie à Vincennes. Un endroit spécial où l’on peut se restaurer en attendant l’ouverture de la salle. Pour tout décor, un fauteuil, une malle avec quelques vêtements, et un mannequin sur lequel repose un somptueux manteau rouge à la mode du XVIIIe. Dans le fond, un piano. La pièce se joue à trois. Léopold Mozart, le père, c’est Jean-Claude Drouot, Wolfgang, c’est Renaud Drouot, et un pianiste. Le père lit la correspondance entre Mozart père et fils pendant que le fils qui possède une belle voix de baryton ponctue le récit d’airs du compositeur, accompagné par le pianiste. Le jeune Mozart, vêtu de façon moderne revêt peu à peu les beaux habits de la cour avec perruque poudrée. Cet étonnant spectacle m’a apporté beaucoup de bonheur
En revanche, je trouve qu’Oncle Vania ou Le couronnement de Poppée transposés à l’époque moderne avec des accessoires tels que le téléphone portable ou une moto sont choquants et ne restituent pas l’atmosphère qui sied à ces textes.
 
Colette
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