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Doux visage
d'une madone aux cheveux angevins,
De ce roux
vénitien qu'adoraient les peintres italiens,
Et que
l'époque vénérait dans les toiles de maîtres.
Yeux clos,
semblant tournés vers l'intérieur,
Reflet du
repos de l'âme et de la sérénité parfaite,
Immobile et
insouciante des perturbations extérieures,
La madone
endormie règne sur son univers comme une statuette.
Épanouissement
mystique, si calme dans ce bleu azuré.
Son corps
repose dans ce sable d'une blondeur dorée,
Seuls ses
lèvres minces et son nez aquilin déposent
Un léger
souffle dans cette gorge aux rives bien délimitées.
Et un rayon
de soleil se dépose dans l'or de cette immensité sablée.
Lointaine
apparition aux contours si bien dessinés,
Me montre le chemin d'un sommeil bien mérité.
Claudine
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Une toile ! Un dessin en noir
et blanc! Un enfant, une cloche ! Quel est cet enfant qui tire sur la
cloche ? Sur la grosse cloche de l’école blottie sous l’auvent où les
hirondelles viennent faire leur nid et les araignées tisser leurs toiles ou sur
celle de l’église qui depuis des lustres est accrochée à une grosse poutre poussiéreuse ?
Pour cet enfant dont les yeux
écarquillés reflètent l’angoisse, la cloche est le signal d’une nouvelle torture.
C’est le rappel de tant de mauvais moments à passer pour celui qui ne peut
apprendre. Des instants volées à son bonheur de flâner dans la nature, de
courir à travers champs, de parcourir vignes et bois, d’écouter le chant des
oiseaux et de découvrir les herbes folles, le long du ruisseau. Ici, point de
couleur ! La cloche résonne dans sa tête comme un gros bourdon qui frappe
et refrappe sans cesse. Elle rythme les heures. Elle grave dans sa mémoire les
tristes épisodes de la vie qui s’écoule à l’ombre des murs gris loin de la lumière.
L’enfant regarde la cloche qui comme un chapeau, pourrait le coiffer de tout
son poids. S’il se détache, son battant
rond, lourd, presque aussi gros que sa propre tête, peut l’écraser. La cloche
sonne ! C’est lui qui la tire et la fait tinter. Il ne peut échapper à son
destin, celui d’un pauvre petit écolier qui s’évertue sans succès, sous la
risée de ses camarades, ou celui d’un homme qui peine, incompris dans sa
solitude. Comme il serait bon de s’évader de la grisaille du quotidien !
De créer des rêves, de bâtir son propre monde, de fuir !... et s’en aller
pour l’éternité car c’est d’elle dont parle l’artiste. Ce visage enfantin est
un masque posé sur un squelette à peine esquissé mais bien présent ! Il
cache la laideur de celle que certains appellent « la faucheuse » et
d’autres « la chevelue ». Ici, la mort n’est pas hideuse, elle est
simplement là, comme l’aboutissement du temps qui s’écoule. Et la cloche, comme
un symbole, porte sur elle la lumière de la vie qui se retire pour faire place
à l’obscurité. Ce contraste sur fond noir prend vie et donne le sentiment de
quelque chose d’inéluctable mais pas de panique, seulement une fatalité !
Marie-Thérèse
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Je suis accablé d’un monotone cauchemar
récurrent dont je perçois au réveil les grandes lignes : je me trouve
démuni, à l’étranger, en perdition dans une grande ville, au sein d’une foule
anonyme de piétons qui passent leur chemin, indifférents à mon désarroi et avec
lesquels je ne peux communiquer.
Je n’ai aucune peine à discerner le lien
entre ce cauchemar et un vécu objectif qui m’a été, sur le moment, fort
perturbant, mais qui lui s’est promptement et favorablement résolu. Il faut
croire, à cet égard, que le dicton « tout est bien qui finit bien »
ne s’applique guère au psychisme ou au subconscient. Cette digression faite,
revenons à mon vécu auquel j’attribue, sous toutes réserves, l’origine de mon
cauchemar. En voici la narration :
Dans le cadre de mes activités
professionnelles, je dois me rendre à Munich où m’est réservée, au sortir de la
gare, une voiture de location. J’ai sur moi un plan de la ville sur lequel j’ai
préalablement circonscrit mes parcours : hôtel, rendez-vous de travail,
loisirs, tourisme…
Tout se passe sans la moindre anicroche
jusqu’au terme de mon séjour quand, après une dernière visite, je dois me
rendre à la gare pour y restituer la voiture et prendre mon train de retour.
Me heurtant à une pénurie de
signalisation, à des sens interdits, à des rues barrées par des chantiers, je
me perds dans le dédale urbain. L’heure tourne et mon inquiétude grandit.
Garant ma voiture par-ci par-là et faisant appel à mes maigres connaissances de
l’allemand, j’interpelle des passants mais comprend mal leurs réponses, en
patois – à ce qu’il me semble – et avec l’accent bavarois !
L’idée –qui s’avère salvatrice – alors me
vient, étant arrêté à un feu rouge, d’interroger le conducteur de la voiture
qui me précède. Celui-ci me fait signe de le suivre et me guide jusqu’à la
gare. Ouf !!! Par la pensée, j’adresse à mon sauveur un sonore «Danke
schon »
Il n’empêche, comme je le dis plus haut,
que l’angoisse que j’ai préalablement éprouvée durant de longues minutes et qui
vient d’être dissipée, me rattrapera ultérieurement dans mon sommeil.
Emmanuel
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La nuit
les rêves sont si brefs que, bien souvent, on ne s’en souvient pas mais on peut
se les fabriquer, et là tout est permis. Mon rêve ? J’aurais aimé savoir
dessiner, tout simplement.
Quelles
œuvres admirables que celles d’Odilon Redon, ce peintre qui semble transposer
ses rêves et ses visions sur la toile ! Rêve-t-on en couleurs ? Après
ses peintures en noir et blanc, il nous
fait découvrir des œuvres pleines de couleurs. Fondu de verts sombres, turquoise,
rouge-orange, roses, fleurs, visages, avec une touche si légère que cela permet
à notre imagination de voir plus loin, comme cette jolie femme qui semble
surgir d’une mer bleue tendre.
J’aimerais
moi aussi, mais cela reste un rêve, peindre. Peut-être une petite violette et
sa feuille toute ronde…
Je ne
peux m’empêcher d’évoquer le souvenir de ce maître japonais qui, d’un seul
trait trace des tiges de bambou et avec simplement du noir et du vert crée tout
un paysage, une forêt traversée par un ruisseau et qui s’y reflète avec, au
loin, le Mont Fuji. Quel talent ! et combien d’heures de travail et de
persévérance.
Monique
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Un craquement
sinistre, le sentiment de n'être plus seule dans ce jardin, puis le sol s'ouvre
sur ma droite et une fissure étroite semblable à un long serpent argenté
légèrement ondulant se crée un espace tant bien que mal dans cette terre encore
gelée d'un weekend de Pâque aux tisons. Puis, contournant la cabane de taule
rouillée, elle finit par s'échouer là, tout près des hibiscus bourgeonnant. Je
reste là, tétanisée. Deux yeux grands ouverts apparaissent
flous sous les remous de l'eau verglacée emplissant la crevasse. Puis
le calme revenu, je cerne avec plus de précision les formes angulaires de ce
visage d'une blancheur cadavérique. Ses pupilles se tournent vers moi. Elles
semblent m'interroger, me demander de l'aide. Un grand froid m'envahit soudain.
Je reste paralysée, impossible d'aller vers cette silhouette se
dessinant sous l'eau. J'aurais envie de libérer ce jeune homme de son
carcan glacé, mais j'ai si peur qu'il m'entraîne vers lui, dans son univers
inconnu, vers ce monde qui me fait si peur, peut-être sa dernière demeure ? Je
me sens lâche, vile et inutile. Je m'en veux de ne pas pouvoir lui porter
secours. Je m'attends néanmoins à ce que l'homme de glace vienne vers moi me
prendre la main et m'emmène avec lui, là-bas, si loin. J'ai froid, je ne pense
qu'à moi. J'ai si froid et je me réveille complètement transie de la tête aux
pieds.
Claudine
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Je regardais au fond de l'étang chimérique l'eau
trouble dans laquelle je croyais voir surgir d'énormes monstres pareils à des
serpents gigantesques se dressant vers moi tous crochets dehors pour me mordre,
puis m'emporter loin des vivants dans un abîme sans
espoir de retour.
Le jour se levait lorsque je vis cette femme
endormie, émergeant de ces eaux devenues claires, dans lesquelles se mirait un ciel
d'azur. Je lui tendis ma main. Elle ouvrit les yeux en souriant et me suivit.
Je l'installai dans ma maison. C'est ainsi qu'elle devint ma muse pour
la vie. Elle ensoleilla ma vie me faisant découvrir les merveilles que nous offre la
nature. Dans le jardin où elle aimait s’asseoir je peignais des fleurs : les
lilas de ses yeux, les coquelicots de ses lèvres, les lys de la blancheur de sa
peau délicate, les roses pivoines semblables à
ses joues lorsque je lui adressais un compliment. Elle représentait
toutes les fleurs à elle seule, par sa garde-robe composée de vives couleurs gaies et
attrayantes. Elle m’accompagna tout au long de ma vie, tuant mes vieux démons
en faisant renaître le romantique poète qui dormait au fond
de moi. Sois bénie ma douce mie pour cet amour qui a embelli le reste de ma
vie.
Mireille
A quoi
penses-tu jolie brunette à la robe de jade ?
Entourée
comme tu es de toutes ces belles fleurs de base...
Où dahlias, hortensias,
marguerites, renoncules et bleuets
S'enchevêtrent
et t'entourent dans un tableau inanimé,
Merveilleux
spectacle ne captant pas ton regard.
Qu'est-ce qui
te chagrines et t'importunes sans égard ?
Au point de
t'indisposer et de ne plus donner d'attrait
À ton
environnement proche et au peintre qui dessine tes traits.
Claudine
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Bleu comme le
bleu indigo de ce bateau filant sous un ciel bleu empourpré de ce rose flamant
du soleil couchant. Embarquement frêle sur lequel deux personnages dans
leurs aubes respectives se tiennent serrés l'un contre l'autre : le brun
du drapé de l'un rejoint le jaune moutardé de l'autre. Ils voguent dans
une eau verte chargée de cette mousse verdâtre indiquant
la progression de la barque, dans une direction que seules les voiles
gonflées de vent, et le gouvernail que tient l'homme assis devant semblent
connaître.
Claudine
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C’est une de ces nuits froides où blottit
sur le canapé, je sommeille bien au chaud sous mes couvertures. Sans bien m’en
rendre compte, je m’endors. Je me retrouve dans une large allée qui, d’un côté,
laisse voir la campagne à perte de vue. Pas un passant, pas une seule âme
vivante. De l’autre côté, c’est un long mur de pierres qui la borde. Relativement
haut, il y pousse çà et là quelques
herbes folles. Un grand silence règne. Tout en marchant lentement, je respire
cet air léger et je me sens heureuse. Tout est calme et tranquille. Je regarde le
ciel, qui, telle une porcelaine de chine, se colore d’un bleu clair, limpide, émaillé de quelques zébrures blanches. Soudain,
entre deux petits nuages blancs, je vois comme une apparition. Deux têtes
diaphanes se dessinent peu à peu. Elles grandissent, grandissent et semblent
s’approcher. Très intriguée, je continue à m’avancer dans leur direction. Tout à coup, comme par magie, elles prennent
corps et les voilà à terre devant moi. Qui sont-elles ? Elles me font
signe de la main. Je les connais donc ! Elles semblent me parler, leurs
lèvres bougent mais aucun son ne sort ne leur bouche. Je n’entends rien. Je ne
comprends rien ! Que veulent-elles me dire ? Tiens, elles se sont
évanouies dans l’atmosphère. Etrange ! Le mur aussi a disparu. Le paysage
change ! Me voilà au milieu d’un parc planté de grands arbres. Où suis-
je ? Je n’en ai aucune idée. Je me retrouve perdue et pourtant ce lieu ne
me parait pas inconnu ! Je sens comme une présence à mes côtés et attirée
par quelqu’un ou quelque chose d’invisible. Je foule l’herbe et j’ai
l’impression de ne pas toucher le sol. Brusquement, une cloche retentit au loin
et déclenche un grand fracas. Le vent se met à souffler, à hurler. Je cours, je
cours aussi vite que mes jambes peuvent me porter. Dans quelle direction ?
Celle où le vent me pousse. Je ne peux résister à sa force brutale. Un portail
de bois vermoulu surgit de nulle part. Je m’y engouffre. Derrière un long
escalier en colimaçon monte dans le vide. Je grimpe quelques marches et là, sur
le côté, une vieille armoire brinquebalante ouvre sa porte grinçante. Je suis paniquée. Je m’y réfugie. Aussitôt,
comme par miracle, mes craintes s’envolent. Subitement, tout prend feu
autour de moi! Et pourtant, je me sens bien, comme protégée, à l’étroit dans
cette penderie. Je regarde les branches se tordre dans les flammes. L’escalier
se consume à mes pieds. J’ai chaud ! Très chaud. Un instant encore ; Hélène
me secoue ! « Réveille-toi, n’entends tu pas au-dehors, la tempête
qui fait rage ?»
Marie-Thérèse
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Globe
oculaire
Menant une
montgolfière...
Ce n'est pas
une mince affaire !
L'iris tourné
vers la stratosphère,
De tes cils
fins, tu dissipes les poussières.
Que vois-tu,
dans ce ciel chargé de lourds cumulus blancs ?
Que
pourrais-tu m'apprendre, œil sorti de ce tableau surprenant ?
Qui tracte de
sa nacelle en forme de couvre-chef, de tortue ou d'escargot,
Des passagers
ou peut-être personne dans un voyage au long cours dans ce chapeau,
Surplombant des mers
noirâtres aux berges de sables granuleux et de plantes de pays chauds.
Tu sonnes, tu
sonnes carillonneur, le carillon à toute volée. Les nouvelles cloches de Notre
Dame sont arrivées ! Rutilantes, nettoyées de leurs impuretés, de ces vieilles
toiles d'araignées datant de Mathusalem ! Elles se seraient perdues entre Rome
et Paris, un week-end Saint emprisonnées dans je ne sais quel donjon d'une tour
médiévale que Quasimodo défendrait encore avec hargne depuis près de 750
ans de règne sans partage pour défendre son patrimoine, son ultime trésor. Tu
sonnes carillonneur et tu nous donnes le plus beau des concerts que nous
ayons encore jamais entendu à ce jour où chants liturgiques et religieux se
mêlent harmonieusement. Je te vois te pendre le long d'une corde, le vide sous
tes pieds, puis en parfait acrobate, attraper d'une autre main la corde
voisine, prêt à effectuer un pied de nez à dame apesanteur. Tu cabrioles
Quasimodo, fier de ton rôle de sonneur de cloches. Que tes grands
yeux ouverts te mènent toujours vers ta destinée.
Claudine
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