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« Bonjour
Jacqueline ! » Elle lève aussitôt la tête, plante son beau regard
bleu sur moi et, ayant reconnu sa voisine, se détourne momentanément de son
occupation favorite : soigner le petit jardin qui jouxte sa maison.
-
Ca
pousse ?
-
- Oui,
c’est reparti ! Elle profite de cette mini-pause pour respirer et admirer
l’ensemble du jardin qui se réveille… Les tulipes ont déjà soif !
Elle a repris
son arrosage méticuleux, bien au pied de la tulipe, surtout pas sur les
corolles éclatantes. Chuintement de l’eau pénétrant dans la terre… C’est bien
Jacqueline, elle n’a plus vingt ans, ni trente, ni quarante, mais elle a gardé
son côté net, dynamique, pimpant sans ostentation, à la fois simple et solide,
toujours ouvert aux autres, à la vie. Retraitée depuis peu, elle est encore une
femme jeune qui porte bermuda noir et pull-over blanc avec des cheveux bouclés
relevés en une queue de cheval par une poétique… marguerite.
Il y a du
soleil dans ce petit jardin, des couleurs tendres, des verts que réveillent les
jacinthes et les tulipes multicolores… C’est un peu le jardin de la rue Plumet,
mais en plus rustique et maîtrisé. Jardin de curé ? ou d’école ? On
ne sait. Jardin de banlieue comme la clôture de l’arrière-plan le laisse à
penser.
Jacqueline
est encore active, mais en plus détendue. Elle a l’air d’être bien, nichée dans
ce trou de verdure, bichonnant ses plantes tout en offrant son dos aux premiers
rayons du soleil. Elle peut ne penser à rien ou se remplir du jardin… rêver
aussi, et même philosopher sur le passé et l’avenir, celui de ses proches…
C’est selon. Un air de fête paisible flotte sur le jardin avec le retour du
printemps.
Que
faisait-elle avant d’être retraitée ? Infirmière ?
Puéricultrice ? Ouvrière ? Commerçante ? Syndicaliste ?
Enseignante ? Doctoresse ? Elle devait aimer les contacts. Avait-elle
le temps et le loisir de jardiner ? Peut-être pas dans u jardin mais sur
un balcon de son appartement.
Je
continue à l’observer. Sa paix est contagieuse. Jacqueline a repris ses
arrosages. C’est qu’il y a encore du travail avant les vacances de
Pâques ! Tailler, désherber, bêcher, semer. Elle compte bien offrir son
jardin à ses petits-enfants à cette occasion ; elle l’imagine alors plein
de rires et de jeux : chasse aux œufs, balançoires, nichoirs, le carré
secret réservé aux plantations des enfants… et Boby qui va sauter
partout ! Lui aussi sera heureux. Donc,
soigner le jardin sans imposer trop de contraintes aux visiteurs. Bref un
coin de vie et de liberté, de repos aussi dont elle a souvent rêvé… avant.
« À
bientôt Jacqueline, bonne continuation. » Je m’éloigne rassurée, ma
voisine va bien car elle continue à faire le bien autour d’elle. La preuve ?
je me sens toute ragaillardie à présent. Merci Jacqueline !
Françoise
Que tu es
coquette, toi la dame aux cheveux de neige. Tu as souligné ton regard d'un
trait d'eye-liner et tes lèvres de ce rouge carminé que l'on retrouve dans les
tulipes que tu aimes tant cultiver. Alors, surprise que je te prenne en photo ?
Tu n'as pas l'air d'apprécier ? Tu me
regardes d'une façon singulière, comme si je tentais de rentrer dans ton jardin
particulier ?! Mais je ne voudrais pas faire ma curieuse ou encore moins mon
indélicate. Sais-tu que je te trouve fort coquette avec ce pull-over blanc. Ce
grand décolleté bordé de deux pans en V garni de breloques et d'une broche
assortie à la couleur de tes yeux te va comme un gant ! Peut-être de
ton arrosoir, réservé pour ton joli jardin printanier, voudrais-tu m'arroser
?
Claudine
Cette
photo dénote une certaine incongruité : on y voit une dame en train de
jardiner, un arrosoir à la main. Or, le cadre végétal qui l’entoure n’a rien
d’un jardin : ce ne sont que des herbes folles et des broussailles.
Peut-être
est-ce qu’on le lui fait remarquer, ce qui expliquerait le regard de dépit
qu’elle lance photographe.
Emmanuel
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Ce pêcheur raccommodant ses filets m’a tout de suite interpelée. Il évoque
la mer et ses plages, la mer et ses bateaux ! Et les longs voyages pour
ramener le gros poisson.
Bien que n’étant ni de pied ni de face mais seulement de buste et de
profil, il est l’image même de la concentration. Les muscles de ses joues
saillent et son regard que l’on devine sous la paupière, fixe intensément les
mailles auxquelles s’accrochent avec délicatesse, ses doigts rugueux. Vêtu de
sa vareuse laineuse et coiffé de son inséparable casquette, le marin est à la
tâche. Il s’affaire, le départ est proche ! Aucun accroc dans la senne ne
doit être
ignoré. La mer est sa vie et la
pêche son gagne-pain. Une maille mal serrée et tous les espoirs s’envolent. Le poisson
retombe à la mer : Temps gaspillé, peine perdue et revenu disparu. Ses
filets épais, tressés de fines cordelettes entremêlées doivent supporter un
lourd chargement à la remontée. Pas d’effilochage qui mettent en péril la
cargaison ! Le marin est là, l’œil aux aguets, guettant la moindre usure
pour, immédiatement, la réparer, comme il le fera plus tard, pour les lourds cordages qui pendent à ses
côtés ! Sans eux, il ne pourrait s’amarrer au quai et retrouver la terre
ferme, pour quelques jours ou quelques heures.
Est-il un patron pêcheur cabotant le long de la côte pour capturer de
petits poissons? La sardine ou l’anchois s’enfuiraient bien vite à travers ces
grosses mailles ! Patron pêcheur peut-être mais les filets maillants
dénoncent une pêche au gros.
D’où est-il ce marin ? Provençal ou languedocien, est-ce un thonier
avec sa madrague ? Je ne le crois pas! Sa mine burinée mais claire évoque
plutôt l’Atlantique. Un charentais qui prend le poisson au carrelet ou un breton partant pour la pêche à plusieurs
miles des côtes, la morue
peut-être ! Mais n’est-ce pas plutôt un gars du Nord capturant le
hareng car ses filets me rappellent ceux que, si souvent, j’ai vu sécher le
long des murs au quartier Saint-Pierre à Boulogne sur Mer ?
À quoi pense-t-il en s’activant sur le chalut ? Au tonnage qu’il
obtiendra bientôt ou aux difficultés de la mer en furie qui rendra la pêche si
difficile ? À tous ceux qui vivent
des produits de la mer et à tous ceux qui sont partis et qui ne sont pas
revenus ? Peut-être même jettera-t-il un regard furtif sur la falaise que
surplombe le calvaire des marins où chaque ex-voto symbolise un bateau perdu en
mer ? Ou bien demandera –t-il la protection de la Vierge arrivée sur une
barque, reposant aujourd’hui sous le dôme de la Cathédrale qui se repère de si
loin en mer ?
Est-il toujours resté dans ce coin du monde ou au contraire a-t-il
bourlingué à travers les océans. Se rappelle –t-il ces gestes si semblables
parfois et si différents d’autres fois, que les pêcheurs effectuent sous des cieux divers. Si rude est le métier
des pêcheurs ! Et par-delà les mers, ils se ressemblent. Souvent très
jeunes, ils y entrent, y prennent goût
et aiment cette vie malgré les risques et les dangers. Comme le chantait
Renaud : «C'est pas l'homme qui prend la mer, C'est la mer qui prend l'homme Dès que
le vent soufflera Je repartira » Et ainsi quand la marée monte, les
bateaux de pêcheurs s’éloignent de la côte, emportant les hommes vers leur dur
labeur.
Combien
d’artistes ont-ils été inspirés par cette scène de départ mais aussi par les pêcheurs réparant leurs filets sur la
grève ou le sable ou même dans leur bateau !
Marie-Thérèse
Qui veut mes mains ?
Pour manier des outils, construire des
machinés.
Qui veut mes mains ?
Robustes, blanches et habiles, un bon
placement en somme !
Qui veut mes mains ?
Qui veut mes mains, mon esprit,
Pour dompter la matière,
Calculer les normes ?
Qui veut mes mains, mon esprit,
Ceux d’un homme qui veut vivre et grandir ?
Qui veut mes mains, mon esprit ?
Qui veut mes mains, mon intelligence ?
Quoi ? Vous dites non ?!
Mais alors vous voulez qu’au coin des rues, misérables, honteuses
Mes mains se tendent pour recevoir de quoi nourrir le corps !
Vous voulez que dans les brousses, les marécages
Mes mains crispées et sauvages
Tiennent un fusil pour faire disparaître l’humain de l’esprit
Et disparaître avec…
Voulez-vous aussi mon âme ?
Que je ne sois plus moi !
Seulement un matricule, un robot ;
Que je sois à vos pieds,
Suppliant, pleurant qu’on me donne un travail
A n’importe quel prix, à n’importe quelles conditions.
Ecrasé, bafoué, meurtri,
De l’homme ne gardant que la forme !
Voulez-vous enfin que je rende l’âme ?
Christiane
Cette
photo est celle d’un pêcheur en train de réparer les mailles d’un chalut.
L’expression sévère de son profil dénote une vive inquiétude, peut-être due
tout bonnement à l’avarie du filet et à la difficulté technique de la
manipulation. Mais ne peut-on y déceler une portée plus large propre à la
profession et à son avenir ?
En effet,
le chalutage devient de moins en moins rentable, vue la raréfaction des bancs
de poissons dans les sites de pêche aux eaux naguère poissonneuses.
Au
surplus, l’opération elle-même de chalutage qui consiste à racler les fonds
marins est en bute à de vives critiques de nature écologique. En effet, elle
perturbe de façon irréversible la faune et la flore vivant sur ces fonds et constituent
des maillons essentiels de la chaîne alimentaire dans les océans.
Emmanuel
Ta
casquette ne me trompe pas : toi le marin-pêcheur qui répare tes filets. Tu me
rappelle ces pêcheurs sur une belle plage entre Porto et Lisbonne : Nazaré,
situé près de la grotte de Fatima...Des homme burinés comme toi, à la
peau tannée par les embruns et les vents du large, réparaient, ravaudaient
leurs filets. Assis en tailleur, les mailles en corde sur leurs genoux, ils
vérifiaient chaque centimètre de leur gagne-pain ! Oublier de vérifier ne
serait-ce qu'une infime partie de leur outil de travail équivaudrait à
perdre une partie de leur pêche miraculeuse. Ils s'en vont loin des côtes
chercher la sardine, le thon, la morue ou le maquereau. Dans ces mers
où foisonnent et frétillent les bancs multicolores la concurrence est dure et parfois
déloyale. Tes cheveux grisonnants, poivre
et sel, et ce regard perçant absorbé par l'ouvrage, en disent long sur ton
caractère. Alors pêcheur breton ? Irlandais ou Islandais ? Tous des caractères
bien trempés, aux yeux tournés vers la mer.
Claudine
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Tu es absorbé
dans la lecture de cette partition dont tu déchiffres avec délectation les
moindres soupirs, croches et anicroches. Tu lis entre les lignes et ton esprit
s'égare déjà fort loin, ton archet en main. Tu marmonnes et tes lèvres
s'entrouvrent, se rapprochent, s'étirent et se déforment comme pour ponctuer un
accord, accentuer un fortissimo ou susurrer un pianissimo. Tout en douceur,
tout en rondeur comme les rondes et les quarts de croches piquées et pincées
partant en crescendo sur les cordes de ton alto. Tu te rends à une
répétition et tu retrouveras bientôt l'orchestre symphonique de Vienne, puis tu
te rendras à Londres, peut-être à Birmingham, et enfin à New-York ! Tu aimes
prendre les transports en commun car tu en ressens les vibrations. Tu aimes le
rythme et ce brouhaha tourmenté, sombre et profond que la rame de métro
transmet tout le long de son parcours sous terre. Tu aimes cet afflux de
lumière, quant au sortir d'un tunnel le métro se fait aérien. Tu vibres et
tu te laisses bercer par son train-train quotidien que tu perçois au
plus profond de ta chère : Assis sur une banquette si simple et si dure, que
ton corps en oublie la douleur infligée. Tu es alors musique, mélodies,
ballade, concertos et symphonies.
Claudine
Le
personnage central de cette photo est indubitablement un violoncelliste
voyageant assis dans un transport en commun et plongé dans la lecture d’un
livre qu’il tient à la main, tout en appliquant contre son épaule le coffret de
l’instrument de musique. Il est chaudement vêtu, ce que justifie le paysage
hivernal visible pour la fenêtre du véhicule.
Emmanuel
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Où cours-tu jolie brunette latino ? Tes
beaux cheveux lisses et bruns, ivres de liberté, habillés de mille flocons
cotonneux et légers comme des gouttes de rosée. Petits cristaux d'une fraîcheur
blanchâtre, impalpables. Ils nimbent d'un halo discret ta chevelure telle
une fée sortant d'un conte nordique que l'on visionnerait à travers une boule
de cristal. Ils voltigent en longues mèches autour de ton visage enjoué et
réjoui. Tu t'enfuis le cœur et le pied légers vers d'autres horizons. Tu
sembles sortir d'un cours de Samba. Tu cours, tu voles, tu planes : aérienne et
irréelle. D'un bond, tu franchis ce tremplin bétonné, puis tu t'apprêtes à
dévaler l'allée comme pour prendre ton envol. C'est un vrai bonheur de te
regarder t'égayer comme un petit pinson ou un gai rossignol. Tu nous transporte
loin dans une joie communicative et quelque chose de puissant dans ton
sourire éclatant me rappelle le bienfait des rayons du soleil.
Mais en cette matinée hivernale, tu es néanmoins peu vêtue... Seulement d'une veste, d'un sweater et d'un leggings moulant tes jambes musclées. Mais pourquoi laisser se balancer ainsi une paire de lunette de soleil accrochée autour de ton cou. On dirait qu'elle danse aussi la samba comme toi, fille du soleil. D'un bras orné de multiples bracelets, tu soulèves allègrement une besace pailletée. Tu es heureuse ! Tu vas retrouver ton bien aimé. Il est là ! Au bout de l'allée. Il vient à toi les bras grands ouverts et tu viens t'y blottir, toi bel oiseau du paradis.
Mais en cette matinée hivernale, tu es néanmoins peu vêtue... Seulement d'une veste, d'un sweater et d'un leggings moulant tes jambes musclées. Mais pourquoi laisser se balancer ainsi une paire de lunette de soleil accrochée autour de ton cou. On dirait qu'elle danse aussi la samba comme toi, fille du soleil. D'un bras orné de multiples bracelets, tu soulèves allègrement une besace pailletée. Tu es heureuse ! Tu vas retrouver ton bien aimé. Il est là ! Au bout de l'allée. Il vient à toi les bras grands ouverts et tu viens t'y blottir, toi bel oiseau du paradis.
Claudine
Cette
photo montre une adolescente exprimant sans conteste une grande allégresse, non
seulement par son sourire lumineux mais aussi par sa démarche qui s’apparente à
un joyeux pas de danse et qu’accompagne une gestuelle de triomphe avec poing
levé.
Peut-être
s’agit-il d’une étudiante qui décomprime après avoir appris sa réussite à une
épreuve majeure telle que le bac ou un concours d’entrée. À moins que ce ne
soit une comédienne de talent jouant un tel rôle, ce que pourrait suggérer le
décor aspergé de flocons, avec son estrade et sa balustrade étoilée.
Emmanuel
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