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Après un long séjour en province, me
voici de retour à Paris. Je descends du train et déjà tout s’agite. Les
personnes se pressent et se bousculent. Emportée par ce flot, je m’enfonce sous
terre, dans le dédale des couloirs du métro. Immédiatement, une odeur âcre me
saisit ; la gorge me pique et je me mets à tousser. L’air pur de la
campagne est loin ! C’est l’heure de pointe ! Les gens marchent vite
et au passage, me cognent ou accrochent ma valise. Je ne suis pas
particulièrement pressée cet après-midi mais le mouvement de la foule m’oblige
à me dépêcher. Fini le train-train tranquille ! Les couloirs ne sont pas là
pour flâner !
J’arrive enfin sur le quai où tous
s’entassent. Le métro entre dans la station dans un bruit de crissement peu
agréable aux oreilles. En quelques secondes, les wagons avalent les voyageurs
qui se poussent et se serrent. Je me retrouve, coincée contre la barre centrale :
un grand corps m’aplatit et m’oppresse. Je n’arrive pas à me dégager. D’un coup
sec, les portes se referment et le métro redémarre. Le quai est vide.
Debout, toujours aussi bloqués et
chahutés par le mouvement du train qui oscille de droite à gauche, les gens s’agrippent
là où ils peuvent. Ils ne risquent pas de tomber tant la foule est
compacte ! Les odeurs bonnes ou
mauvaises se mêlent : parfums trop capiteux, ou achetés à bon
marché, sueur, tabac froid ou relents d’hommes avinés... J’étouffe ! Je
voudrais pouvoir respirer un peu mieux. Il me faut attendre l’air libre de la
rue.
Le train s’arrête. Chaque fois, quelques personnes
descendent, d’autres montent mais
l’entassement ne diminue pas pour autant. Heureusement,
nous atteignons Denfert-Rochereau. Le wagon se vide en partie. Je me faufile
entre les sièges et trouve enfin où m’asseoir. Je reprends mon souffle et
regarde autour de moi. Le métro est vraiment un lieu très cosmopolite. Là, pas
très loin, une famille, cheveux blonds, yeux bleus, porte short, chemisette et
chaussures de marche. Touristes venus du Nord de l’Europe, ils viennent
découvrir Paris. Ils parlent à voix haute. Leur allure, leur accent mettent une
note de gaité dans la monotonie des voyageurs silencieux et taciturnes. Plus
loin, un groupe d’étudiants africains et asiatiques parlent à mi-voix. Adossé à
la portière, un jeune, le casque sur les oreilles et le portable à la main, se
dandine sur un rythme inaudible. Une mère de famille tente en vain de calmer
son enfant qui crie son mécontentement. Affaissé sur un strapontin, un travailleur,
au teint halé par le grand air, semble dormir. Ces bottes souillées de terre blanche me font penser à un ouvrier du bâtiment. Sa musette à l’épaule laisse dépasser le goulot d’une bouteille de vin. Devant moi, une femme encore jeune, aux cheveux frisés d’un noir de jais, repeint ses lèvres d’un rouge vif et remet de l’eye-liner sur ses cils. Vêtue d’une petite veste carmin très ceintrée et d’une jupe ample très colorée, l’image d’une gitane de carte postale, dansant le flamenco, m’effleure l’esprit mais elle est bien trop concentrée sur son maquillage. Non, ce n’est pas une gitane mais peut-être une actrice ou un personnage en représentation. Sur les sièges de l’autre côté, une étudiante studieuse se plonge dans ses cours : physique, maths, chimie ? Je n’aperçois, sur l’angle de la feuille qui se plie, que quelques signes cabalistiques. Près de la fenêtre, une femme habillée de couleurs sombres et à l’air triste, comme absente, se tient raide contre le dossier, attendant son arrêt. Devant elle, un couple d’amoureux, seuls au monde, se bécotent sans pudeur. Soudain, la rame freine d’un mouvement brusque et les voyageurs chahutés chutent les uns sur les autres. Quelques grognements d’exaspération ou quelques excuses murmurées s’échappent de leur bouche. Les portes s’ouvrent. Un violoneux brandit son instrument et se met à jouer, tout en chantant d’une voix éraillée des paroles presque incompréhensibles dans le raffut grinçant du métro qui reprend sa course sur les rails.
Enfin, j’arrive à destination et quitte,
sans regret, ce wagon à l’image du monde où tous s’y côtoient dans
l’indifférence générale. Et pourtant Monsieur Bienvenue a bien mérité de la
capitale en installant ce moyen de transport rapide !
Marie-Thérèse
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Je pourrais
écrire des dizaines de pages sur le métro parisien dans lequel j’ai voyagé
pendant plus d’un demi-siècle, mais je me contenterai d’un petit résumé.
Fin des
années 40, je me souviens de ce moyen de locomotion dont le bruit et le
ballotement me donnaient la nausée. Le temps me semblait interminable d’une
station à l’autre. Qui se souvient des publicités que l’on pouvait lire sur
plusieurs panneaux. Une m’a beaucoup marquée, elle disait : DUBO DUBON, DUBON
DUBO, DUBONNET. Et moi, du haut de mes cinq ans, je pensais à des bonnets, des
chapeaux, quoi !
Métro,
solo, lectures, ennui. Que le trajet semble long ! Au fil des jours
toutefois, des liens sympathiques se créent. On se retrouve sur le même
parcours chaque jour, le temps passe plus vite, on se sépare pour emprunter les
couloirs des différentes correspondances. Puis c’est le métro à deux, le
collègue de bureau devient l’amoureux fou et les autres, on ne les voit plus.
Les amoureux sont seuls au monde ! C’est le temps des trajets heureux.
Les
photographes avec leur Polaroïd poursuivaient les usagers du métro tout au long
des boulevards qui les conduisaient aux arrêts des autobus, en les convainquant
de leur acheter leurs clichés. Une fois, au début des années 60, j’ai craqué ne
pensant pas que ce serait le premier souvenir d’un Amour naissant qui durerait
un quart de siècle.
Je
parlerai aussi un peu des pervers qui profitent des wagons bondés pour se
permettre des gestes déplacés ou appuyer leur raideur contre des corps
innocents. Si vous contestez tout haut, le goujat crie que vous prenez vos
rêves pour la réalité ! Un grand moment de solitude puis la gifle que l’on
inflige à celui qui n’est pas coupable de vous avoir touché. Le coupable sourit
innocemment.
Puis il y
a les agressions de toutes sortes de plus en plus fréquentes. Actuellement les
violences gratuites sur des personnes âgées qui doivent être hospitalisées pour
blessures graves, des membres cassés dont elles auront du mal à se remettre, des
jeunes poignardés, ceux qui se suicident en se jetant sous la rame de métro ou
que l’on pousse, quelle tristesse que ces faits inadmissibles mais qu’il nous
faut subir.
Mais
soyons plus gais, voyons le bon côté de ce vieil ami : notre métro
parisien, le RER, arriva. Ce fut une évolution profitable.
J’aime
les musiciens qui jouent dans les couloirs parfois dans les wagons et les
chanteuses réalistes. Je trouve ces actions agréables, certains ont du talent
et ils seront reconnus un jour.
Je me
souviens aussi des petits bouquets de violettes odorantes vendus à la sortie du
métro que j’achetais pour offrir à ma Maman. Des fruits nous étaient également
proposés par des marchands à la sauvette et bien d’autres choses.
Je vais
m’arrêter sur mes petites anecdotes car je pourrais écrire un livre sur ce
sacré métro.
Bus ou
métro ?
Pouvoir
« choisir » est un privilège de l’âge. En effet, on prend
généralement le métro quand on a besoin, pour se rendre à un endroit précis à
une heure précise. C’est par excellence le moyen de transport des actifs de
tous bords : avec lui, on contourne
les embouteillages de
surface qui sont le lot des grandes agglomérations et de
leurs habitants. Mais il a son point noir : il est souterrain, comme le
déclarent franchement nos voisins anglais et allemands… à mon humble avis, car
je garde le souvenir cuisant des marches qu’il me fallait gravir malgré mon
handicap. Le bus devint alors mon sauveur !
À présent
que j’ai le temps, j’adore me déplacer en bus et en tram car la vue et l’air y
sont meilleurs ; le spectacle y est dehors avec la ville qui s’étale sous mes yeux, charmes
et désagréments compris.
Quelques
souvenirs mitigés du métro me reviennent. Ceux liés aux manifestations et au 1er
mai : tourniquets ouverts ; en 1995, après une longue grève, c’est le
premier jour de réouverture, miracle presque personne dans les couloirs, et
surtout, fraîchement nettoyés et désinfectés, un délicieux parfum nous
accueille, serait-ce le métro de demain ?
Souvenirs
d’émotions artistiques ou de loisirs : l’affichage des spectacles du
moment et surtout la musique : l’effet amplificateur de sons des couloirs,
la pause plus ou moins longue que s’accordent les voyageurs autour du musicien
qui les transporte vers d’autres rivages…
Souvenirs
moins drôles des drames de la vie, des régressions de toutes sortes maman
mendiant avec son petit, sauts de jeunes par-dessus les tourniquets pour
économiser un ticket, SDF cherchant désespérément une banquette pour se reposer
ou dormir au chaud. Une évolution ‘interpelle beaucoup : la
déshumanisation du métro. Le « poinçonneur des Lilas » c’est fini,
désertification croissante des guichets parallèlement à la multiplication des
distributeurs automatiques de billets. Dur, dur, pour les personnes âgées ou
les non-initiés. Tension palpable avec les messages déversés par haut-parleurs
du genre : Surveillez vos bagages, pickpockets parmi vous. On sent suinter
la misère et la peur dans une société qui va mal.
Enfin, au
milieu de tout cela, la vie continue… Le miracle des amoureux, seuls au monde,
heureux de se retrouver même sous terre, après une journée de séparation. Le
métro a aussi ses actifs, ses personnels, ses artistes, ses commerçants plus ou
moins installés… Il draine une masse d’utilisateurs dont les visages et les
silhouettes changent au gré des heures et des activités, aux heures de pointe,
c’est particulièrement perceptible. Sourire, dynamisme, fraîcheur des eaux de
toilette et vêtements propres du matin. Fatigue, démarche encore plus pressée,
visages et corps moins frais de la fin de journée. En soirée, d’autres plus
disponibles empruntent à leur tour le métro pour se rendre aux spectacles
parisiens. Si ce moyen de transport est lui aussi un spectacle parisien il n’en
est pas moins une fenêtre ouverte sur notre société… peut-être plus que le bus.
Françoise
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Souvenirs, souvenirs… Moyen de locomotion brinquebalant, le
métropolitain est un modèle tout à fait anodin comme les premiers tickets de
métro en carton, puis jaune pour bleuir, s’éclairer et se camoufler sous des
tags et de nouveau pâlir à force d’être lessivés et étrillés.
Le métro ne me laisse pas beaucoup de bons souvenirs. Je le
prends rarement et quand cela devient une obligation, c'est un calvaire pour
moi. Le seul point positif étant de stopper devant les rares auvents d’origine parant
et datant encore les entrées des métropolitains de la Belle Epoque. Il faut se contenter d’admirer les restes
d’enluminures chargées d’entrelacs feuillus en bronze de style rococo-baroque.
Elles égaient certaines entrées du Métropolitain. Vestiges d’une époque révolue
ou M. Eiffel construisait sa tour connue dans le monde entier. Le grand Palais,
présente des similitudes de style et dans des peintures et gravures les
représentant, on voit circuler des dames en crinoline, portant ombrelle et
gants de dentelles. Certaines devaient presque certainement descendre les
marches innombrables du métro le plus proche. Empruntaient-elles les
ascenseurs ? Toujours est-il de leurs petits escarpins à talons à légères lanières ou à lacets entrelacés sur
le devant de la cheville elles en usaient des semelles et des talons sur le
revêtement des nombreux couloirs et correspondances afin de se retrouver sur le
quai dans l’attente du métro à venir… Il s’agissait alors de s’entasser et de
se trouver une place assise dans ces wagons plombant le moral au vue de
photographies de l’époque. . Comment arrivaient-elles à surmonter les mauvaises
conditions de transport, de confort et d'hygiène. Comment pouvaient-elles
supporter ces bruits intenses et cette montée de décibels quand les métros arrivent
à quai surgissant soudainement des tunnels dans un bruit de tonnerre ?
Comment s’évacuait et se renouvelait l'air vicié ? Tout ceci ne devait pas
se faire d'un revers de main et d’une baguette magique : Le métro ne
possédant pas encore de système de ventilation aussi performant
qu'actuellement... Comment ressortaient-elles des griffes de ce monstre sacré,
hagardes, à moitié-sourde, manquant d’air et livides, le chapeau de
travers et les froufrous fripés, les cheveux ébouriffés. Un vent de
laisser-aller devait alors souffler sur les quais. Que d’yeux emprunts
d’angoisse et de stress s’accrochaient aux pans de leur robe de mousseline
dépités. Les services d’urgences n’existaient pas à l’époque, d’ailleurs en cas
de perte de connaissance, seul les sels existaient pour ces dames corsetées
jusqu'à ce que les ingénieurs remédient aux défaillances et problèmes de
ventilation. Lors de ces
premiers élans grinçants, le métro, ses vibrations et ses grondements
éperdus en sous-sol à travers ces kilomètres de galeries à pris l'eau
! En effet, suite à de fortes pluviosités, le niveau de la Seine
à considérablement monté, créant ainsi des crues et des inondations venues
envahir les galeries souterraines du métropolitain situé en dessous du niveau
du fleuve. Il était d'autant plus affligeant traverser la capitale qu'en
carrosse, bus à cheval et premières voitures pétaradantes à remonter à la
manivelle le temps perdu en huile de coude. La décrue à été longue, mais
heureusement, n'a pas endommager le travail de maçonnerie. Il a fallu remplacer
néanmoins tout le réseau électrique.
Claudine
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Métro-boulot-dodo !
Ce fut mon lot pendant quatre ans. J’habitais Bagneux et j’enseignais rue Championnet
dans le 18ème près du métro Simplon. La ligne 4, je le prenais matin
et soir dans sa presque totalité et je connais bien les stations de ce que l’on
appelait à son origine la Nord-Sud.
Le matin
vers 7 h 30, après 20 mn de bus, je m’engouffrais sous terre à la Porte d’Orléans.
Je pouvais toujours choisir une place assise comme la plupart des voyageurs qui
plongeaient aussitôt la tête dans leurs journaux : L’équipe, l’Huma ou le
Figaro.
1er
arrêt, Alésia : quelle idée d’avoir donné à une station de métro parisien
le nom d’une défaite gauloise !
2ème
arrêt, Mouton-Duvernet : que vient faire ce mouton sous les rues de Paris ?
Il ne s’agit pas en réalité d’un animal mais d’une couleur. En effet, la
station, rénovée dans les années 70, était revêtue de carrelage orange, le « rouge
mouton ».
3ème
arrêt, Denfert-Rochereau : là, c’est l’afflux de voyageurs qui montent en
se bousculant pour trouver une place assise. Au-dessus de nos têtes, trône le fameux lion de Belfort,
statue colossale de Bartholdi, et les bâtiments de l’octroi dont l’un donne
accès aux catacombes et l’autre abrite l’inspection générale des carrières de
Paris.
4ème
arrêt, Raspail : petit trafic pour faire honneur à ce chimiste également
homme politique qui prit part aux journées révolutionnaires de 1830 et 1848.
5ème
arrêt, Vavin : peu de montées et de descentes, un accordéoniste lance
quelques notes, peut-être en hommage à l’homme politique qui s’opposa au coup d’État
de napoléon III.
6ème
arrêt, Montparnasse-Bienvenüe : bousculade entre ceux qui viennent des
banlieues voisines et ceux qui veulent descendre ou changer de ligne, Bienvenüe
c’est aussi bien sûr le nom de cet ingénieur qui conçut le métro parisien.
Ensuite,
toute une liste de Saints défile :
7ème
arrêt, Saint-Placide : que vient faire ce saint sauvé des eaux par saint
Maur dans ce quartier où il n’y a ni fontaine ni lac ?
8ème
et 9ème arrêts, Saint-Sulpice et Saint-Germain-des-Prés : on
est en plein quartier latin, pour la dernière station peut-être un souvenir du
temps où à la demande de Saint-Germain alors évêque de Paris, on fit construire
cette église au milieu des près.
11ème
arrêt, Saint-Michel : nom d’un archange et pas des moindres. Son nom
signifie Lumière et il triompha du Prince des Ténèbres. Est-ce parce que nous
nous préparons à passer sous la Seine que cette station porte le nom de ce
saint ?
12ème
arrêt, Cité : ça y est nous sommes passés sous la Seine. L’accès aux quais
est profond et l’on y arrive par un ascenseur. À cette heure matinale il n’y a
pas encore beaucoup de touristes pour la visite de Notre-Dame.
13ème
arrêt, Châtelet-les-Halles : véritable assaut de ceux qui veulent monter,
ruades de ceux qui veulent sortir, dans le wagon on se serre encore un peu plus,
c’est le rush avec les interconnexions pour le RER. Au-dessus le forum, à l’endroit
où s’élevaient jadis 10 pavillons construits par Baltard.
15ème
arrêt, Réaumur-Sébastopol : pourquoi a-t-on associé ces deux noms, Réaumur
scientifique français et le port de Sébastopol ?
16ème
arrêt, Strasbourg-Saint-Denis : les wagons se vident un peu, les deux
boulevard de Strasbourg et de Saint-Denis sont très commerçants et fréquentés.
17ème
arrêt, Château-d’eau : un château d’eau en plein Paris ? non une
simple placette qui comptait une fontaine.
18ème
et 19ème arrêts : les deux gares du Nord et de l’Est drainent
des milliers de passagers.
20ème
arrêt, Barbès-Rochechouart : beaucoup de monde et au-dessous ça grouille
et trafique.
21ème
arrêt, Château-Rouge : du nom d’une ancienne et belle bâtisse en briques
rouges.
22ème
arrêt, Marcadet-Poissonniers : la rue des poissonniers est celle qu’empruntaient
jadis les pêcheurs venus à Paris vendre leurs poissons pêchés en mer du Nord.
23ème
arrêt, Simplon : me voilà enfin arrivée ! Je quitte un wagon qui s’est
déjà presque vidé. Un escalator et je serai sur le boulevard Ornano à 5 minutes
du collège. Ouf !
Le voyage
du retour était toujours plus calme puisque je faisais le trajet aux heures
creuses, vers 15 h 30 et j’en profitais pour admirer la décoration de certaines
stations : Odéon, Réaumur, Montparnasse…
Christiane
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