Les noms peuvent varier en genre et en nombre et les verbes se conjuguer.
...............................................
Elle et
lui, pour
le meilleur et pour le pire, avaient tout quitté ou… ce qu’il en
restait. Ils venaient de loin, du cœur de cet ancien brillant Levant que la
guerre continuait de dépecer. Cela faisait maintenant des semaines et des mois
qu’ils marchaient vers l’ouest avec un seul bagage à main, franchissant fleuves
et déserts, en essayant d’éviter les dangers divers qui ne manquaient pas.
L’espoir et la détermination chevillés au corps, ils se rapprochaient pourtant
de la mer du « milieu des terres », la Méditerranée, dernier obstacle
avant l’Eldorado européen…
Comme
beaucoup d’autres, elle et lui venaient d’atteindre le rivage… embarquer
sur un rafiot releva du sport et prit du temps. Maintenant, elle était souvent
prise d’engourdissements, tant les kilomètres parcourus et le
futur bébé pesaient lourd. Le soir où il revint avec sa liasse de papiers
et de réservations, ils dormirent peu, tremblant pour cette lueur d’espoir.
Ils
prirent la mer par une nuit sans lune, puis ce furent des jours et des jours
sur une mer tantôt d’un bleu-noir, tantôt inondée de lumière dorée aveuglante.
Le soleil et le sel les brûlaient, ils étaient taraudés par la soif. Leur
rafiot se mit alors à errer entre les îles…
Miraculeusement
sauvés par des pêcheurs, ils furent déposés sur une île grecque où l’Europe
enregistrait les migrants qui affluaient continuellement.
Le passage
en Grèce se révéla provisoire mais réconfortant. Pratiquant
traditionnellement l’hospitalité, ce pays, déjà affaibli par une longue et
sévère crise économique et politique, sut leur apporter la solidarité
nécessaire à la poursuite de leur odyssée vers l’ouest de l’Europe, où
l’Allemagne et la France ouvriraient leurs portes à ces migrants de guerre.
La venue
au monde de leur enfant devenue imminente, elle et lui furent accueillis
prioritairement en France.
Résister : ils allaient pouvoir le faire à
présent et peut-être se reconstruire une vie. Sourire aussi,
après ces épreuves… et d’urgence car le plus bel accueil devait être réservé au
nouveau-né.
Françoise
..........................................................
Pour
le meilleur et pour le pire,
je me suis vu, sourire aux lèvres, embarqué, à titre provisoire,
à la garde d’un nouveau-né. Ce fut là une lueur de réconfort
me permettant au passage de résister
à l’engourdissement
devant une liasse de courrier.
Emmanuel
......................................................................................
Madame
Corbac, descendante des illustres Corvidés, directeurs de la Banque du Bocage,
était juchée sur la branche maîtresse d’un chêne, par ce beau jour de soleil.
Elle
avait convolé en justes noces avec monsieur Corbac, pour le meilleur et pour le
pire. On sait que les corbeaux vivent en république et qu’ils sont
fidèles. Leur existence d’une longévité exceptionnelle, même jalonnée de
tempêtes, essuie toujours victorieusement les orages de la vie.
Madame
Cobac veillait sur sa nichée de nouveau-nés, sereine à la
pensée que monsieur Corbac chassait sa pitance pour rassasier sa piaillante
progéniture. Un engourdissement de bien-être s’emparait de tout son être
quand surgit une flamme rousse, obstruant le passage, non loin
du boqueteau.
Madame
Renard, sans autre préambule, s’avança au pied de l’arbre tutélaire, affichant
un sourire
mielleux à l’adresse de madame Corbac qui l’ignora délibérément. Sur ces
entrefaites, monsieur Corbac, à tire-d’aile, rentrait au bercail, lourdement
chargé de victuailles dont la vue alluma une lueur de
convoitise dans les yeux de la renarde, la faisant baver d’envie : elle
comptait sur ce réconfort qui tomberait du ciel.
Elle eut
le toupet de solliciter une aide provisoire, s’embarquant
avec force détails à l’appui, dans une affaire échevelée autour de
la disparition de monsieur Renard, victime d’un complot ; force était de
constater que son soutien manquait cruellement à ses enfants affamés.