La société et la littérature ne sont pas tendres avec les personnes âgées et leur beauté est rarement reconnue, pourtant...
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Dans la
société actuelle, les vieilles personnes sont mises de côté, oubliées ou
ignorées, à cause de la peur de vieillir et de l’idée de la mort qui fait fuir.
Pourtant,
regardez cette vieille dame qui fait son marché. Ses rides au coin des yeux
racontent les moments merveilleux qu’elle a vécus, celles au coin des lèvres,
les sourires et les rires qui fusaient. Quant aux rides profondes qui barrent
son front, ce sont celles des soucis, des malheurs qui ont ponctué sa longue
existence. Si vous observez ses mains usées, vous y verrez toute une vie de
travail et tant de caresses données. Sa démarche est lente et hésitante.
Désormais son corps prend ce temps qu’il n’avait pas avant. Ses cheveux sont
devenus blancs et lui font une couronne d’argent. Dans son regard, on aperçoit
de l’amour à revendre, de l’expérience et des histoires à transmettre. Sa
mémoire devient défaillante, mais elle se souvient parfaitement de l’affection
qu’elle a reçue, donnée et transmise. Ne jugez pas
une vieille ou un vieux au premier coup d’œil, souvenez-vous que ce corps usé a
ri, chanté, aimé, travaillé et qu’un jour… vous aurez peut-être la chance
d’être comme eux.
Valérie
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Toujours le mot arrivant juste à propos
comme une caresse pour apaiser les tempêtes, à la fois humoristique et tendre, comme
une douce brise qui soulage les maux de cœur et met du baume aux âmes
tourmentées. Mais elle peut renvoyer des éclairs quand elle aborde l'injustice,
la pauvreté et la misère.
Pas si expansive et pourtant si généreuse,
elle est souvent silencieuse, mais ce n'est que pour mieux se tourner vers les
autres. Elle dispense avec modération à chacun son bonjour et son petit mot du
jour, sans pour cela se refréner. Une lumière en ses yeux s'allume quand elle
aborde les faits de société. De ceux qui défendent la veuve et l'orphelin, le
sans-papier et sans domicile et surtout les élèves qu'elle a pris sous son aile
protectrice depuis déjà tant d'années. Ceux qui ont réussi dans la vie à s'en
sortir et à crier haut et fort qu'il dispose de ce qu’il y a de plus
constructif dans la vie : l'entraide et la solidarité. Ils reviennent vers leur
tutrice, leur éducatrice, leur mère Térésa
qui leur a tout donné : attention-patience-logique-concentration-conseils et une bonne ligne de conduite qu'ils observent au doigt et à l’œil vigilant de leur tutrice attentive et affectueuse à la fois. Ainsi fiers de leur réussite, ils font le bonheur de cette petite dame au grand cœur. Et de venir prendre de ses nouvelles illumine ce regard qui ne date pas d'hier mais qui a gardé son âme d'enfant à la fois naïve et authentique, en reflétant une belle intériorité. Depuis quelque temps déjà, elle a des problèmes de santé, mais elle positive bien sûr, cachant ses angoisses sous son dos voûté par les années. Même si la vie la malmène, elle ne se plaint par pour autant en acceptant son fardeau, restant digne et discrète sans vouloir nous importuner. Ce n'est que pour mieux rebondir car sa volonté est sans limite. C'est avec un sourire fin et délicieux qu'elle nous distille sa jolie prose et ses textes poétiques.
qui leur a tout donné : attention-patience-logique-concentration-conseils et une bonne ligne de conduite qu'ils observent au doigt et à l’œil vigilant de leur tutrice attentive et affectueuse à la fois. Ainsi fiers de leur réussite, ils font le bonheur de cette petite dame au grand cœur. Et de venir prendre de ses nouvelles illumine ce regard qui ne date pas d'hier mais qui a gardé son âme d'enfant à la fois naïve et authentique, en reflétant une belle intériorité. Depuis quelque temps déjà, elle a des problèmes de santé, mais elle positive bien sûr, cachant ses angoisses sous son dos voûté par les années. Même si la vie la malmène, elle ne se plaint par pour autant en acceptant son fardeau, restant digne et discrète sans vouloir nous importuner. Ce n'est que pour mieux rebondir car sa volonté est sans limite. C'est avec un sourire fin et délicieux qu'elle nous distille sa jolie prose et ses textes poétiques.
Que vous dire de plus à propos de ce petit
bout de femme ? Elle m'émeut, me surprend et mérite au combien cet hommage!
Mais je doute qu'elle accepte de bonne
grâce tous ces compliments, tant sa pudeur et sa discrétion l'enveloppent
comme une deuxième peau. Vous pourrez dire que je lui taille un costume sur
mesure à notre petite "Cri-Cri" - qui pourtant en a mangé de la soupe
alors qu'elle n'aimait pas particulièrement cela.
Claudine
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La belle
silhouette d’une femme âgée se profile. Des cheveux très blancs, légèrement
bombés, autour d’un chignon, entourent un visage aux belles couleurs. Mme
Jacquet est une grand-mère active, avenante, vêtue comme les femmes de
l’époque, blouse et tablier de couleur foncée.
L’histoire
se déroule durant la guerre. Par un bel après-midi d’été, les enfants
s’ébattent dans la Seine, où l’on peut se baigner. Soudain, quelqu’un
dit ; les Forteresses sont là !Au-dessus de nous, dans le ciel bleu,
des points blancs lumineux : une escadrille d’avions américains. La peur
s’empare de tous, et comme une envolée d’oiseaux, nous courons aux abris qui ne
sont pas très loin. Ce sont des anciennes galeries, creusées dans la falaise,
sous la colline. Mme Jacquet est la propriétaire des lieux et la grand-mère de
Nelly, la camarade avec qui je joue. Nous voyant ainsi arriver toutes les deux,
affolées et mouillées, elle nous enveloppe vite fait dans des lainages et nous
envoie dans les caves ; geste chaleureux et protecteur que je n’ai pas
oublié.
Une autre
fois, à la même époque, je joue avec Nelly, c’est l’heure du goûter. Habitant
loin, je ne retournerai pas chez moi pour le quatre-heures. La vieille dame va
dans une réserve et écrème le lait d’une grande jatte en grès. Consciencieusement,
elle étale la crème sur du pain frais et avec simplicité, donne à chacune une
tartine. Ce geste reste gravé dans ma mémoire. Que c’était bon quand dans notre
vie « il faisait faim ». Voici donc, dans mon souvenir, une belle et
bonne personne âgée.
Josiane
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Bernard
et Raymonde sont des Gardois, respectivement âgés de 78 et 75 ans.
À
l’occasion d’évènements familiaux, ils rendent visite à leur fille, résidant en
région parisienne. C’est là que nous nous sommes rencontrés à plusieurs
reprises.
Raymonde
me reçoit avec un chaleureux sourire, comme si elle me connaissait depuis
toujours. La qualité de son accueil détend le visiteur, elle vous sert une
boisson exquise dont elle seule a le secret ; votre venue est une
évidence.
Elle est
impeccablement coiffée ; ses cheveux blancs sont permanentés ou frisent
naturellement, mais là n’est pas l’essentiel.
Elle n’et
presque pas ridée, n’ayant certainement
pas forcé sur les rides d’expression de nos trentenaires, qui recourent plus
que de raison, pour conforter leurs propos, appuyés, en boucle, de « en
fait » pseudo-argumentatifs : ces rides « d’intelligence »
sont oedémisées au Botox !
Le regard
de Raymonde est paisible, ne juge pas et n’est point indiscret.
Elle doit
faire 1,70 mètres, a gardé la ligne, s’occupe silencieusement aux tâches
ménagères, évoque discrètement son enfance, reste discrète, par modestie, sur
une vie professionnelle bien remplie.
Raymonde
recueille les confidences de ses petits-enfants, fait une ravissante layette
pour sa future petite-fille, ses doigts ne restent jamais inactifs et son
esprit est de vif-argent.
Pourtant,
elle a eu son lot de soucis de santé, ses proches n’ont pas été épargnés, elle
a traversé les guerres de la vie.
Raymonde
est en parfaite harmonie avec son époux, un grand Monsieur de 78 ans qui
semblerait effacé s’il n’imposait pas naturellement le respect par sa
prestance ; à peine a-t-il quitté la table qu’il va repeindre les
persiennes et entretenir la propriété de sa fille : son entourage, à
l’unanimité, s’accorde à dire « qu’il donne envie aux paresseux de
travailler ».
Il
possède une maîtrise extraordinaire : un jour qu’il venait me chercher à
la gare, avec son petit-fils déjà adolescent, un véhicule surgit de nulle part
l’a accroché ; il a gardé son calme olympien, tandis que le jeune
conducteur l’abreuvait d’insultes et menaçait de le frapper.
Raymonde
et Bernard, à l’hygiène de vie irréprochable, n’ont jamais touché au tabac ou à
l’alcool.
La
rencontre de telles personnes rassure. On se ressource à leur contact, tout
semble glisser comme le vol de l’oiseau, l’étirement du merveilleux nuage, du
lever au coucher du soleil.
Marie-Christine
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Une belle
personne âgée ? Cela existe-t-il ?
Mais oui,
car elle est belle pour ceux qui l’aiment. En cherchant dans mes souvenirs, je
revois ce vieil homme aux cheveux blancs et à la belle moustache, blanche elle
aussi. Ses yeux bleus, d’un bleu si pâle, comme délavé par le nombre des
années. Cet homme était mon grand-père. Il passait ses journées dans son
jardin. Il semait, plantait, ratissait, désherbait, faisait la chasse aux
escargots et autres limaces qui venaient dévorer ses plantations. L’hiver, au coin
du feu de cheminée, il tressait l’osier pour en faire des paniers. Le feu dans
la cheminée lançait des étincelles lorsqu’une bûche à demi consumée tombait
dans les braises. Là, il me racontait sa vie, les souvenirs de sa jeunesse. Vie
de labeur dans les champs, l’élevage des animaux – chevaux, vaches, cochons –
qui leur donnaient beaucoup de travail. La basse-cour aussi, qui était plutôt
le domaine des femmes et qui piaillait, picorait, se chamaillait pour un ver de
terre. Comme j’aimais entendre ses récits et comme j’aimais aussi ses silences.
Cet homme qui, comme des milliers d’autres, avait connu l’arrivée puis l’essor
de la voiture, de l’avion, du chemin de fer, de l’électricité, etc., avait
gardé la simplicité des hommes vivant du travail de la terre. Il vivait au
rythme des saisons, marchant avec ses sabots de bois et n’élevant jamais la
voix. Je revois son regard porté sur mes enfants : quatre-vingt ans
séparaient leurs années de naissance mais ils étaient soudés par l’amour qu’ils
partageaient.
Malgré
ses défauts (qui n’en a pas !), j’aimais cet homme et le respectait. Il
est parti, à quatre-vingt-six ans. Comme il me manque !
Colette
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Qu'est-ce qu'une « belle » personne âgée ? Pour ma
part, je l'imagine sous deux aspects : la beauté physique et la beauté intérieure.
En ce qui concerne le physique, il est évident qu'en
vieillissant personne ne peut conserver intacte la beauté de sa jeunesse, du
moins sans artifices. Certes, il n'est pas interdit pour autant de
s'entretenir, de mettre de la crème pour hydrater la peau qui devient plus
sèche en vieillissant. Certaines dames âgées savent rester très coquettes en
mettant un peu de rouge sur leurs
lèvres, un peu de poudre sur leurs joues, en se maquillant légèrement
les yeux et même en vernissant leurs ongles. Et pourquoi pas ? Ceci est une affaire de goût. Mais point de
recours à la chirurgie esthétique, ce serait tricher. Il faut savoir assumer
son âge et l'admettre, d'autant plus
qu'au final on ne trompera personne.
D'autres savent aussi soigner leur apparence en adoptant des
tenues seyantes. Il existe aujourd'hui beaucoup de belles choses et, sans
tomber dans le ridicule, on peut ainsi donner aux autres une belle image de
soi-même à un âge qu'on dit avancé. Toutes ces choses peuvent peut-être aussi
aider ces dames à garder un moral d'acier et qui sait, leur faire parfois
oublier un peu leur âge...
Mais les rides sur un visage ne sont pas forcément laides,
elles sont le reflet de la vie, certaines personnes en auront ainsi plus que
d'autres, c'est la nature qui décide dans sa grande diversité. Certaines
personnes portent d'ailleurs très bien ces rides et même, ces rides peuvent
parfois apporter de la douceur sur un visage qui a pu sembler sévère dans sa
jeunesse.
Les mains vieillissent plus vite, c'est du moins mon
ressenti. C'est là qu'on verra en premier lieu la marque laissée par les années
qui passent, la peau va devenir plus fanée, moins douce et bien moins tendue.
Quand j'étais petit fille, c'est ce qui me frappait quand je comparais ces
mains aux miennes encore si jeunes. Et pourtant, ces personnes étaient loin
d'être ce qu'il convient d'appeler des femmes âgées. Et ces mains vont changer,
les doigts devenir noueux parfois, plus ou moins déformés. C'est que, quand on
y songe, ces mains auront tant travaillé au fil des ans... c'est peut-être pour
ça qu'elles se remarquent plus.
Pour ce qui est de l'a beauté intérieure, c'est pour moi de
loin la plus importante. Une belle personne âgée est pour moi celle qui sait
conserver sa joie de vivre, sans devenir aigrie au fil des années qu'on ne peut
arrêter. Car avec cet entrain, peut-être du à sa propre expérience de la vie
qui ne l'aura sans doute pas épargnée, elle saura rester à l'écoute des autres.
Ne pas se concentrer sur soi-même, savoir témoigner de la sympathie, aider,
compatir, soutenir dans des moments difficiles ceux qui traversent son chemin, une telle personne âgée me paraît
alors tellement belle !
Bien sûr les années défilent et apportent leur lot de soucis, principalement ceux se
rapportant à la santé qui devient plus fragile. En avançant dans l'âge, les
individus marchent plus difficilement, ils
y voient moins bien, entendent aussi moins bien, leur rythme ralentit,
parfois ils ont besoin d'être aidés au quotidien, qui n'a pas ses moments de
faiblesse dans la vie. Mais à quoi sert de se lamenter à longueur d'année, sinon à lasser son
entourage ? Tous ces problèmes sont pourrait-on dire « normaux », ils
viennent avec l'âge et il faut donc les
accepter de la même façon et faire de son
mieux pour vivre avec. Il est évident qu'une personne âgée touchée par
ces maux, a droit elle aussi à de la compassion. Mais si elle sait en donner
aux autres, nul doute qu'elle en recevra en retour.
Je pense également qu'avoir cette attitude positive en
vieillissant peut aussi contribuer à maintenir le physique. Ne dit-on pas que
le moral joue pour beaucoup sur la santé physique...
Si une personne âgée rassemble tout cela, un bel aspect
physique mais surtout de telles qualités morales, n'a t-on pas envie de la
connaître, de s'y attacher ? D'en faire peut-être même une amie ? Et je suis
presque certaine qu'en cherchant bien, tout le monde connait certainement de
telles personnes dans son entourage proche ou moins proche.
Alors moi, cette personne âgée, je serais sans aucun
doute heureuse de la connaître, ce
serait une véritable source de richesse et je la trouverai assurément très
belle pour tout ce qu'elle peut m'apporter.
Voilà donc pour moi ce qu'est une « belle »
personne âgée.
Paulette
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Sa petite
maison construite au bord de la mer, reposait à même le sable. Avec une
particulière intensité, la clarté du soir éclairait la plage de ses derniers
rayons. Je passai le seuil de la porte et pénétrer dans la pénombre, suivie de
mon amie. Je ne la vis pas tout de suite, tant était fort, le contraste de la
lumière à la semi-obscurité. Elle était pourtant là, debout, dans le silence, à
nous attendre. Des mains à la fois douces et cependant calleuses saisirent les
miennes pour me souhaiter la bienvenue. Tout de noir vêtue, menue et petite, ne
dépassant guère le mètre cinquante, elle semblait se fondre dans le mur de la
pièce. Je la voyais maintenant comme une ombre dans ce sobre décor. La
lampe-tempête accrochée au mur, faisait scintiller le gris argent de son
abondante chevelure ondulée et jetait sur le bel ovale de son visage allongé,
un reflet changeant. Peu à peu, je m’habituais à cette absence de jour et
distinguais ses traits. Elle rayonnait de bonheur, tout à la joie de nous
recevoir. Ses magnifiques yeux noirs de jais, pétillants comme un jeune enfant
à qui on vient de promettre une friandise, nous regardaient avec tendresse. A
ce moment-là, son large sourire effaçait les quelques rides de sa figure hâlée
par l’air marin. Tout en elle respirait la bonté. Elle nous fit asseoir autour
de la table où elle avait dressé d’avance quelques assiettes et couverts. A
petits pas rapides, elle s’empressa d’aller chercher sur son réchaud, une
casserole d’où s’échappait, sous le couvercle, une légère fumée. Très active,
malgré ses quatre-vingt ans passés, elle
nous avait concocté un plat de sa fabrication à base de farine de maïs
qu’elle nous servit immédiatement. D’une belle voix chaude, bien timbrée mais
qui se voilait par moments, elle nous conta alors comment après avoir
patiemment décortiqué les épis et fait
tremper les grains pour les écraser, elle les réduisait en une pâte qu’elle
enveloppait dans une feuille de bananier avant de la jeter dans l’eau
bouillante. Tout en parlant, ses mains brunies s’agitaient sans cesse imitant
les gestes de sa préparation. Elle nous apporta aussi une boisson qu’elle avait
élaborée également à base de maïs, de morceaux de pommes et d’ananas et des
œufs durs car elle élevait des poules dans son petit enclos.
Je
remarquais alors la sévérité de ses vêtements. Une simple robe au col serré et
aux manches étroites et longues, à la jupe presque droite couvrait son corps
fluet mais pourtant vigoureux. Vivant seule, assez loin du bourg, elle
n’éprouvait pas le besoin d’une quelconque coquetterie et peut-être n’en
avait-elle pas les moyens. Sans artifice aucun, il se dégageait pourtant de sa
personne, une certaine élégance et une beauté particulière due à la vivacité de
son regard et à son ton doux et enjoué. Malgré l’extrême simplicité de la
demeure et les conditions de vie assez spartiates, elle respirait la sérénité
et le bonheur.
Marie-Thérèse
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Dans les
années 1920, le colonel Bramble achève sa carrière au service de sa très
gracieuse majesté britannique. C’est alors un fringant militaire du type
« Officier de l’armée des Indes », ne quittant guère sa badine ni sa
flasque de whisky.
Bien que
très âgé, en 1939, il reprend du service et réintègre l’armée à un poste
administratif. Il est affecté à la direction d’un vaste camp de prisonniers de
guerre italiens, implanté aux environs du Caire, à l’orée du désert.
Il
recrute comme sous-directeur un sergent de police militaire surnommé Dandy car
toujours tiré à quatre épingles. Polyglotte, il est chargé de la censure du
courrier mais aussi d’assurer les fonctions d’écrivain public. Bramble se
soucie de ses prisonniers, veille à leur moral, organise sports, distractions,
allant jusqu’à accorder des permissions de sortie en ville. Des liens finissent
par se tisser entre les prisonniers et leurs geôliers.
À la
capitulation de l’Italie, les prisonniers sont libérés et le colonel Bramble
démis de ses fonctions. N’entendant pas rester inactif, il parvient à obtenir
une haute fonction en Italie au sein de l’autorité d’Occupation, l’AMGOT. Il
dispose d’une jeep avec chauffeur et bénéficie de larges facilités aux magasins
militaires dont les tenanciers sont à sa botte.
Quand
l’occasion se présente, il rend visite à l’un ou l’autre de ses ex-prisonniers,
les bras chargés de gâteries d’autant plus appréciées que règne la pénurie. Ce
vieil homme fait en quelque sorte la pige au Père Noel.
Emmanuel
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Je
me souviens d’une personne âgée dont j’ai apprécié la compagnie. Elle
s’appelait Marie. Elle avait plus de quatre-vingt ans. Elle portait toujours un
fichu, de couleur bleue, qui recouvrait ses cheveux. Il faisait ressortir ses
yeux d’azur qui n’avaient pas perdu leur couleur, illuminant son visage ridé et
son regard doux rempli de bienveillance, d’humilité, de compassion pour ses
semblables.
Sa
voix était douce, ses paroles réconfortantes, jamais de médisances. Elle était résignée malgré les maladies et les aléas de la vie.
Elle marchait lentement, à petits pas. Je la voyais lorsqu’elle rendait visite
à une cousine, chez laquelle je venais passer quelques heures en tricotant de
temps en temps. Ma Marie était très respectueuse, elle m’appelait Madame
Arielle, ce qui m’étonnait car elle aurait pu être ma grand’mère, j’avais une
vingtaine d’années à cette époque.
Lorsque
ma cousine s’absentait un moment, elle me faisait des confidences. Elle était
native de Charente. Elle était venue à Paris à l’âge de quinze ans, placée chez
une famille aisée dont elle assurait le service et au fil des ans s’occupant de
leurs enfants. Ce n’était pas toujours facile, cette vie sans avenir. Mais lorsqu’elle
en parlait, émue, on sentait son attachement pour cette famille, le regret de
ce temps perdu de sa jeunesse, de ces enfants qui étaient un peu ceux qu’elle
n’avait pas eus. Pourtant ce devait être parfois pesant, de tout donner sans
rien dire : sa jeunesse, sa vie pour si peu de reconnaissance, juste le
salaire reçu.
Je
ne l’ai plus revue. Elle partit à pas feutrés, discrètement, sans se plaindre
comme elle était venue. Je n’ai jamais oublié ces moments passés avec
l’agréable compagnie de Marie.
Mireille
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