Notre Dame : Une grande dame.
De pierre de taille certes, mais aussi de larmes.
Avec ses corniches, ses statues, ses gargouilles et ses chimères, ses incendies et ses reconstructions, ses cérémonies et ses bénédictions. Autant de cortèges et de services religieux au son des cloches, du carillon au glas pour sonner le trépas.
Et sur ses façades logent des tourelles aux gargouilles grelottantes qui gargouillaient jadis au passage de la poix bouillante et visqueuse tombant sur l'assaillant, le brûlant comme du bois. Mais nul besoin de renouveler l'exploit : ses portes résistent aux assauts des pèlerins et des nombreux visiteurs venus du monde entier pour admirer la demeure du Christ le bien nommé et de sa mère Marie qui l'a tant aimé. Le lourd pêne des portes de bois brut grince aux heures de visites et, aux grandes occasions, l'orgue résonne aux creux des chênes centenaires et des tympans en de longs trémolos liturgiques. Et pendant ce temps, que se racontent les chimères campées sur leurs perchoirs, privées du spectacle magnifique de ces voûtes centenaires datant du siècle de Louis XI. Triste sire qui enfermait ses prisonniers dans des cages rouillées où pourrissaient ses victimes décharnées. Elles devaient frissonner à entendre les longs hurlements de la torture, ou peut-être se réjouissaient-elles du sort de ces damnés ? Invectivaient-elles alors les passants et la cour des miracles à leurs pieds ? S'en prenaient-elles aux notables et au clergé ? Et de leurs bouches édentées, sortaient-ils des sons rauques et gutturaux inaudibles aux humains, du domaine du surnaturel et s'envolant au firmament ? Se tournaient-elles alors vers la Seine, scène de vie, zone fluviale et de passage où barques, bateaux, barges plates la remontaient ou encore partaient vers l'estuaire loin de là d'où les Normands avec leurs drakkars, il y a si longtemps, sont arrivés à Paris ? Entendaient-elles les charrettes et les chars à bœufs dont les lourds cerclages formaient des ornières sur les rives de la Seine ? Sentaient-elles l'odeur de la paille fraîche que l'on distribuait aux chevaux quand, d'étapes en étapes, les bêtes se reposaient dans leur étable et leurs maîtres buvaient une bonne pinte dans une échoppe ou froissaient les draps de lin ou de chanvre d’une auberge accueillante non loin ? Observaient-elles d'un œil amusé ces
mousquetaires hilares et avinés sortir en titubant des tavernes, tenant
encore leurs timbales en main, digérant leur orge et leur gruau avec
force bruits de mastication, de succion et gestes déplacés envers la serveuse
leur versant le vin ? Continuent-elles de visionner le même genre de spectacle aujourd’hui
avec les touristes, les autochtones et riverains sortant des nombreux bars à
vins, pubs à bière, restaurants de tous les continents contribuant à remplir
les urgences de l’Hôtel Dieu de leur viande saoule ? Si elles avaient pu faire
un rapport de tous les petits larcins répertoriés du haut de leur observatoire
: vol à l’étalage, vol à l'arraché ! Si elles devaient s'exprimer au
Palais de Justice tout près et auprès des représentants de la loi, que dirait
d’elles la police judiciaire ? Et si leurs yeux étaient caméras ? Et si leurs
oreilles étaient tympans et micros ? Et si leurs gorges étaient cordes
vocales ? Et si leurs mains savaient manier la technologie moderne ? Que nous
tchatcheraient-elles sur Tweeter, Instagram, Google + ou FB ? Nous
donneraient-elles des nouvelles de la Tour Eiffel aux couleurs tricolores et de
l’arc de Triomphe qui a froid aux pieds ? Nous inviteraient-elles à visiter
Paris sur les nombreuses vedettes et bateaux-mouches qui sillonnent la Seine en
passant sous ses ponts où soupirent encore des amoureux transis pendant que
d’autres chantent Sous le pont des Arts
de Georges Brassens. Depuis que les gargouilles veillent Sous le Pont Mirabeau coule la Seine, comme nous le clame si
poétiquement Apollinaire.De pierre de taille certes, mais aussi de larmes.
Avec ses corniches, ses statues, ses gargouilles et ses chimères, ses incendies et ses reconstructions, ses cérémonies et ses bénédictions. Autant de cortèges et de services religieux au son des cloches, du carillon au glas pour sonner le trépas.
Et sur ses façades logent des tourelles aux gargouilles grelottantes qui gargouillaient jadis au passage de la poix bouillante et visqueuse tombant sur l'assaillant, le brûlant comme du bois. Mais nul besoin de renouveler l'exploit : ses portes résistent aux assauts des pèlerins et des nombreux visiteurs venus du monde entier pour admirer la demeure du Christ le bien nommé et de sa mère Marie qui l'a tant aimé. Le lourd pêne des portes de bois brut grince aux heures de visites et, aux grandes occasions, l'orgue résonne aux creux des chênes centenaires et des tympans en de longs trémolos liturgiques. Et pendant ce temps, que se racontent les chimères campées sur leurs perchoirs, privées du spectacle magnifique de ces voûtes centenaires datant du siècle de Louis XI. Triste sire qui enfermait ses prisonniers dans des cages rouillées où pourrissaient ses victimes décharnées. Elles devaient frissonner à entendre les longs hurlements de la torture, ou peut-être se réjouissaient-elles du sort de ces damnés ? Invectivaient-elles alors les passants et la cour des miracles à leurs pieds ? S'en prenaient-elles aux notables et au clergé ? Et de leurs bouches édentées, sortaient-ils des sons rauques et gutturaux inaudibles aux humains, du domaine du surnaturel et s'envolant au firmament ? Se tournaient-elles alors vers la Seine, scène de vie, zone fluviale et de passage où barques, bateaux, barges plates la remontaient ou encore partaient vers l'estuaire loin de là d'où les Normands avec leurs drakkars, il y a si longtemps, sont arrivés à Paris ? Entendaient-elles les charrettes et les chars à bœufs dont les lourds cerclages formaient des ornières sur les rives de la Seine ? Sentaient-elles l'odeur de la paille fraîche que l'on distribuait aux chevaux quand, d'étapes en étapes, les bêtes se reposaient dans leur étable et leurs maîtres buvaient une bonne pinte dans une échoppe ou froissaient les draps de lin ou de chanvre d’une auberge accueillante non loin ? Observaient-elles d'un œil amusé ces
Claudine
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Comme de grands oiseaux perchés à la
cime des arbres, se tenant immobiles, scrutant l’horizon, les gargouilles de
Notre-Dame sont là, à jamais, figées dans la pierre.
Imperturbables ! Vraiment ?
Ecoutez-les parler.
« - Eh toi, ne te penche pas
autant dans le vide, tu pourrais tomber !
- Mais
non, je veux examiner ces humains de plus près ! Simples visiteurs ou
fidèles ?
Glou-glou-glou !
-
Tu gargotes maintenant ?
-
Tu veux dire, tu gargouilles. Bien
sûr, ce n’est pas une gorgée que je bois! Ne suis-je pas là pour vomir les eaux
ruisselantes des cheneaux ?
-
Tu te gargarises bien,
gargouille ! Tu joues le grand rôle ?
-
Mais oui, sans moi et mes congénères,
les murs de l’édifice se seraient écroulés ! Je les protège !