Notre Dame : Une grande dame.
De pierre de taille certes, mais aussi de larmes.
Avec ses corniches, ses statues, ses gargouilles et ses chimères, ses incendies et ses reconstructions, ses cérémonies et ses bénédictions. Autant de cortèges et de services religieux au son des cloches, du carillon au glas pour sonner le trépas.
Et sur ses façades logent des tourelles aux gargouilles grelottantes qui gargouillaient jadis au passage de la poix bouillante et visqueuse tombant sur l'assaillant, le brûlant comme du bois. Mais nul besoin de renouveler l'exploit : ses portes résistent aux assauts des pèlerins et des nombreux visiteurs venus du monde entier pour admirer la demeure du Christ le bien nommé et de sa mère Marie qui l'a tant aimé. Le lourd pêne des portes de bois brut grince aux heures de visites et, aux grandes occasions, l'orgue résonne aux creux des chênes centenaires et des tympans en de longs trémolos liturgiques. Et pendant ce temps, que se racontent les chimères campées sur leurs perchoirs, privées du spectacle magnifique de ces voûtes centenaires datant du siècle de Louis XI. Triste sire qui enfermait ses prisonniers dans des cages rouillées où pourrissaient ses victimes décharnées. Elles devaient frissonner à entendre les longs hurlements de la torture, ou peut-être se réjouissaient-elles du sort de ces damnés ? Invectivaient-elles alors les passants et la cour des miracles à leurs pieds ? S'en prenaient-elles aux notables et au clergé ? Et de leurs bouches édentées, sortaient-ils des sons rauques et gutturaux inaudibles aux humains, du domaine du surnaturel et s'envolant au firmament ? Se tournaient-elles alors vers la Seine, scène de vie, zone fluviale et de passage où barques, bateaux, barges plates la remontaient ou encore partaient vers l'estuaire loin de là d'où les Normands avec leurs drakkars, il y a si longtemps, sont arrivés à Paris ? Entendaient-elles les charrettes et les chars à bœufs dont les lourds cerclages formaient des ornières sur les rives de la Seine ? Sentaient-elles l'odeur de la paille fraîche que l'on distribuait aux chevaux quand, d'étapes en étapes, les bêtes se reposaient dans leur étable et leurs maîtres buvaient une bonne pinte dans une échoppe ou froissaient les draps de lin ou de chanvre d’une auberge accueillante non loin ? Observaient-elles d'un œil amusé ces
mousquetaires hilares et avinés sortir en titubant des tavernes, tenant
encore leurs timbales en main, digérant leur orge et leur gruau avec
force bruits de mastication, de succion et gestes déplacés envers la serveuse
leur versant le vin ? Continuent-elles de visionner le même genre de spectacle aujourd’hui
avec les touristes, les autochtones et riverains sortant des nombreux bars à
vins, pubs à bière, restaurants de tous les continents contribuant à remplir
les urgences de l’Hôtel Dieu de leur viande saoule ? Si elles avaient pu faire
un rapport de tous les petits larcins répertoriés du haut de leur observatoire
: vol à l’étalage, vol à l'arraché ! Si elles devaient s'exprimer au
Palais de Justice tout près et auprès des représentants de la loi, que dirait
d’elles la police judiciaire ? Et si leurs yeux étaient caméras ? Et si leurs
oreilles étaient tympans et micros ? Et si leurs gorges étaient cordes
vocales ? Et si leurs mains savaient manier la technologie moderne ? Que nous
tchatcheraient-elles sur Tweeter, Instagram, Google + ou FB ? Nous
donneraient-elles des nouvelles de la Tour Eiffel aux couleurs tricolores et de
l’arc de Triomphe qui a froid aux pieds ? Nous inviteraient-elles à visiter
Paris sur les nombreuses vedettes et bateaux-mouches qui sillonnent la Seine en
passant sous ses ponts où soupirent encore des amoureux transis pendant que
d’autres chantent Sous le pont des Arts
de Georges Brassens. Depuis que les gargouilles veillent Sous le Pont Mirabeau coule la Seine, comme nous le clame si
poétiquement Apollinaire.De pierre de taille certes, mais aussi de larmes.
Avec ses corniches, ses statues, ses gargouilles et ses chimères, ses incendies et ses reconstructions, ses cérémonies et ses bénédictions. Autant de cortèges et de services religieux au son des cloches, du carillon au glas pour sonner le trépas.
Et sur ses façades logent des tourelles aux gargouilles grelottantes qui gargouillaient jadis au passage de la poix bouillante et visqueuse tombant sur l'assaillant, le brûlant comme du bois. Mais nul besoin de renouveler l'exploit : ses portes résistent aux assauts des pèlerins et des nombreux visiteurs venus du monde entier pour admirer la demeure du Christ le bien nommé et de sa mère Marie qui l'a tant aimé. Le lourd pêne des portes de bois brut grince aux heures de visites et, aux grandes occasions, l'orgue résonne aux creux des chênes centenaires et des tympans en de longs trémolos liturgiques. Et pendant ce temps, que se racontent les chimères campées sur leurs perchoirs, privées du spectacle magnifique de ces voûtes centenaires datant du siècle de Louis XI. Triste sire qui enfermait ses prisonniers dans des cages rouillées où pourrissaient ses victimes décharnées. Elles devaient frissonner à entendre les longs hurlements de la torture, ou peut-être se réjouissaient-elles du sort de ces damnés ? Invectivaient-elles alors les passants et la cour des miracles à leurs pieds ? S'en prenaient-elles aux notables et au clergé ? Et de leurs bouches édentées, sortaient-ils des sons rauques et gutturaux inaudibles aux humains, du domaine du surnaturel et s'envolant au firmament ? Se tournaient-elles alors vers la Seine, scène de vie, zone fluviale et de passage où barques, bateaux, barges plates la remontaient ou encore partaient vers l'estuaire loin de là d'où les Normands avec leurs drakkars, il y a si longtemps, sont arrivés à Paris ? Entendaient-elles les charrettes et les chars à bœufs dont les lourds cerclages formaient des ornières sur les rives de la Seine ? Sentaient-elles l'odeur de la paille fraîche que l'on distribuait aux chevaux quand, d'étapes en étapes, les bêtes se reposaient dans leur étable et leurs maîtres buvaient une bonne pinte dans une échoppe ou froissaient les draps de lin ou de chanvre d’une auberge accueillante non loin ? Observaient-elles d'un œil amusé ces
Claudine
.............................................................
Comme de grands oiseaux perchés à la
cime des arbres, se tenant immobiles, scrutant l’horizon, les gargouilles de
Notre-Dame sont là, à jamais, figées dans la pierre.
Imperturbables ! Vraiment ?
Ecoutez-les parler.
« - Eh toi, ne te penche pas
autant dans le vide, tu pourrais tomber !
- Mais
non, je veux examiner ces humains de plus près ! Simples visiteurs ou
fidèles ?
Glou-glou-glou !
-
Tu gargotes maintenant ?
-
Tu veux dire, tu gargouilles. Bien
sûr, ce n’est pas une gorgée que je bois! Ne suis-je pas là pour vomir les eaux
ruisselantes des cheneaux ?
-
Tu te gargarises bien,
gargouille ! Tu joues le grand rôle ?
-
Mais oui, sans moi et mes congénères,
les murs de l’édifice se seraient écroulés ! Je les protège !
-
Ah ! Et comment ?
-
Les litres d’eau des averses qui tombent sur
les toits s’infiltreraient. Moi, je les rejette au loin. Ainsi, les pierres ne
s’abiment pas. Mon rôle est essentiel.
-
Le mien aussi, je décore la
Cathédrale.
-
Toi et tes consoeurs, droites
sur la balustrade de la galerie, vous n’êtes que des chimères !
- Mais,
mais,… les passants du Parvis nous regardent et nous admirent.
- C’est
vrai que la queue est si longue pour entrer dans Notre-Dame. Ils ont bien le
temps de lever le nez pour vous voir, mais de là à vous admirer, tu
exagères ! Vous êtes si laids !
- C’est
pour mieux garder le temple. Nous, Chimères, nous repoussons les malfaisants et
les faisons fuir.
- Et que fais-tu de ta journée ?
- J’admire
le paysage, la ville à mes pieds et la Seine aux eaux bleutées.
- La
Seine, peut-être mais ses eaux sont troubles et noires. Ce n’est que le reflet du ciel qui la colore
ainsi !
- Oh
toi, tu vois toujours les choses en noir. Ce n’est pas étonnant que ton visage
soit aussi grimaçant !
- C’est
bien à toi de le dire. Il te manque un miroir. Ton visage simiesque n’a rien de
bien attrayant !
- Peut-être
mais je ne suis pas un diable cornu avec une barbichette !
- Non,
tu as seulement gardé deux ailes qui te pèsent comme un fardeau et ne te
servent même plus à voler, pauvre aigle empierré.
- Et vous deux, cessez de vous
disputez ! Vous qui n’êtes là que pour le décor, chimères bavardes !
Avez-vous acquis si peu de sagesse depuis le temps que vous vous côtoyez ?
- Tu as raison gargouille, regardons les
passants et moquons nous d’eux gaiement !
Marie-Thérèse
...............................................................
Pour les
gargouilles de Notre Dame de paris, il est assurément impensable de ne pas
évoquer, de loin en loin, mais toujours avec chagrin, le drame hugolien vécu
jadis, sous leurs yeux, par Quasimodo –le-laid et Esméralda-la-belle.
Mais fi
de la tristesse arrosée par les eaux de pluie qu’elles évacuent ; ce sont
parfois des larmes de joie ! Les événements heureux ponctués par les
cloches de Notre Dame et se déroulant sous leurs pattes crochues, ne font
certes pas défaut. Ainsi, par exemple, nos gargouilles se trouvèrent-elles aux
premières loges pour assister aux combats de la Libération de Paris.
En
vérité, dans la vie de tous les jours, nos gargouilles, bien que statiques, se
voient tenues au courant de tout ce qui se passe ici et là, grâce aux ragots
colportés par les moineaux. Ceux-ci, véritables titis parisiens, viennent
volontiers y faire une halte et peut-être même y tailler une bavette, en y
déposant une crotte.
Bref, ce
que vivent les gargouilles est tout sauf monotone !
Emmanuel
...................................................
Un petit garçon visite la cathédrale de
Notre Dame de paris pour la première fois… Fatigué par sa visite, il s’endort
paisiblement sur un banc dans un coin un peu sombre de la nef.
- - Bonjour,
petit garçon, je suis gargouille…
- - Gargouille
dites-vous ? Mais… Qui êtes-vous donc ?
- - Ah,
c’est une longue histoire ! Je suis né de l’imagination des humains qui
m’ont créé…
- - Vous
êtes… imaginaire ? Mais vous me parlez, je ne rêve pas !
- - Peut-être
suis-je dans tes pensées… Puisque, selon vous les hommes, je suis immobile et
en pierre.
- - Oh,
mais vous me faites peur tout d’un coup !
- - Ne
t’inquiète pas, je vais te révéler notre secret. Tu en seras détenteur !
- - Merci
de me faire confiance, mais…
- - Chut !
Ecoute simplement… Il y a de très très nombreuses années…
- - Combien
de temps ?
- - Ah,
ne commence pas à m’interrompre ! Bon, je disais, il y a de cela bien
longtemps, les hommes nous ont créés pour évacuer l’eau des toits et ils nous
ont donné ces formes de monstres. Depuis, nous sommes les gardiens des toits.
Nous faisons fuir les mauvais esprits et nous les empêchons de pénétrer dans le
temple.
Les nuits de pleine lune, nous prenons
vie… Alors, nous descendons dans la ville, à la recherche de plaisanteries à
faire. Oh, pendant des siècles, nous nous sommes amusés à voir la ville grandir,
les Grands venir faire leur mea culpa jusqu’à l’autel alors que la plupart
n’étaient que menteurs et hypocrites…
Puis nous sommes devenus silencieux, la
société étant devenue dure, sans entraide, et désabusée. La compassion n’existe
presque plus, la générosité n’est pas si sincère qu’elle y paraît et trop
nombreux sont les mensonges, les trahisons, la corruption. Le rêve n’existe
pratiquement plus, et aux yeux des passants nous n’existons pas…
Nous attendions la venue d’une âme qui a
la joie, la sincérité et l’innocence pour redevenir vivants… Tu ne pourras
jamais, malheureusement, nous voir en action car les hommes ne savent plus
rêver et nous chasseraient et nous
détruiraient à coup sûr.
Quand tu te réveilleras, je ne serai plus
à tes côtés, j’aurai repris ma place tout là-haut sur les toits. Mais, si tu
viens à ma rencontre, tu sauras me reconnaître car je serai le seul à te
sourire !
- - Pourquoi
me confiez-vous votre secret ? Me souviendrai-je de vous à mon
réveil ?
- - Tu
ne te souviendras que de ce dont tu voudras te souvenir… C’est ça, le secret.
Si tu ne crois pas en nous, il n’y aura aucune trace de nous dans ta mémoire…
Au revoir, petit. Garde en toi l’émerveillement de ton âme, garde cette petite
flamme dans tes yeux qui te font voir la vie magnifique ! C’est le plus
beau cadeau que la vie puisse te faire !
Le petit garçon s’éveille,
tout étonné de ce rêve si étrange. La visite continue et grimpant les marches
de la tour qui mène aux toits, il repense à son songe… et finalement découvre
la beauté du panorama qui s’étale sous ses pieds ainsi qu’une immense
gargouille, qui lui sourit !
Valérie
............................................................
Les gargouilles, toujours fidèles à leurs places
privilégiées, regardent la Tour Eiffel, pensives…
Sous les ponts coule la Seine et tous ces gens qui viennent
visiter la Cathédrale.
Elles ont traversé des siècles de changements : les
constructions nouvelles, les guerres et leurs atrocités.
Mais qui sont ces gargouilles ? Des êtres maléfiques
avec leur physique diabolique.
De temps en temps, elles s’amusent en envoyant des jets
d’eau sur les passants.
Elles sont condamnées à rester figées sans jamais se
dégourdir les jambes.
Parfois elles se souviennent du Moyen-Age, du temps où la
petite Bohémienne dansait pieds nus sur le Parvis, accompagnée d’une petite
chèvre blanche.
Elle était si belle, si bien qu’elle aurait fait damner tous
les saints de l’Eglise. Quasimodo en était fou.
Des prêtres aussi mais ils la faisaient passer pour une
sorcière afin qu’elle soit brûlée sur le bûcher.
Les gargouilles se réjouissaient du spectacle, à chaque fois
que grillaient de pauvres femmes, incapables de jeter un sort.
Il y avait le pilori, les lynchages, à la grande joie de ces
gargouilles indisciplinées aux penchants malfaisants.
Parfois, à la nuit tombante, dans la civilisation retrouvée,
elles se rappelaient du début des travaux de ce monument qui dura des années,
de combien d’ouvriers ont perdu la vie pour la construire, des jongleurs, des
cracheurs de feu, les danseurs et les troubadours avec leurs mandoles qui chantaient pour encourager les ouvriers.
Aussi la gargouille dit à sa compagne : « - Sans
le chant des troubadours, il n’y aurait pas de
cathédrales ». C’est une
chanson de 1961 interprétée par Anne Sylvestre. Belle interprétation ! On
l’écoute de temps en temps.
Continuons à regarder l’horizon : il y a du mouvement. Mais quelle vie terne ! Si
l’on pouvait jouer des tours pendables comme avant !... Mais nous avons
perdu nos dons avec les années !
A moins qu’une bombe nous détruise, nous resterons là pour
l’éternité !
« Pauvres gargouilles figées pour servir à déverser les
trop pleins causés par la pluie !
Pauvres gouttières ! »
Mireille
......................................................
Deux gargouilles de Notre-Dame de Paris sont en pleine
conversation :
–
Sais-tu depuis quand nous sommes ainsi perchées
en haut de cet édifice ? A contempler le monde qui s'agite au-dessous de nous ?
–
Ma foi, je me rappelle vaguement... ça fait une
éternité c'est sûr, mais te dire la date exacte, je ne puis.
–
Tu ne peux pas évidemment et ce n'est pas très
important au fond. Ce qui importe c'est tout ce que nous avons pu voir depuis
notre place au fil du temps.
–
Bien sûr
mais il est tout aussi impossible de dire le nombre
d'individus qui nous ont observées. Ils sont tellement nombreux... et je m'aperçois même qu'ils sont de plus en plus nombreux.
–
Tu as raison, impossible de le dire. Mais
rappelle-toi, dans les premières années de notre installation, tout était
différent. Les individus, mais le paysage aussi.
–
Oui, c'est certain. Les individus étaient vêtus
de façon différente, on distinguait de suite à quelle classe appartenait
celui-ci ou cet autre, les différences étaient énormes. Il y avait déjà du
monde qui s'affairait sous nos pieds mais pas autant qu'aujourd'hui tout de
même. Les costumes ont bien changé mais ça ne signifie pas pour autant que des
différences n'existent pas encore entre les hommes actuels.
–
Et le paysage s'est aussi modifié. Au cœur de
cette île de la Cité, tout s'est construit peu à peu,
les habitations ont changé, leur style a évolué. Les habitations qui semblaient
légères se sont alourdies et résistent solidement au temps. De nouveaux
monuments sont apparus, ça et là. Seule la Seine continue à couler
imperturbablement. Mais tout de même, on voit à présent différentes sortes de
bateaux voguer sur ses eaux.
–
Et nous avons connu aussi plusieurs guerres...
quel grand malheur pour la France. Heureusement nous y avons survécu. A cette
triste époque, plus de badauds pour nous regarder, ils étaient préoccupés par
d'autres soucis. Les uns cherchaient à dominer les autres qui eux, les
fuyaient, les combattaient.
–
C'est exact et depuis un bon moment on pouvait
penser que la tranquillité était revenue, que nous avions retrouvé un monde
plus paisible.
–
C'est vrai. Ainsi la foule recommençait à venir
envahir tous les alentours de cet édifice, à y pénétrer. Et as-tu remarqué ces
individus qui sont différents de ceux auxquels nous avons été habitués dans nos
débuts ?
–
Oui, j'ai vu tout cela. J'entends parfois
quelques sons de leurs paroles arriver
jusqu'à nous, ils ne parlent pas la langue que nous entendons habituellement.
Et tous ces appareils qui sont dirigés vers nous telles des armes, as-tu
remarqué aussi ?
–
A entendre ceux qui circulent autour de nous, et
ceux qui sont chargés de notre entretien, j'ai appris certaines choses... Et si
tu avais été aussi attentive que moi, tu ne te poserais plus ces questions.
Ainsi, ces hommes différents sont ce qu'ils appellent des touristes. Et apparemment ils viennent du monde entier. Nous serions même perchés sur le monument le plus visité de Paris, et même de toute l'Europe. Quant à ces armes dont tu parles, il s'agit simplement d'appareils photos, peut-être de caméras. Il paraît même qu'on peut aussi utiliser un téléphone portable. Déjà l'arrivée du téléphone, nous avions du nous y faire. Mais qu'il soit portable, et qu'il puisse en plus faire des photos, franchement, où va se nicher le progrès ! Tout ça me dépasse, aussi haut que je sois perchée. Oui, ces touristes veulent bien sûr rapporter des souvenirs de ce qu'ils auront vu loin de chez eux et en faire profiter sans doute leur famille ou leurs amis restés au pays. Donc pas de danger pour nous ou pour quiconque avec ces armes dont tu parles.
Ainsi, ces hommes différents sont ce qu'ils appellent des touristes. Et apparemment ils viennent du monde entier. Nous serions même perchés sur le monument le plus visité de Paris, et même de toute l'Europe. Quant à ces armes dont tu parles, il s'agit simplement d'appareils photos, peut-être de caméras. Il paraît même qu'on peut aussi utiliser un téléphone portable. Déjà l'arrivée du téléphone, nous avions du nous y faire. Mais qu'il soit portable, et qu'il puisse en plus faire des photos, franchement, où va se nicher le progrès ! Tout ça me dépasse, aussi haut que je sois perchée. Oui, ces touristes veulent bien sûr rapporter des souvenirs de ce qu'ils auront vu loin de chez eux et en faire profiter sans doute leur famille ou leurs amis restés au pays. Donc pas de danger pour nous ou pour quiconque avec ces armes dont tu parles.
–
Mais tu as du te rendre compte que de nouvelles
menaces pèsent certainement sur ce pays. Ne vois-tu pas comme l'édifice, que
nous sommes censées nous-mêmes protéger, l'est aussi par des hommes revêtus
d'uniformes ? Tout ceci ne me dit rien qui vaille....
–
Et que pouvons-nous faire, nous, pauvres
sculptures de pierre suspendues dans le vide ? Simplement notre travail qui
consiste à se faire déverser les eaux de la pluie loin des murs de ce bâtiment
afin de le préserver des dégradations du temps.
–
Oui, tu as raison, faisons notre travail et
laissons le soin aux hommes de faire le reste, de sorte que nous puissions
encore longtemps contempler ce panorama devant nous et voir s'agiter cette
foule cosmopolite à nos pieds.
–
Certainement, les hommes arriveront comme
toujours à nous sauver, je n'en doute
pas. Ainsi, leurs semblables et les
touristes pourront nous admirer pendant encore de très, très longues années.
Essayons juste de les aider car notre autre mission
n'est-elle pas de repousser le mal ?
Mais la chose est moins facile à réussir.... Le mal est invisible et donc plus
sournois.
Paulette
.......................................................
Les
gargouilles ont-elles une vie ? Le règne minéral étant plus durable que
l’existence éphémère des humains, combien ces deux sculptures, hissées au
sommet de Notre Dame de Paris, ont-elles vu se dérouler d’évènements tristes ou
joyeux ? Depuis des temps immémoriaux, la ville fêtait le sacré et le
profane. Ainsi, le 6 janvier 1482, les cloches sonnèrent à la volée la fête des
Rois et celle des Fous, tandis qu’un feu de joie s’élevait en place de Grève.
Ces
créatures grotesques composites, pétrifiées pour l’éternité, présentent une
apparence humaine : l’une est affublée d’une tête diabolique, l’autre, à
la face simiesque, est surmontée d’ailes angéliques.
Ces
métaphores du voce et de la vertu devisent : le diable parle, tandis que
son interlocuteur prend la pose du penseur de Rodin.
Ces
monstres, depuis plus d’un millénaire, évacuent par leurs entrailles de plomb,
l’eau de pluie, préservant l’édifice des sinistres liés aux eaux pluviales,
tout en dissuadant, par leur apparence, le vice de pénétrer dans les lieux
consacrés.
Leur
emplacement exceptionnel leur permet d’avoir une vue panoramique sur Paris,
dont ils ont été les témoins des transformations architecturales, de l’histoire
sanglante ou glorieuse, des épidémies, la peste de 1466, le choléra de 1822.
Ils ont vu la capitale baignant dans la boue et grelotant : en 1407, il
gela de la Saint-Martin à la chandeleur. En 1618, le palais de
justice fut
détruit par le feu : pour faire disparaître les pièces du procès de
Ravaillac, assassin d’Henri IV. L’Hôtel de Ville fut embrasé plus tard. La
Sainte Chapelle a résisté ainsi que l’Hôtel-Dieu et l’hôpital des
Quinze-Vingts, fondé sous Saint Louis.
Les
gargouilles scrutent les allées et venues des écoliers de la Montagne Sainte
Geneviève et poseront beaucoup plus tard leur regard sur le Sacré-Cœur de
Montmartre, colline qui possédait autant d’églises que de moulins !
Chaque
souverain a laissé son empreinte. Selon Victor Hugo, il y a « le Paris de
Catherine de Médicis, aux Tuileries, le Paris de Henri II, à l’Hôtel de Ville,
le Paris de Henri IV à la place Royale… le Paris de Louis XIII, au Val de
Grâce, le Paris de Louis XIV, aux Invalides, de Louis XV à Saint Sulpice, de
Louis XVI au Panthéon, le Paris de la République, à l’école de médecine, le
Paris de Napoléon à la place Vendôme, le Paris de la restauration, à la
Bourse… »
Les
gargouilles ont traversé le Moyen Age avec l’art roman, le gothique, la
Renaissance, le Révolution française, l’Empire, la Commune, la révolution de
1830. Des démolitions, celle de l’église de Saint Jacques de la Boucherie, les
agrandissements successifs de la ville, repoussant ses enceintes avec
« tout autour, écrit Victor Hugo dans Notre Dame de Paris, une plaine
immense, rapiécée de mille sortes de cultures, semée de beaux villages : à
gauche Issy, Vanves, Vaugirard, Montrouge, Gentilly, avec sa tour ronde et sa
tour carré ; à droite vingt autres, depuis Conflans jusqu’à
Ville-L’Eveque… enfin, au loin, Vincennes… au sud Bicêtre et ses tourelles
pointues ; au septentrion, Saint-Denis et son aiguille, à l’occident,
Saint-Cloud et son donjon… »
Ces
créatures virent, au quotidien, la misère de la Cour des Miracles, la
monstruosité des exécutions capitales au gibet de Montfaucon : s’il
suffisait de diaboliser Esméralda pour éradiquer le mal ! Combien
d’innocents ont connu les tortures, les écartèlements par la roue, la
pendaison, la décapitation, l’embastillement, lourd tribut payé à la haine, à
l’ignorance, aux préjugés !
Que de
morts en place de Grève ou au pilori des Halles ! Ces gargouilles ont vu
défiler, depuis Philippe-Auguste, tous les rois de France, tous les Louis,
Napoléon et tous les Présidents.
Elles
voient les touristes affluer vers la Tour Eiffel, l’Arc de Triomphe, le centre
Beaubourg, les tours de La Défense, la tour Montparnasse. La nuit la ville de
lumière scintille.
Malgré la
tourmente, il coulera encore longtemps de l’eau dans les gargouilles et sous
les ponts ; aux alchimistes succèdent des apprentis sorciers, motivés par
le profit et la violence, le recours probable aux virus et bactéries invisibles,
dans une société qui ne demande plus que le « pain du corps ».
Dans le
chaos, surgissent aussi des beautés fulgurantes.
À ce
titre, les gargouilles, par leur physionomie, symbolisent bien l’état mental
durable de la société. Pascal disait à juste titre que « l’homme n’est ni
ange ni bête, mais qui veut faire l’ange, fait la bête ».
Marie-Christine
................................................
Perchées
très haut au-dessus du sol, assises là depuis des siècles au cours des
rénovations, elles sont inertes, muettes et laides. Pourquoi ces bouches
largement ouvertes, ces oreilles fendues du haut du crâne jusqu’au bas du
menton ? Tout simplement pour servir de déversoir à l’eau des gouttières
et éviter ainsi la détérioration des murs.
Deux
gargouilles se regardent en semblant s’ignorer. J’appellerai Rieuse, celle de gauche et Pensive celle de droite. « Prêtez
l’oreille », elles se parlent. Pensive ouvre le dialogue :
« D’où je suis, j’ai vu paris s’agrandir jusqu’au-delà de Montmartre, plus
loin que les eaux relativement calmes de la Seine et du pont Marie. C’est la
ville trépidante, animée, avec ses encombrements de voitures, de vélos, de motos,
de bus, avec ses manifestations agrémentées de panneaux, de pancartes, de
drapeaux de toutes les couleurs. Dernièrement, la place de la République a été
le théâtre de terribles attentats, le sang a coulé et cela m’a rappelé la
Révolution où la guillotine travaillait sans relâche et où le sang abreuvait
les caniveaux. De quoi demain sera-t-il fait ? ». Pensive se tait et
reprend son air méditatif. Rieuse, dont la vue plonge sur la rive opposée,
reprend le dialogue : « De ce côté-ci, c’est plus calme, en
apparence. Mais la Seine là aussi est mouvementée. Les bateaux-mouches, été
comme hiver, sillonnent le fleuve dans les deux sens. Lorsqu’un bateau passe
sous un pont, des jeunes gens crient et rient et le son se répercute sous les
arches, longtemps, longtemps… De mon perchoir, j’aperçois le Pont-Neuf,
terriblement bossu où se jouaient fables et fabliaux ! Maintenant, cela a
bien changé : l’été, je vois une plage animée, bordée de palmiers, on se
croirait sur la Côte-d’Azur ! Tous les jours, je vois la Tour Eiffel et si
le temps est clair, les tours de La Défense. Quel changement depuis l’époque où
la cour se déplaçait du Louvre à Versailles. Tu as dû voir comme moi toutes ces
têtes couronnées. Seul regret, de là où nous sommes nous ne distinguons pas les
importants défilés des Champs-Élysées. Les oiseaux eux viennent toujours nichés
sur nos vieilles pierres. Quelle joie pour nous d’entendre leurs
gazouillis ! Voyez, là-haut, on ne s’ennuie pas et parfois nous entendons
de grands éclats de rire quand toute la tribu des gargouilles s’amuse avec le
vent. »
Christiane
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