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Mes deux
frères aînés et moi avions l’habitude de nous réunir dans ma chambre après le
repas du soir pour chanter les chansons de nos idoles du moment. C’était dans
les années 60-65. Dans la journée, nous écoutions à la radio Salut les copains et mon frère
s’arrangeait pur trouver les textes que l’on collait avec précaution dans un
cahier d’écolier.
À tour de
rôle, chacun reprenait les refrains de nos chanteurs préférés.
Une
anecdote me revient en mémoire. Alors que nous étions en colonie de vacances,
les moniteurs nous demandèrent, à l’occasion d’une veillée, de chanter devant
tous les enfants. Notre modeste chorale eut son petit effet.
Un beau
jour, je ne sais plus comment, mon frère eut une guitare. Ne sachant rien du
solfège, il s’appliqua à l’aide de partitions pour débutants à décliner ses
premiers accords.
Médusée,
je le regardais et aspirais comme lui à jouer de cet instrument. Je
m’entrainais aussi souvent que possible. Petit à petit, à force de
persévérance, j’ai su maîtriser une technique qui me permit de chanter en
m’accompagnant. Ainsi, je fis mes premiers pas dans le domaine de la musique.
Je reprenais des auteurs tels que Brassens, Jean Ferrat et bien d’autres
encore. Durant des années, ma fidèle compagne ne me quitta pas. Elle m’a
protégé des vices de la vie et je l’en remercie.
Nadine
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Il y a déjà
un moment, je me rappelle d'une petite fille qui avait les yeux qui brillaient
lorsqu'elle voyait des danseuses habillées de leurs tutus et pointes aux pieds,
tournoyer, sauter et s'élever dans les airs. C'était magique et féerique pour
elle, et elle demandait inlassablement que je l'inscrive pour qu'elle apprenne
à danser comme elles. Cela a duré deux longues années... deux longues années
pendant lesquelles elle est restée campée sur son idée ...deux longues années
qui lui ont servi de mieux connaitre, de mieux savoir que la danse classique
est un art très difficile et exigeant, qu'elle ne ferait pas les pointes tout
de suite et qu'il faudra qu'elle fasse tout un tas d'exercices de souplesse,
d'étirement et rigoureux.
Quand elle
eut cinq ans, je suis partie avec elle voir un cours privé. La professeur,
ancien petit rat de l'Opéra, l'invita à assister au cours donné aux petites. Là,
elle découvrit que le silence était de mise, que les exercices étaient simples
et difficiles à la fois, mais cela ne l'a pas fait reculer, au contraire ! Au
sortir de la salle, il a fallu aller chercher et acheter le justaucorps, les
collants et les chaussons demi-pointes.
Quelle joie
pour elle ! Imaginez son excitation la semaine suivante, lorsque je me
suis mis à la préparer ... collant enfilés et justaucorps ajusté et surtout le
chignon que toute bonne et belle danseuse aborde ! La joie se lisait dans ses
yeux d'enfant .... Elle touchait SON rêve ! Arrivée au cours, elle se précipita
pour mettre ses chaussons de danse et s'envola littéralement vers le
parquet ... Ainsi débuta son tout premier cours, où elle ne quitta pas d'une
seule seconde des yeux et des oreilles, si je puis dire, son professeur ...
étirements, exercices de souplesse devinrent vite courant et simples pour elle...
et l'année s'étira ainsi à chaque leçon où quelques fois elle se retrouvait seule.
Le mois de
juin arriva très vite pour elle, et elle ferait partie du spectacle de fin
d'année ! Le soir, les quatre petites danseuses de cinq ans débutèrent ...oh
...10 mn seulement, mais 10 mn de gloire pour ces petites filles!!
Et celle qui
avait les étoiles dans les yeux resta devant la scène, les bras croisés sur le
parquet pour voir de plus prêt les autres artistes faire le show !
Un moment
inoubliable pour moi ... je la revois ainsi, petite fille habillée de rose et
rêvant de musique, de danse et de ballet ...
La danse
classique, elle en a fait pendant 11 ans ... et n'a jamais regretté une seule
minute ...et les deux dernières années, elle avait voulu s'essayer au moderne. Ainsi,
elle faisait six heures de dans par semaine. Elle a arrêté lorsqu'elle est
passé en seconde car elle avait peur de ne pas arriver à conjuguer les deux ...
Son choix fut difficile...et aujourd'hui elle
aimerait s'y remettre !
Valérie
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Je me
souviens partiellement, de façon fragmentaire, de mes premiers pas vers la
photo.
Âgée de
moins de trois ans, j’y fus contrainte et forcée : il fallait envoyer une
photo à mon parrain parti à New York quelques jours après mon baptême, et qui
décédera le jour de mes treize ans, lors d’une explosion sur son lieu de
travail.
Une
voisine, la mère de ma marraine, avait tricoté à mon intention une robe en
laine orange et jaune qui devait m’écorcher la peau, ma mère avait rajouté
par-dessous une autre robe, en coton nid d’abeille, jaune poussin, envoyée par
mon parrain, mes cheveux avaient été relevés, tirés en arrière et retenus par
un ruban blanc.
Mon père
m’avait acheté des sandalettes et des socquettes blanches.
J’ai
complètement occulté le trajet du domicile à la boutique du photographe,
distante de dix-huit kilomètres.
J’ai
forcément voyagé dans le car bleu qui desservait la vallée, dans lequel j’avais
été accidentée, lors du pèlerinage local.
Je
versais des torrents de larmes : le photographe me prêta un panier en
osier pour occuper mes doigts, mon père devait me faire les marionnettes pour
me calmer.
Je dus me
tenir debout sur un immense fauteuil en paille torsadée.
Comme mon
père conduisait dans la remorque du car, à destination de cette ville tous les
veaux à l’abattoir, je croyais que mon tour était venu !
Le retour
au bercail fut également le trou noir, je ne fus confrontée à l’objectif qu’une
dizaine d’années plus tard.
Je fus
déstabilisée par des caméras de TV, jusqu’au jour où un journaliste m’expliqua
que ce n’était rien, ainsi, l’outil de mort supposé fut remplacé par la boîte à
image réelle.
Marie-Christine
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Le tout
premier sourire d’un nouveau-né correspond au bien-être ressenti après un long
séjour en milieu chaud humide comme dans une serre, avec des bruits ambiants
d’oiseaux tropicaux. Avec les progrès de
l‘échographie en trois D et en couleurs, il est effectivement évident de s’en
rendre compte. Il s’agit des premiers instants et sourires de vie in utero. A
la naissance, ce sourire loin de s’estomper apparaît sur le visage d’un enfant
endormi, rassasié et entre deux rêves. Le visage s’anime et de légers
soubresauts agitent momentanément le torse et les membres en une chorégraphie
charmante et attachante. Un peu comme de jeunes chatons ou des chiots
fraichement venus au monde. Comment ne pas succomber de tendresse face à un
spectacle qui nous inonde de bonheur intérieur ? C’est sourire à la vie de donner naissance à un
petit être et de lui communiquer ainsi tout l’amour auquel il doit aspirer en
priorité et ce sentiment qu’il représente tout pour nous. C’est de garder une
trace indélébile de ces petites quenottes qui en une moue absolument
ravissante s’offre à nous en un
spectacle hilarant et confiant. Ce ne sont que perpétuels mélanges de tumultes
et d’allégresse que d’adresser un sourire à l’enfant qui vient de faire une
bêtise afin d’estomper quelque peu les remontrances et la vue de ces sourcils
broussailleux formant un « I » coléreux. Comment ne pas craquer quand
l’enfant devenu adolescent découvre des dents d’un blanc étincelant quand lors
d’un échange sur Messenger sur écran interposé, ce même sourire de satisfaction
et de bien-être envahit notre être après avoir fermé la caméra ? On se
croirait alors en apesanteur comme Armstrong faisant le premier un grand pas
sur la Lune : ses pieds touchant l’astre lunaire en des bonds somptueux. Et
comme moi, comme vous sans doute ? Avec sa tête dans des nuages et
des étoiles hypothétiques plein les yeux ! Un voyage interplanétaire
effectué à la maison par l‘imagination en un temps record. Et c’est cela le
pouvoir d’un sourire. C’est de dire ô combien on est bien quand celui-ci est
partagé.
Claudine
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C’est
inopinément que je fais mes premiers pas dans l’enseignement. J’ remplace, au
pied levé, un titulaire appelé sous les drapeaux. M’est attribué son poste de
prof de maths.
Dès la
rentrée, je proclame mon objectif : aux examens de fin d’année scolaire,
aucun de mes élèves n’aura en maths une note en-dessous de la moyenne. Je me
déclare prêt à les aider tout au long de l’année et, en contrepartie, je les
prie de m’aider par leur assiduité et leur bonne volonté.
Mes
relations avec les élèves –dont certains ont presque mon âge – sont excellentes
et ne se confinent pas aux murs de la classe mais s’étendent à la vie sociale
et aux activités sportives.
Il arrive
alors que les hiérarchies s’inversent, dans les rapports d’autorité et de
prestige. Ainsi, à ma supériorité en tant que prof de classe, se substitue, au
stade, celle du capitaine de l’équipe dans laquelle je joue. Inutile de
préciser qu’alors mes médiocrités sont manifestes et il n’est pas rare que je
me fasse vertement rabroué. Mais ici comme là règne un bon esprit teinté de
camaraderie et d’émulation.J’avoue
que je jubile en évoquant ces premiers pas en qualité de professeur.
Emmanuel
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Gris du
ciel vibrant, chargé de lourds nuages qui se forment et se déforment, sous le souffle
d’un vent cinglant ! Gris de la mer roulant d’énormes vagues houleuses venant
frapper la coque du navire ! Nuances de gris à l’infini se conjuguant dans
cette atmosphère glaciale de ce matin de février où comme tous les passagers,
je m’agglutine sur le pont du paquebot qui nous emmène vers New-York. C’est que
nous touchons au but et tous scrutent
l’horizon pour découvrir le premier la statue de la Liberté. Soudain, un
cri ! Elle est là, à peine visible dans le lointain ouaté, forme grise
dans le gris du ciel, nimbée de brouillard. Cachée comme derrière une vitre
translucide, elle se dessine peu à peu et apparait drapée d’un long manteau de brume qu’accueillante, elle entrouvre à l’arrivant.
Le
paquebot vire lentement et la statue se dresse alors
devant nous, tenant dans la main la flamme qui illumine le monde. Une dernière
manœuvre, et le navire accoste. Encore quelques minutes et nous la perdons de
vue. La sirène a déjà retenti une fois invitant les voyageurs à rejoindre la
salle principale où chargés d’une partie de leurs bagages, nous nous tenons les
uns derrière les autres, prêts à débarquer. Un dernier coup de sirène et nous
descendons à terre en file indienne.
Mes
premiers pas sur le nouveau continent ! L’Amérique, pays des rêves les
plus fous !
Mais la
réalité est là qui m’attend. Avant la liberté, d’abord les contrôles. Des
agents déposent les bagages sur des tapis et derrière les douaniers se mettent
au travail. Celui qui m’échoit, s’intéresse d’abord au sac que je tiens à la
main. Il y découvre deux pommes et quelques morceaux de pain que j’ai
précieusement conservés pour la route. Sans écouter mes explications, en
français, il les jette à l’eau : Adieu Casse-croûte ! J’apprends que les
américains craignent la contamination par les graines depuis le phylloxéra !
Sur le coup je reste interloquée, regardant bêtement voguer mes fruits à la
surface de l’eau boueuse. Elles sont immédiatement le régal de deux volatiles
descendus du ciel !
Pendant
ce temps, le douanier s’intéresse à ma valise pleine à craquer. Il l’ouvre plutôt
brusquement et tout en me posant quelques questions, tourne et en retourne le
contenu ! Je ne comprends pas grand’ chose en anglais, et lui montre les
papiers remplis sur le bateau. Il n’en a cure ! Et je reste là, la main
tendue alors que sans ménagement, il en
vide presque entièrement le contenu, posant les affaires pêle-mêle, sur le
côté. Non, il n’y a rien, vraiment rien d’interdit ! Il attrape le tas qu’il a
créé et d’un seul coup de main, il remet le tout dans la valise, non sans avoir
tracé dessus, une grande croix noire. Et il me laisse là, empêtrée dans mes
affaires emmêlées ! A moi de me débrouiller avec ma valise trop pleine que je
n’arrive plus à fermer ! Mon voisin, un américain sans doute, rit à gorge
déployée devant mes efforts pour la boucler ! Puis gentiment, il finit par me
donner un coup de main et me la descend du tapis. Je le remercie et cherche la
sortie, la trainant difficilement derrière moi jusqu’à trouver un caddie.
Maintenant la police ! Tout va bien ! Mon titre de séjour est en règle. Enfin, je
sors de la zone interdite aux visiteurs et foule le sol américain, pour la
première fois.
Malgré la
température plutôt basse et la neige qui commence à tomber, la circulation est
dense et les passants nombreux. Je reste un instant, étourdie, debout dans le
froid à humer l’air en contemplant les gratte-ciel. Je suis en Amérique !
Cela m’émeut un peu. Je vais découvrir un nouveau monde !
Marie-Thérèse
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À la fin
des années quatre-vingts, j’accompagne une classe à Londres, en voyage de
découverte, pour une semaine.
La
traversée à bord du ferry est paisible, l’installation dans les familles aussi
malgré quelques réajustements et arrangements de dernière minute, suite aux
affinités, susceptibilités et incompatibilités de certains élèves.
L’une des
accompagnatrices, étant anglaise et enseignant de surcroît la langue de
Shakespeare, arrondit quelques angles grâce à ses hautes compétences
linguistiques et à ses talents diplomatiques insoupçonnés.
Nous
visitâmes les musées et autres lieux célèbres puis, vint le jour où nous nous
rendîmes au Palais de Buckingham.
Une élève
vint me trouver, avec des mines de comploteur, elle m’expliqua discrètement que
les Anglais débarquaient pour la première fois… Je lui remis fort discrètement
le nécessaire, tout en parlant de la pluie et du beau temps, pour tromper
l’ennemi.
Un mois
plus tard, sa famille me fit remettre sans autre explication, un pot de
cyclamens rouges, en souvenir du débarquement des Anglais au Palais de
Buckingham, au nez et à la barbe des gardes royaux…
Marie-Christine
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J'ai été scolarisée à
Cachan et le jeudi, jour sans école à l'époque, j'y fréquentais également le
patronage que l'on appelle aujourd'hui du joli nom de « centre de loisirs primaire ».
Une année, je devais avoir autour des 10 ans, il fut décidé que je partirais en colonie de vacances pendant les congés d'hiver. Cette idée ne me réjouissait pas trop, je n'aimais pas la vie en collectivité, je n'avais nulle envie de quitter mon foyer, mes habitudes et surtout d'être séparée de mes parents. Mais je n'avais pas mon mot à dire.
Et je partis donc à Morzine en Haute-Savoie, station qui je pense ne devait pas être aussi réputée à l'époque. Malgré mon appréhension, sur place je fus quand même émerveillée par les grandes étendues de neige immaculée qui s'étendaient devant moi à perte de vue. J'aimais aussi les promenades dans les petits villages constitués de grands chalets de bois très anciens, des fermes pour la plupart. J'aimais l'odeur de la fumée des feux de bois qui chauffaient ces habitations, l'odeur de fumé aussi qui provenait des viandes qu'on conservait ainsi. On apercevait le bétail en passant devant les bâtiments et sur le côté, le purin provenant de l'étable qu'on venait de nettoyer, purin qui venait grossir le tas de la veille. C'était une odeur moins agréable mais typique et on nous disait alors « respirez bien, c'est très bon pour les poumons ». J'ignore si c'était une vérité... mais j'ai survécu.
Pendant ces vacances à la neige, il était prévu une initiation au ski et, à la fin du séjour, le test qui consistait à décrocher une première étoile. J'ignorais tout de la pratique du ski qui comme toute chose inconnue m'inspirait de la crainte. La colonie disposait de skis et de chaussures et je revois ce matériel. Les skis étaient en bois, rien à voir avec ceux fins et légers qu'on peut louer ou acheter à présent. Les chaussures étaient en cuir, un lacet passait en se croisant dans des crochets sur le dessus et en assurait la fermeture. Là aussi, plus de comparaison possible avec les solides chaussures actuelles qui vous enserrent le pied solidement jusqu'à la cheville, fermées par un tout autre système et qui sont bien étanches. Car là était le problème, à la longue, à force de fouler la neige, ces chaussures prenaient l'eau, on avait alors bien froid aux pieds. Je me souviens en avoir particulièrement souffert une fois, je ne sentais plus mes pieds et bizarrement, ils me faisaient pourtant très mal. Comme je me plaignais les larmes aux yeux, on m'avait fortement frictionné les pieds pour y faire revenir la circulation.
Une année, je devais avoir autour des 10 ans, il fut décidé que je partirais en colonie de vacances pendant les congés d'hiver. Cette idée ne me réjouissait pas trop, je n'aimais pas la vie en collectivité, je n'avais nulle envie de quitter mon foyer, mes habitudes et surtout d'être séparée de mes parents. Mais je n'avais pas mon mot à dire.
Et je partis donc à Morzine en Haute-Savoie, station qui je pense ne devait pas être aussi réputée à l'époque. Malgré mon appréhension, sur place je fus quand même émerveillée par les grandes étendues de neige immaculée qui s'étendaient devant moi à perte de vue. J'aimais aussi les promenades dans les petits villages constitués de grands chalets de bois très anciens, des fermes pour la plupart. J'aimais l'odeur de la fumée des feux de bois qui chauffaient ces habitations, l'odeur de fumé aussi qui provenait des viandes qu'on conservait ainsi. On apercevait le bétail en passant devant les bâtiments et sur le côté, le purin provenant de l'étable qu'on venait de nettoyer, purin qui venait grossir le tas de la veille. C'était une odeur moins agréable mais typique et on nous disait alors « respirez bien, c'est très bon pour les poumons ». J'ignore si c'était une vérité... mais j'ai survécu.
Pendant ces vacances à la neige, il était prévu une initiation au ski et, à la fin du séjour, le test qui consistait à décrocher une première étoile. J'ignorais tout de la pratique du ski qui comme toute chose inconnue m'inspirait de la crainte. La colonie disposait de skis et de chaussures et je revois ce matériel. Les skis étaient en bois, rien à voir avec ceux fins et légers qu'on peut louer ou acheter à présent. Les chaussures étaient en cuir, un lacet passait en se croisant dans des crochets sur le dessus et en assurait la fermeture. Là aussi, plus de comparaison possible avec les solides chaussures actuelles qui vous enserrent le pied solidement jusqu'à la cheville, fermées par un tout autre système et qui sont bien étanches. Car là était le problème, à la longue, à force de fouler la neige, ces chaussures prenaient l'eau, on avait alors bien froid aux pieds. Je me souviens en avoir particulièrement souffert une fois, je ne sentais plus mes pieds et bizarrement, ils me faisaient pourtant très mal. Comme je me plaignais les larmes aux yeux, on m'avait fortement frictionné les pieds pour y faire revenir la circulation.
Si la colonie possédait le matériel nécessaire, il n'était
toutefois pas en nombre suffisant. Il fut donc décidé par la direction qu'il y
aurait deux groupes et chacun d'eux pratiquerait alternativement. La liste des
deux groupes fut établie et on appela les enfants faisant partie du premier,
ceux qui allaient donc skier le jour-même,
Et mon nom était dans la liste, moi qui voulais tant retarder ce moment
alors que d'autres au contraire étaient déçus. J'avais bien tenté de lever la
main pour échanger généreusement ma place mais la direction ne voulait rien
entendre, la liste serait respectée. Et à cette époque, on ne discutait pas.
Notre groupe d'enfants étant assez important, nous étions divisés en plusieurs
équipes, chacune disposant d'un moniteur. Nous portions tous des bonnets de
laine bleue, seule la couleur du pompon au bout les différenciait. Certains
étaient jaunes, d'autres rouges, ou encore verts, cela permettait aux moniteurs de vite repérer ceux
dont ils étaient responsables. Je pense que le mien devait être jaune, c'est la
couleur qui me revient de suite à l'esprit.
Le groupe se rendit donc sur le lieu de l'entraînement et
après quelques explications et démonstrations,
les leçons commencèrent. Des bâtons avaient été piqués dans le sol
neigeux, il s'agissait ensuite de descendre en glissant, de contourner chacun d'eux sans les toucher et
ensuite de s'arrêter plus bas. Bien sûr il fallut recommencer, encore, et
encore. Mais on progressait, les chutes devinrent plus rares. Et à chaque fois
il fallait donc remonter la pente, pas de tire-fesses pour nous, non, nous
remontions en escalier. Et finalement, skier fut pour moi un plaisir, j'y
prenais goût, je me débrouillais même très bien. Tant et si bien que lorsque
nous avions un peu de temps libre, sans doute pendant qu'on expliquait à ceux
qui s'en sortaient moins bien, nous
avions vite faire de construire des sortes de portes à l'aide de trois
de nos bâtons et le jeu consistait à passer dessous accroupi, et sans bâton
donc.
Enfin le grand jour arriva, on
allait devoir affronter l'épreuve qui, si mes souvenirs sont bons, consistait
en un slalom autour des bâtons, skis
légèrement écartés en chasse-neige, une descente en trace directe ensuite et un
arrêt en dérapage pour terminer. Nous passions l'un après l'autre devant le
jury qui sans mot dire observait, notait. L'épreuve terminée, on repartit pour
la colonie sans connaître les résultats.
Ce n'est que le lendemain que la direction nous les annonça, l'ensemble des
enfants ayant pu passer l'épreuve. Et j'avais réussi, je n'étais pas peu fière.
D'autant plus fière que j'étais même la seule parmi les filles, tous les autres
candidats reçus étaient des garçons.
On nous donna notre trophée, une broche argentée en forme de
flocon, une petite étoile dorée était sertie au milieu, sur des traits aux
couleurs de la France. On nous confia également le petit carnet bleu qui
attestait de notre réussite et qui mentionnait la date et le niveau atteint.
C'est donc avec encore plus de plaisir que je pris le chemin
du retour, arborant cette broche sur mon anorak, il s'agissait que mes parents
puissent la voir de suite. Je n'ai pas souvenir qu'ils en firent grand cas...
Dans tout ce que nous pouvions réussir, seuls semblait importer nos résultats
scolaires. Et encore, on ne faisait pas de commentaire sur les bonnes notes,
seules les mauvaises suscitaient une vive réaction.
Voilà, ce furent mes premiers pas chaussée de skis, et aussi
les derniers, jamais je n'ai eu l'occasion de pratiquer ce sport dans les
années qui suivirent et bien plus tard... c'est trop tard !
Paulette
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Quel que
soit notre âge, nous avons toujours l’occasion de faire nos premiers pas. En
effet, après avoir passé le bac en juillet… j’obtenais un poste d’enseignante
dans le privé. Je n’avais pas dix-huit ans, âge requis pour faire la classe.
Qu’importe, à la guerre comme à la guerre, vous les aurez bientôt, c’est comme
si vous les aviez, m’avait dit la directrice.
Dès le 1er
octobre, je faisais mes premiers pas d’institutrice à Sartrouville, banlieue
alors populaire. Ce jour-là, dès 8 heures du matin, très émue, je me trouvais
dans le bureau de la directrice pour un entretien puis lorsque la cloche sonna,
je me dirigeai toute tremblante vers la cour. Mon cœur battait très fort sous
mon corsage. Arrivée dans la cour, je vis une dizaine de rangs et devant chacun
une dame, sourire aux lèvres. Dans un silence impressionnant, la directrice me
présenta. Ensuite, il fallut attendre l’appel des noms des élèves de chaque
classe pour gravir les escaliers, longer les couloirs et suspendre à un crochet
vestes et manteaux. Les enfants, alors toutes en tablier noir, attendaient
toujours en silence, que je leur permette d’entrer dans la salle. Le nom de
chacun était inscrit sur les pupitres rangés deux par deux. Un petit moment
d’hésitation, quelques chuchotements… Le temps que chacune trouve sa place,
j’avais pu me remettre de mon trac. Je m’assis à mon bureau, perché sur une
estrade, et les saluais. Je leur donnais chacune un panier à remplir avec leur
nom, adresse… La salle de classe était vaste, éclairée de baies vitrées, il y
avait aussi un poêle à bois à allumer chaque matin, aux murs deux cartes de
France, l’une des fleuves et l’autre du relief.
Après
avoir recueilli les trente-deux feuilles, j’inscrivis sur le tableau mon propre
nom et leur dis que j’espérais que nous ferions du bon travail ensemble. Je
leur demandais de prendre leur livre de français pour une première leçon. La
glace était rompue, l’année commençait.
Alors
retentit la cloche pour la récréation, j’autorisai les élèves à se lever et à
se rendre en silence dans la cour où elles se dispersèrent gaiement comme des
bulles de champagne d’une bouteille que l’on vient d’ouvrir.Cette
matinée passée pour la première fois avec des enfants de 9-10 ans resta à
jamais gravée dans ma mémoire. Si j’avais su que cela devait se renouveler
quarante-cinq fois ! Je dois avouer toutefois, qu’à chaque rentrée,
pendant quarante-cinq ans, j’ai fait mes premiers pas vers une nouvelle classe,
une nouvelle aventure, de nouvelles personnes à aimer et à voir grandir.
Christiane
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