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Il avait
encore bon pied, bon œil et jouissait d’une santé robuste, il n’était pas du genre à tourner de l’œil. Avec
sa silhouette élancée, il pouvait même taper dans l’œil de la gente féminine
qui se retournait sur son passage, même celles gênées par sa coquetterie dans l’œil.
Il n’était pas non plus dépourvu de qualités, il avait par exemple les yeux au
bout des doigts, ce qui n’était pas négligeable. On ne lui faisait pas fermer
les yeux facilement car il était vigilant, il avait des yeux tout autour de la
tête. Mais lui restait indifférent, il tenait à sa liberté comme à la prunelle
de ses yeux, il ne tenait pas à la perdre pour les beaux yeux d’une demoiselle.
I n’avait aucune envie de se retrouver pourvu d’une femme qui serait bientôt
enceinte jusqu’aux yeux, pas plus qu’il ne tenait à lui obéir au doigt et à l’œil.
Il gardait donc ses distances car dit-on, loin des yeux loin du cœur. Le mariage
n’était pas pour lui, il s’en battait l’œil.
Passant devant
un étal, un beau poulet lui tapa dans l’œil, on aurait dit qu’il n’attendait
que lui. À vue d’œil, le poids devait pouvoir lui permettre d’inviter ses deux
amis, inutile d’avoir un compas dans l’œil pour s’en rendre compte. Encore une
occasion pour eux de manger à l’œil, se dit-il, mais cette fois ils allaient
peut-être se mettre le doigt dans l’œil. Serait-ce le moment de leur parler
entre quatre yeux ? Et de leur côté, seraient-ils tout yeux, tout oreilles ?
Avec le temps, il avait enfin ouvert les yeux sur leur petit manège qui sautait
aux yeux, il n’avait pas les yeux dans sa poche et leurs yeux de merlan frits
le laissaient de marbre.
Il jeta
un œil au prix du poulet et les yeux lui en sortirent de la tête. Clignant de l’œil
de surprise, il risqua encore un coup d’œil vers le poulet qui semblait lui
faire de l’œil dans la vitrine. Il n’en croyait pas ses yeux, ce poulet coûtait
les yeux de la tête. Les deux pique-assiettes n’auraient pas intérêt à avoir
les yeux plus gros que le ventre car sa vengeance serait terrible : œil pour
œil, dent pour dent. Il entra
pour finaliser son achat, il n’avait d’autre choix que d’acheter ce poulet hors
de prix lui faisait venir la larme à l’œil. Il espérait juste que cette dépense
ne le ferait pas dormir d’un œil cette nuit mais se doutant déjà de la suite,
il se dit pour lui-même « mon œil ! ».
Paulette
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Quand je
rencontrai cette jeune femme pour la première fois, elle était attablée devant
un bol de bouillon où dansaient quelques yeux laissés par sa tartine. Seule à
sa petite table, je fus happée par ses yeux de braise et son solide appétit. Je
m’installai en face d’elle : elle était très jolie, habillée simplement,
son visage montrait une certaine lassitude mais
son regard ne manquait pas de
fermeté et elle n’hésitait pas à vous regarder les yeux dans les yeux ;
malgré tout, elle donnait l’impression d’être bon pied bon œil.
Un peu
plus tard, elle me demanda où se trouvait la mairie car elle avait besoin
d’être « aidée ». Elle me remercia et sortit d’un pas décidé, ouvrant
l’œil. Quand elle s’était levée, j’avais pu distinguer son petit ventre déjà
bien rond. Plus tard, je la croisais deux ou trois fois dans les rues
avoisinantes : un petit clin d’œil, un sourire montrait que nous nous
connaissions… puis vinrent quelques mots échangés. Clémentine, c’était son nom,
avait déjà connu différents aléas de la vie qui l’avaient conduite à devenir
femme-sdf et depuis peu, séparée de son compagnon, enceinte. Elle se battant
pour l’enfant à venir car si elle s’était fourré le doigt dans l’œil avec le
père, elle tenait déjà au petit à venir comme à la prunelle de ses yeux. Pour
l’instant l’aide à la mère et à l’enfant pour leur santé était prioritaire,
viendrait ensuite l’aide au logement ou pour retrouver du travail. Pour l’heure
elle était hébergée en foyer et m al nourrie. Il y a quelques jours, elle avait
tourné de l’œil dans le petit square voisin. Même si la vie est dure, depuis
qu’elle est un peu aidée, Clémentine regroupe ses forces, elle se démène de
service en service pour éloigner le mauvais œil. Tout s’était combiné pour la
précipiter dans l’indigence : les rêves qui s’envolent face à la loi de
« œil pour œil, dent pour dent », l’emploi difficile à trouver, une
rencontre discutable et elle s’était perdue pour les beaux yeux de quelqu’un
qui lui avait fait les yeux doux. On peut dire qu’elle n’avait pas eu de
discernement et pas les yeux en face des trous. Mais Clémentine apprend,
réfléchit, se bat et à mes yeux, elle va s’en sortir. Elle a des atouts
personnels et n’a pas froid aux yeux.
Françoise
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Maman aime farouchement ses enfants et elle y tient comme à la prunelle de ses yeux. Elle connait bien l’adage : « Loin des yeux, loin du cœur, » aussi les surveille-t-elle du coin de l’œil et les couve-t-elle des yeux. Elle prétend que tous lui obéissent au doigt et à l’œil.
Pourtant Carole, à un clin d’œil que lui a fait Louis, a, en retour, fait les yeux si doux qu’elle lui a tapé dans l’œil. Ses yeux de biche l’ont envoûté. Dès qu’il la voit, il la boit des yeux. Lui le vaillant à l’œil vif, lui qui n’a pas froid aux yeux, en rougit jusqu’aux yeux, et en aurait presque la larme à l’œil tant il est amoureux.
Mais pour Carole, qu’est Louis à ses yeux, ne se met-elle pas le doigt dans l’œil, ne lui jette-t-il pas de la poudre aux yeux et le regarde-t-elle d’un œil froid ? Non, elle a fondu à vue d’œil sous son regard. Cela ne sert à rien de se cacher les yeux car cela saute aux yeux.
A son tour, il lui fait des yeux de velours. Carole n’en ferme plus les yeux de la nuit. Le matin, elle marche au radar et n’a plus les yeux en face des trous. Elle se frotte les yeux comme si elle avait du sable dans les yeux. Elle a encore sommeil. Mais maman n’a pas un œil qui zut à l’autre, bien au contraire avec ses yeux de lynx, elle garde l’œil bien ouvert. Elle a Carole à l’œil et voit vite les poches sous ses yeux. Dans sa chambre à l’œil de bœuf, elle la prend entre quatre-z- yeux et la regarde dans le blanc des yeux :
« -Qu’as-tu ma fille ? Tu n’as plus, bon pied bon œil ! et tu as de petits yeux ! Qui t’a jeté le mauvais œil ? Est-ce ce garçon aux yeux pers ? Ne se fait-il pas briller à tes yeux. ? ou Qu’a-t-il fait miroiter à tes yeux ?
- mais rien ma mère, dit-elle en ouvrant des yeux ronds comme des soucoupes.
Carole se sent prise comme dans l’œil du cyclone, prête à tourner de l’œil. Comment expliquer ?
D’un œil noir, sa mère s’exclame : Ne me regarde pas avec ces yeux de merlan frit et répond moi plutôt les yeux dans les yeux.
Carole baisse la tête, cligne des yeux puis lève les yeux au ciel :
« -Mais non ma mère, bredouille-t-elle.
- Mon œil ! Et tu crois que je vais fermer les yeux sur ta petite histoire ! Regarde-toi dans ce miroir, lui réplique sa mère en le lui mettant sous les yeux et vois la preuve de tes propres yeux. Ouvre l’œil et ne te mets pas les yeux dans la poche ! gronde-t-elle en lui faisant les gros yeux.
D’un simple coup d’œil, elle voit, les yeux de Carole s’embuer. Maman ne la perd pas des yeux. Et Carole en pleurs, à en perdre les yeux, avoue : Oui, c’est pour les yeux de Louis !
Marie-Thérèse
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Nadine
n'avait pas fermé l'œil de la nuit, le rituel contre le mauvais œil n'avait pas
opéré. Ses voisins, aux yeux plus gros que le ventre, n'ayant pas froid aux
yeux, déploraient qu'elle ait toujours bon pied bon œil : ils n'avaient d'yeux
que pour son appartement qui lui avait coûté les yeux de la tête et pour
arriver à leurs fins, lui faisaient des yeux de merlans frits : ils espéraient
qu'elle obéirait au doigt et à l'œil. Sa pugnacité leur sortait par les yeux.
Ils
aimeraient lui fermer les yeux prématurément, car ils n'ont d'yeux que pour son
logement, le récupérer à l'œil serait idéal ; mon œil se disait Nadine : ils
n'ont jamais osé aborder le problème entre quatre yeux mais ils voudraient lui
faire signer des papiers en lui jetant de la poudre aux yeux.
Même si
elle dépérit à vue d'œil, tournant de l'œil plus souvent qu'à son tour, Nadine
pense qu'ils se mettent le doigt dans l'œil, qu'il faut réagir en vertu de la
loi du talion : œil pour œil dent pour dent : nous voici dans l'œil du cyclone.
Les requins font mine de s'en battre l'œil.
Cependant
la famille de Nadine, Œil de lynx , la bien nommée, n'ayant pas l'œil à la
poche, jette un coup d'œil de temps à autre, veille au grain et lui ouvre
l'oeil, cela saute aux yeux ; il fut un temps où l'on pratiquait la stratégie
loin des yeux, loin du cœur, mais quand l'échéance approche, les intérêts
matériels sont là, chacun , selon son camp : voisins ou famille faisant tour à
tour les yeux doux ou les gros yeux ; la famille tient à l'héritage comme à la
prunelle de ses yeux : hors de question de n'avoir plus que les yeux pour
pleurer : il faut être tout yeux et tout oreilles : empêcher Nadine de signer
des papiers aux captateurs de testaments, quitte à mettre un œil au beurre noir
aux malveillants qui verraient cela d'un mauvais œil : ce jour-là, la famille
de Nadine s'en rincerait l'œil.
Marie-Christine
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