Elle était dans le grenier à genoux devant
une grosse malle grise entrain de découvrir les unes après les autres des
choses du passé. Au milieu d’un paquet de photos en noir et blanc aux bords
découpées en dents de scie qu’elle regardait rapidement, tout à coup elle
s’arrêta net. On dirait moi pensa-t-elle, en plus âgée mais qu’elle
ressemblance ! Les cheveux bruns et longs encadraient un fin visage, le
nez bien droit aux narines qu’on devinait palpitantes, les yeux noirs et
profonds sous une frange de cils épais qui semblaient la fixer, la bouche
rieuse aux lèvres charnues. Elle retourna la photo mais il n’y avait ni nom, ni
date, ni lieu. Elle descendit quatre à quatre les escaliers pour retrouver sa
grand-mère qui était dans la cuisine et l’interroger. Qui est-ce ?
Demanda-t-elle. Sa grand-mère finit de s’essuyer les mains à son tablier et
pris délicatement la photo, pendant qu’elle la regardait le rose lui monta aux
joues. C’était ma sœur lui dit elle, elle est partie beaucoup trop tôt, comme
tu lui ressembles. Pourquoi ne m’en avoir jamais parlé ? Dans l’espoir
d’oublier la douleur mais maintenant toi qui lui ressemble plus qu’avec un air
de famille. Mais je ni suis pour rien moi ! Non ma biche et justement ma
douleur s’atténue parce tu lui ressembles c’est comme si elle revenait auprès
de moi.
Fabienne
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Plongées
dans les vieux albums de photos, nous regardons les images du temps passé où
jeunes dames en capeline et en longues robes froufroutantes posaient à côté de
messieurs au costume foncé, cravate, chemise blanche et chapeau haut de forme. Beaucoup
de ces personnages nous étaient inconnus mais pour la plupart appartenaient à
la branche paternelle de la famille.
Soudain, notre regard s’arrêta sur la photo
d’un jeune soldat : son air sérieux sous l’uniforme, le port droit,
ses yeux clairs et ce menton en
galoche, marque indélébile de la famille.
«- Mais
on dirait Guy, s’écrie Monique interloquée ! C’est son portrait craché mis
à part l’uniforme. C’est sûrement un de nos ancêtres mais lequel ? La
ressemblance est vraiment trop forte.
-Tu
as raison, acquiesce Brigitte. C’est tout à fait son visage un peu allongé et
ce regard direct et franc. Retourne la photo. Il y a peut-être une inscription
au dos.
-
Oui, reprend Nicole. Hyppolite, dragon,
Août 1870.
-
Hyppolite ? Ce prénom vous dit
quelque chose, interroge Monique.
-
Mais oui, c’est ce jeune mort à la guerre, l’ainé des frères de l’oncle
Frank, reprend Nicole. Il le disait facétieux et intrépide mais généreux
et très patriote.
-
En tout cas, Guy lui ressemble comme deux gouttes d’eau, s’exclame Monique,
encore sous le coup de sa découverte. Malgré le casque à plumeau, on devine son
grand front et l’on retrouve à l’identique le dessin des arcades sourcilières,
et les grands yeux clairs.
-
Oui, mais observe, Brigitte, sa bouche est quelque peu différente. Ses lèvres sont légèrement
pincées tandis que Guy, à force de faire la moue, a des lèvres plus fortes qui
avancent davantage. Ce devait être un
brave garçon !
-
Que veux-tu dire, Guy n’est pas un brave garçon, rétorque Monique.
-Mais
si, mais si, ne te fâche pas. Hyppolite est mort bien jeune mais Guy est parmi
nous et nous l’apprécions tous, tu le sais bien. Et puis, s’il fut boudeur, il
ne l’est plus et il est aussi généreux.
-
Et entreprenant et débrouillard, ajoute Nicole et parfois… !!! très direct
aussi ! renchérit-elle mi- amusée. Peut-être tient-il cela de son grand-
oncle ! Qui sait ?
-
En tout cas, ce qui se perpétue à coup sûr dans la famille, c’est notre menton
à galoche, une vraie marque de fabrique,
fait remarquer Brigitte. Nous en avons tous et toutes hérité, même
Arthur, le petit dernier.
Combien
de fois ai-je entendu constater de manière péremptoire : « C’est bien
l’air de famille ». Moi-même, je n’échappais pas à cette pratique, même
si, prenant de l’âge, je devins plus prudente en la matière… c’est vrai que
parfois, la ressemblance surtout physique est frappante. C’est le cas entre
frères et sœurs, ou avec l’un des parents proches ou plus lointains en vertu
des mystères de la génétique. Si « un air de famille » est une notion
globale, elle s’impose plus ou moins à chacun d’entre nous, à travers la
perception de multiples traits : silhouette de l’individu observé,
comportements, timbre de voix, expressions, regard… De plus, notre constat n’a
rien de figé. Tout est vivant et l’individu considéré tout comme l’observateur
sont en perpétuelle recomposition.
La
famille est la première cellule sociale, le premier lieu d’échanges. Viendront
ensuite de multiples contacts, situations – à l’école, au travail, dans les
loisirs ou l’intimité – qui façonneront, par contagion, à l’infini. L’air de
famille repose en réalité sur une grande complexité chez les humains. Qu’en
est-il chez les animaux domestiques qui les accompagnent ? Nous arrivons
parfois à percevoir chez eux des « airs de famille ». Cela amuse
toujours de voir comment les chiens d’aveugle ou les toutous des mamies savent
bien aligner leurs pas sur ceux de leur maître.
Les cas
d’adoption d’éléments étrangers par une famille biologique peuvent troubler
l’observateur et sera à l’origine de réflexion cocasses « C’est bien le
fils de sa maman ! ». La greffe prend plus ou moins bien mais elle
est vivante et c’est cela qui compte. Que dire des airs de famille dans les
familles actuelles recomposées ? L’air de famille va sûrement muter,
s’enrichir de multiples aptitudes et peut-être devenir plus ressenti que
visible. Avons-nous encore besoin d’un marquage par le sang qui peut aussi
enfermer l’individu. Aime-t-on toujours s’entendre rappeler ce fameux air de
famille ?
Oui, à
condition de ne pas s’y laisser enfermer, on peut trouver dans l’air de famille
beaucoup de chaleur, de solidarité et d’amour comme dans un nid douillet.
Françoise
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Amusant !
J’aurais presque envie de dire : « Qui se ressemble,
s’assemble » Comme les vrais et non les faux amis. Avis aux sœurs
ennemies. Des fois, les vraies amies nous ressemblent comme deux gouttes d’eau.
La suite de cette ou de ces Histoires pourraient le confirmer pour les joyeux
lurons et luronnes concernées : ils ou elles peuvent avoir chacune leurs histoires à raconter.
Il suffit
juste de bien ajuster sa lorgnette et de viser dans la bonne direction.
Autant de
différences observées dans des milieux familiaux sans extrapoler. Sur le plan
géographique et ethnique où tout devrait peut-être les séparer. Je pensais à deux jumelles monozygotes mises en adoption. L’une retrouve l’autre en
observant des caractéristiques physiques similaires sur une photo diffusée à la
télévision. Elle ose la contacter lors d’un de ses tours de chant. Elles
comparent leur livret de naissance et leur date de naissance. Elles sont nées
le même jour sous x d’une femme dont elles connaissent le prénom, à la même
heure, à la même maternité dans le même pays. Les faits sont prouvés et les liens commencent à se tisser. Elles
vivent sur deux continents différents. Elles sont devenues inséparables depuis.
A chacun
sa famille d’adoption et de filiation.
Il y aurait même « des pièces
rapportées » n’ayant aucun lien de parenté qui malencontreusement ou
étonnamment ressembleraient à leur famille d’adoption. Pur hasard de la
nature ? Autre cas de figure, une femme en désir
de grossesse entreprend une recherche très pointue auprès d’un donneur de sperme présentant des caractéristiques
physiques et psychologiques très proches de la future génitrice et de la
famille ainsi comblée. Il y a aussi des dons d’ovules, il ne faut pas l’oublier
et j’ose espérer que ceux-ci remplissent toutes les espérances du couple déjà
formé ou ainsi rapprochés par gamètes et paillettes décongelées. A la
naissance : l’entourage plus ou moins proche pourra certainement ou
peut-être s’extasier sur la ressemblance du nouveau-né qui posséderait les
oreilles de la grand-mère ou le nez de la maman. Alors bonjour au pays de FIV
et des grossesses assistées.
Qui ne connaît pas suffisamment le dilemme et
la difficulté d’évoluer dans une famille recomposée aux relations
alambiquées…Et le fait de pouvoir trouver ou retrouver sa place pose un réel
problème d’identité.
Sur le plan physique strictement, il y aurait
des similitudes, des ressemblances dans la forme et la couleur des yeux par
exemple, mais le choc des caractères et les mentalités totalement différentes
peuvent s’affronter, s’entrechoquer, s’opposer comme dans une famille
« non recomposée ». De plus en plus les familles tentent à se
fracturer, à se diviser, à se
reconstituer sous une forme tentaculaire et des fois souvent démesurée.
Et le risque de voir les parents ou le père entamer une procédure de divorce,
voire encore à s’évaporer dans la nature plane au dessus de la tête de beaucoup
d’enfants que l’on aurait oubliés dans l’histoire amoureuse des grands. Autant
de risque de placement, de déchéance et d’errance. Il en faut de la suite dans
les idées, une force de caractère, de la présence d’esprit, de la persévérance
et un beau vernis pour sortir la tête du bourbier. Le problème et le dilemme
viendra à se poser lors du décès de ce dernier : le « chef de
famille » qui est souvent malheureusement géniteur seulement… à
l’ouverture de son testament et lors de la répartition de ses biens ou de ses
dettes. Des fois, il y a des cadeaux empoisonnés et dans les familles
reconstituées comme entre les membres d’une même famille, on peut tout aussi
bien s’étriper pour quelques poignées d’euros ou de dollars.
Il y a néanmoins de plus en plus de familles
monoparentales. Et la loi qui se profile bientôt en désirant faciliter la garde
partagée est loin de satisfaire tous les foyers.
Entre juxtaposition de vies, d'existences, d'expériences malheureuses et je l’espère quand-même heureuses : ça existe
néanmoins… l’humour et l’amour est au rendez vous et règle les conflits et les litiges. Et la moindre naissance, fête d’anniversaire de
mariage et autres unions réuniraient les familles, feraient battre les cœurs et
traverser monts et vallées, des océans d’incertitude et de solitude
morale. Le rire et le
sourire se retrouve dans des visages marqués par l’âpreté de la vie et, entre les rides d’expression, les sourcils épais et les pâtes d’oies, on entrevoit le bonheur de se retrouver. Du coin des yeux, on ne se chuchote que des bonnes
choses et force est de dire que c’est ça l’esprit de famille, qui ne fait qu’un
contre vents et marées pour entourer celui ou celle qui suite au décès de son
mari en a tant bavé. Un sourire, le même que ses sœurs et que celui de sa mère
éclaire doucement son regard triste et doux aux pupilles noires comme des
pépites de charbon. Mais la même expression de tolérance et d’acceptation règne
en maitresse inconditionnelle dans la pupille d’un bleu transparent du père de
famille qui enveloppe toute sa petite famille de son soutien, sa protection, sa
bienveillance sans limite de temps et d’espace et surtout sans marquer de préférence
aucune pour sa descendance et celle qui leur a donné naissance.
Claudine
...............................................................
Marguerite a survécu, bon an mal an au
tsunami familial.
Alors, ressembler à un membre de sa
famille est ambivalent, peu évident, mais il est humain et permis de poser sa
date de naissance sur un axe chronologique : personne ne peut l'interdire.
Cela dit, Marguerite, placée depuis l'âge
de neuf ans, voyageait un jour dans un autobus, quand une inconnue voulut lier
conversation avec elle et lui demanda si elle était la fille d'untel, à cause
de la ressemblance frappante de la tête et des expressions du visage. Aux yeux
de cette personne, Marguerite était le portrait vivant et animé de son père :
il ne pouvait pas la renier : donc elle n'avait pas de fardeau supplémentaire à
porter : les enfants dits naturels à cette époque subissaient la double peine
et même plus, étant mis au ban de la société : rebuts indésirables destinés à
l'exploitation et à l'humiliation permanente, ils n'avaient d'autre choix que
de partir quand on leur laissait la vie sauve.
Peut-être cela remuait-il chez cette dame
des souvenirs, des sentiments, un passé tourmenté et trouble : la jeune
voyageuse apprit peu après qu'elle avait été incarcérée pendant plus de dix ans
pour six infanticides : chaque assassinat détruisait irrémédiablement toute
ressemblance avec quiconque.
La famille de Marguerite n'avait de photos
ni des vivants ni des disparus de sa propre famille ; tous ces taiseux ,
englués dans leurs problèmes existentiels, quotidiennement embourbés ,
n'évoquaient jamais leurs ascendants, ressemblances, différences, us et
coutumes, la plupart étaient partis vers d'autres cieux... Les contemporains
n'avaient pas idée de se faire portraiturer, ne voulant ou ne pouvant laisser
une image, une empreinte de leur passage.
Des photos, des conversations auraient pu
aider Marguerite à se sentir membre à part entière d'une famille ; comme tout
allait à vau-l'eau, Marguerite s'est sentie toujours isolée, au milieu de nulle
part, or les débuts dans la vie sont fondamentaux pour prendre ses repères.
Tandis que Marguerite grandissait et
voyait épisodiquement les siens, elle réalisa au fil des ans qu'elle avait
hérité de la plupart des maladies héréditaires présentes dans les deux branches
confondues, ce qui lui faisait penser qu'elle était bien l'enfant de quelqu'un,
précisément.
L'enfant avait été profondément choquée
dans sa famille d'accueil, par les propos de l'homme qui lui trouvait une tête
de Boche, alors que c'était tout simplement impossible : donc encore une fois,
on salissait la mère et l'enfant, y compris en alléguant l'adultère imaginaire
, infâmant, l'intelligence avec l'ennemi, au risque de faire massacrer la maman
innocente par le véritable père biologique si ces paroles nauséabondes étaient
répandues sur la voie publique ! Marguerite n'en a jamais parlé à sa maman,
déjà si malmenée !
Sur le plan intellectuel, dans cette
famille très isolée, décriée, montrée du doigt, vivant en -dessous du seuil de
pauvreté, Marguerite adorait les moments où sa maman prenait dans l'âtre
un brandon éteint et lui dessinait des lettres, des poules, rien que pour
elle ; de son côté sa tante paternelle lui faisait lire une page du livre de
lecture REMI ET COLETTE, prêté par l'école. Ces deux personnes qui n'avaient
rien ont fait beaucoup pour Marguerite, en lui transmettant la lecture,
l'écriture, le dessin. Ce trio avait des goûts et des aspirations communes qui
auraient pu se développer et s'épanouir dans des conditions
satisfaisantes et sereines.
On ne remercie jamais ses bienfaiteurs
comme on le devrait. Merci MAMAN, merci TANTE ! Il en résultera que Marguerite, ballottée de Charyb de en Scylla, se construisit dans le tohu bohu, au fil des ans, s'autorisant finalement à survivre, solitairement.
Marie-Christine
Marie-Christine
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