Louise
s’arrache les cheveux. Elle s’y est mise vraiment trop tard pour établir son
programme de révisions. Elle n’a pas pu le tenir. Il faut dire qu’elle n’a pas
trop étudié au premier trimestre et a eu du mal à se motiver au deuxième. Non,
jamais, elle n’y arrivera ! D’ailleurs ce n’est même plus des révisions.
Elle a fait trop d’impasses dans l’année et maintenant, elle a beau s’y
acharner, il ne lui reste plus assez de jours pour tout revoir voire apprendre.
Elle se désespère. Non, jamais, jamais, elle ne pourra réussir son bac et elle
restera là sans ses copines qui elles bien sûr, l’auront. Elle s’en veut mais
il est bien trop tard. Tout plaquer, ne pas y aller, prétendre que je suis trop
malade. Toutes ces idées l’effleurent mais elles les repoussent d’un revers de
la main comme sa mèche de cheveux qui lui tombe dans les yeux. Elle pousse un
gros soupir et se remet au travail.
Et
les heures passent ; elle tombe de
sommeil. Ni le café, ni les vitamines ne sont assez puissants pour l’empêcher
de fermer les yeux. Elle s’assoupit de longues minutes et se réveille en
sursaut et maugrée : « non, jamais, je n’y arriverai !
C’est tant pis pour moi. » Mais elle continue quand même à réviser.
C’est
la tête un peu douloureuse et comme dans du coton, qu’elle passe les épreuves
écrites.
« La
philo, allez savoir ? L’histoire, çà devrait passer, l’économie, j’espère
avoir bien réussi mais les maths une vraie catastrophe ! »
Louise
sort de la salle d’examen, peu fière d’elle et pas du tout rassurée sur son sort. Elle se joint à ses
copines et feint la bonne humeur, y va de son petit commentaire mais au fond
d’elle-même, elle angoisse. Et dire que maintenant, il faut attendre des jours
pour connaitre le verdict.
«-
Et bien les filles on se retrouve lundi devant le lycée, » lance Marguerite
au groupe d’amies. Et ajoute-t-elle avec malice, n’oubliez pas de réviser, on
ne sait jamais … un
repêchage ! » Marguerite, elle,
n’a pas de soucis : excellente élève très bons résultats. Louise acquiesce de la tête
mais aura-t-elle le courage de venir ?
Plus
les jours passent et plus l’anxiété grandit en elle. Elle n’en dort plus, la
nuit. Elle a beau se dire qu’elle n’avait qu’à étudier et que l’on ne récolte que ce que l’on a semé. Mais un petit
espoir, sait-on jamais, la pousse à lire et relire ses fiches.
Le
lundi, elle se retrouve devant la porte du Lycée avec Marguerite et le groupe
et attendent. Enfin, l’appariteur affiche les résultats. Et tandis que des cris
éclatent de toutes parts, Louise regarde mais sans trop y croire. Elle est au
repêchage certes mais sa moyenne est très faible : 8. La directrice la
voit et lui dit :
« -
Avec autant de points à rattraper, tu n’auras jamais ton bac. Tu n’avais qu’à
étudier davantage ! »
-
Pas encourageante la directrice, lui souffle Marguerite mais vas-y, il ne faut jamais dire jamais ».
Un
peu réconfortée, Louise part s’inscrire pour l’oral. C’est pour demain,
dès huit heures.
A
l’heure dite, Marguerite est à ses côtés
et tente de la rassurer. Louise entre dans la salle. Tiens, Pierre aussi est au
rattrapage. Il a sûrement moins de points à récupérer se dit-elle. Première
épreuve : Maths. Elle bredouille, elle bafouille et ne connait pas bien la
solution. L’examinateur tente une deuxième question. Elle y répond vaille que
vaille.
« A
quoi bon poursuivre, pense-t-elle. Jamais, je n’y arriverai.»
Un
peu comme un automate, elle se dirige vers le professeur d’économie et tire sa
question. Là, oui, elle connait. Du coup, c’est avec une certaine fébrilité
qu’elle prépare son exposé et quand vient son tour, c’est avec facilité qu’elle
parle. Les dix minutes imparties s’écoulent. Le professeur l’arrête. C’est
fini !
Marguerite
se précipite : « Alors ? – Bof ! Nul pour les maths et en
économie, faut voir ! mais jamais, jamais, je n’aurai assez de points !»
La
fin de journée arrive avec les résultats. L’appariteur lit les noms des admis.
Louise pousse un cri. A-t-elle bien entendu ? Oui, lui dit Marguerite qui
la félicite et l’embrasse. Elle est reçue ! La directrice passe à ce moment-là et les
regarde interloquée. Mais oui, il ne faut jamais dire jamais !
Marie-Thérèse
.........................................................
.........................................................
Il y a des jours où je me dis que j'aurais mieux fait de ne
pas me lever. Je suis pourtant toujours bien disposée, l'emploi du temps de mes
journées est arrêté mais quand un problème survient, tout est remis en question
car l'urgence est alors de régler ce problème, adieu donc la belle
organisation. Et le plus souvent, comme un malheur n'arrive jamais seul,
d'autres problèmes s'enchaînent jour après jour, je me demande toujours
quand tout cela va prendre fin. Et pour décrire cette période d'ennuis successifs,
j'ai trouvé une expression "traverser une zone de turbulences". Mais
aucun pilote dans l'avion à part moi pour en sortir.
J'essaie dans un premier temps de faire face, de réfléchir à
la solution, mais quand les ennuis se succèdent, là vient tout de même un
moment de découragement où je me dis "jamais je n'en sortirai, jamais je
n'en verrai le bout". Il est même arrivé que j'en vienne à avoir des idées
noires, à me demander ce que je faisais sur cette terre puisque rien ne va
jamais droit, je me sens si seule, si perdue, si vulnérable dans ces
moments-là.
Ensuite, une fois mon calme retrouvé, je parviens à mieux
réfléchir et même à régler un des problèmes, du moins à trouver une solution
acceptable en attendant mieux. Je suis soulagée, je reprends confiance et je
pense aux autres problèmes qui sont encore en attente. De fil en aiguille,
après quand même pas mal de bouleversements dans mes journées, tout finit
parfois par se régler petit à petit. Certes, je n'ai pas fait tout ce que
j'avais prévu initialement, ce sont quelquefois des choses qui pourtant étaient
à faire rapidement mais qu'y puis-je. J'ai couru, j'ai réglé des problèmes,
c'est déjà une bonne chose, le reste me paraît si peu important. Ce qui reste
je le maîtrise, je sais donc que je j'en sortirai très bien.
Et quand finalement tout est enfin rentré dans l'ordre, que
ma vie a retrouvé son cours normal, je me dis alors que j'ai eu tort de tant
m'en faire, qu'il faut savoir rester un peu optimiste, que tout finit toujours
par s'arranger. A quoi ça sert de se rendre malade, ça ne fait rien avancer.
Mais ça, c'est ce que je me dis après. Il n'empêche, le jour où d'autres
problèmes surviendront, je sais que je serai de nouveau dans tous mes états, on
ne se refait pas, j'attends donc la prochaine zone de turbulences. Dès que je
serai sortie de celle que je traverse encore actuellement, il ne faut jamais
dire jamais...
Paulette
.......................................................
Au début
des années 80, Valérie, atteinte de poliomyélite, était élève dans le
secondaire ; elle voulait devenir médecin.
Ses parents
ne la soutenaient pas, la directrice était hostile à son projet, lui assénant
qu'un médecin ne doit pas être handicapé, question de présentation...
Pourtant,
Valérie fut contre vents et marées soutenue par sa professeure de biologie, tout au long
de sa double peine, de son calvaire au quotidien.
Valérie est
médecin, son cabinet ne désemplit pas : il ne faut jamais dire jamais pour
lutter contre la discrimination au handicap, la monstruosité des individus
bien-pensants ayant de surcroit autorité, empêchant autrui de réaliser sa
vocation, lui faisant rater sa vie.
Il fut
aussi une époque où les gauchers étaient écartés du concours d'Ecole Normale
:ils pouvaient triompher des épreuves écrites, mais lors du passage au tableau
pour les épreuves pratiques, ils étaient impitoyablement mis à l'index ; fort
heureusement ces pratiques ont évolué : il ne faut jamais dire jamais, même si des
générations de futurs enseignants ont fait les frais de ces pratiques et dû se
réorienter, ratant leur vocation...
A l'Unesco,
Ginette eut un entretien avec une dame en fauteuil roulant, cadre juridique
dans cette prestigieuse institution.
Ginette
après la brillante conférence dédiée aux pays africains, apprit que
l'intervenante, dans son enfance africaine, atteinte de poliomyélite, allait à
l'école en rampant sur le ventre, par les pistes poussiéreuses, parfois
piétinée par des camarades malveillants qui lui crachaient dessus. Ses
brillants résultats la conduisirent vers des études supérieures, sous des cieux
plus cléments ; elle n'a jamais dit jamais ; de plus, elle n'a pas dit son
dernier mot.
Marie-Christine
..................................................
Faut-il dire «jamais au grand jamais je ne le referai»? Ou
ne jamais dire le mot jamais? Ou bien «il ne faut jamais dire jamais?»
Sacré exercice de style pour en comprendre les nuances si
sensibles, susceptibles de troubler l'ordre des choses et la compréhension du
sujet à traiter.
Alors faut-il s'égarer hors sujet et dire «On ne sait
jamais!» Ou «sait-on jamais?» Et les points d'exclamation et d'interrogation
font toute la différence. Et de noyer le sujet quand on n'a jamais rien à dire
qui puisse surprendre et intéresser son petit monde avec un «Je sais qu'on ne
sait jamais!» Ce qui pourrait crédibiliser la thèse de l'ignorance, mais ce
serait aussi faire preuve d'humilité. Des fois que ça fonctionnerait ? La
première fois que j'ai entendu cette expression: elle sortait de la bouche de
monsieur Gabin qui la tenait lui-même d'un philosophe.
Le mot jamais qui est un adverbe peut s'avérer être si
négatif s'il est prononcé d'un ton péremptoire... Il devrait être muni d'une
notice comportant le sigle rouge du danger.
Oui! Il appartient à chacun en effet de prendre ses
responsabilités quand il s'agit de le prononcer.
Il devrait être mis dans la liste des mots interdits ou
encore à utiliser avec modération et à bon escient sous peine de passer pour un
bonimenteur et de perdre toute crédibilité face à ses interlocuteurs. Si censés
que ceux-ci ne connaissent pas l'oiseau ou «le poisson qui nage en eaux
profondes» le prononcent et lui fassent tout bonnement confiance au risque
d'avoir certaines déceptions à venir.
On dit qu’une personne avertie en vaut deux ! Encore un
proverbe. Certes on pourrait s'y référer. Et tâcher de prévenir au préalable la
personne qui risque d’être déçue suite à des promesses non tenues ou des
déclarations tonitruantes prononcées en public avec des témoins pour attester,
pouvant se révélant au final non respectées. Le naïf ou l'optimiste ou la
personne sous influence ou la forte tête ne pourra que s'en mordre les doigts et
s'en vouloir de ne pas avoir écouté les conseils d'une personne plus avisée.
C'est toujours facile de traiter de tous les noms d'oiseaux
«l'inconséquent», «le menteur», «le hâbleur», «celui qui l'ouvre toujours trop
vite»… soit dit entre nous quelqu'un à qui on reprocherait d’être «une grande
gueule qui ne tient pas ses promesses ou mange l'ours avant de le tuer!».
Personnellement en opposition, je préférerais l'adverbe
«toujours» qui est plus positif mais ô combien pompeux et peut être interprété
comme de la prétention. Alors pour mettre les deux parties opposées en accord,
je dirai «Peut-être?» Et je me transformerai aisément en Normande, quoique je
n'ai pas remarqué chez les personnes natives de cette région que l'on soit plus
neutre ou encore plus discret au point de ne point vouloir donner son opinion
et rester aussi évasif.
Alors pour trancher dans le vif du sujet et prendre un
chemin moins glissant, je pourrais évoquer des cas de personnes qui n'utilisent
«jamais le mot jamais»…et ne marchent donc pas sur des œufs ou en terrain
miné...Juste une question de prudence et de lucidité.
Il faudrait éditer si ce n'est pas déjà fait un petit livret
comportant les règles essentielles du «Que et quoi dire en société, et aux
médias !» ou encore «comment se comporter en public»...mais là je crois
que le gouvernement en cours est en train de se pencher sur le sujet. Et sans
m'étendre sur le dilemme, je dirais que chaque mot, chaque tournure de phrase
est étudiée de part et d'autre et qu'il s'agirait de tenir le langage
appropriée en toutes circonstances pour éviter les quiproquos, les amalgames et
les interprétations suggestives. Alors restons objectif, mesuré et pondéré.
Tout adage, proverbe, citation méritent certes toute notre attention, mais on
se devrait d'en faire une bonne utilisation...Mais comme les mentalités ainsi
que les préjugés ont la vie dure. Avec un peu de chance, ils passeront les
générations futures et nos petits-enfants continueront peut-être ou jamais à
dire «Il ne faut jamais dire jamais».
Claudine
.............................................................
Cette phrase est un non sens, mais pourtant
elle est souvent utilisée. Surtout quand arrive quelque chose que l’on a
ardemment souhaité. On l’utilise aussi pour encourager la personne défaitiste
qui pense que jamais il n’y arrivera en l’appuyant d’exemples. On ne
pourrait pas remplacer jamais par toujours car cela devient une phrase qui est
autant marquée de non sens. Je me demande qui a inventé cette phrase car elle
n’est pas signée et surtout ce qu’il voulait dire. Ce qui m’étonne c’est
qu’elle ait traversée les décennies en étant reprise par moult personnes sans que cela heurte la conscience. C’est un
des mystères de la langue française. J’ai beau tourner ce dicton dans tous les
sens je ne les comprends pas. Je ne trouve surtout pas de quoi remplir une page
et j’en suis désolée .
Fabienne
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire