samedi 3 novembre 2018

ARRIVER EN TERRAIN INCONNU

Premiers pas…
Première dent…
Premier de la classe…
Premier de cordée (très à la mode depuis peu)…
Premier amour…
Premier baiser de grande personne…
Première cigarette…
Quant aux premières brasses, n’en parlons pas, c’est tout simple : il suffit de savoir nager !
Cela me rappelle les derniers émois d’Annick survenus au moment de la reprise des ateliers de peinture sur son lieu de résidence. L’année précédente avait été consacrée au déménagement et emménagement : laborieuse donc. Mais Annick avait tenu à marquer cet événement heureux en s’inscrivant à un cours de peinture pour adultes débutants. Elle accrochait bien et cela lui avait valu quelques belles expositions suivies d’échanges. Elle espérait continuer mais hésitait encore entre la formule classique, assez scolaire, et ou bien trouver un atelier plus créatif. Les aléas des inscriptions et ses hésitations firent qu’elle perdit sa place en deuxième année de « classique ». Et comme l’été ne s’était pas bien passé, elle se mit à cafarder, à douter d’elle.
Sans l’avoir recherché, je fus élue confidente. Patiemment, délicatement, j’entrepris de lui faire accepter sa nouvelle situation de manière plus constructive.
« Essaie d’entrer dans l’autre atelier, tu verras si ça te plait… c’est peut-être une chance.
-oui mais il est dirigé de manière très libre, par un artiste.
-justement, il t’apportera peut-être ce que tu recherches »
Bref, deux semaines plus tard, elle s’était inscrite dans ce nouvel atelier et se préparait déjà à faire sa rentrée : vérification du matériel, quelques travaux passés et le tableau en cours où un problème se posait (de quoi travailler avec ce nouveau professeur)
Finalement, bien qu’arrivée par deux fois en terre inconnue, Annick semblait bien s’en sortir. Dernièrement, elle m’a fait deux envois sur mon ordinateur : une photo de son dernier tableau, et une fiche de conseils trouvés sur internet « les 10 commandements en peinture ». Non seulement mon amie sait nager, mais elle ne manque pas d’humour.


Françoise
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La découverte de nouveaux locaux, et par n'importe lesquels !
Une sensation de no man's land aux détours de couloirs alambiqués
Des labyrinthes à en perdre haleine, ainsi que nos propres repères. 
C'est ainsi que je fis connaissance avec le pôle Sud et le pôle Nord de ce service
perdu entre de multiples services d'orthopédie qui tentent de nous métastaser
Actuellement.
Et quelle ne fut pas ma stupéfaction de découvrir 2 ailes reliées par une transverse
que je qualifierais de ruelle des pas perdus...
Mais aussi de pas comptés au pas cadencé 
en marquant un arrêt devant chaque chambrée.
De quoi tomber à la renverse.
Un face à face quotidien avec des patients qui plus d'une fois seraient impatients. 
Faut-il être demoiselle pour les garder, ces fameuses élytres  
Que nous nous essayons nuit après nuit de développer pour gagner encore 
Un peu plus de vitesse, de promptitude et de rapidité d'exécution
En traversant d'un pas leste, sans claudiquer comme les anciennes
Les quelques dalles qui nous séparent des différents offices...
En faisant grincer nos articulations et, des fois, en chantonnant une chanson.
Nul besoin de s'inscrire au gymnase club ou encore dans une salle de sport...
Nous musclons nos mollets, et nos muscles dorsaux sont tendus comme des arcs
Et durs comme de la pierre en fin de nuit ou d'après midi mouvementée. 
Le sang bouillonne derrière nos tempes échauffées et il s'agit d'être de la trempe
De ces blouses blanches qui ne s’embarrassent pas de carcan.
Nous appartenons à cette race en voie de disparition 
 De celles qui toute une vie durant
 ont du arpenter de long en large leur deuxième maison.
Ce lieu qui a accueilli tant de confidences, recueilli tant de témoignages,
éventuellement d'altercations, de tergiversations, 
Mais aussi de larmoiements, de culpabilisation, de silences aussi et de dénis.
Nos tempes tapent au rythme de nos efforts pour combattre l'adversité et le mépris. 
Nos mains se tordent et les doigts se rejoignent en une caresse, un égard,
Un regard vers la souffrance et l'effroi que nous lisons dans les pupilles
De ceux et celles qui ont perdu l'espoir et le désir de vivre le lendemain.
Pour leur redonner un éclat, un feu de brindille... 
Nous sommes là, à l'écoute, dans la réassurance, dans l'attention
de l'instant présent en essayant de changer les choses, les mentalités,
les habitudes enracinées, les a prioris, les fausses idéologies, la destinée...
Pour stimuler ce que je nommerais le sixième sens...
Comme l'instinct de préservation des espèces et sûrement de conservation. 
Cette empathie et cette emphase qui nous est propre sinon nous ne serions pas là
A plier comme des roseaux face à la maladie.
Nous compatissons et faisons acte de compassion.
Avant de faire notre mea culpa et ou notre serial victime
Et d'avancer d'un bon pas vers cette retraite à point
Qui en angoisserait plus d'un.
Il nous en faut de la concertation, de l'abnégation : 
quand nous massons nos articulations endolories.
Le soir ou le matin avant de prendre ou de quitter notre poste.
Les ostéopathes, les naturopathes, les kinésithérapeutes et les chiropracteurs
Se frottent les mains car ils peuvent se flatter de nous avoir comme clients. 
Et tous les psy aussi...Nous leur offrons des ponts en or.
Mais de tous ces spécialistes...le plus agréable c'est de consulter
un ou une réflexologue  qui  s'occupe de vos pieds. 
Oui ! Effectivement : c'est le pied. Une ou deux fois ne sont pas coutume...
Et pourquoi pas un abonnement? Ça ne dépasserait pas l'entendement.
Pour notre plus grand bonheur et celui de nos petits ou grands petons.
Car nos pieds doivent soutenir toute notre charpente et quand ils ont perdu pied...
C'est toute la masure qui croule et s'écroule.
Tout va à l'eau ma brave dame et charité bien ordonnée commence par soi-même. 
Un bon sujet qui fait méditer et fait grincer le parquet !

Claudine
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J'ai débarqué à Gentilly, il y a plus de quarante ans, à la fois pour me marier et pour prendre mon poste d'enseignante en banlieue, le tout la même année.
J'ai eu beaucoup de mal à trouver le chemin pour me rendre à cet établissement, empêtrée dans les routes secondaires. Je fus bien accueillie par le Chef d' établissement ; quant aux collègues, on me fit savoir que chacun faisait sa soupe : il était hors de question, selon eux, de travailler en équipe, tout le contraire de la pédagogie habituellement pratiquée. Il est vrai que selon le proverbe africain que j'ai cité dans mon discours de départ à la retraite : "Seul  on va vite, ensemble on va plus loin"
Je suis passée sans transition de l'enseignement en milieu rural dans le Sud-Ouest, au milieu urbain de la banlieue parisienne, avec ses codes sociaux, dans un groupe collet monté où le paraître prévaut bobo bling bling.

J'ai travaillé trente-sept ans dans cet établissement. Mon objectif ne se focalisait pas sur les faux-semblants mais sur les élèves qu'il fallait aider à envisager sereinement l'avenir, c'est ainsi que  j'ai passé trente-sept ans dans ces lieux. 

Marie-Christine
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C’est par une nuit noire que  j’arrive devant  ce logement inconnu. Déjà fourbue par un long voyage et trainant une lourde valise, je  remarque à peine la façade ancienne. Je sonne à la porte protégée par une grille. Une femme d’un certain âge vient m’ouvrir et m’accueille. Après quelques pas  sur des dalles, je pénètre dans l’appartement. Immédiatement, la logeuse  me fait faire le tour du propriétaire,  les parties communes, salle de séjour, cuisine et laverie et attenant à la salle de bains, ma chambre. Elle me donne les quelques règles de cohabitation et mille explications que  je n’écoute que d’une oreille distraite. Je n’ai qu’une envie, manger mon sandwich et me coucher. Enfin, je peux refermer la porte et dormir.
Le lendemain matin, je me réveille en sursaut, la lumière du jour pénétrant à flots dans la chambre. Quelques secondes pour réaliser que je ne suis plus dans mon ancien logement mais à une nouvelle adresse. Je me lève d’un bond, et me précipite sur  ma valise pour y prendre mes affaires de toilette et me diriger vers la salle de bains. Je  vois alors la douche alimentée par des fils électriques flottant dans l’air tombant d’un vasistas ouvert à un peu plus de 2 mètres. Heureusement il fait déjà doux, le soleil donnant sur les vitres ! A côté, le lavabo ; j’ouvre successivement le robinet de droite puis de gauche. Mais pas d’eau chaude ! J’ai complètement oublié les informations données la veille. Et la douche avec ses fils pendants me fait peur. Après une rapide toilette, je sors de la chambre dans un couloir. Où est-donc la cuisine ? Un coup d’œil à droite, puis à gauche, il me revient à l’esprit qu’elle se trouve de l’autre côté de la cour. C’est une pièce tout en longueur dont une partie est vitrée. Ma logeuse m’aperçoit et après les salutations d’usage, me montre la plaque où sur un des quatre brûleurs à gaz, je pourrai cuisiner. Pour le moment, je suis un peu démunie. Elle veut bien pour ce matin, me donner un peu de café moulu, du sucre de canne en poudre et deux petits pains ronds parmi ceux qu’elle vient de s’acheter. Je l’en remercie vivement car je ne me vois pas partir le ventre vide à l’aventure.  Elle me propose de me montrer le marché dès que j’aurai fini. Et j’acquiesce avec plaisir.
Une demi-heure plus tard, nous voilà en route. Tout le long du chemin, je regarde les façades des maisons et j’essaie de prendre des repères mais je ne vois guère de magasins. Je n’ai pas trop le sens de l’orientation et c’est déjà la troisième fois que nous tournons. Je suis distraite par la conversation de ma logeuse et puis je ne suis pas toute seule ! Au bout d’un petit quart d’heure et après avoir traversé un parc, nous arrivons à l’entrée du marché couvert. Là, à ma grande surprise, ma logeuse m’annonce : « Le marché, vous y trouverez tout ce que vous voulez, vous saurez rentrer, n’est-ce pas ? Je vous laisse. » Pas le temps de répondre, elle a déjà disparue dans la foule.  Je ne suis même pas persuadée qu’elle y  a pénétré. Je suis un peu anxieuse et je n’ai même pas marqué l’adresse où je vais demeurer.  Pour l’instant, il me faut impérativement faire les courses si je veux me préparer un repas. Je tourne autour des étals et remplit mon cabas. Je ressors éblouie par le soleil. Suis-je bien entrée par cet accès ? Je ne reconnais pas la rue.  A un vendeur ambulant, je demande mon chemin. D’un geste, il me montre un passage  et il ajoute: « au bout, vous trouverez le  parc. » C’est stressée que je m’en  retourne, regardant à droite et à gauche pour mémoriser les lieux. « Cet après-midi » pensai-je, je vais faire le tour des pâtés de maisons pour mieux découvrir le quartier ! »  

Marie-Thérèse


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