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Pour
avoir souvent déambulé à pied et en automobile à travers mon pays, je dois
reconnaître que la France de l’Est m’est plus familière que celle de l’Ouest…
Diverses raisons à cela, l’implantation de la famille maternelle, au cœur de la
Bourgogne y est probablement pour beaucoup.
Notre
mère était née à l’entrée d’un village presque collé à la petite ville de
Tournus, capitale de l’art roman européen et de l’aluminium culinaire ; la
Saône s’y prélassait quand elle ne sortait pas de son lit en hiver, inondant la
vaste prairie. Une jetée d’un bon kilomètre maintenait la liaison permanente
avec le village qui, lui, montait la garde sur un gros caillou rocheux, à
l’entrée de la Bresse. L’arrivée chez le grand-père avait quelque chose de
grandiose et de tendre dans ma tête d’enfant et m’a laissé une trace
indélébile : impossible de ne pas passer devant la « maison du bout
de la levée », à chaque fois que j’ai eu l’occasion de me rendre dans le
Jura ou les Alpes, ou même le Midi.
Cette maison
et son village devenait nôtre pour un mois de vacances. Tout nous rappelait
l’enfance heureuse de maman, ses jeux sur les rochers qui jouxtaient le jardin…
les mûres dont elle se gavait… les farces que cette petite campagnarde faisait
à ses cousins de la ville… À la mi-août, nous allions à la grande fête foraine
qui se déroulait sur les quais de la Saône : manèges, pommes d’amour
délicieuses lorsqu’elles n’étaient pas véreuses, loteries où nous avions gagné
un oiseau sans bien savoir comment le nourrir… Puis venait le soir avec le feu
d’artifice que nous admirions depuis le pont, et enfin le retour sous les
étoiles.
Du
village ancien, d’une belle pierre bourguignonne dorée, on avait une double
vue : à l’ouest, les contreforts du massif Central, et à l’est, la Bresse
qu’ourlaient le Jura et même, par beau
temps, le Mont-Blanc. C’est de ces toits que je découvris les tuiles romaines
et ressentis pour la 1ère fois l’appel du Sud. Nous n’allions guère
dans le cœur du village mais c’est de celui-ci que mon grand-père rapportait
chaque jour un bon gros pain paysan. Quand je l’accompagnais, il me montrait la
petite épicerie où l’on se ravitaillait encore sans emballage, l’école de
maman… Souvent nous croisions des connaissances auxquelles il me présentait
avec plaisir. Plus loin, sur le plateau dominant la maison, on arrivait au
cimetière où il entretenait la tombe de tous les disparus de la famille. C’est
là qu’il repose maintenant.
Ce
village est le premier que j’ai connu et aimé, c’est celui de mon enfance. Mais
je l’aime aussi pour son site et les possibilités de découvertes qu’il offrait.
Ma grand-mère, que je n’ai pas connue, nous en a laissé quelques toiles.
Françoise
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Lors d'un séjour sur l'île de
Djerba en Tunisie, j'ai été fascinée par le très ancien village de Chenini.
Avant d'y arriver nous avons
fait un arrêt à Tataouine, un nom qui m'a fait sourire car je ne le connaissais
qu'au travers de la célèbre expression
que nous utilisons en France : «aller à Tataouine». Ce jour-là j'ai
découvert que ce lieu existait réellement, et qu'on pouvait donc bel et bien se
rendre à Tataouine ! Mais il est vrai aussi que
les paysages rencontrés ce jour-là m'ont donné l’impression d'être
arrivée à l’autre bout du monde.
Au cours de cette escapade j'ai vu
des sites que je ne soupçonnais
pas, comme les chotts, étendues désertiques couvertes de sel, et donc le village de Chenini, but de notre
expédition du jour. En découvrant cet ancien site berbère j'ai été très
impressionnée, j'ai eu la sensation qu'à cet endroit le temps s'était arrêté
depuis bien longtemps.
Chenini est un village
troglodyte caché entre la montage et le désert tunisien, ici on se retrouve
complètement dépaysé et perdu. Pour parvenir à la mosquée qui domine ces lieux,
il faut grimper un chemin rocailleux et bien pentu. Cette mosquée toute blanche
dénote parmi les maisons de couleur ocre, couleur similaire à celle de la
roche.
Toutes ces maisons ont été
creusées à même cette roche, et bien que je ne sois entrée dans aucune d'entre
elles, je sais que la chambre se situe au plus profond : l'été les occupants y
trouvent une certaine fraîcheur, l'hiver ils y sont relativement protégés du
froid. L'entrée à l'extérieur est construite en pierre, d'une couleur identique
à celle de la roche sur laquelle ces
habitations se fondent.
La découverte de ce village a
soulevé en moi beaucoup de questions, je me demandais comment il était possible
de vivre encore ainsi sans confort à notre époque, dans un endroit situé au
milieu de nulle part. Mais pendant le temps qu'a duré ma visite, je me suis
trouvée transportée dans un autre temps.
Paulette
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Partie
pour l’aventure et pas des moindres, je
me suis rendue dans un coin perdu, à l’orée de la forêt amazonienne. Après l’avion
et le train, j’arrive à 3 825 mètre sur les hauts-plateaux andins, j’embarque alors
dans un camion qui, pendant plusieurs heures, roule rapidement dans une descente
hallucinante, sur cette piste étroite et dangereuse qui court, à flanc de
montagne, surplombant le ravin. La route
se termine à la bourgade de Sandia, à 2 200 mètres d’altitude. Mais là n’est pas
le lieu de ma destination ! C’est plus bas, bien plus bas, à 1 320 mètres,
à San Juan del Oro ! Après une courte nuit, c’est à deux, accompagnées
d’un paysan nous servant de guide, que nous prenons, à pied, un sentier périlleux.
Raviné par les dernières pluies, il est coupé par endroits, de glissements de
terrains et côtoie le précipice. La marche se révèle lente et difficile. En début d’après-midi, les roches grises et
ocres diminuent peu à peu, au profit d’un
paysage de plus en plus verdissant. Bananiers, orangers et autres espèces
inconnues pour moi, croissent maintenant aux alentours.
Soudain,
à un détour du chemin, à demi-enfoui sous la roche et dans la végétation, le
village nous apparait. Nous nous arrêtons quelques instants pour le contempler sur
le versant opposé. Posées comme sur des étagères, les maisonnettes se
regroupent telles des jouets miniatures. Leur toit en tôle ondulée brille dans
l’air lumineux. Leur vue m’émeut. C’est
là que je vais demeurer deux ans durant, sans discontinuer.
Nous
repartons alors d’un pas alerte pour plonger vers la limite de la forêt dans cette
vallée luxuriante avant de remonter sur l’autre pente. Bientôt, nous entrons
sur une petite place rectangulaire, légèrement surélevée. Au fond, se trouve la
mairie devant laquelle est planté un mât où flotte le drapeau national. Elle est bordée
par des habitations en adobe. Basses sous leur toit, elles se composent d’une
seule pièce avec leur unique porte mais ne
disposent guère de fenêtres ou très étroites alors. Peu ont leur mur
peint. Désert à cette heure, cet
endroit pourrait paraitre triste mais il
est égayé par plusieurs palmiers dont les feuillages verts créent une certaine harmonie
avec les bruns des troncs et des façades. Et puis, demain, jour de marché, elle sera noire de monde et les étals tout
comme les vêtements des femmes la pareront d’une touche de couleur.
Pour le moment, il nous faut atteindre rapidement
la maison des institutrices perchée tout
en haut. Très simple, voire sommaire, à un étage, sa construction blanchie en impose. Après avoir dépassé quelques habitations ici
ou là, plus ou moins cachées par les
arbustes, et grimpé le raidillon, nous parvenons à sa courte esplanade qui domine le bourg. Avant de pénétrer à l’intérieur du logis, nous
jetons un regard ébloui au panorama qui s’étale devant nous et que le couchant
embrase. Immédiatement mes yeux se portent sur la montagne d’en face. Son flanc
est revêtu d’une palette de vert qui
chatoie sous les derniers rayons du soleil. La beauté du spectacle me laisse
sans voix. Je respire à pleins poumons, cette atmosphère envoûtante, absorbant
au passage une multitude d’odeurs et de fragrances dont, peu à peu,
j’apprendrai à connaitre l’origine. Baissant
les yeux, je discerne là-bas, au fond du val étroit, le mince serpent de la
rivière que nous avons aperçu un peu
plus tôt. Et au-delà, la forêt immense continue. Je relève la tête. A mi- pente,
sur ma gauche, je distingue le toit de l’église tapie entre les orangers. Et
maintenant très à droite, en contrebas comme formant une croupe, je perçois une
série de minuscules potagers limités par des arbres fruitiers plus ou moins hauts et touffus.
Je me retourne et remarque alors sur le
terre-plein, l’école bâtie en retrait. C’est une modeste construction en
torchis, au toit de tôle ondulée. Son sol surélevé comme une estrade, repose
sur de lourdes pierres. Ses trois portes en bois précédées de quelques marches
marquent les trois classes et ses fenêtres s’ornent de carreaux taillés dans
une épaisse feuille de plastique transparente. C’est là que durant ces deux années,
je vais faire une expérience unique qui va me marquer à jamais : enseigner
à des enfants parlant quechua ou aymara. Que de découvertes je vais faire au
contact de ses habitants !
Comme
tous les soirs, à la même heure, en cette saison, de gros nuages noirs s’amoncellent
dans le ciel, les teintant, l’espace d’un instant, de couleurs framboise, bois
de rose, mangue et lie-de-vin. La boule de feu jette un dernier éclat et disparait.
Un voile de brume monte de la vallée, tirant comme un rideau sur ce spectacle
étonnant se transformant en une brève fantasmagorie où circulent des ombres. Brutalement
avec la nuit qui tombe, la pluie s’abat avec fracas sur le village et la forêt
toute proche. Le déluge se déchaine et tambourine sur les toits, apportant un
peu de fraicheur.
Marie-Thérèse
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Denise, native du haut Couserans, voit encore les
chemins de terre, les sentiers de chèvres, les foyers exigus, sans eau ni
électricité du début des années cinquante, dans cette zone de moyenne montagne,
dominée par le Mont Vallier, le Montcalm et le Mirabat.
La vie allait cahin-caha, entre adret et ubac, vers
l'école située sur la colline d'en face et qui ferma faute d'écoliers : il en
restait trois.
Les vallées ariégeoises se dépeuplaient drastiquement
suite aux rudes conditions de vie : la plupart des autochtones partaient à
New-York. L'un de ces Américains revint et sa préoccupation fut d'apposer des
plaques pour nommer des rues, dans un hameau qui comptait moins de dix âmes.
C'est ainsi que l'on vit apparaître : la Place Victor
Hugo, celle du Général Pershing, etc...; non content de s'adresser à des
illettrés, voire à des analphabètes, notre ministre de la culture potagère se
mit en frais : pour éduquer l'oreille et adoucir les moeurs, notre mécène tenta
aussi de monter une fanfare dont les montagnes renvoyaient l'écho.
La grande inauguration eut lieu le 11 Novembre : tous
les chiens plus nombreux que les habitants, se mirent à hurler à la mort !
Au chef-lieu du canton, avaient lieu des règlements de
comptes au moment des élections : il était de tradition de planter une tête de
cochon sur le heurtoir du docteur, candidat aux municipales, tandis que
d'autres jetaient une buse dans le couloir du notaire.
Au bout du village s'élevait un chalet tarabiscoté où
trônait une comtesse qui ayant déchu par son mariage était devenue baronne,
nommée madame de la Samaritaine (au lieu de Meritens, descendante des comtes de Roquemaurel) ; son époux en service au Tonkin, elle passait son temps sur le
prie-Dieu familial de l'église paroissiale Saint-Barthélémy 90140 Oust, où Denise
fut baptisée, puis reçut la communion privée, la confirmation et la communion
solennelle.
Autrefois l'archiprêtre faisait le sermon en patois.
L'un des paroissiens, Barthélémy, était présent : le religieux du haut de sa
chaire narrait par le menu l'histoire du saint patron écorché tout vif et notre
compère, croyant qu'il s'agissait de lui, de s'écrier :"Tu as menti !", jetant le scandale et l'anathème sur la bigote assemblée. Ces exemples
et évocations par rapport à cette époque-là, montrent que l’église était un
lieu de vie et de mort, que les événements y étaient tristes et joyeux, parfois
émaillés d’épisodes aussi drôles qu’inattendus.
Marie-Christine
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J’ai beaucoup aimé visiter Guérande avec mon fils et ma
belle-fille. Cette magnifique cité médiévale est assez proche de Nantes aussi
c’est après une heure de route que nous l’aperçûmes. La ville étant piétonnière
nous nous sommes garés aux pieds des remparts. Nous sommes entrés par une
petite porte en bois, flanquée de deux grandes tours, au dessus de laquelle on
peut surement encore admirer le blason de la ville de Guérande ; deux
lions rampants casqués encadrant l’écusson tapissé d’hermines blanches de
Bretagne et un troisième lion, plus petit, installé au dessus de l’écusson. Les
maisons sont contigües les unes aux autres de chaque côté des rues ou autour des
places pavées. Les boutiques sont petites et originales, certaines avec des
enseignes en fer forgé. Je me rappelle d’une biscuiterie maison dont je ne me
souviens plus du nom qui fabriquait du véritable Kouign Aman, c'est un gâteau
on ne peut pas faire plus chargé en beurre et en sucre qui tiède est exquis mais
très néfaste pour les dents et les hanches. Une autre boutique faisait du sel
des marais de Guérande, gros sel, sel fin, fleur de sel et sels aromatisés dont
un sel au basilic que j’ai acheté pour le court bouillon. Evidemment l’endroit
est très touristique mais cependant très pittoresque. Ensuite nous avons vu
devant la collégiale de Guérande plusieurs petites statues en fonte
représentants des métiers régionaux, le pêcheur, le poissonnier, le paludier et
aussi un joueur d’accordéon et un
personnage tenant une sorte de fourche. Ensuite nous sommes entrés dans la
collégiale Saint-Aubin de Guérande qui est, dès l’extérieur, du plus pur style
renaissance, elle possède un superbe vitrail qui, quand les rayons du soleil le
traversent, inonde la nef de lumières chatoyantes. Les tuyaux des orgues
beaucoup plus récents s’intègrent cependant très bien dans la collégiale et
participent aussi à la mettre en valeur. Je me rappelle avoir vu que l’on
pouvait en été assister à des concerts dans l’église. Pour terminer la visite
nous avons fait le tour de la ville sur les remparts, très joli parcours mais
il fallait porter son regard au loin car en bas les véhicules en stationnement
endommagent le point de vue. Je pense que la visite de Guérande est plus
agréable au printemps ou en automne car il y a surement moins de monde. En
repartant nous avons fait un tour dans les marais salants qui constituaient une
belle mosaïque de couleurs qui contrastaient très bien avec le bleu intense du
ciel d’été. Certains carreaux de cette mosaïque miroitaient de reflets
iridescents et quelques échassiers blancs avaient l’air de s’y trouver à
l’aise, probablement des hérons ou des aigrettes je n’ai pas bien pu
distinguer. Je sais qu’à proximité il y a aussi le parc régional des marais de
Brière qui est à visiter sur des barques à fond plat mais l’après-midi était
trop avancé. Quand je me relis j’ai l’impression de faire
du battage publicitaire pour l’office de tourisme de Guérande qui n’en a
surement pas besoin. J’aurais voulu plus insister sur le côté surprenant comme l’impression de se retrouver à une autre
époque à Guérande et sans que cela fasse décors de cinéma mais au contraire
quelque chose de très réel et de magique !
Fabienne
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