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Un
forain obèse et coquet - Se faire comprendre à demi-mots - Un billet de loterie
- Une mine de charbon désaffectée
A la
dernière foire, Théo et Shanna avaient acheté
chacun un billet de loterie, sans trop y croire. Et Théo a gagné des bons d’hôtel pour trois nuitées.
D’un commun accord, ils conviennent alors de visiter quelques villes du Nord, à
vélo, pendant ces quinze premiers jours d’octobre. Ils ne craignent ni le vent
ni la pluie mais ils espèrent tout de même un beau soleil pour profiter au
mieux des nombreux monuments.
D’abord ils
commencent par Arras. Ils y admirent le centre-ville et ses ruelles mais aussi sa
place des Héros puis sa grand’place,
toutes deux dans le style baroque flamand. Ensuite, ils se rendent à l’hôtel de
ville de style gothique que surplombe du haut de 55 mètres, son beffroi très
particulier avec sa tour octogonale. Théo et Shanna n’hésitent pas à pénétrer à
l’intérieur et à monter la quarantaine de marches pour découvrir le paysage environnant
avant de faire un tour à Saint Vaast et à son Abbaye. Fatigués, ils s’attablent
un moment pour déjeuner d’un délicieux coquelet à la bière avant de visiter
quelques-unes des huit églises, Arras n’est-elle pas
surnommée : « La ville aux clochers ».
Le lendemain, ils font route vers Cambrai,
ancienne ville fortifiée. Ils y entrent par la porte de Paris, un de derniers
vestiges de ses remparts et se dirigent vers l’hôtel de Ville où Martin et
Martine sonnent les heures. Ensuite, ils regardent le beffroi quelque peu
différent avec son petit dôme surmonté d’un lanternon. Enfin, ils vont voir les
deux derniers exemples de béguinages
français à Saint Vaast et à Saint Nicolas, non sans s’être restaurés d’un
hochepot de perdrix à la purée de lentilles. Avant de quitter la cité, par la
porte Notre Dame, ils ne manquent pas d’emporter deux sachets de leurs fameuses bêtises.
Shanna a,
quant à elle, gagné une place à un magnifique
concert de carillonneurs à Douai. Ils projettent donc de s’y rendre mais il est
encore trop tôt. Ils décident alors de pousser plus avant vers le pays des gueules noires. Après avoir
longé un paysage vallonné de terrils devenus verdoyants, ils arrivent à la
tombée de la nuit à Lewarde. La petite ville est en ébullition. Est-ce la
ducasse ? Non, ce n’est pas la kermesse. Ils apprennent vite que va se
dérouler la fête de la châtaigne. Ils ne pensaient pas rester là ce soir mais
choisissent de le faire s’ils peuvent se loger. Se faisant comprendre à demi-mots auprès de l’aubergiste debout sur le
pas de sa porte, ils obtiennent une chambre à bon prix.
Le jour
suivant, tous les habitants sont sur leur trente et un sauf les joggeurs qui
s’élancent depuis la mine de charbon
désaffectée pour courir à travers les bois où sont disséminés nombre d’animations
et de stands. Dans l’air flotte une
odeur de frites chaudes et de moules. Shanna va pour acheter un cornet de chaque
et alors que le cuisinier les lui tend, un chien courant, une saucisse volée
dans la gueule, lui passe entre les jambes, la déséquilibrant. Elle retombe sur
le dos d’un énorme monsieur vêtu de son beau costume régional. Les cornets
volent. Les frites atterrissent sur Théo
qui maugrée mais quelques moules se sont
fichées sur la veste de cet homme qui se retourne furieux. C’est un forain
obèse mais coquet qui proteste et peste en chti. Il hurle sa fureur. Son
beau costume est taché. Shanna ne comprend pas ce qu’il dit mais elle s’empresse de s’excuser. Ses cris
sont étouffés par l’arrivée de l’harmonie locale qui joue à grand renfort de
grosses caisses et de trompettes. Elle précède le géant Isidor et son cortège
folklorique. Théo regarde Shanna toute décontenancée par cet incident et la
réconforte. Il a parlé au forain et tout s’est arrangé. Ils peuvent
tranquillement profiter du spectacle et pour conclure cette belle journée, ils
participeront, ce soir à la retraite aux
flambeaux dans les bois.
Marie-Thérèse
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Un clou rouillé - une rivière souterraine - une jeune voisine sympathique mais un peu godiche - prendre ses jambes à son cou
Monsieur Victor était un
homme charmant qui savait recevoir. Ce jour là, il avait invité une jeune voisine sympathique mais un peu
godiche qui avait l’art de se mettre dans des situations inextricables.
Elle racontait ses maladresses avec tellement de naïveté qu’elle faisait
sourire son entourage. L’histoire d’un clou
rouillé qui lui avait résisté avait particulièrement amusé Monsieur Victor,
aussi lui demandait-il souvent de narrer cette anecdote. Il ne manqua pas de le
lui demander. Comme d’habitude elle s’exécuta et conta son histoire. Elle
s’était, un jour de printemps, posée sur un vieux banc de bois pour se reposer
d’une longue marche. Elle avait chaud et sa petite robe légère lui collait à la
peau. Elle regardait les gens passer quand tout à coup elle vit un jeune homme
tiré par un molosse qui n’avait rien d’accueillant, elle prit peur et voulut prendre ses jambes à son cou, mais en
se levant elle accrocha sa joli robe à un clou rouillé qui dépassait et tira
d’un coup sec pour détaler mais le clou fût plus résistant que la robe qui se
déchira sur toute la hauteur de la jupe,
laissant apparaître une jolie petite culotte à fleurs. Honteuse et dépitée elle
tenait à deux mains les pans de sa robe et pendant ce temps le molosse passa
sans même une once d’intérêt pour sa personne. Evidemment elle avait amusé son
auditoire. Personnellement je préférais quand elle nous parlait d’une rivière souterraine qui coulerait
sous sa maison, elle en parlait avec tant de conviction, disant entendre le
bruit de l’eau que l’on finissait par se demander s’il n’y avait pas
effectivement de rivière ! L’après midi du dimanche fût un régal, comme
d’habitude chez Monsieur Victor !
Fabienne
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Un
pèlerin infatigable et taciturne – Vivre grand train – Le collier d'une vahiné
– La plus grande pépinière de la région.
Mathias marche depuis maintenant deux semaines et il est
encore loin d'être au bout de son pèlerinage dont le but est Saint-Jacques de
Compostelle. Néanmoins, tout se déroulant pour le mieux jusqu'à présent, il
espère bien arriver au terme de son voyage sans plus de difficulté.
Pourtant, à chaque arrêt Mathias a tout de même intrigué les
quelques hôtes qui ont croisé son chemin et qui lui ont offert l’hospitalité,
en lui assurant le gîte et le couvert. Bien entendu, à chaque fois on lui pose
beaucoup de questions sur son périple, les personnes qu'il rencontre ignorent
tout d'un pèlerinage et veulent tout savoir. Mais voilà, pour Mathias c'est
beaucoup trop de questions, parler n'est pas son fort, il aime la solitude et
le calme, c'est aussi ce qui lui plaît dans cette aventure, marcher en silence,
sans parole inutile.
Mathias est bien entendu un bon marcheur, cette expédition
est loin d'être sa première expérience, il a déjà d'autres pèlerinages à son
actif, tous menés à vive allure. Afin de pouvoir garder son rythme qui est des
plus soutenus, Mathias se plie à une habitude de vie rigoureuse, il se lève en
même temps que le jour et s'oblige à dormir à une heure raisonnable, même si à
la fin de chaque journée il se sent encore dans une forme olympique.
Mais si notre homme est avare en paroles, il sait bien
profiter de la générosité de ses hôtes qui se mettent en quatre pour le
recevoir au mieux. Alors Mathias abuse, exige, demande, réclame encore et
encore, car rien n'est trop bien pour lui. Il est habitué à vivre bien, très
bien même, et à ne rien se refuser, cela lui paraît donc tout naturel de ne pas
changer son style de vie. Mais quand au matin Mathias quitte la demeure de tous
ces braves gens, ceux-ci sont contents de le voir disparaître car son passage a creusé un beau trou dans leur
budget, de quoi vous inciter à ne pas renouveler l'expérience avec d'autres
pèlerins.
Arrivé près de Tours, Mathias est hébergé pour la nuit par
un homme qui vit seul. Il accueille notre homme et se présente comme étant le
propriétaire d'une importante pépinière, la plus grande de la région en fait.
Il a beaucoup bourlingué lui-même et, pendant le repas et la soirée qui suit,
il fait donc à Mathias le récit de ses multiples voyages, lointains pour
certains. C'est ainsi qu'il lui raconte avoir été jusqu'en Australie, au Japon
et même en Polynésie d'où il est d'ailleurs tout juste de retour. Ces voyages
sont bien sûr destinés à lui faire découvrir de nouvelles essences dont il
aimerait enrichir sa pépinière mais c'est aussi bien sûr l'occasion pour lui de
faire un peu de tourisme, en mêlant l'utile à l'agréable. Mathias l'écoute, du
moins il semble écouter, lui-même n'étant pas enclin au bavardage, il laisse
courtoisement l'avantage à son hôte qui de son côté s'avère être très loquace et
intarissable.
Enfin la soirée prend fin, l'hôte se retire et Mathias en
fait de même, il entre dans la chambre qui lui a été attribuée. La pièce est
confortable, meublée avec goût, voilà tout à fait le cadre auquel notre homme
est habitué. De multiples objets ça et là rappellent les différents voyages du
propriétaire des lieux, c'est de loin la meilleure chambre dont il a bénéficié
depuis son départ, il s'y sent chez lui.
Le lendemain Mathias est prêt à parcourir une nouvelle
étape, il va donc prendre congé de son hôte. Mais soudain, alors qu'il lui tend
la main pour le saluer, pourquoi toute courtoisie a t-elle disparue chez cet
homme hier si aimable, pourquoi le regarde-t-il avec ces yeux furibonds... Pour
toute réponse, l’autre se précipite sur Mathias et lui arrache brutalement le
collier de fleurs de Tiaré qu'il avait jugé bon passer autour de son cou.
Mathias s'en excuse, il ne comprend toujours pas une telle colère, il n'avait
pas cru faire mal en se parant de ces fleurs encore plus ou moins fraîches
posées au chevet du lit, où elles étaient forcément vouées à se flétrir
d'avantage.
Mais comment pouvait-il savoir... Comme il l'a expliqué
hier, notre homme revient tout juste d'un voyage à Papeete, une ville dont il
est tombé sous le charme. Mais plus que le pays, ce sont les vahinés qui ont
subjugué notre homme, une en particulier, celle qui précisément lui a offert ce
collier au moment du départ. Ainsi, notre homme solitaire a désormais le cœur
pris, et malheur à celui qui osera toucher à ce qui lui vient de sa belle,
celle qu'il compte bien revoir très vite.
Paulette
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Une star de cinéma aux lourds secrets– un cahier à spirale –
se mettre la rate au court bouillon – un hall d’immeuble
Denise
vidait ses armoires, remplissait des cartons de livres pour les associations
dont une spécialisée dans la réinsertion et la boîte aux livres du quartier
pour les enfants.
Denise
trouva, oublié au fond d'un meuble un cahier
à spirales de la marque Clairefontaine, qui dormait à côté de cahiers
Héraclès ou Le Conquérant.
Elle ouvrit
ledit cahier : elle y avait collé pendant des décennies des découpures de
revues de cinéma et particulièrement celles concernant une star de cinéma aux
lourds secrets de famille ; son frère,
déjà très malade, arrachait les sacs des vieilles dames et bien pire, dans
les halls d'immeubles. Il s'aventura
même dans les espaces publics, au moment de Noël sur les marchés artisanaux,
croyant passer incognito, malgré son
déguisement. Sa voix le perdit : il fut identifié grâce aux tests ADN et
aussitôt démasqué. Il n'y avait pas de quoi se mettre la rate au court
bouillon.
Marie-Christine
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Une binette – S’en remettre au hasard – Un
boxeur reconverti – Dans une galerie d’art désaffectée
S’il
fallait s’en remettre au hasard :
que faisait ce boxeur reconverti en
gilet jaune ce samedi sur ce pont à cette heure de la journée à « jouer »
de ses poings en donnant des uppercuts à ébranler un taureau ?A voir sa binette affichant une colère intense
doublée de cette révolte instinctive et viscérale que seuls les sentiments d’injustice
et d’incompréhension peuvent susciter… À sa stature de géant vert de rage, il
dépassait allégrement les gilets jaunes et les vareuses noires avoisinantes. On
e ne pouvait pas douter de sa « puissance destructrice ». Une
détermination farouche à défendre les causes perdues. Nobles ou pas, selon le
camp que l’on choisit. Ici, défendre le citoyen lambda contre la gente casquée
et armée, surtout quand il s’agit d’une fluette femme à la retraite. Un monde
indéfendable et obsolète ? Cette démonstration de force lui a coûté cher :
financièrement tout d’abord en frais de justice alors qu’il ne roulait pas sur
l’or. Une cagnotte a été alimentée dans une banque privée qui finalement ne lui
a pas profité. Sous la pression, elle a dû cesser d’être approvisionné.
Réservée pour payer les frais d’un justiciable comme un autre, elle a rempli
les poches d’un autre monde. En lui dressant un portrait suranné et imparfait :
ses antécédents de sportif de haut niveau en arts martiaux ne lui ont valu que
des reproches en haut lieu. Très peu de quotidiens ont pris en compte son
statut de chef de famille respectable et rangé. Il a perdu sa respectabilité et
sa crédibilité. Apparaître comme un héros auprès des gilets jaunes ne lui a pas
valu que des éloges. Le monde de la presse persistait à le présenter comme une
brute épaisse. On lui a volé sa liberté de penser, de déambuler, de manifester,
de défendre l’opprimé, de pouvoir assurer le confort et la sécurité physique et
morale de sa famille groupée autour de lui. Il ne s’est
pas enfoui dans une galerie d’art
désaffectée. Il s’est rendu dignement et à même reconnu ses « pêchés ».
Il a fait des excuses publiques relatées dans les journaux. Un homme de devoir
et de principe malgré les apparences. Il a bravé dans un moment de folie
passagère tous les interdits. Il a su se montrer humble et repentant. Et c’est
l’important.
Claudine
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