Les moissons titillent nos souvenirs, nos émotions et nos sens.
Quand je dis moissons je sens, je goûte, je vois, j'entends, je touche...
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Moisson en Provence, Van Gogh |
Quand je dis moissons, je vois les immenses plaines de la Beauce couvertes d’épis dorés qui s’abattent, fauchés par les bras puissants de la machine qui les avale et les recrache aussitôt en paquets rectangulaires et compacts sur un tapis roulant à l’arrière du véhicule. Je vous aussi les lauréats des concours généraux, chargés de récompenses.
Quand je dis moissons, je sens la chaleur de l’été, la sueur des travailleurs se hâtant de rentrer les blés quand l’orage menace et aussi la fumée que dégagent les engins mécaniques.
Quand je dis moissons, j’entends
le bruit que font les énormes moissonneuses batteuses cahotant sur le terrain,
les cris et les rires des gens qui s’interpellent et celui des oiseaux
impatients de pouvoir picorer les grains tombés, offerts à leur envie.
Quand je dis moissons, je touche
la miche de pain qui craque sous la pression augurant du plaisir de déguster
une bonne tartine beurrée. Je touche aussi à la tresse décorative reçue en
cadeau.
Quand je dis moissons, je goûte
le plaisir simple de regarder avec admiration a scène qui se déroule sous mes
yeux. L’échelle des cultures a changé, le travail est moins pénible
qu’autrefois, mais toujours reste après les semailles le souci du temps qui
peut tout anéantir et l’espoir d’une moisson abondante.
Colette
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La méridienne, Millet |
Quand je dis moissons, j’entends
tinter les médailles récoltées par nos athlètes aux récentes olympiades.
Quand je dis moissons, je touche
la récompense aux épreuves subies afin de récolter le diplôme convoité.
Quand je dis moissons, je vois
défiler à toute allure – depuis un train à l’arrêt dans le musée de
l’impressionnisme d’Auvers-sur-Oise – les paysages qui ont inspiré Van Gogh et
consort.
Quand je dis moissons, je goûte
le farniente car, comme le proclame le dicton «Qu’il est doux de ne rien faire
quand tout travaille autour de soi ».
Emmanuel
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Quand je dis moissons, je sens
la terre surchauffée par un soleil brûlant. Les fougères qui commencent à
jaunir aux pieds desquelles les aspics attendent sagement la nuit pour aller
chasser, les genêts d’or, les mauves bruyères ont mêlé leurs odeurs ce qui
donne ce parfum si particulier.
Quand je dis moissons, j’entends
mon grand-père chanter la chanson « Les blés d’or » de sa voix de
ténor. J’entends également lors de ma première année d’école, la maîtresse qui
nous faisait chanter, accompagnés d’un guide de chants « C’est la fête des
gais moissonneurs, que chacun s’apprête à tresser des fleurs ». Me revoilà
dans la réalité, avec le puissant chant des corbeaux qui épient du haut des
arbres le déroulement des moissons, car la nuit venue, ils iront se régaler des
céréales tombées.
Quand je dis moissons, je touche
le collier de mon chien pour le retenir à mes côtés loin des machines agricoles
et des rouges tracteurs.
Quand je dis moissons, je vois
les travailleurs effectuer leur dur labeur avec gaité malgré la chaleur
caniculaire qui les fait transpirer sous
leurs chapeaux de cow-boy ou de paille. Le temps d’une pose bien méritée, on
arrête les machines, on se réunit en s’essuyant le front avec de grands
mouchoirs à carreaux. Certains s’appuient sur leur fourche en attendant celui
qui revient de la source avec la bouteille de vin mise au frais. Il sort
malicieusement la bouteille de sa musette et il fait passer la boisson à
l’assemblée dans un seul et unique verre. On rit, c’est beau, c’est gai et le
ciel est bleu.
Quand je dis moissons, je goûte
trois grains de blé et les rejette aussitôt. Ce n’est pas bon, je préfère les
mâchouiller quand ils sont verts, ils sont plus tendres. Je pars à la recherche
de quelques fraises des bois cachées dans l’ombre et vais m’en régaler avec,
jusqu’à plus faim, les succulentes mûres noires et sucrées qui me tendent les
bras.
Mireille
Quand je dis
moissons, je vois les blés s'écarter devant moi, se plier et crisser
comme un tapis de paille sous mon pied irrespectueux et pourtant je continue
d'avancer. Quelques taches rouges apparaissent ici et là entre les derniers
chardons bleus de l'été finissant : de jolis coquelicots Mesdames...! Seule en lisière de ce vaste champs enfin presque.... sur ma gauche, soudain,
un bruissement d'ailes : une brune perdrix vient de s'envoler ! Il s'agit de se
montrer le plus discrète possible pour ne pas révéler ma présence. Inquiète, je jette un furtif regard aux alentours, je guette le propriétaire !
Il vit dans une belle maison non loin d'ici ! C'est bientôt la moisson, la
moissonneuse-batteuse, énorme animal métallique garé devant le perron, attend
le signal du départ ! Ce sera le moment fatidique
où le maître enfourchera sa monture, s'installera sur le siège, s'enfermera
dans la cabine et passera sa première vitesse de croisière ! Quelques instants
de répit avant de semer la terreur dans les sillons d'épis dorés qu'elle
s'attellera consciencieusement à couper du tranchant de ses dents et avalera
gloutonnement pour ne garder que les grains blonds dans son ventre-réceptacle.
Dans un nuage de poussière de son blond elle expulsera loin derrière elle les
excédents que tous les êtres vivants alentours respireront à pleins poumons !
J'avance précautionneusement, toute angoissée que je suis de ne pas me faire remarquer, je n'ai que le temps d'apercevoir la petite queue blanche d'un lapin disparaissant dans son frais terrier éphémère avant de voir démarrer ce monstre infernal piaffant d'impatience et envoyant de petits nuages de fumées blanchâtres au-dessus de sa cabine rouge écarlate !
Quand je dis moissons, j'entends le grondement de la machine à faucher, ses raclements et renâclements, ses éructations et ses crissements quand elle avale une pierre ! Dans ce sol caillouteux, que de petits silex et de fragments de pierres meulières sont projetés et viennent s'échouer là dans une boîte métallique, derrière sa barre de coupe ! On trouve de tout : des mottes de terre denses et calcaires qui s'effritent sous le choc, dans un bruit mat et sourd, de la glaise agglomérée avec de multiples petits cailloux blancs qui martèlent le ventre de la machine à broyer. Celle-ci s'échine à émulsionner ce bol alimentaire dans ses mâchoires d'acier. Puis dans un ultime râle, elle ingurgite pour mieux digérer ce magma dans des glouglous et des grincements sinistres. Soudain, du plus profond de sa gorge, retentissent de longs soupirs vibrants, transperçant l'air et signalant que le monstre d'acier s'apprête à effectuer un demi-tour ou une pause pour mieux repartir.
La machine infernale renâcle et s'indigne de devoir fournir tant d'efforts en si peu de temps ! Cependant elle progresse vite et du haut de ses chevaux cylindrés, dans un bruit fracassant, elle balaye, broie, déchiquette, et écrase sans vergogne la moindre vie sous ses immenses roues !
J'avance précautionneusement, toute angoissée que je suis de ne pas me faire remarquer, je n'ai que le temps d'apercevoir la petite queue blanche d'un lapin disparaissant dans son frais terrier éphémère avant de voir démarrer ce monstre infernal piaffant d'impatience et envoyant de petits nuages de fumées blanchâtres au-dessus de sa cabine rouge écarlate !
Quand je dis moissons, j'entends le grondement de la machine à faucher, ses raclements et renâclements, ses éructations et ses crissements quand elle avale une pierre ! Dans ce sol caillouteux, que de petits silex et de fragments de pierres meulières sont projetés et viennent s'échouer là dans une boîte métallique, derrière sa barre de coupe ! On trouve de tout : des mottes de terre denses et calcaires qui s'effritent sous le choc, dans un bruit mat et sourd, de la glaise agglomérée avec de multiples petits cailloux blancs qui martèlent le ventre de la machine à broyer. Celle-ci s'échine à émulsionner ce bol alimentaire dans ses mâchoires d'acier. Puis dans un ultime râle, elle ingurgite pour mieux digérer ce magma dans des glouglous et des grincements sinistres. Soudain, du plus profond de sa gorge, retentissent de longs soupirs vibrants, transperçant l'air et signalant que le monstre d'acier s'apprête à effectuer un demi-tour ou une pause pour mieux repartir.
La machine infernale renâcle et s'indigne de devoir fournir tant d'efforts en si peu de temps ! Cependant elle progresse vite et du haut de ses chevaux cylindrés, dans un bruit fracassant, elle balaye, broie, déchiquette, et écrase sans vergogne la moindre vie sous ses immenses roues !
Quand je dis moissons,
je touche cette
fine poussière d'or déposée dans mes cheveux. Pas un seul centimètre de peau
blanche n'apparaît sur mon visage !! J'ai l'impression d'avoir un masque de son
! J'essuie mes yeux... Ils me brûlent. Je pleure. Mes lèvres se constellent de
ces minuscules paillettes dorées, j'en avale, j'ai l'impression d'étouffer ! Je
ressemble à un épouvantail à moineaux. Je guette la bourrasque de vent qui
dispersera l'excèdent de paillis que l'engin diabolique émulsionne aux quatre
coins du champ ! Dans un ultime effort, je me baisse, à terre, je découvre
quelques épis oubliés, me transformant en glaneuse et dans le creux de ma main,
les grains de blé jaillissent et roulent sous mes doigts. J'en éprouve un
certain plaisir comme si j'avais réussi à les voler à cette broyeuse de
moissonneuse ! Je touche donc mon droit de sciage ou "sciée des blés"
! Seulement, je ne prélève que quelques grains à cet épis, qui ne rejoindra
jamais les bottes et les fagots de paille enfermés dans le ventre de la bête et
je laisse la 9ème , voir la 10ème gerbe aux "vilains"
disparus, remplacés au fil des siècles par cette machine du monde moderne !
Quand je dis moissons,
je sens cette
odeur de paille sèche, ce foin que l'homme engrangera pour les mois d'hiver
dans sa vieille grande qui jouxte son bâtiment de ferme. Je respire à pleins
poumons, cette bonne odeur de campagne, de trèfles et de mûres sauvages,
cachées dans les bosquets et à l'abri dans les quelques haies masquant et
cloisonnant cette immensité plate et uniforme de blés coupés. Je sens les chauds
rayons de soleil qui pénètrent au plus profond de moi, que je vais essayer de
garder le plus longtemps possible pour les sombres et froides journées
hivernales. Le soir venu, mes vêtements me collent au corps, comme cette
poussière d'or sur mon visage et le long de mes bras ! Seul le soleil
déclinant, jette ses derniers rayons las et tristes sur le champ rasé d'un
jaune paille et se cache derrière l'horizon rosé. Je sens la fraîcheur de la
nuit, je sens ce mois d'août finissant et les grains de blés qui roulent sous
mes doigts. Je sens la rentrée des classes, je sens une nouvelle année scolaire
qui commence !
Quand je dis moissons, je goûte ces jolies mûres, et elles m'apportent une fraîcheur et un velouté que je ne retrouverai jamais ! Elles glissent comme un nectar sucré et pulpeux dans ma gorge. Il ne reste plus que quelques grains qui crissent sous mes jeunes dents et je prends le chemin du retour, m'étant barbouillé les lèvres de leur jus pourpre-grenat comme d'un rouge à lèvres lie-de-vin à fort caractère !
Quand je dis moissons, je goûte ces jolies mûres, et elles m'apportent une fraîcheur et un velouté que je ne retrouverai jamais ! Elles glissent comme un nectar sucré et pulpeux dans ma gorge. Il ne reste plus que quelques grains qui crissent sous mes jeunes dents et je prends le chemin du retour, m'étant barbouillé les lèvres de leur jus pourpre-grenat comme d'un rouge à lèvres lie-de-vin à fort caractère !
Claudine
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