mardi 9 octobre 2012

LES MOISSONS

Blé, soleil, travaux des champs encensés par les poètes et sublimés par la palette des peintres.
Les moissons titillent nos souvenirs, nos émotions et nos sens.
Quand je dis moissons je sens, je goûte, je vois, j'entends, je touche...

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Moisson en Provence, Van Gogh

Quand je dis moissons, je vois  les immenses plaines de la Beauce couvertes d’épis dorés qui s’abattent, fauchés par les bras puissants de la machine qui les avale et les recrache aussitôt en paquets rectangulaires et compacts sur un tapis roulant à l’arrière du véhicule. Je vous aussi les lauréats des concours généraux, chargés de récompenses.

Quand je dis moissons, je sens la chaleur de l’été, la sueur des travailleurs se hâtant de rentrer les blés quand l’orage menace et aussi la fumée que dégagent les engins mécaniques.
 
Quand je dis moissons, j’entends le bruit que font les énormes moissonneuses batteuses cahotant sur le terrain, les cris et les rires des gens qui s’interpellent et celui des oiseaux impatients de pouvoir picorer les grains tombés, offerts à leur envie.
 
Quand je dis moissons, je touche la miche de pain qui craque sous la pression augurant du plaisir de déguster une bonne tartine beurrée. Je touche aussi à la tresse décorative reçue en cadeau.
 
Quand je dis moissons, je goûte le plaisir simple de regarder avec admiration a scène qui se déroule sous mes yeux. L’échelle des cultures a changé, le travail est moins pénible qu’autrefois, mais toujours reste après les semailles le souci du temps qui peut tout anéantir et l’espoir d’une moisson abondante.
 
Colette
 
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La méridienne, Millet
Quand je dis moissons, je sens l’odeur que dégagent les champs de blé et qui, bien que subtile, masque néanmoins le parfum des fleurs éparses que viennent butiner les abeilles.
 
Quand je dis moissons, j’entends tinter les médailles récoltées par nos athlètes aux récentes olympiades.
 
Quand je dis moissons, je touche la récompense aux épreuves subies afin de récolter le diplôme convoité.
 
Quand je dis moissons, je vois défiler à toute allure – depuis un train à l’arrêt dans le musée de l’impressionnisme d’Auvers-sur-Oise – les paysages qui ont inspiré Van Gogh et consort.
 
Quand je dis moissons, je goûte le farniente car, comme le proclame le dicton «Qu’il est doux de ne rien faire quand tout travaille autour de soi ».
 
Emmanuel
 
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Quand je dis moissons, je sens la terre surchauffée par un soleil brûlant. Les fougères qui commencent à jaunir aux pieds desquelles les aspics attendent sagement la nuit pour aller chasser, les genêts d’or, les mauves bruyères ont mêlé leurs odeurs ce qui donne ce parfum si particulier.

Quand je dis moissons, j’entends mon grand-père chanter la chanson « Les blés d’or » de sa voix de ténor. J’entends également lors de ma première année d’école, la maîtresse qui nous faisait chanter, accompagnés d’un guide de chants « C’est la fête des gais moissonneurs, que chacun s’apprête à tresser des fleurs ». Me revoilà dans la réalité, avec le puissant chant des corbeaux qui épient du haut des arbres le déroulement des moissons, car la nuit venue, ils iront se régaler des céréales tombées.
 
Quand je dis moissons, je touche le collier de mon chien pour le retenir à mes côtés loin des machines agricoles et des rouges tracteurs.
 
Quand je dis moissons, je vois les travailleurs effectuer leur dur labeur avec gaité malgré la chaleur caniculaire  qui les fait transpirer sous leurs chapeaux de cow-boy ou de paille. Le temps d’une pose bien méritée, on arrête les machines, on se réunit en s’essuyant le front avec de grands mouchoirs à carreaux. Certains s’appuient sur leur fourche en attendant celui qui revient de la source avec la bouteille de vin mise au frais. Il sort malicieusement la bouteille de sa musette et il fait passer la boisson à l’assemblée dans un seul et unique verre. On rit, c’est beau, c’est gai et le ciel est bleu.
 
Quand je dis moissons, je goûte trois grains de blé et les rejette aussitôt. Ce n’est pas bon, je préfère les mâchouiller quand ils sont verts, ils sont plus tendres. Je pars à la recherche de quelques fraises des bois cachées dans l’ombre et vais m’en régaler avec, jusqu’à plus faim, les succulentes mûres noires et sucrées qui me tendent les bras.


Mireille

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Quand je dis moissons, je vois les blés s'écarter devant moi, se plier et crisser comme un tapis de paille sous mon pied irrespectueux et pourtant je continue d'avancer. Quelques taches rouges apparaissent ici et là entre les derniers chardons bleus de l'été finissant : de jolis coquelicots Mesdames...! Seule en lisière de ce vaste champs enfin presque.... sur ma gauche, soudain, un bruissement d'ailes : une brune perdrix vient de s'envoler ! Il s'agit de se montrer le plus discrète possible pour ne pas révéler ma présence. Inquiète, je jette un furtif regard aux alentours, je guette le propriétaire ! Il vit dans une belle maison non loin d'ici ! C'est bientôt la moisson, la moissonneuse-batteuse, énorme animal métallique garé devant le perron, attend le signal du départ ! Ce sera le moment fatidique où le maître enfourchera sa monture, s'installera sur le siège, s'enfermera dans la cabine et passera sa première vitesse de croisière ! Quelques instants de répit avant de semer la terreur dans les sillons d'épis dorés qu'elle s'attellera consciencieusement à couper du tranchant de ses dents et avalera gloutonnement pour ne garder que les grains blonds dans son ventre-réceptacle. Dans un nuage de poussière de son blond elle expulsera loin derrière elle les excédents que tous les êtres vivants alentours respireront à pleins poumons !
J'avance précautionneusement, toute angoissée que je suis de ne pas me faire remarquer, je n'ai que le temps d'apercevoir la petite queue blanche d'un lapin disparaissant dans son frais terrier éphémère avant de voir démarrer ce monstre infernal piaffant d'impatience et envoyant de petits nuages de fumées blanchâtres au-dessus de sa cabine rouge écarlate !

Quand je dis moissons, j'entends le grondement de la machine à faucher, ses raclements et renâclements, ses éructations et ses crissements quand elle avale une pierre ! Dans ce sol caillouteux, que de petits silex et de fragments de pierres meulières sont projetés et viennent s'échouer là dans une boîte métallique, derrière sa barre de coupe ! On trouve de tout : des mottes de terre denses et calcaires qui s'effritent sous le choc, dans un bruit mat et sourd, de la glaise agglomérée avec de multiples petits cailloux blancs qui martèlent le ventre de la machine à broyer. Celle-ci s'échine à émulsionner ce bol alimentaire dans ses mâchoires d'acier. Puis dans un ultime râle, elle ingurgite pour mieux digérer ce magma dans des glouglous et des grincements sinistres. Soudain, du plus profond de sa gorge, retentissent de longs soupirs vibrants, transperçant l'air et signalant que le monstre d'acier s'apprête à effectuer un demi-tour ou une pause pour mieux repartir.
La machine infernale renâcle et s'indigne de devoir fournir tant d'efforts en si peu de temps ! Cependant elle progresse vite et du haut de ses chevaux cylindrés, dans un bruit fracassant, elle balaye, broie, déchiquette, et écrase sans vergogne la moindre vie sous ses immenses roues !

Quand je dis moissons, je touche cette fine poussière d'or déposée dans mes cheveux. Pas un seul centimètre de peau blanche n'apparaît sur mon visage !! J'ai l'impression d'avoir un masque de son ! J'essuie mes yeux... Ils me brûlent. Je pleure. Mes lèvres se constellent de ces minuscules paillettes dorées, j'en avale, j'ai l'impression d'étouffer ! Je ressemble à un épouvantail à moineaux. Je guette la bourrasque de vent qui dispersera l'excèdent de paillis que l'engin diabolique émulsionne aux quatre coins du champ ! Dans un ultime effort, je me baisse, à terre, je découvre quelques épis oubliés, me transformant en glaneuse et dans le creux de ma main, les grains de blé jaillissent et roulent sous mes doigts. J'en éprouve un certain plaisir comme si j'avais réussi à les voler à cette broyeuse de moissonneuse ! Je touche donc mon droit de sciage ou "sciée des blés" ! Seulement, je ne prélève que quelques grains à cet épis, qui ne rejoindra jamais les bottes et les fagots de paille enfermés dans le ventre de la bête et je laisse la 9ème , voir la 10ème gerbe aux "vilains" disparus, remplacés au fil des siècles par cette machine du monde moderne !

Quand je dis moissons, je sens cette odeur de paille sèche, ce foin que l'homme engrangera pour les mois d'hiver dans sa vieille grande qui jouxte son bâtiment de ferme. Je respire à pleins poumons, cette bonne odeur de campagne, de trèfles et de mûres sauvages, cachées dans les bosquets et à l'abri dans les quelques haies masquant et cloisonnant cette immensité plate et uniforme de blés coupés. Je sens les chauds rayons de soleil qui pénètrent au plus profond de moi, que je vais essayer de garder le plus longtemps possible pour les sombres et froides journées hivernales. Le soir venu, mes vêtements me collent au corps, comme cette poussière d'or sur mon visage et le long de mes bras ! Seul le soleil déclinant, jette ses derniers rayons las et tristes sur le champ rasé d'un jaune paille et se cache derrière l'horizon rosé. Je sens la fraîcheur de la nuit, je sens ce mois d'août finissant et les grains de blés qui roulent sous mes doigts. Je sens la rentrée des classes, je sens une nouvelle année scolaire qui commence !

Quand je dis moissons, je goûte ces jolies mûres, et elles m'apportent une fraîcheur et un velouté que je ne retrouverai jamais ! Elles glissent comme un nectar sucré et pulpeux dans ma gorge. Il ne reste plus que quelques grains qui crissent sous mes jeunes dents et je prends le chemin du retour, m'étant barbouillé les lèvres de leur jus pourpre-grenat comme d'un rouge à lèvres lie-de-vin à fort caractère !

Claudine

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