mardi 2 octobre 2012

LE BISTROT

On s'y retrouve, on y mange, on y boit, on y joue, on y cause, on y rit, on y pleure... et on y retourne.
Le bistrot se raconte et nous raconte.

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C'est un café-bar-restaurant
Ouvert presque tout le temps !
Peu de vacances pour ce patron
Au visage bien rond !
Aux yeux et au sourire poupon
Toujours rasé de près,
Il vous nomme par votre prénom.
Les habitués du quartier,
Il les connaît !
C'est son métier !
Pas de ségrégation...
Hommes, femmes,
Silencieux et solitaires,
En compagnie et solidaires,
Expressifs, expansifs, et quelquefois excessifs...
Une parole, un regard, une réplique,
Un jeu de mots, le calme revient : c'est unique !

Dans les verres,
Du rouge, du rosé, de la bière,
"Un petit canon " ?
"Patron ?"
Un homme en gris,
Lance les dés, par le jeu il est pris !
Derrière le comptoir de zinc,
Le patron a compris !



Il s'exécute tout en apostrophant un homme assis face à lui
"Et toi Nono, on refait pareil ?"
Et c'est une "mousse", une pression...
Que Nono, boit du bout des lèvres, la moustache en ébullition !
Une femme vient d'arriver...
Elle paye son café serré !
Une petite dame, au visage typé,
Va s'asseoir sur la chaise d'à coté !
Près d'un habitué. Elle commence à discuter.
De ses voyages,
De ses origines pékinoises
Elle est très fière de son bracelet...
En jade porte-bonheur
Qui la préserve de tous les malheurs.
Le ton monte du coté des joueurs de dés...
Mais bientôt s'apaise... c'est "Le Pierrot" qui a gagné !
L'humeur est au beau fixe
Sur ses lèvres, un grand sourire s'affiche,
De bonheur, il irradie :
Il a encore gagné...
Ça lui suffit !


"Allez Patron, on remet ça !"
"C'est l'heure de l'apéro !"
"On remet les compteurs à zéro !"
Et c'est reparti...
Pour une autre partie !
De dés, de belote de comptoir,
Partie de quatre-vingt et un et jeux de cartes de bar,
Ce n'est que partie remise,
Pour un peu, on y laisserait sa chemise...,
Celui qui gagne, paye sa tournée.
Le perroquet a du succès !
Pour d'autres : l'anis-sirop d'orgeat alterne avec le Perrier ,
Le vittel-menthe rafraîchit
Et rend l'esprit léger...
Après un baby !
Le tableau serait complet... !
Si pour vous je décrivais...
L'ambiance régnant pendant un temps indéterminé,
Et cette belle sérénité de ces joueurs autour du bar groupés,
Retenant le souffle et les yeux concentrés,
Sur les cartes et sur les dés.


Qu'importe le choix des uns et des autres !
La clientèle est panachée du petit blanc, au grand noir
Du jaune, il y en a dans le blanc du regard !
Un détail qui fait son importance...
L'alcool fait la différence !
Délie les langues,
Efface les silences !
Comble certaines solitudes,
Égaye ne serait-ce qu'un moment cette lassitude,
D'une vie de forçats pour certains,
De renégats, de parias pour d'autres,
Mais là ! Lieu unique...
Handicap moral ou physique,
La religion, la race, la couleur des idées,
Les diverses conceptions et nationalités...
Pas de procès de faciès, ni de profil,
Personne ne passe pour un débile !
Nous ne faisons pas de défilés de mode...
Chacun son style ! C'est plus commode.

Dans ce troquet même ouvert le dimanche,
Chômeurs et travailleurs de force et de l'esprit
Viennent se détendre le matin où avant la tombée de la nuit...
Jeunes et moins jeunes, on oublie,
Les grands épisodes blessants de l' existence,
Là : Son histoire personnelle n'a pas d'importance,
Respect des différences !

Même si dans la vraie vie, ce n'est qu'apparence,
Dans ce café, on se retrouve, on se parle,
Certains font preuve d'éloquence,
Les plus extravertis, nous font leur show
Un peu répétitif parfois..., ça ne va pas très haut...
D'autres lisent le journal et échangent les nouvelles à chaud,
Certains s'attardent sur le tiercé,
D'autres dévorent la page des sports...
Les lendemains de foot battent tous les scores...
Que de commentaires et de passion
CA discute, chacun exprime son opinion..
C'est la libre expression !
Vive la communication !


Bien-sûr, on peut plaisanter !
Les meilleures, sont les plus courtes...
Si elles sont gênantes, on n'écoute pas, on écourte !
Mais décemment !
Le respect se gagne
Et être méchant !
C'est indécent !
Non ! Pas de jugement !
D'ailleurs, on évite les sujets brûlants qui chagrinent,
Et ceux qui dépriment !
Les paroles qui blessent
Venant mal à propos se glisser dans le contexte
D'une belle conversation
On ignore ou on réponds
Aux joyeux lurons !
Sur le même ton
Place à l'humour et à la dérision !

On se connaît, on s'apprécie !
Lieu de convivialité et de respect,
Chacun choisit...
Sa boisson, son avis !
Chacun a pris le parti...
De laisser dehors : ses soucis !

A la limite de la sobriété ou pochtrons...
Le patron sait dire non !
Connaissant par cœur
Le langage du cœur...
Il réunit les âmes désunies !
Les fractures sociales et les démunis !
Ce n'est pas un café ordinaire !
C'est un rad extraordinaire !
Où même nos amis les chats et les chiens
Ont le droit de rester et d'avoir un câlin !

Et moi, seule à ma table, toute femme que je suis...
Le chat sur les genoux, en buvant mon café-allongé,
Même si dehors, des femmes me jettent un regard interloqué !
"Et alors ? Pourquoi ?Je n'ai rien fait !"
Je ne leur ai pas demandé pour moi de payer !"
Je les invite à partager
Ne serait-ce qu'un bonjour,
Un au revoir et un merci !
Juste un moment de convivialité.
Nous sommes encore en république Française, il paraît ?...
Ma mère me l'a tant dit :
Et les mots : liberté, égalité et fraternité
Nous interpellent-ils encore à la mairie ?
S'il-vous-plaît !
Merci.


Claudine

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Lorsqu’il fait beau, avec mon amie Mireille, nous nous installons parfois à la terrasse d’un café parisien. C’est un plaisir de voir défiler les passants. Figures, allures, vêtements, quelle variété parmi ces personnages, un vrai spectacle !
Mais aujourd’hui, je me remémore le petit bistrot de mon quartier de banlieue où m’emmenait mon grand-père. Un grand-père imposant, vêtu d’un énorme pantalon de velours, d’une grosse chemise à carreaux, la taille serrée dans une large ceinture de flanelle.
Ce bistrot était en face de l’écurie dont il s’occupait.
Dans ce café, des chaises et des tables de bois sombre, un gros poêle qui ne chauffait pas vraiment beaucoup, de grandes glaces tachées de jaune, éclairé seulement par le zinc du comptoir brillant comme un sous neuf.
J’attendais avec impatience le petit verre de vin cuit que mon grand-père m’offrait pendant que lui dégustait un « amer-Picon ».
J’ai encore en tête cette image qui se reflétait dans le grand miroir : une toute petite fille près d’un grand bonhomme aux cheveux gris. Le bistrot n’existe plus, ne me reste plus qu’un souvenir noyé dans la vapeur et l’odeur de café du percolateur.
 
Monique
 
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Je vais évoquer des souvenirs d’une période difficile mais avec des moments forts pleins de gentillesse et d’humanité. Ils ont pour cadre les bistrots de la fin des années 40 et du début des années 50. L’un d’entre eux en particulier dont le patron, un ancien catcheur qui ressemblait à un bouledogue, était impressionnant par sa carrure, sa grosse voix, son verbe haut.
Il était doux et gentil avec les enfants mais il aboyait en jetant des regards assassins à ceux qui convoitaient sa femme, Yolande, une ravissante créature qui tenait la caisse, et portait les cheveux platinés et les ongles vernis. Il en était très fier. De temps en temps, elle allait aussi servir les clients attablés, perchée sur ses talons hauts et ondulant dans sa robe moulante. Les clients étaient fous d’elle. Des poètes, des écrivains, des chômeurs qui restaient des heures à la contempler à la dérobée. Lorsque Fredo, son mari, tournait le dos ou s’absentait un court instant, elle souriait à ses admirateurs, leur lançant des œillades. Certains, parfois, avaient même droit à un rendez-vous clandestin.
Fredo n’était pas très soigné, les cheveux souvent gras, les ongles pas très nets. Son grand tablier bleu cachait sa bedaine.
Il y avait l’hiver un grand poêle qui chauffait au milieu de la salle et tenait la grande cafetière émaillée blanche au chaud. Au fil des heures, la cafetière se décorait d’empreintes digitales plus ou moins grasses et noires et si l’on demandait un café après 17h on avait droit à un breuvage peu ragoûtant à force de chauffer. Le matin par contre c’était un nectar que les clients mêlaient souvent à du rhum ou du calvados. Le thé ou le chocolat n’étaient pas de mise ici, plutôt le viandox et son sel de céleri et les petits rouges. Le soir, les habitués revenaient avec leur musette sur le dos et leur caisse à outils après un dur labeur. Tout le monde parlait fort, le ton montait à mesure du nombre de verres ingurgités. Le tabac gris était roulé dans les feuilles entre les doigts des fumeurs. Souvent la cigarette était gardée à la bouche. Des brins de tabac se collaient sur leurs dents souvent gâtées ou déchaussées. Mais ils étaient contents, ils riaient de leurs blagues en jouant au 421 sur le zinc pendant que leurs femmes attendaient avec la soupe chaude, à la maison, entourées des enfants. Souvent, c’était les petits qui venaient tirer la manche de leurs pères pour le repas.
La fumée grise vous prenait à la gorge, les plus jeunes jouaient au baby-foot avec tant d’enthousiasme que la balle souvent sautait sur le sol. Les casse-croûtes servis n’étaient le fameux jambon-beurre mais plutôt pâté de campagne, rillettes ou saucisson à l’ail dans un bon morceau de pain frais. Fredo les garnissait généreusement puis plongeait ses gros doigts dans un bocal pour y attraper deux ou trois cornichons qu’ils ajoutait avant de les remettre aux consommateurs..
Il fallait demander la clef pour se rendre aux toilettes, dans l’impasse d’à côté. La porte avait deux trous pour les voyeurs, sur les murs on voyait des dessins et des inscriptions salaces sur lesquelles les mouches de différentes couleurs faisaient des aller-retour avant de voltiger au-dessus des toilettes à la turque glissantes et malodorantes. Il ne fallait pas glisser son pied malencontreusement dans le trou ! Pas de papier doux au derrière mais des feuilles de journaux accrochées à un clou rouillé. Si vous aviez des dessous en coton blanc, vous risquiez d’y voir imprimer les gros titres de la veille.
Voici les souvenirs que j’ai des bistrots de mon enfance. Les clients étaient sympas même s’ils sortaient en titubant.

PS : la grenadine était délicieuse et le diabolo-menthe aussi !

Mireille


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Le petit café restaurant qui se situe en bas de chez moi est actuellement portugais. A l’instar de bon nombre de ses compatriotes, une femme portugaise est venue s’installer dans notre ville, et plus particulièrement dans mon quartier à proximité de l’église du Sacré-Cœur, autrefois construite pour les étudiants de la Cité Universitaire mais qui ne leur est plus réservée aujourd’hui.
J’aime le matin aller y boire un petit café, discuter un peu car cette dame parle parfaitement le français et est très accueillante. D’une très grande propreté, ce lieu est majoritairement fréquenté par des Portugais, travailleurs du bâtiment, qui trouvent là leurs plats favoris, mais pas seulement. Parler dans leur langue, plaisanter, évoquer le pays et commenter les résultats de leurs équipes nationales, autant de sujet qui les rassemblent. De temps en temps, la patronne organise des soirées dansantes, musique et rythme portugais.
Il n’en a pas toujours été ainsi. Ce petit café a changé plusieurs fois de mains au fil des années. Les premiers propriétaires dont je me souvienne étaient d’origine auvergnate. Un couple avec deux enfants. La dame tenait seule le café. Son mari travaillait comme carreleur, je crois. Elle ne servait pas de repas seulement les casse-croûtes et les boissons.
C’était une femme dure au travail et dure, cela m’avait frappée, avec son fils qui devait avant de partir pour l’école, laver le sol, cirer les chaussures, courir chez le boulanger chercher du pain frais et des croissants dont se régalait sa sœur qui avait elle le privilège de rester au lit plus longtemps. D’ailleurs le pauvre garçon dormait dans le bar, sur une banquette et il lui fallait débarrasser la place avant l’ouverture vers 6 h 30. Il fallait le voir l’hiver trimer les mains crevassées et pleines d’engelures. Qui fréquentait ce bar ?  Des ouvriers qui prenaient le café arrosé en partant au travail, puis venaient les ménagères qui s’y retrouvaient en faisant leurs courses. Elles discutaient souvent devant un petit verre de blanc. Je me souviens parfaitement d’une certaine Marie-Louise, une femme qui avait dû être belle, qui était épanouie et joyeuse mais qui buvait sec sans jamais être saoule et qui faisait travailler le commerce en attirant hommes et femmes et en les faisant boire plus que de raison. Nous y allions aussi de temps en temps et nous pouvions y téléphoner.
Le fait que tous les petits commerces alimentaires de la rue aient fermé a complétement changé le quartier. Il n’y a plus aujourd’hui de ménagères faisant les courses et buvant un verre et dans le café, les musiques modernes ont remplacé l’accordéon du patron jouant les bourrées auvergnates.

Colette

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