qui vous vous
sentez redevable
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Avez-vous
déjà vu un jeune enfant dessiner le portrait d’un personnage ? D’abord, il
trace un rond pour la tête et un ovale plus ou moins grand pour le corps et
quatre coups de crayons obliques pour les jambes et les bras. C’est ainsi qu’il
m’apparut la première fois lorsqu’il se leva de son siège. Petit, rondouillard,
court sur pattes et ouvrant les bras pour m’accueillir. Son crâne dégarni sur
le sommet était cependant couvert d’une
épaisse auréole de cheveux très noirs tout autour de la tête. Il ne portait pas
la barbe mais une petite moustache courte, bien noire et bien raide. Ses yeux
vifs, brillaient comme deux pierres de jais, dans la demi-obscurité de ce coin
d’atelier. Son regard me transperça comme pour me déchiffrer. Vêtu tout de noir, d’un costume un peu
étriqué sur son ventre bedonnant, il me donna l’impression d’un diable sur
ressort sortant d’une boite et je restais éberluée.
Afin de
respirer le bon air des montagnes, j’étais en internat, dans une région où les
élèves étudiaient l’italien. Or, j’apprenais l’espagnol. Il fut décidé que pour
le bac, je suivrais les cours avec une jeune fille professeur, mais à la ville
voisine. Ils furent programmés tous les dimanches matin. Et c’est ainsi que je me
retrouvais ce jour-là, dans cet appartement vieillot où Monsieur Ganota modelait sur une table, des
petites silhouettes d’argile. «Mademoiselle Ganota ? » demandai-je.
« Elle a dû s’absenter mais je suis au courant de votre problème. C’est moi
qui vais vous donner les cours.» me répondit-il. Devant mon air effarée, il
ajouta : « N’ayez pas peur, Mademoiselle, je ne mange personne.
Asseyez-vous là et sortez vite votre cahier ! Le temps nous est
compté ! » Je m’exécutais et c’est ainsi que je fis la connaissance de cet
homme affable et bon enfant. Consciencieux à l’extrême, il ne lâcha aucun
exercice avant de s’être assuré que je l’avais bien compris. Je repartis alors avec
bon nombre de devoirs. Et ce fut ainsi de semaine en semaine. Il était loin
d’être ennuyeux ou rébarbatif car il avait toujours une anecdote à raconter
pour encourager ma curiosité et approfondir ma connaissance de la langue et de
la littérature. Prise par l’attrait de son récit, je m’habituais bien vite à
comprendre l’espagnol et à lui répondre dans cette langue.