dimanche 11 mai 2014

LES VOISINS


Histoires de voisinage, histoires d'humanité... Les voisins, c'est toute une histoire !











......................................................................................................

C’est il y a bien longtemps déjà. Ma grand-mère a, pour voisine, une charmante anglaise de quatre-vingt ans. Je la revois, grande, mince, élégante, toujours bien pomponnée. Ses cheveux gris argentés illuminent son visage sévère. Elle porte de délicieuses robes très souples aux tissus clairs imprimés de fleurs aux couleurs acidulées rose bonbon, bleu tendre ou violet mauve, ce qui nous surprend fortement car dans le quartier, toutes les personnes âgées y compris ma grand’mère s’habillent de noir, à peine agrémenté d’un col ou de parements blancs. La couleur n’est pas de mise.
Ma grand-mère vit, dans une de ces maisons anciennes, en pierre, à trois étages, juste à l’angle de la place du donjon. A l’intérieur, un escalier de bois étroit aux marches élevées donne accès, à chaque niveau, à deux petites pièces. Dans la maison voisine, accolée  à la sienne, vit seule, au deuxième étage, Madame Graix. Elles se rencontrent souvent et taillent une petite bavette sur le seuil de la porte.
La guerre arrive et avec elle, les bombardements fréquents. « Vite, aux abris ! » Ma grand’mère ne va pas loin. Elle a une cave souterraine aux murs épais et voûtés. Il lui suffit de descendre. Mais Madame Graix n’en pas. Elle doit rester chez elle, presque sous les toits. Surgit alors une idée géniale ! « Creusons un gros trou dans le mur juste sous la tablette de toilette et bouchons-le par un énorme oreiller ! Recouvrons-le d’une taie imprimée presque similaire au papier peint du mur. A chaque alerte, vous pourrez ainsi venir dans notre cave ! » Tel un furet, Madame Graix se glisse agilement de son chez-soi, chez ma grand’mère et dégringole les escaliers pour se mettre à  l’abri. Et ce petit manège dure pendant plusieurs années. Elle n’a pas besoin de sortir dans la rue. Les soldats allemands sont là, sur la place. La situation est bien trop dangereuse.
Un jour, un obus tombe sur la maison voisine à la sienne et éventre un des murs de sa chambre. Quelle frayeur que cette découverte en remontant l’alerte passée ! Et que serait-il advenu d’elle  si elle était demeurée dans son appartement ?  Pour toujours, elle voue une infinie reconnaissance à ma grand’mère. La guerre est finie. Une solide amitié unit les deux voisines.
Chaque  année, je viens en vacances. Parfois, Madame Graix nous rend visite mais je suis intriguée car je ne l’entends jamais sonner ni monter les escaliers de bois qui pourtant craquent sous les pas. Un beau jour, dans l’après-midi, je me trouve dans la chambre. Soudain, le petit rideau sous la tablette s’ouvre,  l’énorme oreiller que je n’avais pas remarqué, disparait prestement et la tête de Madame Graix apparait. Avec une agilité surprenante pour son âge, elle enjambe le trou et se glisse dans la pièce. Son visage sévère se déride et elle sourit devant mon étonnement
C’est ainsi que j’appris l’histoire de ce voisinage et de cette amitié qui ne se départit jamais au long des années. Ce n’est qu’après sa disparition que le trou fut rebouché !

Marie-Thérèse
...............................................................................

Ma voisine Marguerite est morte ce matin
Elle est morte ce matin
Comme une lampe s’éteint
Sans bruit, sans se plaindre
Entouré de ses bouquins

Elle est morte ce matin
Dans la tranquillité
Et la misère du corps
Mais la richesse du cœur

Elle est morte ce matin
Avec pour compagnon, un ami, le moineau
Qui chaque jour vient au bord de sa fenêtre
Sans collier ni attaches

Elle est morte ce matin
Cette grand-mère
Seule
À Gentilly

Elle est morte ce matin
Pourtant elle a connu la richesse
Et mon cœur crie la détresse
Car elle a tout donné

Elle est partie sans bruit
Sur la pointe des pieds
Pour ne déranger personne
Comme elle était venue

Environ un mois après le départ de Marguerite, une nouvelle résidente devint ma voisine. Mme M. Elle venait d’Ivry et circulait en fauteuil roulant qu’elle manipulait avec une remarquable dextérité. Son aide-ménagère était sa seule accompagnatrice, ses enfants habitant Montpellier n’avaient pu se déplacer. Mme M.  était l’opposé de Marguerite : bougon, peu aimable, elle réclamait sans cesse quelque chose. Au début de son séjour l’aide-ménagère qui l’avait accompagnée venait souvent la voir, mais un beau jour, elle n’est plus revenue. Mme M. s’est alors tournée vers moi ; malgré son petit bonjour matinal accompagné de de ses six baisers sur le front, elle frappait sans arrêt à ma porte pour me demander l’heure, pour relever son store qu’elle ne pouvait atteindre ou descendre à la salle à manger à 10h du matin. Le personnel a mis le holà : « Elle va vous tuer avec ses exigences, laissez-la tomber. » De fait Mme M. s’est un peu calmée. Moi-même n’occupe plus la même chambre. Cependant chaque jour, je passais dans la salle à manger où elle restait seule tout l’après-midi en raison de son mauvais caractère. J’essayais de lui parler un peu, quelquefois elle répondait mais n’oubliait pas de me donner ces six bisous rituels sur le front.
Il y a un mois, sa fille est venue la chercher. Au bout de deux ans, elle avait enfin obtenu une place dans une maison de retraite près de Montpellier. En regardant s’éloigner la voiture, je n’ai pu retenir les larmes qui me montaient aux yeux… Oui, Mme M. malgré votre mauvaise tête, je vous aimais bien.

Christiane
......................................................................
Voisins, voisines !
Proches ou pas…
Réguliers  ou omniprésents ?
Voir résolument absents !
Et au bataillon : inconnus !
Mieux : Jamais aperçus 
Ou à jamais disparus
Par les commères de quartier.

Discrets  ou gênants ?
Impossibles  ou  charmants ?
Leurs propos sont surprenants !
Ce sont souvent  les absents
Qui ont tord !
Lors d’une réunion dans l’ascenseur !
Il faut toujours un fautif !
Quand par malheur,
En cas de panne et de réfection
Il faut payer les charges
Et monter les bras chargés, les étages.
Que de dos courbés, de genoux fléchis
Et de réflexions !
C’est la faute des voisins !
C’est bien connu !
« Si ce n’est toi, c’est quelqu’un des tiens ! »

Quand l’espace d’un pacte, 
La solidarité craque dans un tract,
Elle passe en revue ses troupes vacantes
Et surtout disponibles et  bienveillantes.
Elle demande à son petit monde de s’entraider.
Elle souhaite tant que dans l’immeuble, on fasse la paix !
Du porte à porte et pour relater les faits : un écrivain.
Elle réclame de la présence au quotidien !
Ou simplement de répondre « présent »
Et de savoir qu’on existe, et au final, on est combien ?

Derrière chaque porte, il y a de tout !
Du froussard au curieux,
Du sans parole au teigneux !
En passant par l’indiscret
Et le trop discret !
Il y a les « je me mêle de tout, j’ai tout vu ! »
Il y a les « je n’ai rien vu, rien entendu ! »
Et du bout de leurs chaussons, s’en vont en courant…
Les « Je n’étais pas là ou je ne suis pas au courant ! »
Les « Vous savez, quoi ?!!! »
Pour  finalement raconter n’importe quoi !

Tout à coté dans les logements 
Il y a des jeunes, des enfants 
Et évidemment leurs mamans…
Des grands et des adolescents !
Des adultes entre deux-âges esseulés
Au mieux célibataires, en couples ou isolés,
Des anciens, des veufs et des retraités
Beaucoup de personnes âgées.
En gros des habitants !

Bien dans leur peau
Ou en plein désarroi…
Le voisinage c’est parfois
Un coup de Trafalgar
Du grand bonheur à l’effroi !
 
Nous sommes comme sur F.B
Ou sur les blogs, des soi distants amis
Voir des parfaits inconnus ou des relations…
Et plus si affinités…
Et quelquefois, il y a des tensions !
Nous ne sommes pas en pays conquis…
Ni en pays de guerre,
Mais des fois, c’est la galère.
Tout dépend des locataires…
Et de leur caractère.
On ne s'entend pas toujours comme larrons en foire...
C'est des dos que l'on voit le soir,
S'évanouir dans l'ascenseur,
Quand la fatigue est là
On sent la douleur...
Celles des corps et des cœurs !
On sent la sueur…
S'évanouir dans l'ascenseur,

Puis, chacun et chacune chez soi.
Claquemurés entre deux parois
Bien cloisonnées...
Derrière le judas,
Les personnes âgées sont enfermées.
A croire qu'il n'y en a que pour ceux
Qui font la fête au rez-de-chaussée
Entre deux coups de perceuses,
Les nouveaux locataires creusent. 
Ils annoncent la couleur,
Le jaja de la semaine
A coup de Pré fontaine
Entre deux Heineken
Entre deux coups à boire,
Entre deux coups de poings
Entre deux coups de gueule,
Autant sur une île déserte
Vivre seule !
 
Puis c'est la folie du samedi soir
Ambiance hard et rock and roll…
On trinque, on vide les canettes…
Ca glousse, ça rigole chez « les minettes »
Ca beugle chez les fans de « Johnny.. »
Ailleurs, on écoute radio Nostalgie…
« Du blues, toujours du blues «  de Jonas
C’est « La vie en rose » d’Edith Piaf
Qui, dans le hit-parade des anciens, décoiffe
Ça chante et ça déchante au 4ème
Entre Wagner et la Walkyries
C’est un concert de ressorts de lit…
Mais chez les jeunes, c'est le rap qui dérape,
Et le casque sur les oreilles, le son à fond,
C'est les anciens qui craquent et se morfondent...
Du matin au soir, on bout, on sature
Alors, viennent les injures.

Entre deux exclamations de voix,
Entre le chahut et les bruits de pas...
Les grincements de l’ascenseur,
Les pas feutrés des voleurs,
Les portes qui claquent et la peur,
Les bris de bouteilles et de verres
Et les lourdes atmosphères...
Les hurlements des propriétaires
De chiens bruyants et braillant
Se mêlant aux cris des enfants
Et ceux de leurs parents

C'est l'assistante sociale
Ou l'agent de police
Qui à pas comptés, se glisse
Entre deux portes, dans l'interstice
D'une énième scène de ménage
Drame de la vie, injures et outrages,
Entre deux protagonistes,
Qui se battent comme des chiffonniers
Entre eux : des enfants hagards oubliés !

Alors, quand vient la grande fête...
Au fait, tu te souviens ?
Bien sûr la fête des voisins...
Personne dans le hall,
Personne ne vient

Puis enfin arrive sœur sourire...
Elle fait son entrée, son cinéma
Personne n’est réfractaire…
Nous sommes tous frères
Enfin on peut rire !
Celle qui détend l'atmosphère
Celle qui relie les cœurs et crée des transferts !
Celle qui a décidé de porter le dernier coup
A la tristesse et au dégout !
Définitivement la rigolo- manie
S'installe et fait sa loi !
 
Les sœurs-soupirs
Et les frères-désespoir
D'ailleurs : "On en a marre !"
N'ont qu'à accorder leurs violons,
Nous on se marre !
Des danses de salons
Tango, valse et mazurka
Pourquoi, on ne danserait pas ?
Trismus et sinistrose
Nous on a notre dose !
Overdose ! Overdose !
On va les travailler au corps
Non ! Non ! Je ne perds pas le nord ! 
On va la mettre au point
Notre fête des voisins
Dans la gazette du coin !
Jeunes et vieux feront l'évènementiel...
La bonne humeur, c'est l'essentiel !

À bas les masques !
Vive la rigolo manie,
La gentillesse et la bonne compagnie
L'entraide et la sympathie

D'avance merci !
Au diable, toute cette hypocrisie
Qui sature les murs et les parois
De l'immeuble enfin endormi.

 Claudine
...............................................................................
Des récentes élections municipales se détache, en  mon voisinage immédiat, une singularité à connotation « Tournesol ». En effet, réside, dans la même cage d’escalier que moi, le maire-adjoint de Gentilly chargé, entre autres, des retraités et seniors. Nous nous croisons fréquemment et échangeons force amabilités.
Au cours des premières décennies de la « Cité » où je loge depuis plus d’un demi-siècle, règne une ambiance très conviviale animée notamment par les enfants qui fréquentent la même école primaire, se retrouvent en colonie de vacances, s’ébattent sur une aire de jeux aménagée à leur intention dans le parc alentour.
À cet égard, il leur est formellement interdit de dévaler, en patins ou à bicyclette, les allées du parc en dehors de cette aire de jeux qui leur est dévolue. Le gardien, chargé entre autres de la discipline, dispose d’un moyen astucieux pour sanctionner les éventuels délinquants : ceux-ci se voient privés de leur tour de rôle dans l’arrosage du parc au moyen de la lance à eau. Ce gardien fait preuve d’autres qualités aux beaux jours, lorsque la convivialité atteint un summum à l’occasion d’un pique-nique improvisé dans le parc : il joue de l’accordéon et se charge des grillades au barbecue, lequel dispute la vedette à un tonnelet de beaujolais livré par l’ancestrale cave Fillot de Gentilly.
Cette apothéose en matière de voisinage demeure gravée dans la mémoire des participants.

Emmanuel
...........................................................................

Les voisins font partie de notre vie au quotidien, surtout si l’on reste des trentaines d’années à chaque résidence collective.
Au fil des ans, nous sommes mutuellement acteurs et spectateurs des joies et des malheurs de nos voisins. Parfois au fil des ans, les évènements nous rendent très proches par des confidences, des petits services rendus. On croit presque faire partie de leur famille et ce sont des amis.
Puis un jour, l’on part le cœur serré pour d’autres lieux, l’on se promet de se revoir.
Les premières semaines, ils nous manquent, tous ces bruits, le son des voix, de leurs pas, on croit les voir, les entendre.
Souvent nous allons leur rendre visite. On passe de bons moments. On garde des habitudes, l’on fait des courses ensemble, les sorties. Puis les visites et les rencontres s’espacent au fil des jours. Certains partent ailleurs, d’autres pour l’au-delà. Une ou deux personnes restent fidèles gardant des liens solides éternellement.
Pour d’autres même scénario, mais personne ne se revoit malgré trente années à se côtoyer. Les mois, les années passent, personne, pas de coup de fil téléphonique. On se rencontre par hasard, on s’embrasse, on échange des nouvelles pendant un laps de temps. On promet de se téléphoner mais en vain, toujours les mêmes prétextes pour ne pas se voir jusqu’au jour, rempli d’amertume, on comprend que ce n’étaient pas des amis sincères mais juste des voisins.
A méditer avant d’être trop indisponible et croire aux amitiés factices qui souvent ne sont qu’un leurre.

Mireille


Aucun commentaire: