Trier,
jeter, est-ce possible ?
Dans mon
bureau trônent en bonne place mes « bonnes » résolutions, que j’ai
beaucoup de mal à appliquer : 1, je donne ou je jette ; 2, je
garde ; 3, j’hésite, j’attends six mois, je jette ce qui ne me sert pas.
Or, trier
et jeter deviennent indispensables face à l’accumulation d’objets de toutes
sortes au cours de la vie. La vie elle-même, en constante transformation, exige
que les objets sur lesquels elle s’appuie évoluent, c’est-à-dire se relaient ou
bien se transforment. Un jour une amie me confia sa solution : « Pas
d’entrée d’objet nouveau sans sortie d’objet ancien ou devenu inutile ».
Facile à dire… car la société actuelle nous pousse soit à consommer, soit à ne
plus éliminer mais à conserver en rénovant (crise oblige)… ce qui complique
encore le tri !
Nous
avons aussi avec les objets de notre entourage toutes sortes de relations y
compris sentimentales, esthétiques, etc. je pense au premier vase que j’ai
tourné, céramiqué et mis au four. Je l’aime vraiment. Il a franchi
victorieusement toutes les séances de tri et continue d’attraper mon regard
quand il se porte sur un des rayons de ma bibliothèque… Ah, les livres… que
c’est dur quand je dois m’en séparer ! Ce sont mes compagnons de solitude,
mais surtout ma fenêtre ouverte sur tout ce qui m’intéresse : les autres,
le vaste monde… J’adore pouvoir prélever sur un rayon un livre qui me rappelle
les bons moments passés avec lui : je n’hésite pas alors à perdre une
heure avec lui à le parcourir. Ce n’est pas sérieux ! Tous mes livres
n’ont pas la même santé : beaucoup sont brochés, âgés d’une cinquantaine
d’années et souvent poussiéreux car je ne les ai pas toujours bien entretenus,
aussi quand j’en distingue un, j’en profite pour le toiletter… ce qui ne règle
pas mon problème de tri.
Un autre
obstacle : avançant en âge, j’hérite d’objets, livres, etc. ayant
appartenu à des proches. Qu’en faire ? C’est si personnel, les choix,
pourtant, je ne peux rejeter ce qui m’attache à ces disparus.
Mon
appartement s’emplit malgré mes opérations de tri. Indéfiniment ? Aussi je
rêve d’arriver un jour à évoluer dans un espace aéré, épuré, moderne.
Quand ? Est-ce possible de se déshabiller ? Pour moi, c’est bien
difficile.
Françoise
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J'ai une tendance à conserver
les choses mais je pense aujourd'hui plus particulièrement à un vêtement, une
liseuse que ma mère avait tricotée au crochet. Je préfère ne même pas calculer
l'âge de ce vêtement...
Cet ouvrage en laine est d'une
couleur rose, je dirai d'un « rose layette » pour le décrire plus
précisément, de ce rose bien prononcé et que je n'aime pas d'ailleurs. Je ne
sais si le mot « layette » est approprié pour décrire cette couleur
mais je l'aime si peu que même ma fille bébé n'a jamais porté cette couleur,
juste certains roses très pâles, le plus souvent elle portait du bleu. Et plus
tard j'ai su qu'elle détestait le rose. Pourquoi cette couleur pour ce vêtement...
Il se pourrait que ma mère ait utilisé un restant de laine ayant justement servi à tricoter de la
layette, peut-être celle de ma nièce qui est née lorsque j'avais 11 ans, ma
mère conservait tout elle aussi.
Ce vêtement me servait jadis
chez mes parents, quand j'étais malade et donc alitée. Car c'est ainsi que ma
mère nous soignait dès que l'on était enrhumé et un peu fiévreux, on devait
garder le lit. Avec également l'obligation de boire les tisanes brûlantes
qu'elle nous apportait car il fallait transpirer pour faire sortir le mal comme
elle se plaisait à nous le dire. Aujourd'hui je sais qu'au contraire il faut se
dévêtir pour faire tomber la fièvre ! Qu'importe, ma mère a réussi à nous
soigner à sa manière, on ne s'en est pas plus mal porté. Malade, je devais donc
enfiler ce vêtement quand je voulais lire, je devais rester bien couverte et
avoir chaud dans mon lit. Je ne sais
quel point a utilisé ma mère pour la tricoter
mais l'ouvrage semblait fait de trous accrochés les uns aux autres. Des
trous avec lesquels plus jeune je jouais, j'y enfilais mes doigts, je les
tortillais dedans tout en lisant. Elle était si légère, et si chaude à la fois
cette liseuse, tellement que je n'ai jamais compris pourquoi. Comment en effet
des trous peuvent-ils tenir chaud, cela reste un grand mystère pour moi.
Cette liseuse est l'un des
innombrables ouvrages que ma mère a tricotés, elle avait une véritable passion
pour le tricot, à l'aiguille ou au crochet. Elle y passait tout son temps
libre, du matin jusqu'au soir, le moindre instant était prétexte à prendre son
ouvrage et mon père se plaisait à la taquiner.
J'ai toujours ce vêtement, il
dort aujourd'hui, plié dans mon armoire. Je ne le porte plus jamais, nous
disposons d'autres vêtements chauds à présent. Pourquoi l'ai-je conservé, je
l'ignore, c'est la seule chose qui me reste de ma mère, il m'a suivie partout. Et maintenant il ne me viendrait plus à l'idée de m'en
séparer, ma liseuse prend si peu de
place.
Paulette
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Dès l’âge
de trois ans, approximativement, avec le doigt ou un bâtonnet, je dessinais,
j’écrivais, à ma façon, sur la terre, la neige, la glace, les vitres embuées.
Si
j’avais connu le poème de Paul Éluard Liberté,
je l’aurais inscrit en tous lieux !
Ma mère,
assise devant le feu, retirait des brandons calcinés : elle dessinait à
mon intention, avec le charbon de bois, sur de vieux morceau de journal ou de
carton, des chiffres, quelques lettres, une poule…
J’essayais
de les reproduire, sans comprendre le prodige qui faisait jaillir tout cela
d’un charbon tenu entre les doigts. Je faisais remarquer que la poule ne
ressemblait guère à celles du poulailler mais la magie opérait cependant.
Vint, à
six ans, l’âge de l’entrée au CP. Le voisin auquel j’apportais des crêpes de
temps à autre, m’offrit pour ce grand événement mon premier crayon : il
était bleu, à la mine grise. Je le portais avec fierté, le brandissant tout le
long du chemin comme un trophée. Il fut mon unique bagage et mon bâton de
maréchal. L’école fournissait le matériel ; j’écrivis d’abord au crayon,
dans le cahier à deux lignes, coupé en deux carnets, soigné comme un parchemin
enluminé.
Par la
suite, j’utilisai, pour écrire à l’encre, des plumes : la
« gauloise » et la « sergent-major », fixées à un
porte-plume. Je trempai la plume dans l’encrier : ce petit réservoir,
placé sur le pupitre, était rempli avec grand soin.
Ainsi
s’écoulait le temps : encre noire sur page blanche, craie blanche sur
tableau noir.
J’ai
conservé et le crayon et la plume.
Malgré la
fermeture de l’école, le placement, les déménagements, l’utilisation de la
plume, du crayon puis du stylo s’est poursuivie au quotidien, tout au long des
études secondaires, supérieures, de ma vie professionnelle et encore à ce jour.
L’usage
de la plume précède de loin celui de l’ordinateur sur lequel je renseignais le
cahier de textes électronique en quadrichromie : noir pour la grammaire,
bleu pour la conjugaison et l’orthographe, vert pour la lecture analytique et
intégrale, rouge pour l’expression écrite.
J’ai pris
l’habitude surprenante de commencer plusieurs stylos et non d’en user un à la
fois : un peu comme si je voulais les faire durer en leur montrant que je
les appréciais tous. Ils sont ma garde rapprochée, mes amis fidèles, je ne
saurais leur manquer.
À ce
jour, crayon et plume spécifique me servent à dessiner des roses que je peins à
l’encre de Chine indélébile ; juste retour aux sources. Je m’émerveille, jeux mes
merveilles.
Je
n’utilise plus le matériel d’origine bien sûr, détérioré ou disparu mais j’ai
toujours le respect et l’admiration inconditionnels pour l’outil de travail qui
prolonge la main avec autant d’efficacité.
Merci à
Maman, qui m’a initiée à l’écriture et au dessin, en me faisant découvrir l’un
des usages fondamentaux de la main, alors que son quotidien était un enfer.
C’est
vers elle que vont mes pensées émues, en ce jour des morts 2016.
Marie-Christine
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Inutiles, parfois peu
décoratifs, ces objets ne nous parlent que par leur valeur sentimentale. Tout
autre les auraient déjà jeté au rebut.
Celle-ci par exemple,
une chouette en terre crue de 20 cm de hauteur modelée par de jeunes mains à
l’atelier du mercredi après-midi. Elles ont peint en noir charbon puis vernissé
ses ailes repliées sur son corps et ses aigrettes dressées sur la tête comme de
petites oreilles de chat. Pourtant ce
qui attire l’œil, ce sont ses énormes yeux qui vous regardent et peut-être vous
surveillent. Leurs pupilles d’un jaune citron largement cerclées sur les côtés
d’une demi-lune bleu indigo. Son bec d’un rouge vermillon repose sur sa
poitrine d’un vert sombre. Avec le temps, ses couleurs se sont un peu éteintes
mais posée sur un coin de l’étagère, elle reste là parmi d’autres babioles,
témoin d’une époque révolue.
Et celui-là, est-ce un
objet ? Il ne trône pas dans la salle à manger ni même dans la chambre à
coucher mais bizarrement il a trouvé sa place dans la salle de bains, non pas
dans la douche mais accroché sur sa paroi de verre à l’extérieur.
Pourquoi ? Peut-être à cause de sa taille, celle de mon fils en dernière
année de maternelle. C’est en effet le portrait qu’il avait réalisé de
lui-même. Taillé grossièrement dans du carton d’emballage, il a découpé son
corps entier, tête et membres compris. Sur la surface, à l’aide d’un gros
feutre ou un gros pinceau bien rigide, il a redessiné les contours d’une belle
couleur rouge sur une largeur d’environ
1 cm ½. Il a dû bien s’appliquer car le trait est continu sans trop de bavures.
Puis il a donné vie à sa petite personne deux grosses taches noires pour les
yeux, surmontés de sourcils épais en collant quelques brins de laine brune, la
même qui flotte au sommet de son crâne simulant les cheveux. Il n’a pas oublié le nez, une grosse tache
rose en forme de triangle avec deux petits ronds noirs pour les narines et
dessous, un collage dessine ses lèvres roses. Je l’imagine encore découpant les morceaux
de feutrine, vert bouteille pout son
pull-over et bleu foncé pour le pantalon, le tout collé avec minutie sur le
carton. Un bout de feutrine blanche pour les moufles et un coup de peinture
brune pour les chaussures. Mais ce qu’il n’a pas oublié de rajouter, ce sont
ces deux morceaux de tissus marron à la hauteur des coudes et des genoux comme
on en cousait autrefois pour protéger les vêtements. Pas forcément esthétique,
cette mode aujourd’hui disparue ! Et comme elle, il va bientôt
disparaitre ! Un pied s’est arraché
et une main s’est perdue. La feutrine a vieilli et s’est décolorée ; par
endroits, elle s’est même décollée. Et pourtant, je ne me résous pas à le
jeter. C’est lui qui me sourit chaque matin. Comment pourrais-je m’en
séparer ?
Il y a aussi ce poignard
dans sa gaine de cuir me rappelant les feux de camp et les randonnées à travers
la France. Il était bien utile pour couper branchages et ficelles, ce petit
calot noir bordé d’un galon doré sur lequel est accrochée une chouette, symbole
de la sagesse et du savoir, souvenir encore plus lointain de ma dernière promo
au lycée ! Et cette petite bonbonnière oblongue en porcelaine qui me fut
offerte il y a si longtemps. J’avais sept ans, je crois.
Et tant de souvenirs que
l’on ne peut jeter car ils ont marqué des étapes de nos vies !
Marie-Thérèse
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Et de
devoir écrire sur du matériel me chagrine, d’autant plus que tout peut être
englouti par les aléas de la vie. Alors, si du jour au lendemain on devait
faire un choix pour tel ou tel objet particulier qu’il s’agirait d’emporter et
de garder impérativement sur soi, ce serait mon téléphone, oui. Mais je réalise
bien que ce serait totalement illusoire et inapproprié si je devais me
retrouver exilée dans un endroit où les prises électriques ne sont pas
compatibles et que les raccordements ne sont pas faits. Et si dans mon pire
cauchemar je me voyais télescopée en plein désert de Gobi ou du Sahara sans une
goutte d’eau ni provisions pour subsister… Il s’agirait de revoir rapidement
mes priorités ! Alors, quel serait cet objet ou ces objets qui sont d’une
priorité absolue, qui ne payent pas de pain. Eh bien, ce serait ma brosse à
cheveux et ma pince à épiler. Oui, c’est étonnant ! Car j’ai des restants
de féminité. Et le respect que je me voue avant de vouloir paraître et
apparaître comme je suis vraiment me dicte que je dois prendre soin de moi
avant de m’attarder sous le regard d’autrui. Tout un chacun le sait, laisser
son empreinte génétique sur ces objets personnels ne regardent que moi et la
justice, évidemment, en cas de litige avec la police. Et une belle chevelure
viendrait du fait que l’on s’en occupe certes mais qu’on lui apporte beaucoup
de soins. Et avec cent coups de brosse le soir venu, la bien séance dit que
l’on ressemble à une princesse des mille et une nuit. Alors ne nous en privons
pas. C’est dans les contes que je me suis ressourcée. Mais ils ne m’avaient pas
dit qu’un jour, je deviendrai poivre et sel et que je blanchirai
inexorablement, devenant dépendante des teintures et autres produits chimiques.
Alors ma brosse en voit de toutes les couleurs et ma pince aussi. Elles se
retrouvent couvertes et recouvertes de mon système pileux trop productif, à
cheveux caduques qui tombent l’automne venu et en cas de fatigue intense. Si je
ne prends garde, la calvitie me guette et je n’aurai plus qu’à me mettre une
moumoute ou une perruque et ne chanterai plus la chanson d’Antoine « Maman
m’a dit d’aller me faire couper les cheveux… Je lui ai dit dans vingt ans, si
tu veux »
Claudine
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On ne peut se
séparer :
- de ses lunettes, de
ses appareils dentaires, de ses
prothèses auditives qui sont devenus vitaux. Sans eux, nous sommes complexés
par une apparence peu flatteuse et inconfortable.
- le téléphone portable
qui ne nous quitte pas, qui fait partie de nous, qui est le lien avec notre
famille, l’entourage, l’administration. C’est un objet sur lequel on peut
compter en toute circonstance, pour écouter une voix chère à n’importe quelle
distance, c’est un S.O.S. que l’on lance, c’est un cri d’amour, c’est un
renseignement qui nous évite un déplacement. Ce sont les photos, les visages
que l’on peut voir à distance, les paysages fantastiques. Que ferions-nous sans
lui, même si il date, c’est comme un vieux doudou. On verse une larme pour le remplacer
s’il ne fonctionne plus, même contre un modèle plus actuel, plus performant
mais que l’on n’aimera jamais autant !
- Ce sont les petits
transitors mono qui ont un son bien audible, que l’on emporte partout pour les
écouter : sous nos oreillers quand la nuit se fait longue. Ils ont
beaucoup voyagé depuis des années. Ils sont au fond de nos sacs même pour une
nuit passée loin du domicile. Nous en avons reçu d’autres en stéréo avec
télécommandes. Mais on ne peut se séparer de ces petits transitors qui avaient
remplacé les postes à lampes branchés sur l’électricité. Lorsqu’ils rendront
vraiment l’âme nous auront un pincement au cœur en les mettant au rebut,
devenus muets pour l’éternité ; mêmes sentiments ressentis en jetant sa
vieille poupée ou son vieux camion.
Ainsi va la vie et
l’attachement pour des objets familiers.
Mireille
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