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Je suis parisienne d’origine bretonne par
mes deux parents. Ma maman est née à Martigné-Ferchaud seconde d’une fratrie de
trois enfants ; un frère aîné et une sœur cadette. Je n’ai pas connu mes
grands-parents maternels car ma grand-mère est décédée en suites de couches
après avoir donné naissance à ma tante, maman avait un an et mon oncle guère
plus de trois ans. Mon grand-père, maréchal ferrant, a succombé à une
tuberculose maman avait alors huit ans. Les trois enfants ont été élevés par leur
grand-mère maternelle qui était veuve. Deux cousines éloignées mais habitant
aussi à Martigné se sont prises d’amitié surtout pour les deux filles et se
sont aussi occupées d’elles. D’ailleurs pour nous (ma sœur et mon frère) elles
étaient tata Georgette et tata Marie-Louise. Quand nous passions quelques jours
de vacances nous étions accueillis comme princesses et prince, tata Georgette
et son mari tonton Georges n’ayant pas pu avoir d’enfant. Tata Georgette
faisait toujours le clown pour nous faire rire, elle faisait aussi de
succulents gâteaux. Je me rappelle qu’elle avait organisé le baptême de nos
poupées en faisant des gâteaux, elle avait acheté des dragées et coupé des
morceaux de tulle. Rien n’était trop beau pour nous et je crois qu’heureusement
que papa et maman mettaient parfois le hola. Très bonne couturière et
tricoteuse elle faisait des vêtements et des pulls pour nous trois. J’avais un
lien particulier avec tonton Georges qui m’appelait sa Fabiola. Ils sont
décédés alors que nous étions de tous jeunes adultes et je pense qu’ils ont été
pour nous de parfaits grands-parents.
Mon papa est né à Lohéac, il était l’aîné
d’une fratrie de quatre enfants plus une demi-sœur plus âgée que ma grand-mère
avait eu d’un premier lit. Mes grands-parents paternels étaient fermiers à Bruz près de Rennes. Je me rappelle d’une
grand-mère très douce, toujours vêtue de robes sombres à minuscules motifs fleuris, coiffés d’un petit chignon gris. Dès
que nous arrivions elle se dépêchait d’aller traire une vache pour que ses
petits-enfants parisiens si pâlots aient plein de bonnes vitamines. Nous
détestions cela et faisions semblant de boire à grands coups de haut de cœur.
J’aimais bien ma grand-mère. Pour mettre du beurre dans les épinards elle
gardait des enfants de la DASS, une
fille qui s’appelait Marie-Pierre et un garçon dont j’ai oublié le prénom. Je
les revois mangeant avec de grosses cuillères du pain en morceaux dans une
assiette de lait chaud. Mon grand-père était plutôt rustre, il ne riait jamais,
ne paraissait pas plus content que cela de nous voir. Il était habillé d’un
pantalon de coton noir ou bleu avec une gosse ceinture de flanelle et un feutre
sur la tête. Ma grand-mère ne manquait pas de le houspiller quand il passait à
table avec son chapeau. Il sortait son opinel de sa poche et se taillait une
large tranche de pain. Les repas étaient silencieux quand il était présent et
une fois fini de manger il essuyait son opinel sur sa cuisse avant de le
refermer et de le remettre dans sa poche. Ils habitaient une vraie ferme avec
quelques vaches, des lapins et des cochons. Ma grand-mère faisait son beurre à
la baratte c’était magique pour nous sauf que quand le beurre n’était plus très
frais (pas de réfrigérateur, juste un cellier) ma grand-mère le lavait à grande
eau à l’évier en le malaxant mais il restait toujours ce goût de rance sur les
tartines. Nous trouvions toujours à nous occuper à la ferme, entre donner des
brins d’herbe aux lapins, dévaliser les fraisiers, surtout mon frère, mais
grand-père était plus conciliant avec mon frère, peut-être parce que c’était un
garçon ? Il y avait un grand figuier à l’entrée de la ferme, à l’époque ou
nous y allions elles n’étaient pas mûres mais on pouvait en tirer une substance
blanche avec laquelle ma sœur et moi jouions à la dînette, nous faisions aussi
de beaux gâteaux au chocolat avec le milieu des bouses de vache dont nous
faisions craquer la croûte avec un bout de bois. Je me souviens que nous
n’étions pas très contents d’aller à la ferme car il n’y avait aucun confort ;
pas de douche, les toilettes à l’extérieur dans une cabane en bois, pour la
nuit un seau à couvercle et puis plein de mouches en raison de la proximité des
animaux. Ma grand-mère est partie la première, je ne me rappelle pas avoir revu
mon grand-père avant qu’il ne décède.
Voilà donc ce que je pense être mes
origines.
Fabienne
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Il y a longtemps, très longtemps déjà, mon arrière-grand-père, alors
tout jeune homme décida de quitter Limans, petit village des Alpes, niché dans
un coin de ses contreforts. Peut-être était-il trop nourri des exploits de Raimond
Bérenger IV, ce comte de Provence qui guerroyait
lors des croisades albigeoises et conquérait maintes villes environnantes comme
Avignon ? Avait-il été plutôt enrôlé de force par quelque racoleur habile
qu’il l’aurait fait signé d’une croix sur le registre comme tous les illettrés de l’époque ? Ou bien était-il resté trop
longuement près de la source sulfureuse de la Laye, au point de se brouiller la
cervelle ?
Toujours est-il qu’il décida d’abandonner le rude travail de ce sol
calcaire balayé par le mistral, là où poussaient la vigne et l’olivier, pour
s’en aller faire la guerre à son tour, pour le compte de Napoléon 1er. Il était
jeune, et résistant comme tous ces hommes de la terre et tant de rêves dans la
tête ! Le « petit caporal » ne promettait-il pas monts et
merveilles à ceux qui le suivraient !
Voilà donc mon arrière-grand-père, rejoignant la caserne la plus
proche pour recevoir, non sans fierté, l’uniforme de la Grande Armée. Pour
lui, dans l’infanterie, ce sera ce pantalon de laine bleu nuit et sa chemise
bien chaude ainsi qu’une veste épaisse garnie d’épaulettes, des guêtres grises,
de bonnes chaussures robustes et pour coiffer le tout, ce chapeau à la cocarde
tricolore, sans oublier la grande capote
si utile pour dormir à même le sol, et se protéger de la froidure nocturne.
De ce jour, avec son unité, il ne cessera de marcher et de combattre en
rangs serrés, le havre-sac lourdement chargé sur le dos, le fusil à la main. De
l’Italie aux Flandres, combien de batailles a-t-il livrées, combien de villes
traversées pour arriver en 1805, à Boulogne sur mer, face à l’Angleterre.
Neuf ans déjà se sont écoulés. Le jeune homme fringant s’est
transformé en homme mûr, harassé par tant de campagnes. Et dans le vallon de
Terlincthun où il campe, il a rencontré une toute jeune fille qui lui plait.
C’est dit.
Il dépose là son baluchon et quitte la Grande-Armée. Désormais, c’est
à Boulogne qu’il installe près du port, son petit commerce de fûts, car sur les
bateaux, les marins ont besoin de vin. Son négoce s’agrandit et sa famille aussi.
Pas moins de quatorze enfants viendront lui prêter main forte. Certains prendront racine et deviendront à leur tour,
livreur de vin ou de bière, coiffeur ou marchand de couleurs et d’autres
reprendront la route vers des contrées moins ventées.
La guerre, toujours la guerre en chassera d’autres plus jeunes vers
d’autres régions de France où ils s’implanteront.
Bien des années plus tard, je verrai les aoûtiens se précipiter vers
le soleil du Midi, mais nous, bien au contraire, comme chaque été, nous remontons dans le Nord pour retrouver
la grande famille et passer les vacances sur la plage éventée de Boulogne.
Ainsi se sont gravés pour
toujours mes souvenirs pour les coutumes et les légendes de ce terroir, sans
oublier ceux de Limans et de notre arrière-grand-père, ce héros que l’on ne manquait pas d’évoquer sous le nom
de Papa Nel.
Marie-Thérèse
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Depuis les origines du monde, l’homme se
demande d’où il vient : cette interrogation est présente dans tous les
domaines aussi bien scientifique, avec la théorie du Big Bang, que religieux,
avec la Genèse, pictural, comme en témoigne le tableau de Gustave Courbet
L’origine du monde, la fiction romanesque dans l’œuvre de Zola Les Rougon
Macquart et leur arbre généalogique.
Dans la réalité du quotidien prosaïque,
la méconnaissance, l’ignorance des origines, peuvent s’avérer
dramatiques : ainsi pendant la guerre, une famille particulièrement
déshéritée avait été jetée aux quatre vents, avec des enfants dispersés comme
fétus de paille, d’abord dans des familles d’accueil.
Au front, les soldats ayant parfois
l’opportunité d’aller au BM (bordel militaire), René reconnut à l’accent une
payse. Ils lièrent conversation mais n’allèrent fort heureusement pas plus
loin : Rosalie était sa demi-sœur, elle avait été placée fort jeune comme
bonne à tout faire et suite à une mauvaise rencontre, elle avait échoué dans une
maison dite « close ».
A cette époque, les classes sociales
étaient très cloisonnées : un collégien né de « père inconnu »,
dont la mère était modeste employée, tomba éperdument amoureux d’une camarade,
fille unique du médecin de leur petite ville. La vie les sépara. Le garçon,
suite aux affres d’une grave crise identitaire, mena une existence anarchique
qui le conduisit à la case prison. Sur ces entrefaites, la belle épousa un
avocat richissime dont l’existence alcoolisée s’acheva contre un platane. Une
fois l’héritage réglé, Nadine revint vire auprès de ses parents et revit Robert
qui après avoir vécu au loin s’était racheté une conduite. Lui aussi était de
retour pour veiller sur sa mère, victime d’accidents de santé.
Cette mère n’avait jamais voulu révéler à
son fils l’identité de son père biologique, malgré l’insistance de Robert, tout
au long de son enfance. Il voyait que le médecin portait tous les mois chez eux
une enveloppe contenant la pension alimentaire, il s’informait de la scolarité
de l’enfant et de son état de santé.
Robert en avait déduit que le médecin
était son père.
Nadine et Robert étaient plus épris que
jamais mais, un jour, au moment fatidique, Robert lui révéla qu’il pensait être
son demi-frère. Leur vie devint un enfer.
Nadine interrogea son père qui nia être
le père de Robert. Robert, de son côté, dévoila à sa mère ses sentiments pour
Nadine et essaya de lui arracher un aveu : enfin, elle lui déclara qu’il
n’était pas l’enfant du médecin.
Il s’avéra que le médecin faisait juste
office de commissionnaire pour le compte d’un personnage haut placé. Le
géniteur venait de décéder, sa mère avait assisté à ses obsèques en versant des
torrents de larmes. Robert, ignorant tout, était resté de glace durant la
cérémonie.
Par la suite, Nadine et Robert, après
d’horribles tourments, purent envisager l’avenir sereinement.
J’ai eu connaissance aussi de certaines
situations peu évidentes, concernant des enfants élevés dans des orphelinats
des DOM-TOM ou d’ailleurs : certains avaient des liens de parenté mais
l’ignoraient totalement, plus tard ils ont unis leurs chemins de vie et ont
fait des mariages consanguins, préjudiciables à leurs descendants.
Tous ces exemples montrent qu’il est
important de connaître ses origines, afin de ne pas porter de fardeaux supplémentaires.
Les dieux
nous seraient tombés sur la tête ? Par Toutatis ! Ce n’est pas Idefix qui dirait le contraire !
Et en réfléchissant au pourquoi du comment on a appelé ce petit chien ainsi… J’imagine
qu’il doit être bien têtu et entêté comme son maître Obélix qui est tombé dans
la potion magique. Et ce n’est pas sans rappeler ma tante Lina de très petite
taille, aux cheveux frisottés lui tombant dans les yeux que l’on ne voyait
jamais mais qui harcelait, non harponnait, mon père au téléphone en lui
demandant sans arrêt des services gratuitement, comme des travaux de peinture
par exemple. J’entends encore les cris excédés de ma mère se transformant en
goret pour l’occasion. S’il fallait trouver une signification ce nom, je
citerais bien d’autres personnes qui ne lâchent jamais l’affaire et se perdent
en palabres et en boniments : comme ma fifille par exemple qui très jeune
a été affublée de ce joli qualificatif et qui le mérite encore amplement. Comme
quoi, les chats ne font pas des chiens ! et le contraire peut se dire
aussi. Alors que peut-on dire encore sur les grands traits de caractère
familiaux qui pourraient permettre de nous comparer à ce bon gros pépère d’Obelix
avec ses grandes tresses blondes des gens de l’Ouest. Mon grand-père, à l’âge
mûr aurait pu s’appeler ainsi au vu de ses caractéristiques purement physiques.
Mais là s’arrête la comparaison. Natif de Pologne, son goût pour les langues et
son désir de découvrir d’autres pays lui ont permis de franchir les frontières
hongroises pour travailler ensuite en Allemagne. Il apprit la langue allemande
et le russe. Puis il migra de nouveau, vers la France cette fois-ci, avant la
montée hitlérienne. Lui-même était issu d’une nombreuse famille de bruns aux
yeux noirs que malheureusement je n’ai jamais eu l’occasion de connaître. Sa lucidité
et son caractère austère et volontaire lui ont permis de résister et de fuir le
nazisme et d’éviter la déportation en mettant aussi à l’abri leur fille chez
des vignerons. Maintenant dois-je notifier d’autres traits de caractère comme
le fait d’être souvent de mauvaise humeur ? Soupe au lait ? Ô combien
susceptible et rancunier ? Et sur ce modèle parfait, je retrouverais bien
ma chère grand-mère que j’appelais aussi casque d’or du temps de sa splendeur
tant sa chevelure blonde comme les blés et ses yeux bleus myosotis brillaient
de plaisir au soleil suite aux promenades en plein air. Elle en était friande. Mais
il fallait la ménager car au moindre faux pas et à la moindre parole
indélicate, elle se braquait et nous le faisait chèrement payer. C’est ainsi qu’un
jour suite à une altercation avec mes parents à propos de chocolats de Pâques
qu’elle nous avait ramenés, ma mère trouvant certainement qu’ils en faisaient
trop et ne voulant pas être supplantée dans son rôle de mère, eut des paroles
malheureuses qui brisèrent des années de bonnes relations familiales. Alors commença
pour nous une période douloureuse où on comptait les points dans chaque camp. Il
s’agissait pourtant de rester impartial, quand d’autres choisissaient leur
clan.Néanmoins,
l’histoire cette fois se termina bien dans un esprit de réconciliation un peu
tardif certes et l’amour filial au final eut raison de cette dispute stupide.
Et alors ? On pourrait peut-être dire que les Bretons, c’est comme les
Polonais : ça se termine toujours par un banquet ! Sauf que l’on
troque la cuisse de sanglier contre un beau gigot bien doré garni de haricots
verts très fins et de pommes de terre rissolées. Eh oui, chez les gens de l’est,
on sait vivre. On met les petits plats dans les grands et on trinque à la santé
de chacun dans des verres en cristal – et non en métal. Mais les deux
réceptacles sont finement ciselés. Et avec nos ancêtres les Gaulois, nous nous
retrouvons parfois.
Claudine
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