Pendant
plusieurs décennies, Marinette a fait craquer ses doigts, même en public, en
les étirant ou en les repliant; les rhumatismes inflammatoires survenant, elle
a dû renoncer à cette pratique gestuelle et sonore ; pour les besoins de sa
production écrite, elle a voulu vérifier si ses phalanges étaient toujours
dociles : mal lui en prit, seuls deux doigts répondirent douloureusement à son
appel.
Avant de
mettre en œuvre une activité importante, comme l'écriture, la peinture, elle
n'échappe pas au rituel de se couper les ongles à ras pour se donner plus de
force, être plus à l'aise et donner moins de prise aux microbes : elle n'hésite
pas à nettoyer au préalable la périphérie : le jardin, la cour puis l'intérieur
: elle fait place nette.
Marinette
arrivait toujours la première sur son lieu de travail, après une heure trente
de transport : ainsi découvrait-elle au quotidien un espace neuf.
Avant de
quitter son logement, notre phénomène ne manque jamais de vérifier deux ou
trois fois si le robinet de gaz est bien fermé, même si elle sait qu'elle n'a
pas utilisé la gazinière. En quittant l'appartement elle ouvre et ferme la
porte à deux ou trois reprises puis la pousse avec la main droite pour en
vérifier la solidité. Cela ne l'a pas empêchée de se fermer dehors ; du moins
le croyait-elle ; depuis elle a soin de tirer les persiennes mais de laisser
les fenêtres ouvertes, côté jardin, pour escalader la véranda : il s'avéra que
les clés étaient dans sa poche.
Quand elle
s'assied, Marinette croise ses jambes, en impulsant un mouvement de balancier à
la droite, puis, pour prendre contenance, elle se racle la gorge comme pour
s'éclaircir la voix, toussote comme pour attirer l'attention, pour prendre la
parole, tout en soufflant sur une mèche de cheveux, puis l'entortillant.
Elle boit
le café et la soupe en les aspirant, avec un bruit de succion inimitable ; elle
saute des repas par manque de temps mais n'omet pas de grignoter en toutes
circonstances. Une fois la collation achevée, elle se nettoie les dents avec la
langue, puis frotte ses lèvres l'une contre l'autre comme si elle fignolait la
répartition de son rouge à lèvres.
Quand elle
est en forme, elle se distrait en sifflant des airs, mais veillez à la tenir à
distance : elle s'approche trop près de votre visage et ne manque pas de vous
arroser de postillons ; du reste sa conversation est invariablement émaillée de
: " et alors ...euh! bon voilà, cool en fait, ma petite dame, même si son
interlocutrice dépasse un mètre soixante-dix !
Marie-Christine
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C’est la
fin du repas et le moment du dessert. Gaëlle pose sur la table une petite
corbeille contenant quelques pommes et oranges.
« Que
veux-tu ? » demande-t-elle à son mari.
- Une orange. Peux-tu aussi me passer un
autre couteau, celui-là ne va pas pour peler
- Attends, je te l’apporte. Mais où est-il
donc passé ?, je ne le vois pas.
- Eh bien, donne-moi ton opinel qui est sur
la table.
- Non, pas celui-là ! lui répond-elle,
je n’aime pas que l’on pèle les fruits avec ce couteau. Tu sais bien que
l’acidité attaque la lame. Elle devient toute noire. Mais où donc ai-je mis le petit couteau pointu
? s’exclame-t-elle en bougeant assiettes
et verre. Il n’est point là ! qu’en ai-je donc fait ? » Elle
retourne à la cuisine et bien posé sur l’égouttoir, elle retrouve son précieux
couteau.
- « Ah, le voilà, tiens, prends-le ! »
dit-elle en lui tendant.
Et c’est souvent ainsi ; Gaëlle a trois
couteaux : son opinel, un autre petit pointu à manche noir en résine pour peler et celui guère plus long à manche
de bois mais à la lame légèrement plus large qui lui sert à couper en petits morceaux ou en fines lamelles,
les oignons ou autres légumes. Il ne lui viendrait pas à l’idée de prendre ce
dernier pour peler un fruit, non, chacun a son usage bien réglé et il ne faut
guère y déroger.
Son mari
quant à lui, ne peut pas aller se coucher sans avoir vérifié que la porte
d’entrée est bien fermée. Il l’a déjà fait en rentrant mais sait-on
jamais ?, il aurait pu oublier de mettre le verrou. Pour bien s’en
assurer, il commence par ouvrir la porte puis méticuleusement, il la referme et
remet le verrou. Il peut aller dormir tranquille mais non, c’est encore tout un rituel avant d’atteindre la chambre à
coucher. Après la porte, il retourne à la cuisine qu’il vient de quitter. Le
gaz est-il bien éteint ? Oui, alors vérifions l’eau. Il passe sa main sous
le robinet. Non, pas une goutte n’a perlé. Il repart satisfait mais soudain
fait demi-tour, un dernier coup d’œil à la porte fenêtre de la salle à manger.
Mais oui, bien sûr, elle est fermée. Il peut être certain que tout est bien
clos dans la demeure. Quelques pas et le voilà près de la chambre. Va-t-il
entrer ? Non, d’abord, il se retourne et constate qu’aucune lumière ne
brille dans l’obscurité. Il appuie alors rapidement sur l’interrupteur. Et la
lampe tamisée lui renvoie comme un signe,
le sentiment du devoir accompli.
Marie-Thérèse
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J’ai un rituel d’endormissement je mets
couche sur le côté droit et je me love en position fœtale puis quand j’éprouve
le besoin de bouger je me tourne sur le côté gauche et me remets dans la même
position et quand je sens le sommeil venir je me mets sur le dos.
Ma marraine a la phobie du gaz et à chaque
sortie de son appartement une fois la porte fermée elle se pose la question
ai-je bien fermé le gaz et ré-ouvre la porte pour vérifier le gaz qui est bien
fermé.
Mon papa porte une casquette quand il sort et
avant de la mettre comme à chaque fois qu’il la remet il se passe la main tout
le long du crâne alors qu’il n’a plus de cheveux.
Ma maman, elle, a une collection de bolducs
et rubans qu’elle entasse ensemble et dont elle ne se sert jamais mais ne
les jette jamais.
Fabienne
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Je suis très nerveuse à certains
moments, et de nature plutôt anxieuse aussi.
Si je n'ai jamais rongé mes ongles dans ces cas-là, je m'attaque par
contre aux petites peaux situées autour de l'ongle. A tel point que par le
passé je finissais par m'abîmer les doigts.
Arrivée à la retraite, ma vie
étant devenue plus calme, j'ai cessé, mes doigts étaient redevenus impeccables.
Mais d'autres gros soucis et contrariétés sont arrivés et comme on dit
« j'ai replongé ». Cette fois cela persiste, tous les doigts sont
attaqués mais je m'acharne plus particulièrement sur mes pouces. C'est devenu
une manie dès que je suis inactive, le soir devant la télévision par exemple, je
mange mes pauvres doigts. Je ne réfléchis même plus pour faire ce geste, c'est
machinal, quelquefois je me surprends moi-même, je me demande même s'il y a
vraiment quelque chose, là où je mords.
Cela fait bientôt trois ans que
ça dure, si quelqu'un sait comment je peux cesser, je suis preneuse car je
commence à souffrir.
Ma fille me reproche une manie :
celle d'essuyer mes éviers dès que je
n'utilise plus l'eau. En effet, dès que j'ai terminé un travail à l'évier, je
coupe l'eau et je prends l'éponge, j'essuie partout. Je l'agace, elle dit que
j'ai pris cette manie de son père qui faisait de même. Je ne le crois pas,
simplement nous étions les mêmes, c'est tout, nous aimions que tout soit net.
Si on laisse des gouttes d'eau dans un évier en inox, le
calcaire de l'eau laisse de vilaines traces blanches quand l'eau sèche et je
trouve que ça fait sale, négligé. Oserai-je vous dire que le lavabo subit le
même sort... Là aussi l'eau en séchant laisse des traces qui se voient bien sur
le brillant de l'émail. Est-ce une manie ? Pour moi non, je vous laisse juge.
J'ai découvert Internet au cours
de ma vie processionnelle et si certaines collègues se sont montrées
réfractaires, je me suis volontiers pliée à cette nouvelle méthode de travail,
j'y ai même pris du plaisir. J'avoue qu'à présent je ne pourrais plus m'en
passer.
Chaque jour après mon
petit-déjeuner j'ai un rituel, j'écris un mail à ma fille. Je l'appelle mon
« bonjour » car c'est ce que j'inscris sur la ligne
« objet ». Elle me répond quand elle le peut et ainsi, même si on ne
s'est pas vues, j'ai l'impression qu'on a parlé un peu ensemble, je me sens
moins seule. Après cae mail et quelques vérifications d'ordre pratique à faire,
je ferme l'ordinateur jusqu'au lendemain, je ne suis donc pas trop dépendante.
Mais si une panne survient, là
c'est la panique, je suis perdue. Dans ces moments là il m'arrive de dire que
je vais résilier Internet. Mais alors ma fille me dit que c'est une très
mauvaise idée, que j'aurais tout faux car il n'est plus possible de passer
outre. Internet me permet de faire tellement de choses, me renseigner surtout
quand je m'interroge, acheter parfois, payer certains organismes, prendre mes
rendez-vous médicaux... Et sans Internet, comment pourrais-je faire parvenir
mes textes à Laurence ?
Paulette
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Sûrement que
je deviendrai Alzheimer à revenir ainsi sur mes pas pour vérifier que j’ai bien
fermé mes baies vitrées… Sûrement que je deviendrai gaga à me répéter maintes
et maintes fois ‘assurant que je me suis bien faite comprendre au point d’en importuner
mon entourage. Et cette manie de ses tordre les doigts ou encore les mains
quand l’angoisse me prend… ce ne serait pas du masochisme ? Pire encore,
essayer d’estomper pellicules de peau superflue ou excroissance formant ensuite
une croûte inesthétique sur mon visage. C’est le comble de l’idiotie.
Chez moi, c’est
souvent Halloween. Nul besoin d’attendre fin octobre pour manger des fraises
Tagada et fleurir mes plates-bandes avec des chrysanthèmes. Je fête les morts
toute l’année. Le balai est au rendez-vous de mes allées et venues pour nettoyer
la terre renversée.
Un rite
immuable répété chaque jour durant les plus tendres années de mon enfance :
à 18h30 pétantes, c’était l’heure de faire la soupe. Question d’habitudes qui
ne variaient que par le renouvellement du journal qui recueillait les
épluchures. Celles-ci allaient nourrir les poules de Mme Pelisson, notre
voisine. Dans le bac de l’évier, le vert et la boue des poireaux étaient ôtés,
leur blanc tranché en rondelles. Les pommes de terre, les carottes épluchées et
coupées en gros morceaux, s’il vous plait. La branche de céleri, l’oignon et
les petites herbes jetés dans e bouillon chaud. Le tour était joué. C’est ma
mère qui gérait la cuisson. C’est encore elle qui passait les légumes au moulin
à légumes. La soupe était moulinée, servie avec ou sans croûtons, une perle de
beure (à ce moment, il ne manquait pas dans les rayons) et du gruyère pour les
plus gourmands. Un vrai délice qui coulait dans n os estomacs complices. Je me
suis transformée en championne d’épluchage avec le temps. Et j’ai même failli
passer mon diplôme. Puis, je me suis ravisée.
Les épluchages
ont fini par me lasser !
Claudine
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