lundi 30 octobre 2017

LES GRANDS-PARENTS

Etre ou ne pas être une bonne grand-mère…Et là on réalise que ce n’est pas aisé de remplir ses devoirs familiaux en tant que maman confirmée. Si on pouvait gagner son diplôme de maman et grand-maman chevronnée dans un paquet bonus : ce serait le nirvana.
On avance à pas mesuré, parfois à grands pas selon les circonstances, mais surtout l’expérience et au final on réalise que chaque enfant est différent. Alors on ébauche, on patauge, on essaye d’avancer, on propose et on indispose, on se plaît à croire que l’on connaît tout question éducation, mais on se trompe énormément. Et un fossé de vingt ans et plus nous sépare de nos premiers pas en tant que maman. C’est le choc générationnel.
Alors on se plonge dans cette grande bible que représente le Net qui nous jette à la figure que nos conceptions et nos certitudes ne sont plus à la page et qu’il est temps d’ouvrir une fenêtre vers un ailleurs, vers de nouveaux concepts. Et encore une fois on découvre, on écarquille les yeux, on dévore, on digère, on se remémore et on intègre. On marche sur ses habitudes et parfois, c’est comme une claque que l’on prendrait sans pour autant tendre l’autre joue…quand même.
Les temps changent et les mentalités aussi. Ces dernières évoluent au gré de l’air du temps et de ses facéties. Il s’agit de réfléchir et de chercher à comprendre le pourquoi du comment et de marcher en accord avec cette sempiternelle psychologie, pédagogie et connaissance de l’être humain. Il s’agit d’observer, de réfléchir, de remuer sa langue dans sa bouche au moins sept fois avant de dire des bêtises comme le disait si bien certains traités de bienséance et de bien vivre ensemble qui ont sévi de mon temps et sont toujours d’actualité.
Oui il s’agit de travailler l’art de la relation ! Et les paroles qui s’envolent et peuvent faire plus de mal qu’une claque partie au quart de tour. Et d’en travailler la forme et le contenu n’est pas donné à tous. Il faut souvent ronger son frein et prendre sur soi-même. La moindre expression faciale, gestuelle et le ton employé peut nous jouer des tours et en un tour de main, nos faits et gestes peuvent être décryptés et même le sens de l’humour mal interprété. Une bonne remise en question suite à une discussion peut s’avérer formatrice et ô combien bienfaitrice même si elle est houleuse. Elle met à plat les désaccords en évitant les déconvenues. On repart du bon pied et on fait avancer le schmilblick comme disait l’ami Coluche qui n’avait pas sa langue dans sa poche.
Etre ou ne pas être une bonne gestionnaire de ses moyens. Là est toute la question. Savoir gérer son stress et agir avec son cœur et surtout selon ses valeurs. J’ai appris que l’on n’apprend pas tout dans les livres de Dolto et de Laurence Perrault.  Et il vaut mieux se réfugier dans l’autodérision, la bonhomie, la bienveillance et un bon sens de la répartie plutôt que dans le silence castrateur et destructeur. Il faut marquer le pas et éviter de creuser le fossé qui nous sépare des jeunes générations.
Le temps nous façonne comme le vent et les ouragans ouvragent les dunes et les transportent à des milliers de kilomètres à vol d’oiseaux. Mais là c’est une autre histoire et l’orange d’un ciel bizarre sur nos côtes normandes en dit long : les circonvolutions météorologiques sont aussi fluctuantes que les relations humaines, du beau temps aux ouragans.

Claudine
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Devenir grands-parents...
Ce matin, en me levant je sens de la jeunesse dans mes veines... le miroir me renvoie l'image d'une femme encore jeune, avec seulement quelques rides qui se dessinent au coin des yeux et de la bouche. A plus de cinquante ans, deux grands enfants partis vivre leur vie, je me sens comme lorsque j'avais vingt-cinq ans. Pleine de projets, de rêves et d'espoir dans le futur. 
Buvant mon thé, le téléphone interrompt mes réflexions. De l'autre côté du combiné, ma fille Émeline, la jolie vingtaine et en couple depuis deux ans, m'invite au restaurant pour le midi même ! Il faut que je me prépare une belle tenue... Regardant l'intérieur de mon armoire, je choisis une jolie robe rouge que j'agrémente d'un fin collier en or. Un soupçon de maquillage, un brin de parfum et me voilà prête pour le rendez-vous. Je me sens belle et le printemps me donne envie de chanter. J'aime ces petits rendez-vous avec ma fille avec qui j'ai beaucoup d’affinités.
Arrivée au restaurant, elle m'attend déjà, les yeux pétillants d'une joie qu'elle a du mal à cacher. À peine assises, elle me demande d'une voix pleine d’excitation :
" Maman... comment aimerais-tu que ta petite-fille ou ton petit-fils t'appelle ?" Oh...mais je n'ai jamais réfléchi à ça moi !! Pourquoi me pose-t-elle cette colle ?! Eh bien, lui ai-je dit, je ne sais pas ... En tout cas ni Mamie, et encore moins Mémé ou grand-mère...ça fait vieux ! Et moi, je ne suis pas assez vieille pour être grand-mère !! Peut-être Manou, Malou, Nanie, Nanou… ma préférence allant plutôt vers Malou .... Mais pourquoi cette question ?
« Eh bien, va pour Malou, me répond ma fille toute souriante... C'est joli, et ainsi, je pourrais parler de toi en ces termes à ce petit qui se trouve bien au chaud au creux de moi ! "
Oups...ai-je bien entendu ? Ma fille... enceinte... bientôt maman ... et moi...ouhhhhhh.... non ...c'est trop tôt !! Je ne suis pas encore prête pour devenir grand-mère ! Je suis trop jeune !!! Le choc est dur… Et en levant les yeux vers ma fille, je vois bien que mon désarroi lui fait de la peine. Vite, il faut que je me reprenne, et lui lance un beau sourire et la félicite ! Je suis heureuse pour leur couple. La naissance est prévue dans sept mois ... 
Enfin seule, je suis un peu abasourdie : moi, grand-mère... Et je revois mes deux grands-mères, toutes ridées, les cheveux blancs, habillées d'un éternel tablier bleu, ayant des gestes lents, et confectionnant des gâteaux pour mon goûter... Je ne suis pas comme ça... j'ai de la joie de vivre, je travaille encore, active...bref... pas une grand-mère quoi !! 

Valérie
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Je n’ai pas connu mon grand-père paternel mais aux dires de beaucoup, il était un peu loufoque et son souvenir planait dans la famille comme une ombre chargée d’une certaine gloire mêlée de quelque affectueux reproches. Il était très courageux et généreux. En son temps, il avait suscité l’admiration de certains et la colère de ma grand’mère.
Barbier-coiffeur  de son état, il était prompt à parier, non pas l’argent de la boutique mais  à accepter n’importe quel défi, même les plus extravagants, aussi était-il souvent absent de son salon, ne trouvant apparemment aucun inconvénient, à ce que ses aînés, bien qu’encore sur les bancs de l’école viennent se substituer à lui auprès des clients  pour couper les cheveux ou leur faire la barbe. C’est ma pauvre grand’mère qui devait s’en arracher plus d’un ! Car il lui fallait faire bouillir la marmite. N’avait-elle pas onze enfants et le grand-père avec ses défis,  partaient parfois loin, parfois plus près mais restait rarement à la maison ou dans son salon de coiffure. Il lançait des paris à tout-va et se faisait un devoir d’y répondre.
Il portait d’imposantes moustaches dont les extrémités remontaient fièrement, comme bravant le ciel. Une fois pourtant, quelqu’un lui insinua : « Tu n’es pas capable de t’en raser que la moitié ». Comment lui, ne pas relever un tel défi ! Sur le champ, il s’en alla mutiler sa parure la plus précieuse. Il resta ainsi quelque temps, faisant sourire les gens du voisinage ou plaindre ma pauvre grand’mère. 
 Un jour, un petit cirque vint à passer dans sa bonne ville de Boulogne et le grand-père d’aller voir ses futurs clients disaient-ils : Les équilibristes, les écuyers, les clowns et autres gens. N’eut –il pas alors l’idée de se donner en spectacle pour je ne sais plus quelle bonne œuvre, peut-être la goutte de lait ? Il venait de parier, non pas de faire le pitre ou le jongleur mais oh stupeur ! - Il allait raser le dompteur dans la cage en présence du lion. – Ce qui fut dit, fut fait. Il rasa le dompteur sous les yeux effarés de la foule. Cela lui valut l’admiration de beaucoup et la fureur de ma grand’mère. « Et si un incident s’était produit ! Il aurait pu être blessé, voire dévorer et ses enfants alors, » se lamentait encore ma grand’mère, bien des années après, quand un oncle ou ma tante évoquait le sujet. De plus cet exploit ne lui rapporta qu’une certaine renommée mais pas un seul sou à mettre dans l’escarcelle.
Aux fêtes de  famille, nous rejouâmes souvent cet épisode. Mais ce grand-père, nous ne l’avons pas connu. Ce n’est pour nous qu’une légende pleine de sourires et de tendresse.
Par contre, ma grand’mère, nous l’avions bien connue. Dans mes plus lointains souvenirs, elle paraissait déjà âgée, avec son petit chignon derrière la tête, toujours vêtue de noir avec son éternel tablier suspendu par le cou, sous lequel se cachait un énorme trousseau de clefs.  Elle portait des lunettes à gros verres bien que ne voyant presque pas. Elle tâtonnait et passait souvent sa main sur toute chose y compris sur nos visages. Mais ce qui nous stupéfiait le plus, c’était de la voir lire son journal, car elle le prenait dans ses mains et au lieu de le placer en face de ses yeux, elle le mettait sur le côté, sans doute parce qu’elle ne possédait qu’un angle de vue extrêmement restreint.  Nous allions la voir régulièrement chaque été et elle  nous chérissait particulièrement. Quand nous arrivions, nous avions droit à tous les privilèges. Nous avions de nombreux cousins dans la région qui venaient jouer avec nous mais les bonbons, les gâteries nous étaient réservés.
Elle était très courageuse et malgré ses difficultés pour marcher ne se plaignait guère. Je ne me souviens pas de l’avoir entendu rire ni vu sourire. Je me rappelle seulement son ton impératif pour appeler ma tante : « Julia, où es-tu Julia » Pourtant, elle était tendre et avait très bon cœur sous son allure un peu stricte et sévère. Elle craignait toujours qu’on lui mente ou qu’on la trompe et les cousins la disaient radine mais pour nous elle ne le fut jamais. Ce fut mon unique grand’mère. Je l’ai beaucoup aimée et j’en garde un souvenir inoubliable.
Mes petits-enfants en garderont-ils un aussi fort et aimant de leurs  grands-parents ?

Marie-Thérèse
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Etre grands-parents....
C'est câliner en grand
C'est un statut
Un passage de l'âge
C'est vieillir doucement
Accompagner sans gronder
Expliquer et montrer
Jouer, rire, sourire
Dans des jeux pour construire
Avoir de la patience d'ange
DE la douceur dans les cœurs
Des gâteaux à toute heure
Des baisers à l'infini
Confident même à minuit
Savoir écouter sans juger
Expliquer les erreurs
Donner du bonheur
Prendre la main
Pour une confiance en demain
DE l'amour inconditionnel
Et des souvenirs en ritournelle
Qu'un jour d'autres générations
D'une parole sans réprobation
Se rappelle d'un aïeul
Tout sourire et un brin malicieux ! 

Valérie
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Suite à une situation personnelle un peu délicate mais relativement banale, j'ai effectué quelques recherches sur les registres de l'état-civil.
Je sais que mon grand-père paternel est né le 12 Février 1873, qu'il a reçu le prénom de Pierre, tout comme ses aïeux et ses descendants. Il naquit dans un milieu agricole de moyenne montagne, abandonné de l'Administration, dans un lieu-dit.
J'imagine que mon grand-père était peu présent au foyer, que les travaux agricoles en pâtissaient cruellement, que sa famille survivait misérablement. Il était colporteur : portait le "cayché", caisse portée sur le ventre, avec des sangles aux épaules : je l'ai vue au grenier : il y rangeait les marchandises achetées chez un grossiste : Dougnac ou Souquet à Soueix, Denis Farge à Saint-Girons. En règle générale, la marchandise se payait au retour. Pour vendre les lunettes, médailles et bijoux de fantaisie, il dormait à la belle étoile, dans les granges, remontait jusqu'au Berry, d'où son surnom de "Berrichon" dont certains affublaient par dérision mon père qui n'appréciait guère l'épithète.
Il traversa la première guerre mondiale, à plus de quarante ans car il fallait ravitailler le Front en chair à canon, si bien que mon père, né en 1913, fut par jugement du Tribunal, en 1926, adopté comme pupille de la Nation : j'ignore presque tout de mon grand-père : date, lieu du décès, circonstances, lieu éventuel d'inhumation.
Je n'ai jamais vu de photos ou d'écrits le concernant : le silence était d'or :il n'était pas utile de jeter de l'huile sur le feu : quand je préparais les bouquets de dahlias pour fleurir les tombes, j'avais une pensée pour tous les défunts, connus et inconnus.
En revanche, comme trois générations, pour différentes raisons, survivaient petitement, dans une ancienne grange exigue, j'ai connu ma grand-mère maternelle, issue d'une vaste fratrie, dont la plupart a été inspirée de partir à New-York :les terres arides, ne pouvant nourrir cette surpopulation qui se serait étripée.
Marie-Joséphine, née en 1884 , mariée en 1906, est décédée le 14 Mars 1973.
Elle mesurait, comme mon père, 1.77 mètres, tandis que son frère jumeau se contentait de 1.60 m : j'ai fait la connaissance de ce dernier après ses quarante ans passés en Amérique.
J'ignore dans quelles circonstances ma grand-mère est devenue veuve. Elle confectionnait elle-même son corsage et sa jupe noire qui lui tombait aux pieds. Je l'ai toujours vue inactive, morose, geignant devant le feu, dénigrant ma mère, ne pouvant la tolérer, délaissant sa propre fille à son triste sort, tandis qu'elle avait emprunté pour que mon père puisse s'acheter de l'alcool pendant son service militaire. Elle m'ignorait généralement, me nommant "la petite servante", ne s'inquiétant de rien ni de personne. Bien plus tard, je lui ai, à sa demande coupé ses longs cheveux, jamais entretenus : des touffes de nœuds! Ce fut le seul sourire reçu dans l'austérité de cette existence !
Un jour que mes parents s'activaient à la fenaison, j'avais trois ans, elle était censée me surveiller, pendant la sieste : au plus fort de la chaleur, j'ai fugué vers les bois, espérant rejoindre mes parents : j'ai été retrouvée, tard dans la nuit, grâce à une battue : je bramais au pied d'un arbre. A mon tour, je l'avais gardée quand elle a été mordue par un aspic : elle marchait souvent pieds nus ; alitée, elle vomissait à gros bouillons : je redoutais le pire, d'autant plus que je remarquais que chaque malheur nous appauvrissait encore un peu plus.
La dernière fois que je l'ai vue vivante, c'est à l'occasion des obsèques de ma tante : prévenue par télégramme, j'étais venue de Pau, avec une couronne de fleurs artificielles ; elle ne m'a pas reconnue : devenue grabataire, malvoyante, sourde : ma mère l'a accompagnée sans aide ni reconnaissance.jusqu'au bout ;elle est partie l'année suivante : j'étais à Bordeaux, préparant le concours de l'agrégation, ma mère m'a écrit après les obsèques, n'ayant pas jugé bon de me déplacer, d'autant plus que j'aurais dû faire du stop jusqu'au fond de l'Ariège.
Du côté maternel, je n'ai jamais vu ma grand-mère : née en 1911, mariée en 1928, elle est décédée en 1994 à Toulouse : chemin des "Trois cocus", qui a donné son nom à une station de métro de la ville rose. Elle était très proche de mon père Clémentine a dénoncé son époux, causant sa déportation en Allemagne ; quand mon grand-père est revenu, épuisé comme on peut l'imaginer, dûment tatoué avec son numéro de stalag, elle avait vidé la maison de son mari, faisant la vie chez un copain ; ma mère, née en 1930 était couverte de poux et d'engelures : elle était seule avec sa grand-mère que j'ai connue : elles vivaient en-dessous du seuil de pauvreté. Mon grand-père a chassé cette créature que mon père allait voir une fois l'an à Toulouse, sans fournir de détails : elle ne prenait pas de nouvelles de sa fille, encore moins de moi.
Mon grand-père paternel, né en 1902, habitait dans le hameau abritant l'école primaire de montagne, où je suis allée jusqu'à la fermeture à la fin du CM1 : nous n'étions plus que trois élèves .
Le midi, je déjeunais parfois chez lui, ou à l'école ou bien , je retournais chez moi quand la situation était explosive entre le gendre et le beau-père : inutile d'en rajoute !
Mon grand-père maternel m'a aidée :il me fabriquait des sabots en bois, mettait des rustines à mes bottes en caoutchouc ; quand j'ai été placée, nous nous écrivions, je revenais le voir ; ma mère l'a soigné jusqu'à la fin, en 1988.
Quand ma mère mineure "a fauté", il s'est opposé au mariage qui finalement est antérieur à ma naissance : mon grand-père avait dit qu'il garderait sa fille et son enfant, à une époque où l'on enterrait les bébés dans le jardin, où on les laissait dépérir, ou bien "on allait en Espagne".
Mon grand-père était très serviable, exploité sa vie durant, malgré une santé précaire : il avait refait la toiture en chaume d'une grange, avait reçu en récompense une morue séchée qu'il avait dévorée sur place : il courait boire à la rivière pour étancher sa soif, cela faisait rire les imbéciles !
Il était allé garder une personne âgée : il était logé et nourri pour tout salaire par des riches.
Il avait été valet de ferme, n'ayant pu amener son chien, il avait dû s'en débarrasser !
En coupant du bois, il s'était crevé un œil et avait tardé avant de voir le spécialiste.
Il allait nuitamment aider le boulanger dans son fournil : il gardait toujours une viennoiserie pour moi!
Il ramenait sur son dos les courses pour ses voisins qui jamais ne lui en furent reconnaissants.
Mon grand-père Joseph cultivait quelques champs de pommes de terre, des légumes, avait une modeste basse-cour, puis au fil des ans il n'eut plus de cochon, il ne put garder ses deux vaches.
Je suis revenue le voir au début des années 80 : j'ai traversé la France avec ma 2CV pour aller lui présenter sa petite-fille, ainsi qu'à mes parents.
Ils  ont  eu des existences inhumaines où d'autres auraient laissé la raison. Je les remercie de m'avoir montré très tôt que l'apprentissage de la résistance, la pugnacité, l'endurance ont du bon pour devenir autonome.
Ceci pose le problème du logement, du lien intergénérationnel, du travail, des aides sociales, des droits de la femme et de l'enfant, des violences conjugales et des addictions ; heureusement parfois trouve-t-on un ange gardien !

Marie-Christine
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C’est fou le nombre d’écrivains, de poètes, de créateurs qui éprouvent autour de la quarantaine, le besoin de produire et dire qu’ils ont puisé leur inspiration auprès d’un ou plusieurs grands-parents. Je suis d’ailleurs toujours impressionné de voir la présence affirmée, attentionnée et émue des petits-enfants le jour où nous sommes réunis autour du cercueil pour un ultime adieu. Il me semble que c’est le moment pour ceux qui restent, enfants et petits-enfants, ont pleinement conscience de la transmission générationnelle.
Ainsi me remontent à l’esprit quelques souvenirs de situations, d’échanges divers qui ont émaillé notre vécu…
Mon petit frère a alors sept ans, son maître vient de parler des Gaulois en leçon d’histoire ; ce jour-là, c’est la grand-mère qui va l’attendre à la sortie de l’école et tous les deux sont ravis de se retrouver… Sonnerie, retrouvailles et les voilà qui prennent le temps d’un pause pour le goûter sur le bac d’un square. Mais grand-mère trouve que son petit-fils a la tête ailleurs. Soudain, fuse la question qui doit le libérer : « Dis mémé, tu les as bien connus, toi, les Gaulois ? ». Grand-mère sourit et ne se dérobe pas, elle explique que les Gaulois c’était bien avant elle…
Autres circonstances, vingt ans plus tard, où il est question de ma fille alors âgée de cinq ou six ans. Depuis plusieurs mois, elle a dû suivre ses parents à l’étranger, pour raisons professionnelles. Elle a quitté tout l’univers de sa petite enfance : sa ville, son école, sa maison et surtout tous ceux qui l’aiment et l’entouraient, notamment ses papy et mamy chéris. Finis les jeudis passés à courir dans la cour, à chanter avec les disques, à faire des crêpes pour ensuite s’en régaler, les parties de cartes endiablées, celles de chevaux avec mamy et les jouets fabriqués avec papy, les découvertes au jardin avec celui qui les expliquait le jardinage, le cycle des graines, des floraisons, les aléas de la météo…Quel plaisir de cueillir avec lui les poires, les pommes, et les fraises cachées sous les larges feuilles dentelées. Les jolies fleurs, c’était le domaine de mamy. Finis les après-midi au jardin, à jardiner et cueillir, et à observer à travers le grillage le poulailler de la voisine. Poulailler qui servait aussi d’infirmerie à tous les animaux éclopés que cette dame recueillait, et à qui elle fabriquait de miraculeuses petites attelles.
Je vois bien que tout cela n’est pas resté sans suite pour mes enfants. Le garçon a puisé largement dans le corpus de lettres écrites par mon grand-père maternel au cours de son passage sur le front vosgien en 1914 et 1915. Quant à la fille qui aimait déjà les animaux, elle a pu se bâtir une vie conforme à sa passion, largement inspirée de celle de ses grands-parents.
C’est qu’il y a bien un art d’être grand-père ou grand-mère.

Françoise
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Garnements ou petits anges
Rêveurs ou hyperactifs
Avec plaisir
Nous les gardons et
Dorlotons
Super grands-parents
Patience indispensable
Amour infatigable
Récréation permanente
Nous vous aimons
Tous comme vous êtes
Seul ou à plusieurs

Fabienne
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On l'appelait Bonne Maman, j'ignore pourquoi ce nom avait été choisie mais c'est ainsi que je l'ai connue et appelée. C'est sûr c'est qu'elle était très bonne et qu'elle était aussi une maman. Elle était entièrement dévouée aux enfants que nous étions et rien n'était trop bien pour ses petits-enfants.
Elle était bien sûr plus proche de notre fille car c'était un bébé qu'elle voyait évoluer, les autres étaient déjà bien grands, ils avaient été l'objet de la même attention par le passé. Notre fille la comblait, elle qui avait tant souhaité avoir une fille et qui avait donné naissance à un fils. Qui lui-même avait eu deux fils...  J'étais donc contente d'avoir rempli mon contrat puisque tout le monde voulait une fille, on m'avait bien mis la pression.
Mais la vie n'est pas toujours aussi simple qu'on le voudrait, un jour il fallut quitter la Belgique pour la France dont j'étais moi-même partie quatre ans plus tôt. Bonne Maman eut le cœur gros et notre  fille, trop petite encore, ne réalisait pas.
Très vite Bonne Maman vint régulièrement passer quelques jours chez nous pendant les fêtes de fin d'année ou les congés scolaires ; cela lui permettait de profiter au maximum de sa petite-fille, ainsi la séparation était moins douloureuse pour tout le monde. Notre fille était ravie de voir sa grand-mère arriver, il y avait toujours quelque chose pour elle, des vêtements, un jouet, des friandises, et cela lui évitait surtout la garderie qu'elle détestait.
Pendant ces congés Bonne Maman gardait donc sa petite-fille, alors que de notre côté nous allions travailler. Elle lui cédait tout, tant et si bien qu'un jour en rentrant du travail je trouvai Bonne Maman allongée sur le sol dans la chambre de notre fille. J'étais abasourdie car à son âge je l'imaginais mal se relever ensuite. Mais Bonne Maman se mit à rire, elle m'expliqua qu'elles jouaient au docteur et qu'elle était malade. Notre fille jouait son rôle vêtue de son costume d'infirmière, dernier cadeau en date de sa grand-mère.
Parfois cependant, Bonne Maman avait du mal à rester calme. Non pas que notre  fille ne fut pas sage avec elle mais Bonne Maman n'aimait pas perdre, que ce soit aux petits chevaux ou encore au jeu de la bonne paye ! Notre fille ne comprenait donc pas pourquoi sa grand-mère contestait toujours quand elle gagnait et comme elle aimait bien gagner aussi, on aurait dit deux enfants.
Bonne Maman cédait beaucoup trop à notre goût. Elle ne pouvait jamais dire non, donnait toujours raison à notre fille, nous n'étions plus maîtres à bord.  Quand elle nous quittait, le pli était pris mais les parents ne peuvent céder sur tout et notre fille comprenait mal pourquoi ce qui était permis il y a quelques jours, ne l'était plus ensuite. Plusieurs fois j'ai tenté d'expliquer cette situation à Bonne Maman, sans succès. Mais si elle trouvait pénible de prendre le train pour venir, au bout de quelques jours elle n'avait plus envie de repartir, de part et d'autre les cœurs étaient lourds.
Notre fille a pu profiter de sa grand-mère pendant 20 ans, sa disparition lui a bien sûr causé beaucoup de chagrin. Aujourd'hui je suis moi-même grand-mère et je me rends compte qu'il est plus difficile de sévir qu'avec ses propres enfants. Mais si je suis plus tolérante, je sais aussi dire stop quand je juge que les limites sont dépassées. Je me surprends aussi à me coucher au sol pour me mettre à la hauteur des jeux de mon petit-fils, je suis si heureuse de le voir rire et s'amuser, cela me rappelle alors de si beaux souvenirs.

 Paulette

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