Le
marché, surtout celui du samedi qui est plus important, apporte de la vie dans
mon quartier. Pour peu que le temps soit au beau, c'est assez plaisant d'aller
y faire ses courses. L'hiver par contre
on voudrait qu'il se transforme en marché couvert. Les commerçants ont
du mérite à rester ainsi de longues heures dehors, debout derrière leur
étalage, dans les intempéries. Ils sont levés depuis déjà longtemps, sont passés
par les Halles avant de s'installer, c'est une vie qui doit ne doit pas être de
tout repos.
On trouve vraiment de tout sur
ce marché, le comestible et aussi tout le reste. Et ce reste est de plus en
plus varié au fil des années, du mois c'est mon avis. Il y a toujours les
marchands de vêtements mais aussi tous ceux qui se multiplient et qui proposent
ce que de mon temps déjà on appelait « tout à 1 franc ».
Maintenant tout est à 1 euro ou pas beaucoup plus. Là on voit des piles,
des coques pour les téléphones portables, des plats pour la cuisine, des seaux
et des cuvettes, bref, presque tout ce dont on peut avoir besoin chez soi.
Certains ont un étalage des plus hétéroclites, ça va des boîtes de thé aux
enveloppes autocollantes, en passant par les chaussettes, je me demande même
parfois comment un tel commerce est possible.
Le marché est plus ou moins
scindé en deux parties, d'un côté on a regroupé tous ces commerçants, de
l'autre on trouve le comestible, il est donc possible d'aller chez les uns sans
passer chez les autres. Mais personnellement, même quand je n'ai besoin de rien
de spécial, j'aime traverser le marché en entier, je termine par mes achats de
nourriture, là je profite de la bonne odeur des poulets qui rôtissent et qui
m'ouvrent déjà l'appétit.
Le fleuriste bénéficie lui d'un
privilège car son emplacement est installé là, entre un marchand de
fruits-légumes et un charcutier. Je ne peux m'empêcher de passer devant ses
fleurs, rien que pour le plaisir des yeux comme on le dit si bien dans les
souks de Marrakech. Quelquefois j'achète aussi, j'aime bien avoir des fleurs à
la maison. J'ai le plaisir d'y rencontrer parfois une connaissance, elle aussi
amoureuse des fleurs, à la lecture de mon texte elle se reconnaîtra. Mais qui
n'aime pas les fleurs...
Le marché est le jour où
l'on croise des personnes que l'on
connaît, c'est ainsi l'occasion de se saluer, de prendre des nouvelles. Pour
ça il faut être régulier, chacun ayant ses
habitudes et ses horaires. Il y a comme moi ceux qui préfèrent y aller tôt,
plus de choix, moins de monde et donc moins d'attente. Car si ce n'est pas
déplaisant d'être là, au retour on a de l'occupation en vue avec les achats
qu'on rapporte, inutile donc de s'éterniser. Il y a ceux qui préfèrent y venir
tard, presque à la fin. Il faut croire que c'est ce qui plaît à une majorité
car la foule augmente avec l'heure qui avance. Au détour des allées, on y
discute certainement beaucoup plus aussi.
Une fois le marché terminé et
les lieux nettoyés, le quartier retrouve son calme mais le prochain jour reviendra vite. Et je me dis que fort
heureusement nous avons ce marché car les petits commerces de mon enfance sont
devenus bien rares aujourd'hui, j'espère donc qu'il survivra longtemps encore.
Paulette
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Le marché, dans le Couserans, ne pouvait s'implanter
n'importe où : il fallait descendre des hameaux, sis en moyenne altitude, dépourvus
de routes carrossables, d'eau courante et d'électricité, longer le torrent du
Garbet qui s'apaisait dans la vallée d'Oust, chef-lieu du canton, aller à Seix
à pied en parcourant une douzaine de kilomètres ou prendre le car qui
descendait d'Aulus les Bains quand le budget le permettait.
Le marché se tenait à Seix, en terre occitane, le jeudi
une fois par mois, quasiment au confluent du Garbet et du Salat, descendu du
Vignemale pour se jeter dans la Garonne.
Ce carrefour permettait aussi aux habitants de la
vallée d'Ustou et des localités environnantes de descendre en empruntant le car
desservant leur trajet
.
.
Le bétail arrivait au foirail à pied ou, pour les
veaux, dans la remorque du car. Pour le gros bétail, le maquignon se rendait
parfois à domicile.
Tandis que ma mère vendait les œufs et le beurre à l'épicier
et au pâtissier d'Oust pour nous acheter du café, de l'huile, du sel et du
sucre, mon père vendait du bétail pour se procurer des tonneaux de piquette.
Les grandes affaires se déroulaient le 29 Septembre, à
la Saint-Michel : c'est à cette date que mon père payait le fermage au
propriétaire, parti dans la Haute-Garonne, ce dernier lui avait loué des prés
et des champs ; et prélevait également des sacs de récoltes, beaucoup de pommes
pour le cidre ; je les cueillais tout en gardant les vaches, en veillant à ce qu'elles
ne les avalassent pas : elles auraient pu s'étouffer...
C'est ce jour-là aussi que se présentaient sur la
place du marché, des "valets" potentiels, dont les maîtres s'étaient
rendus sous des cieux plus cléments, ou rentrés dans leur éternité. Ils
proposaient leurs services juste pour un gîte précaire, une maigre pitance,
sans rétribution ni couverture sociale...
On voyait les marchands qui venaient de Massat, de
Biert, pour l'habillement, la quincaillerie ; ceux de la vallée de Bethmale,
avec leurs fromages réputés ; les rempailleurs, les gens du voyage dont le
campement était proche excellaient dans la fabrication des paniers d'osier et
dans la prédiction d'un avenir aussi surprenant qu'improbable.
Les hommes allaient au café, chez Courtade ; il fallait
faire quelques courses, se rendre à la pharmacie, chez le médecin : le seul
pour les deux vallées : toujours par monts et par vaux, sur sa moto.
C'était le jour où un mince filet de lien social se
poursuivait ou se cassait car les haines sont tenaces et les règlements de
comptes étalés sur la place publique étaient mémorables : combien d'hommes se
sont roulés dans la boue, se rouant de coups de sabots tout en clamant leurs
infortunes ! A cette époque nous n'avions ni radio, ni téléphone, une fois par
semaine, ma mère recevait LA TERRE, le journal agricole du PCF, sur lequel j'ai
appris à lire : on ne vendait pas de livres au marché, nous n'en aurions
d'ailleurs pas acheté.
Les gens vaquaient à leurs affaires, échangeaient des
nouvelles, s'observaient : ainsi on voyait les différents aspects de la vie :
la prospérité, les disparitions ; on constatait les départs, les ravages de la
maladie, de l'alcool, de la misère, les conséquences des drames personnels :
tout s'écoulait comme le Garbet et le Salat, bouillonnant à ciel ouvert, au vu
et au su de tous, aussi bien des voyeurs que des taiseux.
Les plus aisés se rendaient au marché de Saint-Girons,
la sous-préfecture : sur le Champ de Mars se trouvait un important marché de
bestiaux, on y voyait aussi déambuler, bien malgré eux, les cancres du lycée
voisin, qui devaient s'afficher en arpentant le foirail, coiffés du bonnet
d'âne, tandis que l'âne de mon voisin, têtu comme une bourrique rongeait son
frein pour rentrer chez lui : il ne connaissait que le retour :il aurait volé
tel Pégase ; à l'aller il fallait le faire transporter dans la remorque du car,
ce qui faisait enrager son maître, au vu de la dépense.
Au marché de Saint-Girons se faisaient les placements
de "bonnes à tout faire", bouches jugées inutiles, issues de familles
nombreuses ; les plus chanceuses avaient gagné New -York. Elles n'avaient aucune
sécurité de l'emploi, et n'étaient à l'abri d'aucune tuile.
C'est un jour de marché qu'à l'âge de trois ans, sans
me prévenir, mes parents m'ont conduite chez FAURE, l'unique photographe de
SAINT -GIRONS : comme on ne m'expliquait rien, au motif que les enfants ne comprennent
rien et oublient tout, j'ai bramé tout du long, persuadée que l'on me
conduisait à l'abattoir avec les petits veaux. La photo avait été faite à la
demande de mon parrain de New-York, parti trois jours après mon baptême et que
je n'ai jamais connu.
Ces marchés reflétaient souvent, par leur
fréquentation ou son contraire, l'état des maisons qui se vidaient, des vallées
de montagne dépeuplées ; certains, au prix d'efforts surhumains maintenaient
une certaine stabilité, tandis que la plupart allaient travailler ailleurs, qui
à la journée, ou chez le maçon : on voyait ainsi des personnes prématurément
usées, délabrées, désabusées, parties nulle part revenues de tout.
Actuellement sur les marchés, il me semble que la
clientèle ne sait plus faire un pas sans son portable, pour prendre une
contenance, se donner des airs, ignorer son prochain : il y a soixante-dix ans,
on ne faisait pas tant de façons et on se mettait tout autant en représentation,
sans bourse délier et sans crainte des voleurs.
Marie-Christine
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Un
peu déboussolée par mon arrivée dans ce nouveau quartier, je fais très vite connaissance
avec la grande place bordée sur un côté par une église et son centre paroissial
et sur les deux autres côtés latéraux de multiples boutiques plus ou moins
modernes aux entrées souvent étroites mais ouvertes à tous vents. En face, le
marché central populaire occupe un vaste espace carré, équivalent à un énorme pâté
de maisons, trente-six mille m² m’a dit ma logeuse, un des plus anciens de la
capitale. Presque invisibles dans leur partie basse, malgré leur couleur jaune
citron, ses quatre façades sont truffées de nombreuses petites boutiques en tout genre. Ouvertes sur
l’extérieur, chaque pas de porte rivalise avec sa voisine pour exposer divers
marchandises hétéroclites accrochées les
unes sur les autres au point qu’il faille pousser un peu les vêtements ou les
objets pour entrer dans la boutique plus ou moins éclairée. Elles sont si
serrées les unes contre les autres que croyant entrer dans le marché, j’ai pénétré
dans un magasin un peu plus grand où abondaient les fruits et légumes, les
paquets de biscuits salés et les sodas,
les petits paquets de charcuterie ou de fromage et où de nombreux clients
circulaient. Ce n’est qu’en atteignant
le fond, que je me suis rendue compte de mon erreur. J’en suis bien vite
ressortie.
Les
trottoirs sont partiellement occupés par la marchandise qui déborde ou par de
petits vendeurs ambulants, quelques-uns y posant leur étalage précaire le temps
de quelques heures, d’autres déambulant en proposant aux nombreux passants, quelques
billets de loterie, des colliers ou
colifichets qu’ils portent autour du cou ou des bras. Ce qui me surprend tout d’abord,
c’est que tout ce manège se déroule dans le calme qui s’en être silencieux,
n’en est pas pour le moins discret. Peu de vendeurs parlent haut même s’ils interpellent
la clientèle. C’est plutôt sur un ton
amical qu’ils s’adressent aux ménagères : « Mamita, que je traduirai
facilement par « petite madame » tu cherches quelque chose… Veux-tu de mes
belles herbes ou de tel ou tel produit. » Il s’en suit comme un
bourdonnement d’une ruche sans cesse en activité.
A
la recherche d’un passage, je longe le
bâtiment, tout en suivant des yeux le va
et vient incessant des passants. Enfin,
étranglée entre les casseroles en alu et
la vendeuse de boites d’anchois, je découvre une des entrées du marché à demi
couvert, éclairé par la lumière du jour car le toit n’est pas du tout uniforme.
C’est au contraire un grand nombre de plaques plastifiées et semi-arrondies
au-dessus des travées étroites où circulent les clients et les vendeurs alors
qu’au-dessus des places échoppes, je peux voir le ciel. Immédiatement
m’assaillent les odeurs parfumées et parfois un peu agressives d’une multitude
d’herbes que je ne connais pas. Tout en avançant dans la travée, je regarde les
étalages. Là, un marchand de fruits et légumes. J’en connais certains comme les
tomates ou les pêches mais elles sont nettement plus fermes et encore la mangue
ou la chirimoya mais je croyais que le « pepino » se traduisait par « concombre ».
Eh bien non ! Ici c’est un fruit
sans noyau à la peau jaune pâle avec des rayures violettes. Sa chair est
juteuse mais peu sucrée. Bien sûr se balançant sur divers crochets, les
bananes. Il y en a de différentes tailles et espèces. De la naine à la chair
légèrement rosée à la très grande à frire à la moyenne que nous connaissons. La
couleur de leur peau peut varier du vert au brun en passant par le jaune. Et
ici, on achète « une main » de bananes, c’est-à-dire cinq tandis que
certains vendent les avocats au poids comme les œufs. Plus loin, sur les étals
plus ou moins minuscules se vendent dans des petits sacs en plastique, des
légumes déjà pelés et coupés en carrés, mélange de carottes, de navets,
auxquels se mêlent petits pois, grains de maïs ou morceaux de betterave ou de
chou. A côté de ces étals, des hommes ou des femmes sont assis les pelant,
écossant ou coupant tout au long du jour. Plus loin, ce sont des vendeurs de
jus de fruits ou de morceaux d’ananas ou de mangue. Tout peu s’acheter à
l’unité voire par morceau. Bientôt j’arrive à l’allée des volaillers et à même
la paillasse de carrelage, s’étalent les poulets entiers ou découpés. En face, un
vendeur de pacotilles s’insère entre le droguiste ou le quincailler qui vend
aussi des montres. Je poursuis ma visite jusqu’au fond du marché, à travers le secteur
des viandes de bœuf puis de poissons.
Là, je m’arrête un instant pour demander les noms car pêchés dans les rivières
ou l’océan Pacifique, ils me sont souvent inconnus comme la corvina ou la
cojinova. J’y suis surprise par le
« bonite », petit thon de la taille d’une truite. Mais l’odeur forte
qui s’en dégage me pousse vers l’autre extrémité. J’y retrouve les fruits et légumes. Là s’étalent
les différentes sortes de pommes de terre depuis la douce, jusqu’à la rouge ou
la jaune. Il me faudra apprendre leur usage pour cuisiner à la péruvienne. Là
ce sont des sacs de vrac ouverts offrant différentes céréales mais surtout je découvre
le nombre d’échoppes qui cuisinent sur place et au bord desquelles, les
clientes prennent leur repas, généralement un seul plat composé de mets
locaux comme le « ceviche » fierté nationale fait de poisson cru
mariné dans du citron vert accompagné d’oignons et de rondelles d’un piment
semblable à la tomate par sa forme mais très piquant. Ce peut-être aussi une
soupe de poulet accompagné de ses pommes de terre et légumes verts ou même des pâtes
à la sauce verte (épinards + herbes) ou encore bien d’autres plats : la
cuisine péruvienne est très riche et variée. Plus loin, j’aboutis dans le coin
des herboristes en tout genre et aussi des couturières qui, pour quelques
« soles », s’activent sur leur machine à coudre.
Le
marché est pour moi un lieu qui fait
vibrer tous mes sens, véritable spectacle où je regarde vivre toute une
population, dans un bourdonnement des voix, des accents, stimulée par les odeurs souvent étranges qui
me donnent envie de toucher, voire de goûter à des saveurs nouvelles.
Marie-Thérèse
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Des
marchés : j’en ai connu plusieurs de l’aube à l’automne de ma vie. Si je
devais parler des marchés de mon enfance il s’agirait de souligner le coté
accompagnateur de ma petite personne. Oui en effet, je lui servais de bête de
somme …Et ma mère considérait très certainement cet endroit d’échange et
de négoce non comme un jardin paradisiaque où on peut faire des rencontres
incroyables mais comme un lieu incontournable pour réaliser ses achats en un
minimum de temps. Ce marché était une plate forme extraordinaire où étaient
regroupés les légumes les plus verts et les fruits les plus pulpeux et
veloutés. On y trouvait M. Rodriguez ou plutôt son clan car c’était une
entreprise familiale florissante qui accordait plus de place à l’apport
qualitatif qu’à l’aspect quantitatif. Si ma mère demandait un kilo, ou une
livre : ce n’était pas 1 kilo 500. C’était au temps où les fruits avaient
du gout et se conservaient dans des coupes à fruits. Ma mère effectuait ses
achats chronologiquement en veillant à ne pas écraser tout ce qui pourrait
paraître plus fragile. Elle équilibrait ainsi son caddie et l’aménageait en
plaçant tout ce qui était lourd au fond de la dite poussette. Et il s’agissait
pour moi de tirer, pousser, slalomer sans jamais la faire tomber. Un jeu d’enfant
diriez-vous ? Puis nous allions chez M. Roviron : le fromager. Et
voir toutes ces jattes de crème et de fromage frais à la louche, mottes de
beurre, rondins, briques de chèvres, meule de comté champêtre au gout fruité et
parts de vieux cantal et d’entre deux m’enchantait les pupilles et chatouillait
agréablement mes papilles. M. Roviron n’hésitait pas à nous faire goûter une de
ces nouveautés et c’est ainsi que j’ai découvert le Brie de Meaux et de Melun,
ainsi que le Coulommiers. Des fromages
de mon coin entre Pays Beauceron et Briard. Il me faisait toujours de petits
compliments sur mon sourire, mon calme et ma docilité. Il faut dire que
beaucoup d’eau du canal de L’Ourcq, de la Seine et de la Marne ont coulées
depuis. J’ai découvert ensuite les marchés parisiens beaucoup moins cocooning
et peut-être plus anodins…Où les gens ne se connaissent point. Nul besoin de
rougir comme une tomate devant l’étalage du marchand de légumes et ses Marmande
ou le fruitier que l’on appellerait aussi « primeur » ou maraîcher
dans le temps. Bio peut-être maintenant. On passerait plutôt incognito entre
les allées des divers marchands occupés à vanter leur marchandise comme à la
criée aux poissons à Rungis. Et dans cette ville dans la ville : j’y suis
allée aussi et une impression de me noyer dans les diverses pavillons floraux,
d’alimentation de gros et de semi gros. Le point central de l’import –export
vers des destinations multiples en
France et en Navarre. Et pour revenir à Paris et ses marchés tous
différents les uns et les autres : en Aligre, Belleville, Port Royal et la
cité des Fleurs sur les ponts de PARIS, nous trouvons des atmosphères et des
prix variant du simple au double. Entre les marchés couverts comme à Barcelone
où se côtoient des merveilles d’étalage à la présentation haut en couleur et
d’une originalité à toute épreuve, avec ses petits estaminets où on déguste les
fruits de mer, et curieusement une spécialité délicieuse d’Europe
centrale au paprika (Goulash, Borch et autres appellations… contrôlées
bien sûr). Et se promener entre les multiples stands de bonbons multicolores,
c’est alors un vrai supplice de tantale… On frôle l’indigestion rien que dans
la contemplation de tous ces mets et friandises délicieuses. De retour aux
abords de Paris, sur un marché ouvert aux quatre vents, entre quatre
tours : le marché Frileuse porte bien son nom. Il y fait vraiment froid en
hiver et un vent glacial y circule au
point de nous transformer en glaçon si nous y prenons garde. Il était bordé de
nombreux cafés. Actuellement il reste la « Brasserie » où nombre
d’habitués se pressent en terrasse. Les sièges ne restent pas longtemps vides.
Pour un peu il faudrait presque réserver sa place. Il y règne une ambiance
pratiquement familiale et amicale. Le rendez-vous du samedi midi. On y échange
les nouvelles du jour, les petits potins
évidement, mais aussi on y évoque les derniers motifs d’hospitalisation et la
rubrique nécrologique avec les personnes chères ou plus éloignées venant de
disparaître.
Le marché
draine une population colorée et diverses qui selon des rites bien établis
viennent avant tout faire leurs achats selon le prix des produits proposés et
leurs envies. C’est un marché d’habitués où à peu près tout le monde se
connaît. On va chez « Hichem », ou chez « Ali », chez »Nono »
ou encore « chez l’arabe »qui est égyptien ou le portugais du coin.
On s’y
retrouve et on échange souvenirs, bonnes adresses, rendez-vous et mots gentils.
En gros : on colporte la bonne parole. On se retrouve devant nos stands
préférés et on fuit la négativité en s’offrant un petit ou un café allongé ou
un petit déjeuner au Libanais du coin. La vie est simple sous le ciel gris de
ce début d’automne à Gentilly.
Claudine
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Situé non loin de la bastille et tout
proche de l’hôpital Saint-Antoine, le marché d’Aligre est très pittoresque. J’y
allais fréquemment en sortant de garde pour y faire mon marché de fruits frais.
Les étals étaient tous plus colorés les uns que les autres et si on sortait des
halles on trouvait encore des fruits et légumes puis des fripes et toutes
sortes de bricoles ; J’aimais ce marché où l’on pouvait discuter la
quantité et le prix. Toujours très achalandé, on pouvait juste avoir envie de
le visiter et se retrouver avec des mangues ou un ananas. Les gens s’y
promenaient tranquillement pour le plaisir des yeux. De nombreuses doudous
maliennes dans des boubous colorés y vendaient quelques fruits. J’y retrouvais
parfois des femmes que j’avais accouchées qui se rappelaient de moi et
m’offraient des citrons ou des bananes
plantain que je ne savais pas cuisiner. Le temps passait vite à déambuler entre
les étals, j’aimais avoir le privilège de comparer quoique, comme au pays il
fallait discuter. Les passants passaient de longs moments à parler entre eux
avant même de commencer à faire leurs courses. Il y a bien longtemps que je
n’ai plus eu l’occasion d’y aller, j’espère que l’esprit de ce marché n’a pas
trop changé, ce serait regrettable.
Fabienne
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Tout
remonte à mon enfance urbaine et provinciale où je découvris d’abord le
« jardin ». C’était la guerre avec ses difficultés de ravitaillement
et mon père, heureux d’en avoir trouvé un, le cultiva avec acharnement jusqu’à
la fin du rationnement.
Pour moi,
aller au jardin, devait être agréable, apaisant. On gagnait les faubourgs de
notre ville, l’herbe et le soleil, des amitiés nouvelles, car dans cette zone
où pavillons et jardins se mêlaient, s’échangeaient par-dessus les clôtures
toutes sortes de biens : légumes et fruits de saison, objets devenus
introuvables, comme des chaussures d’enfants, des vêtements, des tissus, mais
aussi des nouvelles, des renseignements bons à prendre ;
J’ai
encore le souvenir du retour dans notre petit appartement du quatrième étage
sous les toits, avec nos trésors dans une poussette…les jours suivants,
j’admirais les dernières tomates qui finissaient de mûrir, et me réjouissais
déjà des bonnes confitures que maman allait en tirer.
Le jardin
disparut avec la suppression des derniers tickets.
Autour de
notre ville, s’étendaient les vastes maraîchages qui déversaient à présent des
pyramides multicolores de fruits et légumes sur les étals des halles centrales.
Les ménagères s’y pressaient dans une atmosphère joyeuse devant l’abondance
retrouvée : cris, bonnes odeurs qui vous mettaient en appétit… Les
produits carnés ne manquaient plus et plus d’un enfant se régalait de tranches
de saucisson offertes gracieusement. Devant la salle des fêtes, les camelots
qui derrière leur de lots aguichaient les curieux, mi- médusés mi- sceptiques.
J’adorais leurs boniments et c’est souvent là que maman me retrouvait.
Plus à
l’écart un important espace était réservé aux bancs de textiles : tissus
vendus au mètre et vêtement « tout faits » avec les débuts de la
confection. Ma mère s’était mise au tricot et à la couture et n’oubliait pas de
parcourir ces allées.
Plus
tard, à l’occasion de mes déplacements, j’ai connu d’autres marchés. C’est
toujours un lieu d’échanges, plein de cris, d’odeurs, de couleurs. Un lieu où
l’on peut prendre le pouls d’une population.
Je n’ai
pas pu profiter des services réguliers du marché de Gentilly : ma vie
professionnelle ne le permettait pas. Maintenant que j’ai tout mon temps, j’y
fais volontiers un détour : la disparition de certains commerces de la
ville m’y pousse parfois, ainsi que la fraîcheur des produits alimentaires, le
charme des bancs de fleurs au gré des saisons, et enfin les rencontres
fortuites que l’on peut y faire. Un petit retour aux sources, à la nature, à la
vie simple de mon enfance.
Françoise
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