Elle était bonne et patiente, elle a toujours su
faire preuve de courage pour mener sa vie et a su se montrer généreuse, elle
aurait sans doute mérité beaucoup mieux en retour.
A l'âge de l'adolescence, on
lui a demandé de me prendre en charge et quand j'ai fait mes premiers pas à
l'école, c'est elle qui m'y conduisait, elle qui était déjà une «grande» dans
cette même école. C'est aussi elle qui était chargée de veiller à
l'accomplissement de mes devoirs du soir, en m'expliquant quand je ne
comprenais pas. La pauvre ! A son âge, j'imagine elle avait pas mal à faire
pour elle-même, à l'époque le travail à faire chez soi était copieux, on ne s'interrogeait
pas sur le bien-être des enfants. Cela explique sans doute le souvenir que j'ai
gardé d'une gifle qu'elle m'a un jour donnée, la seule. Je n'avais pas compris
ses explications pour un devoir d'arithmétique sur lequel je buttais ; et quand
elle m'avait demandé ensuite si j'avais compris, j'avais donc répondu par la
négative. Alors la claque était partie et elle m'avait alors demandé «et
maintenant, tu as compris ?». Et bien évidemment, je n'avais pas compris
d'avantage. Mais avec le recul je la comprends, je ne lui en ai d'ailleurs
jamais voulu, c'est le genre de souvenir qui bien plus tard nous fait sourire.
Je me demande d'ailleurs si elle ne
devait pas aussi s'occuper un peu des deux autres, et ces deux-là ce n'était
pas un cadeau, ça ne devait pas être facile d'être l'aînée.
Elle obtenait de bons résultats
scolaires mais elle travaillait dur pour ça. Toutes les deux nous aimions les
études mais j'avais peut-être un peu plus de facilité, c'est en tout cas ce que
la directrice disait à ma mère en nous comparant. Mais elle n'a pas pu
continuer pour aller vers
l'enseignement, on ne lui a pas laissé le choix «car il y en avait
encore trois derrière elle». Mais alors, que dire pour moi qui étais la
dernière et qui ai plus ou moins subi le même sort. Qu'importe, elle n'a pas à
rougir de sa vie, elle a su ensuite se consacrer à sa fille, puis à ses
petits-enfants qui eux ont suivi leur voie.
C'était aussi devenu ma mémoire
depuis que nous n'avions plus nos parents,
je me tournais tout naturellement vers elle en sa qualité d'aînée. Ai-je
déjà eu la varicelle lui avais-je un jour demandé alors que ma propre fille
l'avait ? Et la rougeole ? Car pas de carnet de santé à l'époque, du moins je
n'en avais pas. Il fallait alors qu'elle se remémore tous les bobos de chacun
et nous étions quatre enfants à la maison.
Plus j'ai vieilli, plus je me
suis sentie proche d'elle, ce n'était pas ma mère mais pour moi elle l'était
quand même un peu. Elle-même l'a dit un jour à sa fille, elle avait parfois
joué le rôle de mère auprès de moi, cela nous a sans doute rapprochées. Dès que
je me posais une question sur le passé de notre famille, ou sur de vieilles
photos, je me tournais vers elle. Et
j'en aurais encore beaucoup à lui poser aujourd'hui. Il n'y a pas si
longtemps, je me revois l'interroger au sujet d'un texte que j'avais à faire
qui portait sur le thème du goûter, ou encore sur Noël. Je n'avais rien à
raconter et je me demandais si je n'avais pas tout oublié car ça me semblait
anormal alors qu'autour de moi chacun avait des souvenirs à raconter. Mais non,
elle me confirmait, chez nous le goûter n'existait pas. Si nous avions faim
m'avait-elle dit, on ouvrait le placard dans la cuisine, on y trouvait quelque
chose à manger. Je ne me souviens aussi que d'un seul sapin de Noël à la
maison, il avait été donné à mon père ; et là encore elle confirmait, pas de
Noël non plus chez nous. Elle m'a dit être pourtant intervenue pour moi auprès de nos parents,
alors que je n'étais encore qu'une enfant. Je me souviens aussi d'un landau qui
avait fait mon bonheur, j'y promenais une poupée dans la salle à manger car je
n'avais pas le droit de le sortir, pour aller où d'ailleurs. Et ce n'est que
tout récemment que j'ai appris que c'était
elle qui me l'avait offert, je l'ai toujours ignoré, quelle surprise ça
a été pour moi
C'était ma sœur, celle à
laquelle j'étais le plus attachée, elle vient de me quitter.
Paulette
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Je voudrais vous parler
de Simone Veil, c’est une femme pour qui j’ai une grande admiration. Bien que
ne partageant pas toutes ses positions politiques, j’ai pour elle un profond
respect. La première fois que je me suis intéressée à elle c’est au cours de
mes études de sage-femme, j’étais fascinée par sa volonté de respecter le droit
des femmes dans sa lutte pour la légalisation de l’IVG. J’ai suivi son parcours
politique et découvrais une femme dont la jeunesse a été meurtrie par la Shoah
jusque dans sa chair. Elle défendait les hommes comme les femmes en posant ses
arguments avec force et douceur mélangées, j’ai toujours admiré la grande
dignité dont elle a fait preuve. Sa grande détermination à défendre l’Europe avec
beaucoup de calme m’a épatée. Je trouve, encore aujourd’hui, que c’est une très belle femme,
passionnée par la vie. L’admiration que je lui porte est sincère, je l’aurai
bien vue présidente de la République car elle incarne pour moi des valeurs de
compassion. Je trouve qu’elle portait dans ses traits et dans son regard tout
l’amour qu’elle avait pour l’être humain et la vie.