Je n’ai pas
consacré beaucoup de temps aux travaux d’aiguille, dits de
« femmes ». Autant je les ai admirés aux quatre coins de la planète,
et quels qu’aient été la matière et les styles utilisés – végétaux, fibres
synthétiques, cuir, plumes, perles… - autant je n’ai pas essayé de les
pratiquer. Maladresse personnelle ? Importance du temps à y
consacrer ? Absence de mentor… J’avais d’autres centres d’intérêt et
peut-être que l’appellation convenue et réductrice « travaux de
femme » m’en éloignait.
Pourtant
l’histoire à consacrer le souvenir de femmes plus ou moins collectivement
engagées dans la révolution sociale et politique, et pratiquant les travaux
d’aiguille : ainsi les « tricoteuses » de la Révolution
française. L’avantage pour ces dernières était qu’en tricotant elles pouvaient
échanger, s’organiser dans leur nouvelle activité de citoyenne. Aujourd’hui, en
ces temps de crise et de défense des emplois, j’ai admiré
l’assurance et le
savoir-faire de ces ouvrières du textile, créatrices de sous-vêtements féminins
en dentelle, qui se lançaient dans une
reprise coopérative de leur entreprise faute de repreneur.
Mais les
travaux d’aiguille ont beaucoup d’attraits : ils sont charmants,
transportables. Ainsi, d’un voyage à la Réunion, j’ai rapporté une adorable et
délicate petite dentelle de Cilaos qui trône dorénavant sur ma tête de lit…
Artisanat
féminin et populaire dans les pays dits « développés », les travaux
d’aiguille sont aujourd’hui en recul et souvent en voie de disparition, sous
les coups de butoir de la machine et du profit. Quel dommage ! Des
fragments de beauté s’envolent, mais certains en se démultipliant sont repris
par une infinité de petites mains savantes. Pour notre bonheur.
Françoise
...............................................................
Madame
Plagnard, oui c’est cela, elle
s’appelait madame Plagnard, la prof de couture au lycée de filles sur le cours
de Vincennes, la mixité n’ayant été introduite chez les sixièmes qu’en 1975
après mon départ d’Hélène Boucher. C’était une petite bonne femme pète-sec aux
cheveux déjà gris qui ne devait pas rigoler beaucoup. Je savais déjà dès la fin
du premier cours de sixième que je n’allais pas vraiment m’amuser! Ma sœur
avait essuyé les plâtres avec elle deux ans plus tôt et je m’en rappelais.
Maman n’avait pas failli à ses devoirs puisqu’elle ne pouvait pas nous avoir
appris à coudre ne sachant pas coudre elle-même ! Par contre, autre
travaux d’aiguilles, elle nous avait appris à tricoter ! Elle devait être
à moitié féministe seulement ! Donc ne sachant pas coudre, elle avait fait
broder, par la couturière qui habitait dans notre immeuble, en rouge nom,
prénom et classe en haut à gauche de nos blouses, une semaine la bleue l’autre
la bise, fabuleuse couleur pour le teint mais qui permettait au premier coup
d’œil de savoir qui s’était trompé de semaine surtout au retour des petites
vacances. C’était donc mal barré pour moi.