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Lettre au
Père Éric, aumônier de la prison de X
Cher Père
Éric,
Ce soir,
j’ai un cafard monstre, alors du fond de ma taule, je t’écris ce que je pense,
ce que je ressens…
Ils sont
là les murs de ma prison, à m’en faire mal aux yeux de mille façons. Ils m’encerclent,
me narguent et me cernent. Ils m’empoisonnent, me massacrent et me bernent. Ils
me parlent, dans leur silence, et de mort et de vie. Ils me perlent comme une
obsession, et d’espoir et de folie.
Quand je
les touche, la nudité de leur froideur me raconte, tout à coup, toutes les
fleurs. Avant, je ne savais pas les contempler et les admirer. Je voudrais
aujourd’hui sentir leurs parfums, comme une odeur de liberté.
Et quand
sur les murs se découpe l’ombre des barreaux, elle me raconte l’horizon et le
soleil pourtant si beaux. Hier, je ne savais pas en profiter pleinement.
Aujourd’hui, ils me chantent ici l’air de la liberté.
Et même
si j’écris, le silence épais et pesant me murmure peut-être la présence de ce
Dieu dont tu m’as parlé et que tu dis vivant.
Celui à
qui je ne pensais jamais, et surtout pas à lui parler.
Peut-être
qu’il m’invite à sa rencontre, comme des prémices de liberté.
Et quand
de l’école toute proche, résonne les cris des enfants, je les imagine en
récréation, riant, courant, jouant. Ils me parlent en un instant de l’enfant
que j’ai été. Et de celui qui peut renaître, un jour, fruit de ma liberté.
Alors, je
me dis : « Paolo, qui aura le dernier mot ? Les murs ou les
fleurs ? Les murs ou l’enfant ? Les murs ou le soleil ? Les murs
ou le Dieu dont tu m’as parlé ? Dis Paolo, qui aura le dernier mot ?
Bonsoir
Père Éric, et peut-être à bientôt.
Paolo
Christiane
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Très chère mère,
Van Gogh |
Aujourd’hui, c’est un jour heureux. Les
autorités ont donné leur accord. Je peux enfin comme quelques autres, écrire à
ma famille. Cela ne nous était pas arrivé depuis des mois. Un gardien nous
a octroyé une seule feuille de papier car
ici tout est rationné, surtout le papier et les crayons qu’ils considèrent
comme un moyen subversif. Il a promis de vous envoyer ces lettres et j’ose
espérer qu’ils le feront. Quand tu la recevras,
je serai peut-être encore là, au milieu de nulle part, ou ailleurs ou parti à
jamais mais tu sauras combien ton fils te chérit et te remercie de toutes les
valeurs que tu lui as inculquées. Mère, je t’aime tellement que, malgré ton
absence, tu m’es une aide si précieuse. Ici, il faut beaucoup de courage pour résister
à la grisaille du temps et des murs. Et bien souvent, tu m’en as montré
l’exemple, dans ces rudes journées de travail que tu as effectuées pour que je
grandisse et que je reçoive l’instruction que tu n’as jamais eue. Mais tu m’as
appris la notion de l’effort et à ne jamais renoncer. Ton image me soutient
chaque jour et je dialogue avec toi en silence, car, ici le silence est de
rigueur et il nous oppresse souvent. En effet, il est interdit de parler sauf
pendant la petite demi-heure de promenade où nous tournons dans la cour, les
uns derrière les autres. Cette-mini récréation est-elle journalière ? Je
n’arrive parfois plus à m’en rendre compte car ils la suppriment fréquemment
pour un motif inconnu. Aussi, pour lutter contre ce silence si profond, nous
nous essayons à siffler doucement comme dans un murmure ou à imiter le chant
des quelques rares oiseaux qui vivent dans ces contrées perdues et que nous ne
voyons jamais.
Mère chérie, ne perds pas courage ! Moi, je garde l’espoir de te revoir un jour. Et pour pouvoir te retrouver et ne pas perdre la raison, je m’ingénie à trouver une occupation qui m’oblige à penser, à réfléchir. J’observe les murs de ma cellule, devenus bien malgré moi, les seuls compagnons de mon infortune. J’en note dans ma tête, chaque égratignure, chaque blessure que l’humidité leur inflige. Je me rappelle combien tu nous disais qu’il était important d’apprendre, que le savoir pouvait être un sauveur et tu nous demandais de te réciter des pages entières. Cela m’est bien utile maintenant où, hors du temps et de l’espace, nous vivons sans presque voir personne, parfois pas même un geôlier. Il nous passe le repas quotidien à travers une petite trappe qui ne laisse apercevoir aucun visage. C’est pourquoi je m’astreins à me réciter de mémoire, tant de passages de romans, de poèmes que j’avais peine à retenir dans mon enfance. Combien je te suis redevable de cette beauté que tu m’as donnée. Elle me permet de me sentir vivant et à la fois, de m’échapper de la réalité en embellissant mes journées ou mes nuits dans la demi-obscurité de ma cellule. Le temps est monotone et rien ne vient différencier les jours et les mois qui passent au point que nous en perdons la notion. Nous essayons de nous en souvenir. Parfois, nous l’évoquons à la promenade mais nous sommes rarement d’accord. Le doute qui nous envahit alors «Quel mois ? Quel jour ?» nous décourage. Mais je continue mon calendrier mental car je sens, je sais que pour moi, garder la raison est la clé de ma survie. Ne pleure pas, mère chérie, en lisant cette lettre. Tu as toujours été vaillante et tu dois le demeurer. Ton souvenir de femme forte me fait tenir debout dans cette lourde adversité et, dans mes moments de découragement, je rêve du jour où je te retrouverai. Alors, je me relève car rien ni personne ne peut m’empêcher de penser à toi et à ce jour béni qui scellera nos retrouvailles. Sois confiante, comme moi je le suis, même si le doute veut s’insinuer.
Mère chérie, ne perds pas courage ! Moi, je garde l’espoir de te revoir un jour. Et pour pouvoir te retrouver et ne pas perdre la raison, je m’ingénie à trouver une occupation qui m’oblige à penser, à réfléchir. J’observe les murs de ma cellule, devenus bien malgré moi, les seuls compagnons de mon infortune. J’en note dans ma tête, chaque égratignure, chaque blessure que l’humidité leur inflige. Je me rappelle combien tu nous disais qu’il était important d’apprendre, que le savoir pouvait être un sauveur et tu nous demandais de te réciter des pages entières. Cela m’est bien utile maintenant où, hors du temps et de l’espace, nous vivons sans presque voir personne, parfois pas même un geôlier. Il nous passe le repas quotidien à travers une petite trappe qui ne laisse apercevoir aucun visage. C’est pourquoi je m’astreins à me réciter de mémoire, tant de passages de romans, de poèmes que j’avais peine à retenir dans mon enfance. Combien je te suis redevable de cette beauté que tu m’as donnée. Elle me permet de me sentir vivant et à la fois, de m’échapper de la réalité en embellissant mes journées ou mes nuits dans la demi-obscurité de ma cellule. Le temps est monotone et rien ne vient différencier les jours et les mois qui passent au point que nous en perdons la notion. Nous essayons de nous en souvenir. Parfois, nous l’évoquons à la promenade mais nous sommes rarement d’accord. Le doute qui nous envahit alors «Quel mois ? Quel jour ?» nous décourage. Mais je continue mon calendrier mental car je sens, je sais que pour moi, garder la raison est la clé de ma survie. Ne pleure pas, mère chérie, en lisant cette lettre. Tu as toujours été vaillante et tu dois le demeurer. Ton souvenir de femme forte me fait tenir debout dans cette lourde adversité et, dans mes moments de découragement, je rêve du jour où je te retrouverai. Alors, je me relève car rien ni personne ne peut m’empêcher de penser à toi et à ce jour béni qui scellera nos retrouvailles. Sois confiante, comme moi je le suis, même si le doute veut s’insinuer.
L’amour filial que je te porte et qui
n’est que juste retour de ton propre amour, est aussi inébranlable qu’un roc.
C’est pourquoi je me dois de tenir quelque soient les conditions de cet
enfermement interminable. Il prendra bien fin un jour et je te serrerai dans
mes bras comme je le fais aujourd’hui.
Ton fils qui t’adore et te révère.
Luis
Marie-Thérèse
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Jean-Louis,
Te rappelles-tu que tu avais un bon
copain ? Je ne sais plus depuis combien de temps je suis ici, dans cette
cage, mais je sais que ce n’est pas fini.
Nous formions une superbe équipe tous les
deux. Puis la grosse bêtise ! Besoin d’un casse-croûte, on entre dans
cette épicerie et au lieu de demander à ce vieux monsieur un peu à manger, on
lui a carrément demandé la caisse en le menaçant de ce jouet en forme de
pistolet. Lui aussi en avait un, mais un vrai. Il nous a menacés, on a eu peur,
on l’a bousculé et on a filé sans oublier de piquer l’argent. C’était l’époque
des petits boulots, des petites misères, mais on marchait la main dans la main.
Tu t’en souviens je pense, j’ai jeté un coup d’œil en arrière : l’homme
baignait dans une mare de sang. Heureusement, il faisait nuit. Je cours, tu
cours, pour aller plus vite tu me fais tomber. La suite : les flics
m’attrapent, mais ça tu le sais.
Et toi qui a filé si vite, jusqu’où es-tu
allé ?
Es-tu marié, as-tu des enfants ?
Penses-tu quelquefois à moi ? Moi, oui, mais il est vrai que j’ai tout mon
temps. Je peux même faire des projets pour après.
J’ai perdu un ami, causé la mort d’un
homme, et cela juste pour un bout de pain.
Au fait, combien il y avait-il dans la
caisse ? En as-tu bien profité ?
Raconte-moi. Je suis à la prison de
Rochefort. Je ne te donne pas mon adresse, tu dois la connaître. Si tu es
toujours mon ami, écris-moi.
Jean-Paul
Monique
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Mains le long du corps
Au garde-à-vous
Combien de coups bas et de coups
D'injures et de fouille au corps
Au garde-à-vous
Combien de coups bas et de coups
D'injures et de fouille au corps
Ont mis Nono, à genoux !
L'arcade sourcilière ensanglantée,
L'arcade sourcilière ensanglantée,
Le pantalon à terre,
Dans
cette prison, désormais, sa nouvelle tanière,
Dans cette cellule, il erre…
Il inspecte les murs imbibés d'humidité,
Les rats et les souris, comme voisinage,
Rôdent et traînent dans son sillage,
Apprendra-t-il le langage des rongeurs,
Pour oublier un instant, ces malheurs ?
La folie le guette, les bruits l'assaillent,
À chaque son, il tressaille :
Tumulte de pas ininterrompus
De l'homme vivant au-dessus...
À chaque son, il tressaille :
Tumulte de pas ininterrompus
De l'homme vivant au-dessus...
Rythment ses nuits et ces jours,
Martèlent ses tympans, il n'en peux plus !
Clefs tournant dans les charnières des verrous,
Derrière les portes, on enferme les voyous !
Hurlement de détresse, de rage, immense courroux,
Martèlent ses tympans, il n'en peux plus !
Clefs tournant dans les charnières des verrous,
Derrière les portes, on enferme les voyous !
Hurlement de détresse, de rage, immense courroux,
C'est la guerre entre prisonniers :
agressions,
Bousculades, violences, mutineries et oppositions !
Bousculades, violences, mutineries et oppositions !
Triste bilan : dégradations,
déprédations
La prison maison de correction ?
État de lieux : consternation
Dans ces cellules surpeuplées...
Dans ces cellules surpeuplées...
Peut-on parler d'éducation ?
Comme des animaux pris au piège,
Les prisonniers sont de vraies panthères
Les visages déformés par la colère
Apparaissent dans un halo !
Quand les gardiens s'approchent du judas
La haine s'accroche aux semelles
Ce sont les gardiens qui veillent !
Dans les cerveaux, une bête sommeille !
Incompréhension et manque de communication,
Être gardien est une vrai vocation !
Ce sont les gardiens qui veillent !
Dans les cerveaux, une bête sommeille !
Incompréhension et manque de communication,
Être gardien est une vrai vocation !
Échange de bons procédés et trocs,
Vente de produits illicites, à chacun sa
"dope"
Pour se payer sa dose, Il faut de la
tune
Règlement de compte aux payeurs
d'infortune !
Les dealers leaders mènent la danse
L'argent et la "came"
circulent...quoiqu'on pense !
Pour les caïds sous les verrous :
Belle récompense !
Dans la cours de l'enceinte de la
prison,
Tous les jours, on prend des leçons...
Qui a volé une pomme dans une grande surface,
De faire un hold-up, un jour c'est le
clash !
Petit "loulou" de banlieue
prendra du galon...
Deviendra un "bonhomme" à sa
sortie de prison !
Quelle que soit sa peine, dans le milieu
: considération !
Claudine
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Cher Maître,
Je vous remercie d’avoir bien voulu
assumer ma défense. Evidemment, vu les circonstances, vous ne pouvez plaider
« non coupable ». Il vous faudra donc vous rabattre sur les
circonstances atténuantes, en vous inspirant des considérations personnelles et
familiales que je vous présente ci-dessous en remontant dans le temps :
J’ai un grand-père qui a combattu sous le
drapeau tricolore dans un régiment muletier de goums marocains. Cette unité
s’est illustrée en Italie, au début de l’année 1944, en franchissant les crêtes
des Apennins – grâce à ses mulets – afin de contourner et prendre à revers les
défenses ennemies cintrées sur le Monte Cassino, permettant ainsi d’ouvrir la
route de Rome aux divisions blindées alliées qui purent foncer sans rencontrer
d’opposition tant soit peu efficace.
Lors de la dislocation des goums dans les
années 1950, mon grand-père vint avec les siens s’installer en France, dans le
Midi, où il trouva des emplois dans l’agriculture.
Je passe – n’ayant rien d’utile à
signaler – sur la génération suivante, celle de mon père, pour en arriver à mon
enfance quand j’ai eu, pour la première fois, maille à partir avec la justice.
Au cours d’une opération de la police anti-drogue, j’ai été appréhendé dans la
rue alors que j’assumais la fonction de « chouf » (guetteur en
argot). Présenté à un juge pour enfants, j’ai écouté sans broncher son
prêchi-prêcha : aller dans une école technique, acquérir un métier qui me
permettrait de fonder une famille, etc. Je lui ai rétorqué sur-le-champ que
c’était moi qui, pour l’heure, faisais vivre la famille, à défaut de mon père.
En réalité, j’exagérais mon apport au budget familial. Il reste que j’y
contribuais dès mon plus jeune âge. Peut-être ai-je ainsi permis à ma jeune
sœur de faire une brillante scolarité couronnée de certificats et de diplômes
qui décorent les murs de sa chambre.
Enfin, pour ce qui est de moi, je suis à
présent pleinement conscient d’avoir fait fausse route et suis résolu à
suivre dorénavant le droit chemin. Une éventuelle condamnation –pas trop lourde
– avec sursis me permettrait de m’y adonner.
Je compte, cher Maître, sur votre
talentueuse intervention au tribunal et reste à votre disposition pour y
contribuer.
Emmanuel
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Lettre
d’un prisonnier à la mère de son ex-fiancée
Madame,
Je viens
vous dire ma souffrance, qui pensez-vous n’est rien à côté de la vôtre, et vous
auriez plaisir à me voir monter sur l’échafaud.
Je veux
que vous sachiez que c’était un accident.
Tout s’est
passé très vite. J’étais venu à votre logis pour demander la main de votre
fille à votre époux, remplis de bons sentiments à son égard.
Nous nous
aimions avec Claire depuis plus d’un an et elle était d’accord pour concrétiser
notre amour.
À ma
demande, votre mari est devenu furieux. Dès mes premières paroles, il s’est mis
à hurler comme un fou car il avait e projet d’un beau mariage pour sa fille
afin qu’elle vive dans le luxe comme elle avait toujours vécue. Ma famille il
est vrai n’a pas de bien mais nous vivons décemment de notre travail. Claire
était heureuse avec moi et elle mettait les sentiments avant la richesse
matérielle.
Son père
m’a attrapé par la veste, m’a secoué, me poussant vers la porte, levant la main
en m’insultant. Cette violence injustifiée m’a fait réagir. Je le repoussais
brusquement, il bascula en arrière et sa tête heurta le coin d’un meuble. Il
est mort sur le coup.
Me voici
à 20 ans mis au rang des assassins. Ma vie a basculé en quelques secondes. Je
ne dors plus. Votre fille hante chacune de mes secondes. Je regrette ce drame
mais n’y peux rien changer. Claire ne veut plus m’écouter, les lettres que je
lui envoie me reviennent. Heureusement mes parents et mes amis me soutiennent.
Mon avocat plaidera la légitime défense. Claire voudra-t-elle un jour
m’écouter ? Notre histoire est-elle finie à jamais ?
Vous qui
êtes sa mère, parlez-lui, je vous en prie. Vous avez perdu l’amour de votre
vie, voyez vous êtes vengée, j’ai perdu le mien.
Je vous
remercie de lire cette lettre jusqu’au bout. Ne me laissez pas mourir d’amour
au fond de ma prison, avec tout le respect que je vous dois.
Loïc
Mireille
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Chère Clotilde,
C’est vrai, j’ai fait une grosse bêtise,
et j’ai écopé de deux ans de prison. Viendras-tu me voir ? Maman m’en veut
beaucoup et peut-être que toi aussi. Mais si je te dis que c’est par fidélité à
un ami que je me suis mis dans cette situation me croiras-tu ? Tu te
souviens du petit groupe que nous formions, et des bêtises que nous avons
faites ensemble au détriment de voisins irascibles qui nous poursuivaient de
leurs cris, et nous riions beaucoup. Le leader, celui qui inventait les farces,
c’était Serge, et je l’admirais pour cela. Jamais à court d’idées. Alors
dernièrement, il a monté une opération à mon goût un peu risquée mais persuasif
comme il était, je n’ai pas su lui résister et me suis engagé à le suivre.
Maman me disait bien que Serge l’inquiétait et que je devais prendre mes
distances avec lui, mais je n’ai rien voulu entendre. Peut-être que toi tu
m’aurais empêché d’entrer dans la combine qui me vaut ces deux ans de prison.
Cloclo, ma petite sœur, dis à maman que
je suis malheureux et honteux de ce que j’ai fait et que je lui demande pardon
car pour le moment, elle ne veut pas me parler.
Je sais que je l’ai mérité mais c’est dur
la prison. Je partage la cellule d’un garçon de mon âge, mais un type mal
embouché qui ne pense que vengeance, un vrai voyou qui me fait un peu peur.
J’ai demandé par l’intermédiaire de mon avocat une libération conditionnelle,
ce qui ne réjouit pas maman car elle
estime que je dois payer pour ce que j’ai fait, mais s’il-te-plaît insiste
auprès d’elle pour qu’elle appuie ma demande. Je suis sûr que ce sera bénéfique
pour tout le monde et je promets de ne jamais recommencer. J’ai compris la
leçon
Ma petite Cloclo, penses à moi. Je
t’embrasse très fort.
Colette
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Je vais essayer de vous raconter une histoire
vécue : celle de « l’homme debout », jeune-homme se retrouvant le jour de ses 17
ans en prison pour homicide. Il y restera
17 ans à purger sa peine. Cet homme a muri, réfléchi et il nous raconte
son expérience personnelle carcérale maintenant qu’il s’en est
« sorti ». Cet homme, qui joue son propre personnage et dont je tairai le nom pour des raisons
d’éthique et de confidentialité, nous a
offert courageusement un spectacle sur
scène de toute beauté et je vais essayer de vous en retracer les moments les
plus poignants et les plus intenses. Il
m’est apparu dans le noir, personnage recroquevillé au centre de la scène, apparaissant sous les
»les spots » comme « surpris « dans le faisceau irradiant
des miradors ! Il s’agit de « l’homme debout », qui le
restera je l’espère tant que sa volonté
de nous faire partager ses
souvenirs le maintiendront en vie. Il essaye « d’expier » ses
vieux fantômes en cherchant à aider jour après jour les jeunes qui comme lui se
sont écartés du droit chemin, en leur parlant sois en direct à l’occasion de
débats suite à son spectacle, ou encore en allant vers eux et en les
rencontrant dans les collèges et lycées et surtout centres spécialisés pour les jeunes en
difficultés.
Une enfance violente.
La peur au ventre, les mains le long du corps, au
garde-à-vous, tremblant, prêt à recevoir une volée de coups...Les coups ! Il
connaît ça, depuis l'enfance, d'ailleurs il se creuse la cervelle et dans
ses souvenirs les plus lointains, il ne connaît que ça ! Et les cris
aussi, les injures, les reproches, les coups-bas et encore une pluie
de coups ! La violence, il a toujours connu, il a grandi avec, il en a presque
l'habitude, il subissait jusqu'à l'adolescence : Période fatidique où la
montée de l'adrénaline et de la testostérone changent et transforment le plus
doux des agneaux en bête aveuglée de vengeance contre cette société qu'il
exècre et qui ne lui a rien apporté de bon ! La rancune est mauvaise
conseillère et le pousse vers des extrêmes et il entend rendre coup pour coup,
ces coups qu'il a reçus et intégrés comme étant la normalité des choses.
Mais là, aujourd’hui dilemme,
il ne peut pas rendre : il s'agit de la force publique qui représente la loi
! Il doit subir les mauvais traitements, les sévices et les maltraitances
! Ce jeune s'est mis dans un mauvais coup et se retrouve à genoux : la
tête enfouie dans ses bras, la honte le submergeant et le rouge aux
joues. Sa dignité, son sens personnel des valeurs viennent d'être mis sérieusement
à terre !
Encore une fois, six à dix fois par jour sans ménagement : La fouille au corps, rien de plus dégradant et désobligeant ! Le pantalon à terre, l'impression d'avoir été violé, il se soumet à la palpation et aux regards suspicieux et scrutateurs de ces représentants de la loi qui font leur métier et pour certains n'hésitent pas à faire du zèle ! L'examen terminé, il rampe maintenant dans un coin de sa mini-cellule, juste le temps de faire deux, trois pas en large et en travers pour accéder au lit, puis aux toilettes qui en ont juste le nom se résumant à un lavabo et des tinettes. Rien de bien luxueux, jusque de quoi être nauséeux pour le restant de ses jours ! Dans cette position ni debout, ni couché, ni assis, au dessus des tinettes, il observe ainsi les murs lépreux, cette humidité qui suinte et dégouline des murs, le glace, l'habite, et le mine. Il suit du regard le revêtement qui gondole, qui transpire comme lui toute ces nuits passées à regarder le plafond, dans cette pénombre quasi permanente, privé de la lumière du jour, de ce soleil réconfortant et chaleureux !
Encore une fois, six à dix fois par jour sans ménagement : La fouille au corps, rien de plus dégradant et désobligeant ! Le pantalon à terre, l'impression d'avoir été violé, il se soumet à la palpation et aux regards suspicieux et scrutateurs de ces représentants de la loi qui font leur métier et pour certains n'hésitent pas à faire du zèle ! L'examen terminé, il rampe maintenant dans un coin de sa mini-cellule, juste le temps de faire deux, trois pas en large et en travers pour accéder au lit, puis aux toilettes qui en ont juste le nom se résumant à un lavabo et des tinettes. Rien de bien luxueux, jusque de quoi être nauséeux pour le restant de ses jours ! Dans cette position ni debout, ni couché, ni assis, au dessus des tinettes, il observe ainsi les murs lépreux, cette humidité qui suinte et dégouline des murs, le glace, l'habite, et le mine. Il suit du regard le revêtement qui gondole, qui transpire comme lui toute ces nuits passées à regarder le plafond, dans cette pénombre quasi permanente, privé de la lumière du jour, de ce soleil réconfortant et chaleureux !
Découverte de son environnement.
Un frémissement, un frôlement, le bruit des ongles griffant le sol : surgit une forme allongée et grise comme sa vie qui file sous son lit ! Quelque temps plus tard, deux yeux rouges le dévisagent, bientôt deux autres les rejoignent... Ils s'éloignent, rasant les murs, tout en lui faisant face, prenant la gamelle traînant à terre comme cible et la bousculant rudement à grands coups de dents ! Etre obligé de partager sa pauvre pitance avec les rongeurs est un sacré dilemme quand on est doté d'un appétit et d’un caractère de fauve en cage ! Resterait l'éventualité de s'en faire des amis pour lutter contre la solitude qui le ronge aussi bien que pourraient le faire les dents de ces derniers ! Apprendra-t-il le langage de "Ratatouille" pour lutter contre la folie qui le guette, qui l'assaille et l'envahit un peu plus chaque jour, qui hante ses nuits et le réveille ruisselant, les yeux exorbités, la bouche sèche et le corps secoué de sanglots et de frissons dans cette ambiance moite aux odeurs doucereuses de moisi !
Un frémissement, un frôlement, le bruit des ongles griffant le sol : surgit une forme allongée et grise comme sa vie qui file sous son lit ! Quelque temps plus tard, deux yeux rouges le dévisagent, bientôt deux autres les rejoignent... Ils s'éloignent, rasant les murs, tout en lui faisant face, prenant la gamelle traînant à terre comme cible et la bousculant rudement à grands coups de dents ! Etre obligé de partager sa pauvre pitance avec les rongeurs est un sacré dilemme quand on est doté d'un appétit et d’un caractère de fauve en cage ! Resterait l'éventualité de s'en faire des amis pour lutter contre la solitude qui le ronge aussi bien que pourraient le faire les dents de ces derniers ! Apprendra-t-il le langage de "Ratatouille" pour lutter contre la folie qui le guette, qui l'assaille et l'envahit un peu plus chaque jour, qui hante ses nuits et le réveille ruisselant, les yeux exorbités, la bouche sèche et le corps secoué de sanglots et de frissons dans cette ambiance moite aux odeurs doucereuses de moisi !
Trouvera-t-il un réconfort auprès de ces rongeurs que
l'on dit intelligents et capables eux de donner de l'amour ? Peut-être
plus que les humains, dans cette prison déshumanisée où le contact avec ses
semblables est pratiquement impossible et impensable dans l'esprit des
"matons" au regard du règlement de l'administration. Il ne reste que
cette méthode utilisée depuis des lustres pendant la guerre : le morse. Ici, il
s'agit de taper contre les tuyauteries, d'établir un code et même de jouer et de
communiquer en différé et en polyphonie avec d'autres prisonniers
situés à proximité, voire à d'autres niveaux dans le bâtiment !
Le bruit.
Problème de tous les instants ! Aussi imposantes que
soient les grilles, elles laissent passer gémissements, soupirs, cris
d'angoisse, hurlements d'impuissance, de détresse, d'attente et d'espoirs
déçus, de rage et de désespérance ! Mais aussi et surtout ces cris inhumains de
tous ces êtres privés de leurs drogues, de leurs addictions, qui entraînent
démences, folies transitoires ou définitives !
Il en existe toutes sortes de bruit, d'intensité et de
nature diverses la nuit comme le jour : Il ne trouve plus le repos !
Isolé de tous, mais au centre de tout !
Il perçoit et reconnaît le moindre son : Celui de la gamelle que l'on
jette à terre à travers une trappe au bout d'une pelle, celui des pas de ses
geôliers s'éloignant furtivement ou à pas lourds derrière cette porte. Il
imagine ce couloir qui lui est interdit!
Il entend le cliquetis des jeux de clés, au diapason
clair et sonnant qui verrouillent bruyamment les lourdes portes d'acier-
inoxydable.
Sa vie, ce sont les bruits environnants, ceux qui
lui sont proches au quotidien. Chaque bruit est unique reconnu et
intensifié: celui de la chasse d'eau, les pas incessants de l'ours en cage
situé au dessus, qui parcourt les quelques mètres carrés, de jour comme de nuit
sans jamais s'arrêter ! Les pieds se posent sur le sol et leur
martellement sourd résonne, passe à travers le béton armé et rythme ses
jours et ses nuits irrémédiablement. Il sent ses tympans vibrer et son cerveau
éclater !
L’heure de la réflexion.
Il se bouche les oreilles, mais intense et insidieux, comme
les cloches de Notre Dame, ce bruit s'insinue en lui comme un vampire qui lui
sucerait le sang ! Il se couvre les yeux et les oreilles, il enfouit son
visage dans ses mains, il pleure à chaudes larmes, il gémit, de gros
sanglots le secouent comme des bourrasques de vent : le vent du "plat
pays" de Jacques Brel quand il parle de sa Belgique natale !
Celle qui l'a vu naître, mais maintenant qui l'oublie ! C'est peut-être
ici, derrière ces murs gris, qu'il finira sa vie ! Mais n'oublions pas :
"Il se dit innocent !". "Je n'ai rien fait ! » ne
cesse-t-il de répéter...Mais chacun sait que les prisons regorgent de
prisonniers qui n'ont rien fait, surtout dans les quartiers de haute sécurité
!!!
Ici, se trouvent des pensionnaires condamnés à
de lourdes peines ou ayant commis des actes de rébellion suffisamment
importants pour nécessiter d'être enfermés dans ces quartiers dits de la
"mort lente" ! Privés de contact, de visites, de téléphones, de
relations directes avec autrui, de communication, d'amour, de mots, de
présence, de lumière, de liberté de penser et d’exister : de liberté tout
court ! Condamnés à attendre dans un silence relatif que leur perpétuité
soit communiée en peine plus légère. Ils attendent jours après jour, le verdict
! Ils espèrent que leur avocat les reçoive ne serait-ce que cinq
minutes pour leur annoncer une bonne nouvelle, mais le plus souvent, rien
ne se passe ! Repasser en procès, en conditionnel peut durer UNE
VIE ! Exilés du temps qui passe, ils se détachent chaque jour un peu plus
de la vie à l'extérieur ! Leur esprit n'est ni dans, ni hors des murs et des
enceintes, il est hors du temps qui passe. Ils sont enfermés dans leurs propres
tourments, leurs propres rêves, dans leurs problèmes complexes, dans leur folie
et leur désir fou de recouvrir avant tout la liberté.
En prison dans leur cerveau !
Une seule volonté : Oublier leur vie tout court, leurs
délits ! Oublier tout. Tirer un trait, recommencer autre chose dans une
autre vie, mais quoi et où ?
Il faut déjà qu'ils fassent face à leurs manquements.
Il en a déjà fait plusieurs des établissements
pénitentiaires et compte-tenu de son fort caractère belliqueux, il n'a pas su
se mettre au vert et obtenir de bonnes notes, ni de faveurs ! Suite à un acte
répréhensible par la loi : tuer un de ses représentants, sa vie
a basculé à 17 ans. Aussi courte que soit la durée de l'acte, son
impact restera malheureusement dans le corps de la victime, gravé dans les
mémoires et dans son casier à jamais ! Il se souviendra maintenant toute
sa vie ou effacera de sa mémoire à jamais cette belle soirée de mai :
le jour de son anniversaire !
Les manques.
Ca fait bientôt six mois, qu'il erre ainsi sans
repère, perdu, dans ce local pourri, sans comprendre pourquoi et comment il en
est arrivé là ! Alors jeune homme adolescent, il s'est laissé entraîner en
bonne compagnie ma foi, sur les chemins de l'illégalité et de la débauche !
Il débordait de vitalité, de plus doté d'un beau
physique, il plaisait à ces demoiselles, et fier de ses attributs, il en
profitait allègrement et paradait au milieu de sa basse-cour ! Mais
que reste-t-il maintenant de toutes ses conquêtes ? Celles qui l'aimaient,
celles à qui il était le plus attaché, une d'entre elles lui a nettement fait
savoir qu'elle avait honte de lui et ne voulait plus en entendre
parler ! Il pense à sa mère et ses
sœurs qui refusent obstinément de venir le voir : "Maman ! Où es-tu ? Que
fais-tu ? J'ai tant besoin de toi !"
Il ne comprend pas ! Il n'accepte pas, il se révolte,
il est puni ! Il atterrit ici ! Il souffre, il trouve ça injuste, il est en
manque d'amour !
La sortie.
Oublier le passé, leur vie de "taulard",
devenir un "bonhomme", un homme respecté qui a retrouvé sa dignité,
sa fierté et son désir de continuer de vivre n'est pas évident quand on a vécu
presque 20 années en captivité. On n’en sort pas indemne ! On est marqué, avec
des tics et des tocs, souvent des accoutumances, voire des addictions
accompagnées de peurs, d'angoisses et surtout de profondes plaies à
l'âme ! On n'oublie pas le passé, on peut même tenter d'attenter à sa vie!
On met de coté ses difficultés de vie et on
vit avec. On se reconstruit mais avec une épée de Damoclès au dessus de la tête
!
Il faut trouver un employeur qui soit d'accord pour
vous former, vous offrir un emploi et vous faire confiance. On appelle ça : la réinsertion
!
Il en en faut du soutien, de la confiance en soi
pour combattre ses fantômes et ses fantasmes afin de se restructurer, reprendre
confiance en soi ! Il faut se reconstruire affectivement, moralement,
socialement ! C'est une lutte de tous les jours !
Mais son fort caractère ne le desservira pas cette
fois-ci, car tout au long de ses années de prison, du fond de son lit, il
écoutera les émissions de Macha Béranger, de Pierre Bellemare et de cette présentatrice
de musique classique qui lui permettront de s'intéresser et d'intégrer une
certaine culture-éducation dans son morne quotidien. Il affinera ses
connaissances et finira par passer son brevet, puis le bac, enfin le BAFA et
une licence de lettres au sein même de ce monde carcéral !
Sa raison de vivre.
Il va se présenter dans des écoles, faire des
conférences à titre d'informations préventives, afin d'amener les jeunes et les
moins jeunes à se questionner et à se conduire en acteurs à part entière,
responsables de leurs actes et de la portée de leurs paroles dans la vie
quotidienne. Il conduit ainsi en parallèle son métier d'éducateur spécialisé
auprès des jeunes en difficultés et une formation d'acteur amateur sur une
scène de théâtre et mime tout en racontant son expérience "d'ancien tôlard
réinséré dans la société" ! A chacun sa façon de vaincre ses démons !
Bonne chance M. l'homme debout !
Claudine
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