Matin au Cap Cod - Edward Hopper, 1950 |
Une brise
légère incline les herbes jaunies et les arbres commencent aussi à se
décolorer. Un ciel plutôt pâle et quelque peu nuageux éclaire de ses faibles
rayons ce paysage d’une banalité désolante, sans empreinte personnelle de ses
propriétaires.
Dans ce
décor insignifiant, le seul temps fort est cette dame, derrière sa fenêtre.
Elle semble très intéressée par ce qu’elle voit au loin et c’est le moment où
Edward Hopper nous laisse improviser…
Pour ma
part, dans ce paysage qui me paraît si banal et démoralisant, en ce début
d’automne, j’aime à imaginer une joyeuse scène de petits lapins qui jouent et
sautillent en se poursuivant dans la fraîcheur du matin. Et vous ?
Gabrielle
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Cette
femme a cru entendre le bruit d’une voiture dans le lointain. Elle se hisse à
genoux sur le fauteuil de velours bleu mais, rien aux alentours. Seuls les
arbres qui dansent en agitant comme des marionnettes leurs longs bras touffus,
animés par le vent du mois d’août. Les hautes herbes à perte de vue se penchent
à droite, à gauche, en avant, en arrière, ondulant gracieusement en un rythme
saccadé. Ce doit être ça « L’herbe folle ».
Elle
écoute une chanson de la chanteuse Barbara. Le texte correspond à ses états
d’âme, elle reprend les paroles. « Quand reviendras-tu ? Ce n’est pas
aujourd’hui, voilà combien de jours, voilà combien de nuits ? Tu m’as dit
cette fois c’est le dernier voyage, pour nos cœurs déchirés c’est le dernier
naufrage ».
Mais les mots, les années passent, reviendra-t-il un
jour ? Le froid l’envahit tout à coup, comme elle aimerait qu’il soit près
d’elle l’entourant de ses bras, se réchauffant à sa chaleur retrouvée.
Du
bout de sa désespérance, une petite voix lui susurre à l’oreille : un beau
matin de septembre, il retrouvera le chemin de son cœur. Quel instant
magique ce sera ! Le regarder sans rien dire et revivre cette passion
qu’elle croyait à jamais perdue.
Mais
à quoi bon se retrouver pour mieux se perdre ensuite, revivre le calvaire de
l’attente qui n’en finit pas, en chantant : « Quand
reviendras-tu ? »
Ce
texte a été écrit le jour de l’anniversaire de la mort de Barbara, en hommage à
cette grande dame de la chanson.
Mireille
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Tel un
guetteur en haut d’un phare, cette femme blonde est toute tendue vers l’horizon
qu’elle scrute en vain. Qu’attend-elle ? Un père, une mère, un enfant, un
mari ? Non, elle attend celui qu’elle aime, parti depuis longtemps et dont
elle n’a jamais eu de nouvelles. Ignorant totalement où il peut se trouver, son
esprit vagabonde et elle est insensible à la nature qui vit et renaît autour
d’elle.
Dans l’instant
où la terre des frimas de l’hiver se libère pour enfanter le blé à l’automne
semé ; dans l’instant où la fleur jaillit dans la douceur sous la tendre
rosée, dans l’aube renouvelée, tu ne vois rien et tu te dis : Quel temps
fait-il à Varsovie, quel temps fait-il à Varsovie, si tu y es ?
Dans
l’instant où renaît dans les bois, les prés, et la faune et la flore pour
habiter l’aurore ; dans l’instant où l’enfant s’égaye dans le vent, son
rire qui s’envole, courant dans l’herbe folle, tu interroges l’horizon :
Quel temps fait-il à Santiago, quel temps fait-il à Santiago, si tu y es ?
Dans
l’instant où l’oiseau nous joue de son pipeau les premières mesures d’un mai
qu’il inaugure ; dans l’instant où le chêne sent monter dans ses veines la
sève qui s’active comme torrent d’eau vive, ton regard essaye de percer
l’infini : Quel temps fait-il à Istanbul, quel temps fait-il à Istanbul,
si tu y es ?
Si des
hommes grelottent, enchaînés dans la nuit, et si dessous la botte, la vie a
défailli, dans les forges clandestines, l’espoir est revenu et les cœurs
tambourinent. Un printemps se prépare, peut-être. Et demain, à l’horizon, je
t’apercevrai enfin.
Christiane
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D'un regard
fixe, tu scrutes l'horizon de tes yeux-caméra.
Sur un bureau, dans une loggia,
Tes mains reposent à plat.
Tu restes en attente, immobile et entièrement tournée,
Sur un bureau, dans une loggia,
Tes mains reposent à plat.
Tu restes en attente, immobile et entièrement tournée,
Vers ce
là-bas que l'on ne discerne pas, sous l'auvent,
Entre blés
dorés balayés par les vents.
D’immenses sapins
se balancent et leurs ombres chinoises gigantesques
Avancent et
tapissent le sol de leurs projections
pittoresques,
Impressionnantes et
fantastiques, facteur d'angoisse et de mystère.
Jouent avec
les êtres comme des figurants flatteurs, jouent avec tes nerfs...
Pauvre de
toi, jeune femme au superbe décolleté d'un rose-thé,
A
moitié-absente, absorbée, si concentrée,
Tes yeux
bleus-verts, se transforment en revolvers.
Tu l'attends
de pied ferme, dans ta cage de verre,
Cet homme,
ton mari,
Qui ce matin
t'a fuie !
Et ton
honneur a bafoué…
Une ultime
colère, une revendication,
Un besoin
d'évasion !
Maintenant,
tu éprouves de la rancœur...
Tu pensais le
connaître par cœur !
Tu aimerais
qu'il te revienne,
O quand les
ressentiments te tiennent...
Mais il tarde
et tu angoisses
Tu es
prostrée, tu as froid, tu es de glace.
Ton chignon
blond aux cheveux serrés sur ta nuque,
Tire ton
visage, d'un blanc impassible, dans un carcan de rigidité.
Tu apparais
sévère et livide, dans cette histoire tu penses être la tête de turc...
Tu attends,
tu attends, mais tu ne vois rien venir, tu veux garder l'espoir
Que dans un
instant, dans quelque temps, demain peut-être, qui peut savoir ?
A Pâques ou à
la Trinité, ton bel amour, ton cher et tendre, ta moitié, ton doux ami,
Reviendra se
lover dans tes bras un peu maladroits, un peu froids, mais peut-être soumis !?
L'amour s'écrit souvent sur des pages
blanches, que le vent maudit terni.
O, alors, il
faut se réjouir de voir ainsi réuni les amants désunis.
Cette
œuvre de Hopper
Pourrait
bien s’intituler :
Ève en
quête d’Adam.
Le cadre
idyllique
Accroît
la sensualité
Qui émane
du nu.
La jeune
femme penchée,
À l’abri
dans un oriel,
Semble
être aux aguets.
Viendra-t-il
ou pas ?
Si oui,
chaude sera l’étreinte,
Si non,
quelle tristesse !
Emmanuel
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Une exposition à Paris : Edward Hopper ! Je m’y
précipite avec mon amie Claire. Nous déambulons à travers les salles admirant
ses toiles très réalistes quand soudain, je reste figée devant le tableau
intitulé «Matin au Cap Cod ». Il me renvoie immédiatement une image gravée
dans ma mémoire et un film se déroule dans ma tête.
Je viens de France par bateau. A
New-York, une inconnue chargée de me
piloter, vient depuis trois jours, dans l’aéroport, assister à l’arrivée des
paquebots. Le mauvais temps de ce mois de février l’a fortement retardé. Enfin,
je débarque. Signe de ralliement :
« Le Canard Enchainé ». Le bras tendu, elle regarde défiler les
passagers qui se bousculent. Je l’aperçois dans la foule et agite mon foulard
rouge. Soulagée, elle me conduit rapidement à l’aérogare où je vais prendre un
de ces confortables bus de la compagnie Greyhound qui relie New-York à San
Francisco en trois jours et quatre nuits. Pour moi, ce sera plus court.
L’Indiana m’attend, Valparaiso, très exactement, chez Chantal, une amie de
collège.
Sachant ma très bonne connaissance de
l’anglais, l’inconnue me confie au chauffeur. En effet, je vais quand même
voyager toute une nuit et une journée entière avant d’arriver à destination. Il
ne s’agit pas de se perdre aux arrêts ou d’être oubliée dans un de ces petits cafés
où chacun se restaure un peu. Le temps de pause est limité ! Le chauffeur
me montre toujours ce délai, directement sur le cadran de ma montre que je
porte au poignet.
Enfin, Voilà Valparaiso. Le chauffeur me
fait signe de descendre et emporte ma valise qu’il pose à l’intérieur de la
salle. Il s’adresse à un homme assis à un bureau mais je ne comprends rien à ce
qu’ils se disent sauf « young french » et oui ! je suis bien une
jeune française, perdue dans ce pays inconnu mais par bonheur, ils veillent sur
moi ! Une fois seul, il téléphone et je suis là, debout, à côté de mon
bagage, abasourdie et un peu harassée après ce long voyage. A peine quelques
minutes s’écoulent-elles que déjà j’entends le bruit d’une voiture qui
s’arrête. Entre alors d’un pas alerte, un bel américain, grand, jeune, aux
cheveux coupés en brosse, vêtu d’un long manteau bleu marine. Il me fait penser
à un officier de marine. Il m’aperçoit
et de ses yeux, vifs, francs, d’un bleu profond, me lance un« Hello ! »
avec un regard rieur tout en empoignant ma valise. Je ne le connais pas pourtant
il ne me reste plus qu’à le suivre dans la voiture. J’attendais mon amie. C’est
sans doute son mari ! L’homme au bureau s’est remis au travail et n’a même
pas levé la tête.
Quelques miles et je découvre, à la sortie
de la ville, blotti dans une forêt de chênes et de bouleaux, un petit pavillon semblable à celui peint par
Hopper. Sa façade de planches blanches percée de deux grandes fenêtres, respire
la propreté. Ses lignes droites et rectilignes donnent l’impression de vie réglée comme celle des
marins en mer. Au centre, en avancée, se dresse, telle la proue d’un navire,
cette entrée si typique, de bois peinte
du vert de la forêt qui l’entoure. Sa verticalité tranchante, dégage un sentiment de solidité un peu
rustique. Ses larges panneaux vitrés permettent de voir au loin, sur le chemin.
Comme la femme de la toile, Chantal s’est-elle penchée pour voir si message lui serait apportée, elle qui m’attend
depuis trois jours déjà ! Elle a prévenu le chef de l’aérogare de mon
anglais déficient. Il est tard déjà. La nuit tombe et dans la demi-obscurité
qui nous entoure, je la vois, comme auréolée par la lumière de la lampe, guettant
la voiture qui crisse sur les graviers en freinant. Elle se précipite, sourit à
son mari tout en me serrant dans ses bras. « Viens, entre ! J’ai eu
si peur. Je me demandais si tu avais quitté la France. Je ne savais pas le nom
de ton paquebot ! J’ai failli téléphoner à tes parents ! Heureusement,
tu es là ».
Oui, là mais à l’exposition d’Edward
Hopper, mon amie Claire me tire par la manche. « Viens, continuons la
visite ! »
Marie-Thérèse
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