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Ma très chère épouse,
Comment vous portez-vous ma chère et tendre épouse et comment va notre Maxime, ce petit homme qui, du haut de ses deux ans bientôt, ne connait de son père que des photos jaunies sur papier sépia aux contours estompés.
Comment vous faire partager notre ordinaire et cette vie de camp où je suis seul au milieu de tous ces garçons si valeureux qui servent de chair à canon pour l'adversaire nous tenaillant.
Comment vous dire ô combien j'espère que cette permission qui tarde à venir comblera mes vœux de vous revoir vous ma mie et notre petit garçon. Dois-je encore vous rappeler que votre présence m'est indispensable et que votre douce sollicitude ainsi que vos paroles à travers vos tendres écrits guérissent tous mes maux ?
Puis-je ainsi vous conforter dans mes incertitudes afin de vous confirmer une date dûment déterminée et signée de mon état-major de sa plus belle signature ?
Ô douceur exquise, vous représentez tout pour moi et, loin de vous, je m'en excuse, mais l'impatience me ronge et je me languis de me retrouver près de vous, dans votre doux giron buvant vos paroles.
O ma douce, qu'importe le temps, même si la bataille fait rage, je ne survis que dans cette douce torpeur m'emportant loin de ces tranchés sordides, des rats et des parasites. Je ne vous cacherai pas que nous sommes en piteux état et que les vivres se font rares, ainsi je ne saurais que vous demander un ultime service, ne serait-ce que de me faire parvenir un morceau de savon, de la rosette de Lyon et une miche de ce pain au levain si bien travaillé par M. Gaillard, notre maître boulanger. Continue-t-il toujours de recevoir cette farine issue de blé et de sarrasin moulue si finement ?
Il me faut maintenant vous laisser avec regret et j'aimerais tant vous serrer dans mes bras dans un mois de temps. Je profite ainsi de la lever du courrier pour vous le faire parvenir le plus rapidement possible. Il faut maintenant que j'aide mes camarades n'ayant pas eu la chance d'avoir appris l’alphabet et de pouvoir écrire à leurs proches sans intermédiaire.
Comment vous portez-vous ma chère et tendre épouse et comment va notre Maxime, ce petit homme qui, du haut de ses deux ans bientôt, ne connait de son père que des photos jaunies sur papier sépia aux contours estompés.
Comment vous faire partager notre ordinaire et cette vie de camp où je suis seul au milieu de tous ces garçons si valeureux qui servent de chair à canon pour l'adversaire nous tenaillant.
Comment vous dire ô combien j'espère que cette permission qui tarde à venir comblera mes vœux de vous revoir vous ma mie et notre petit garçon. Dois-je encore vous rappeler que votre présence m'est indispensable et que votre douce sollicitude ainsi que vos paroles à travers vos tendres écrits guérissent tous mes maux ?
Puis-je ainsi vous conforter dans mes incertitudes afin de vous confirmer une date dûment déterminée et signée de mon état-major de sa plus belle signature ?
Ô douceur exquise, vous représentez tout pour moi et, loin de vous, je m'en excuse, mais l'impatience me ronge et je me languis de me retrouver près de vous, dans votre doux giron buvant vos paroles.
O ma douce, qu'importe le temps, même si la bataille fait rage, je ne survis que dans cette douce torpeur m'emportant loin de ces tranchés sordides, des rats et des parasites. Je ne vous cacherai pas que nous sommes en piteux état et que les vivres se font rares, ainsi je ne saurais que vous demander un ultime service, ne serait-ce que de me faire parvenir un morceau de savon, de la rosette de Lyon et une miche de ce pain au levain si bien travaillé par M. Gaillard, notre maître boulanger. Continue-t-il toujours de recevoir cette farine issue de blé et de sarrasin moulue si finement ?
Il me faut maintenant vous laisser avec regret et j'aimerais tant vous serrer dans mes bras dans un mois de temps. Je profite ainsi de la lever du courrier pour vous le faire parvenir le plus rapidement possible. Il faut maintenant que j'aide mes camarades n'ayant pas eu la chance d'avoir appris l’alphabet et de pouvoir écrire à leurs proches sans intermédiaire.
Veuillez croire en mon
dévouement aussi fort pour notre petite famille que mon amour pour la patrie
Votre tendre époux attentionné.
Claudine
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Ma chère
Louise,
« Avoir
la permission » de renouer pendant quelques jours avec sa vie d’avant… Je
ne peux
résister au désir de t’offrir la primeur de l’heureuse nouvelle… Non, tu ne rêves pas : après 18 mois de séparation, nous allons enfin nous retrouver. Cette fois c’est sûr, il ne devrait pas y avoir de suspension : les récents événements du printemps ajoutés à l’actuelle situation sur les fronts expliquent probablement cette pause.
résister au désir de t’offrir la primeur de l’heureuse nouvelle… Non, tu ne rêves pas : après 18 mois de séparation, nous allons enfin nous retrouver. Cette fois c’est sûr, il ne devrait pas y avoir de suspension : les récents événements du printemps ajoutés à l’actuelle situation sur les fronts expliquent probablement cette pause.
15 jours
loin de l’enfer… Je suis excité comme une puce… que faire en si peu de temps,
même si nous avons beaucoup d’idées et de projets ? Allons-nous nous
retrouver ? Et notre petite Mimi, du haut de ses trois ans, va-t-elle
adopter ce papa mystérieux qui lui envoyait de belles images malgré tout ?
Il y aura
aussi les visites aux parents et amis. Je suis certain que tu vas faire ce
qu’il faut pour que tout soit réussi, mais tant d’émotions devant ce bref
retour à la vie, résisterons-nous ?
Écris-moi
vite Louise, car je suis impatient de lire tes réactions et de te donner les
dernières précisions sur mon arrivée.
Ma
chérie, en remettant ma lettre au premier courrier en partance, je t’embrasse
déjà, ainsi que Mimi ! Pour de vrai… Tendrement.
Ton Jean
Françoise
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Ma chère
petite marraine de cœur (de guerre)
Il fait
presque nuit ! Et il pleut à verse ! Tapi tant bien que mal sous les
quelques planches de bois qui nous servent d’abri, je viens d’allumer une
bougie pour t’écrire. Demain, c’est l’assaut ! Tu t’en doutes, je n’ai pas
le moral. Alors c’est vers toi que je me tourne. Je ne peux alarmer maman, tu
le sais bien.
Ce soir, je ne peux que me répéter la phrase que disait Père : « Tu es un homme maintenant !» Oui, je suis un homme et je sais que je dois défendre la patrie mais je me sens si petit face au danger. J’ai peur, si peur ! Elle me prend au ventre et ne me quitte pas. Et beaucoup sont comme moi mais personne ne le dit pour ne pas se décourager, ne pas déserter tant la vie est impossible à supporter ici dans la tranchée.
Ce soir, je ne peux que me répéter la phrase que disait Père : « Tu es un homme maintenant !» Oui, je suis un homme et je sais que je dois défendre la patrie mais je me sens si petit face au danger. J’ai peur, si peur ! Elle me prend au ventre et ne me quitte pas. Et beaucoup sont comme moi mais personne ne le dit pour ne pas se décourager, ne pas déserter tant la vie est impossible à supporter ici dans la tranchée.
Les chefs
nous ont dit que, si nous arrivions à prendre le village voisin, il y aurait
des permissions. Mais nous savons bien qu’il nous faudra rester pour essayer
d’avancer encore, peut-être même seulement conserver notre percée. Les seuls
permissionnaires, ici, ce sont les blessés graves qui sont évacués vers
l’arrière quand c’est possible, lors des accalmies.
Comme
tous, je suis là dans une boue infâme et dans la pestilence de nos camarades
morts qui jonchent le sol. Les obus tuent sans distinction : les hommes
mais aussi les animaux qui paissaient dans la plaine. Cette puanteur envahit
tout et l’odeur est telle qu’elle empêche même de goûter les repas. D’ailleurs,
ils n’ont aucune saveur. Ils arrivent froids et parfois, ils n’arrivent pas.
Cette boue glauque colle à nos godillots et à nos guêtres et même jusqu’à nos
vareuses car il est impossible de se dévêtir, de se laver. Il nous faut être
toujours en alerte,
l’ennemi n’est pas si loin. Sans crier gare, les mitrailleuses reprennent leur tir nourri dans un vacarme assourdissant. Les obus pleuvent à nouveau projetant dans les airs, les mottes de terre et les cadavres de nos compagnons déchiquetés. Et nous sommes là enfoncés, englués dans ce boyau, tirant sans discontinuer, sans pouvoir nous protéger, nous échapper de cet enfer. Quand l’attaque cesse, nous nous regardons et nous nous comptons, ahuris, hébétés, assommés de fatigue. Parfois même un rire nerveux éclate : « Je suis vivant ! Je suis vivant ! Mais pourquoi moi ? » Alors, s’insinue immédiatement dans mon esprit : « Oui, mais jusqu’à quand ? »
l’ennemi n’est pas si loin. Sans crier gare, les mitrailleuses reprennent leur tir nourri dans un vacarme assourdissant. Les obus pleuvent à nouveau projetant dans les airs, les mottes de terre et les cadavres de nos compagnons déchiquetés. Et nous sommes là enfoncés, englués dans ce boyau, tirant sans discontinuer, sans pouvoir nous protéger, nous échapper de cet enfer. Quand l’attaque cesse, nous nous regardons et nous nous comptons, ahuris, hébétés, assommés de fatigue. Parfois même un rire nerveux éclate : « Je suis vivant ! Je suis vivant ! Mais pourquoi moi ? » Alors, s’insinue immédiatement dans mon esprit : « Oui, mais jusqu’à quand ? »
Ah !
Quitter le front ! J’en rêve ! Pour quelques jours ! Une
permission ! Un bonheur ! Respirer enfin, redevenir pour un moment un
homme normal, ne plus tuer à l’aveugle, revoir la ferme où j’ai grandi, oublier
ce cauchemar auprès de toi, ma tendre marraine et auprès de mes chers parents.
Parfois, je voudrais me mutiler pour fuir ce carnage et reprendre le manche de
la charrue, abandonner pour toujours le fusil et retourner, comme autrefois, la
bonne terre grasse qui donnera le grain.
Aller en fin de semaine au petit bal du village et danser joyeusement dans un
flot de musique. Sentir à nouveau se répandre la bonne odeur de cuisine quand
maman prépare le repas. Mais ce n’est qu’un rêve ! Ce sera pour bientôt,
j’en doute, ou pour plus tard quand cette sale guerre sera finie. Je ne peux
déserter. Tant de camarades sont déjà tombés ! Je veux vous faire honneur. Je ferai mon
devoir et défendrai ma patrie.
Alors en pensant
à mes parents, à toi ma chère marraine, demain, je partirai vaillamment à
l’assaut. Tu sais combien tes lettres me réconfortent et je t’en remercie. Elle
me donne le courage de survivre à cette dévastation inhumaine.
A bientôt
de te lire. Tendrement. Pierre
Marie-Thérèse
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Cher
papa, chère maman,
Depuis
cinq semaines, on nous promet une permission qui se fait attendre… Depuis cinq
semaines, nous sommes à l’arrière à 30 ou 40 km du front… et nous espérons
chaque jour cette permission qui ne vient pas !
Aujourd’hui,
ma première écriture est pour vous chers parents après ces jours d’angoisse et
de mystère où tout était noir : les regards étaient noirs, le soleil était
noir, nos corps étaient noirs, la boue des tranchées étaient noires.
Ici, même
si au loin on entend les sifflements des obus de notre 75 et la riposte
immédiate de ceux d’en face, c’est le premier jour où j’ai le courage d’écrire,
comme le premier vol de l’oiseau, comme les premiers pas de l’enfant, comme les
premières feuilles, comme les premières fleurs, comme la première larme de joie
tombant d’une paupière !
Non, le
départ ne sera pas encore pour aujourd’hui. J’ose espérer que ce moment tant
attendu arrivera…
Je ne
veux pas que cette première lettre, après des jours et des mois, vous apporte
la tristesses ; mais au contraire, qu’elle soit comme un petit coin de
ciel bleu, qu’elle soit comme ce brin d’herbe qui pousse dans la cour de la
ferme où nous bivouaquons, qu’elle soit comme le sourire d’un enfant qui
s’émerveille devant une fleur magnifique…
Deux
journées viennent de s’écouler et toujours aucun convoi au départ à l’horizon…
Je confie
donc ma lettre au vaguemestre !... Je voudrais surtout crier au monde à
travers ces quelques lignes que malgré les obus meurtriers, c’est toujours la
vie qui l’emporte. Ici, au son d’un harmonica, nous chantons tous les soirs
pour que demain soit la fête du départ tant désiré et qu’enfin nous puissions
retrouver ceux que nous aimons, que ce soit une solennité des cœurs et l’humble
signe de notre attachement à vous tous, parents, épouses, fiancées, enfants,
amis de toujours et de partout.
Votre
fils qui vous aime
Christiane
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