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Serrée
contre mes deux sœurs jumelles, je me suis nourrie des minéraux de la roche sur
laquelle nous nous sommes lovées, là-haut à près de 3 000 m, dans la cordillère des Andes.
L’humidité ambiante a craquelé mon
enveloppe. Telles des petits tentacules, mes racines surgissent pour
grossir jusqu’à devenir, plus tard, de belles tubéreuses fusiformes que
certains aimer cuisiner. Je peux ainsi mieux m’accrocher au sol rocailleux ou
terreux car je suis d’un tempérament facile et je m’adapte en toutes circonstances
à l’environnement.
Bientôt
ma jeune tige émerge de la terre pour croitre à son tour et s’orner de chaque
côté de larges feuilles arrondies dont le vert-amande fonce au fil des jours et
de la lumière solaire pour devenir d’un joli vert bleuté. Je grandis alors et
peux ainsi grimper le long d’un grillage, m’enrouler autour d’un tronc d’arbre
ou alors m’étaler sur le sol en un énorme parterre.
Même si
je suis née en altitude, je n’aime pas vraiment le froid et les courants
d’airs. Je crains surtout les vents violents qui maltraitent et cassent ma souple tige. La
douceur d’un rayon de soleil me réchauffe le cœur et pigmente mes boutons qui
se forment et s’enflent. Dès les premiers jours d’avril, un à un ou plusieurs à
la fois, je les délace et ils s’épanouissent en de superbes corolles en
entonnoir, chacune munie à l’arrière d’un interminable éperon où je cache mon
nectar. Cet appendice me fait affubler du vilain nom de «nez tordu» par les
autochtones même s’ils m’apprécient pour mes vertus médicinales. D’autres
préfèrent m’appeler « éperon de jeune premier» et ils ont bien raison. Comme d’un habit de cérémonie, mes pétales se
revêtent de couleurs vives. Rouge ou orange, parfois rose ou blanc, ils captent
l’attention des oiseaux mouches qui me rendent visite et me pollinisent.
Cette
beauté attira un jour le regard d’un certain conquistador hollandais qui
s’empressa de me déraciner avec soin. Après un long voyage à travers l’océan,
il transplanta mon pied pourtant fragile dans le jardin d’un monastère. Je fus
chouchouter par les moines et je me développai ainsi à travers tout le nouveau
continent comme fleur ornementale. De l’ordre des capucins, ils virent en moi
comme l’image de leur capuchon rattaché à leur tunique. C’est alors que mon nom
changea et que je fus baptisée Capucine.
Peu à peu, je leur fis découvrir toutes mes petits secrets: Le petit goût de
noisette de mes fleurs, celui acidulé de mes boutons que l’on peut confire dans
le vinaigre ou celui aigrelet de mes feuilles que l’on mange en salade comme du
cresson. Je sus aussi en infusion devenir thérapeutique et soigner les toux
récalcitrantes.
Parée de
mille vertus au service de tous et fort attirante de surcroit, je n’en suis pas
pour autant orgueilleuse. Ardente, je symbolise la passion et la fougue
amoureuse, parfois cachée. Quand l’été disparait et que les premières gelées
d’octobre se font jour, je me recroqueville lentement à mon tour, perdant mes
fleurs puis mes feuilles. Avant de retourner à la terre, de mes fruits, je laisse tomber les graines
qui me succéderont à leur tour et viendront agrémenter vos paysages et vos
jardins.
Marie-Thérèse
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Petit
bruit de clé dans la serrure… Ouf, je crois que tu reviens à la maison !
C’est que la chaleur arrive et que nous commençons à avoir soif !
J’entends déjà le doux glou-glou de la bouteille.
Sur ce
balcon urbain gentilléen, moi, modeste épicéa, j’ai résisté à tout :
pollutions, manque d’eau, d’engrais, de présence… Aussi, je me trouve petit
pour mon âge, forcément à l’étroit dans cette jardinière où j’ai pour voisins
immédiats, depuis au moins une dizaine d’années, sedums et gazons alpins. Petit
mais résistant ! car de nature rustique et montagnarde : en effet, je suis né au-dessus du plateau des Glières, peut-être à 1600 mètres d’altitude.
C’est par un soir de fin d’été orageuse, alors que ma maîtresse terminait sa
randonnée en suivant un dernier sentier de sous-bois,
humide et moussu ; je me redressais fièrement du haut de mes six ou sept centimètres, innocent que j’étais. Elle eut un coup de foudre pour moi et m’enleva… soigneusement d’ailleurs : je gardai toutes mes racines et elle me donna abondamment terreau et compagnons végétaux d’origine, puis me glissa furtivement dans son sac à dos.
humide et moussu ; je me redressais fièrement du haut de mes six ou sept centimètres, innocent que j’étais. Elle eut un coup de foudre pour moi et m’enleva… soigneusement d’ailleurs : je gardai toutes mes racines et elle me donna abondamment terreau et compagnons végétaux d’origine, puis me glissa furtivement dans son sac à dos.
Plus
tard, je m’endormis dans une coupe en terre, sur le balcon d’un chalet, 1000
mètres plus bas… C’était encore le même ciel étoilé, et le bon air. Quelques
années s’écoulèrent ainsi. Au printemps, après la fonte des neiges, l’extrémité
de mes petites branches se paraient d’adorables nouvelles pousses d’un vert
tendre : je grandissais, ce qui réjouissait ma maîtresse.
Mais un
jour, une opération de rénovation des chalets – et donc des balcons – supprima
le modeste jardin alpin qui s’était constitué autour de moi au fil des
ans : ce fut le second déménagement, vers la ville de Gentilly. Finies les
bonnes odeurs de forêt de résineux de ma petite enfance, finie la ronde des
saisons, des neiges d’hiver à l’orgie des fleurs d’été si intensément colorées
par les ultra-violets d’altitude.
Je
trouvais bien sur mon balcon urbain de nouveaux compagnons sorties de
jardineries mais ils étaient plus fragiles que moi, ainsi leur turn-over
était-i important. Pourtant ma maîtresse avait pris son rôle de jardinier très
au sérieux en nous prodiguant soins et
amour aux changements de saisons ou bien lorsqu’elle nous retrouvait après une
longue absence.
À
présent, je remarque que nous sommes moins nombreux sur le balcon : des
choses ont dû changer dans sa vie… peut-être a-t-elle trouvé que je restais
bien petit, et que je serais aujourd’hui un bel arbre, « bien dans sa
peau », si j’étais resté sous le ciel savoyard.
Qui sait
si un jour elle ne me transplantera pas, pour la dernière fois, vers mon
sous-bois moussu originel ? Elle m’aime tellement.
Françoise
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Si
j’étais une fleur : je serai une fleur d’artichaut aux cheveux tout
hérissés de bleu sous le crachin fin et continu de Lanterneaux. Du haut de ma
longue tige aux multiples poils érectiles, je me hisserai ainsi au-dessus des
chants celtiques et, dans mon Finistère nord et pluvieux, au temps si souvent
incertain, je narguerai les cieux aux nuages blancs et gris qui retiennent
cette eau que j’apprécie tant. Je me ferai belle sous les rayons lumineux d’un
soleil timide qui caresse les galets et les rochers travaillés par le vent et
le roulis d’un océan en perpétuel mouvement. Je me balancerai au rythme des
courants qui me font chavirer de joie et répandent mes semences au gré de leur
humeur. Et un jour viendra où mon cœur tendre à souhait, bien protégé par mes
feuilles serrées, offrira le meilleur de lui-même à ces petites bouches
entrouvertes du désir de me goûter avec une petite vinaigrette relevée de
moutarde qui monte au nez. Je leur donnerai le meilleur de moi-même : des
embruns et du sel marin transportés dans mes capillaires. Nul besoin de se
faire de bile. Je solliciterai leur vésicule biliaire et dans un bel émoi, ils
se pourlécheront les babines, tout en se caressant le bidon de contentement. Et
ils me laisseront là, pantois et mes feuilles éparpillées au fond de leur
assiette en un tas volumineux aux extrémités rongées. Je ne ressemblerai à
rien, la mine défaite et ma tenue vestimentaire démise, mais je continuerai de
penser à mes petits frères si coquets en pays Helvète, attendant pour ma part
un nouveau karma sur le compost…
Du haut
de leur longue tige, je me souviens des signaux de leurs longues feuilles
dentelées agitées par les vents. Ils me faisaient des signes désespérés quant
au fond de la camionnette je disparaissais parmi les miens, pour me rendre vers
la capitale.
Au moins,
j’aurais eu le temps d’essaimer mes étamines et la prochaine génération de
cœurs d’artichaut arrivera à maturation très prochainement avec le cœur gros à
marée basse… ils ne connaitront pas leur mère sans doute, mais ils resteront en
famille, entre leurs nombreux cousins et cousines pour assurer la relève. Ils
termineront au fond de quelques bassines en cuivre, cuisinés avec brio par des
chefs cuisiniers connaissant leur métier sur le bout des doigts et des pupilles.
Et leurs tons de jeunes tendrons tendra du brun-rouge au vert artichaut et
virera au vert tendre afin de solliciter les papilles des quelques gastronomes
en culottes courtes et aux idées longues afin d’en faire de parfaits futurs
hommes bio-authentiques.
Claudine
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Je
m’identifierais tout à fait aux châtaigniers de mon enfance : ils me
tiennent à cœur, même si leur croissance est plus lente que la mienne et leur
longévité plus conséquente.
Je les
retrouvais au fil des saisons, en bordure des champs où je travaillais, des
prés où je gardais les vaches, ou des bois où je faisais des fagots ou
ramassais des seaux de glands pour les porcs.
Ils se
reposaient, pendant la saison hivernale ; pour ma part, la neige trop
haute m’empêchait d’aller à l’école où la vie était normale.
Puis, au
printemps, la Nature reprenait vie, moi aussi ; mes chers châtaigniers
développaient leurs longues feuilles elliptiques dont les vingt paires de
nervures se terminent en dents e scie, à l’image de mon existence.
Apparaissaient
ensuite les longs chatons blanc crème à l’odeur entêtante, à l’origine du
développement des fruits, produits en quatre mois seulement.
Au cours
de l’été, sous le soleil de plomb ou battu par les violents orages, le
châtaignier statique poursuivait son œuvre, d’arbre à pain, comme je l’ai fait
modestement, sans éclat, mais avec persévérance pendant quarante-deux ans,
auprès de mes sept mille cinq cents élèves.
Châtaignes dans les bois
Se fendent, se fendent,
Châtaignes dans les bois
Se fendent sous nos pas
Ainsi les
bogues vertes, hérissées de piquants, à l’image des épreuves de l’existence, se
développaient, mais aussi protectrices, abritaient dans leur écrin les fruits
lisses et brillants, comme l’on protège et admire les élèves. Les bogues
choieront, certaines entrouvertes, d’autres écrasées par les coups de pieds des
ramasseurs.
L’automne
revêtait son habit de saison, les feuilles dans une longue murmurante et
inexorable chute offraient à la terre l’or de leur feuillage, pareil à celui du
soleil, tout en étouffant des sanglots. Ainsi va ma vie d’enseignante,
construisant des séquences, pour récolter avec les élèves les fruits d’une mise
en commun, régulièrement, naturellement, sans prétention.
Les
fruits récoltés étaient étendus sur une bâche en jute, dans le grenier.
La cueillette
était dégustée cuite à l’eau ou grillée sous la braise, au cours de longues
veillées de mises au point ; on procédait silencieusement,
respectueusement à l’épluchage, de peur d’en perdre une miette, comme lorsque
l’on reçoit les élèves au bureau, pendant les temps libres, pour écouter leurs
confidences, les rassurer, pour qu’ils repartent le cœur un peu moins lourd.
Le
châtaignier devenait l’arbre à pain quand les récoltes de blé s’avéraient
désastreuses.
Sa
substance nourricière nous réconfortait, comme on doit le faire quand on est en
charge de famille ou d’élèves.
Ainsi va
le labeur du châtaignier. Fructueux, mon bilan, parfois positifs, relève d’une
infinie patience ;
Le
châtaignier est un grand solitaire, moi aussi.
Il m’a
appris qu’il faut savoir s’adapter, accepter, se résigner, beaucoup donner,
recevoir peu parfois, tout donner jusqu’au bois, jusqu’à l’essence, son
existence même, à son tronc, débité en planches.
Marie-Christine
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Dans la pinède entourée de mes frères et sœurs, je grandis
sous un ciel bleu mais souvent nuageux. Les
pluies torrentielles faisaient plier mes faibles branches de bébé mais
lorsque le soleil revenait sécher la nature trempée, je sentais mes petites branches
épineuses se relevaient doucement. Je vivais tranquille. Les oiseaux venaient
donner des concerts charmants, apportant de la joie. La nuit tombée, les bruits
n’étaient pas rassurants. Tout un monde nocturne s’activait à chasser pour
trouver de la nourriture : Les hérissons qui reniflaient, éternuaient, les
grenouilles qui coassaient en mesure, attrapant les moustiques, les libellules,
les mouches, les araignées, lorsque le silence revenait. Mais les couleuvres
les attendaient au tournant pour en faire leur diner sans compter que les
chouettes, les hiboux et les hérissons les convoitaient aussi. J’étais
enracinée. Je ne pouvais bouger.
Le temps passa ainsi au fil des saisons. Je devins un sapin
de 1m50. En ce mois de décembre, les bûcherons arrivèrent avec de grands
camions car Noël approchait. Il fallait approvisionner les marchés, les
pépiniéristes, les grandes surfaces. Ils coupèrent certains de mes frères et
cousins qu’ils entassèrent sur des remorques qu’ils emportèrent vers leurs
longues agonies. Je redoutais leurs
tronçonneuses au bruit infernal. Je me demandais si ça faisait très mal
d’être coupé d ses racines ce qu’i
entrainait une mort certaine.
La nuit tomba encore, une nuit qui passa, entourée de mon
petit monde agité. Le matin dès le jour venu des hommes avec des pelles et des
pioches me déracinèrent de mon sol natal. Le camion dans lequel je reposais,
partit pour la ville. Tout alla très
vite. On me rempota dans un grand pot avec du terreau ; om m’arrosa. Je me
retrouvai avec mes semblables de tailles différentes. Le lendemain, les gens
venaient nous contempler afin de nous acheter pour les fêtes de Noel. La tête
me tournait un peu. Je perdais connaissance. Des bruits, des rires de gamins me
firent reprendre conscience. Ce fut un chambardement. On me décora de
guirlandes, de lumières, d’étoiles, de boules colorées puis ce fut les cadeaux,
la fête. On m’admirait, on dansait autour de moi en riant et chantant. Mais
demain ? Que deviendrai-je ? Ils vont me jeter vers les poubelles. Je
périrai lentement dépouillé de mes habits de fête.
Mais la chance me sourit. Le père de famille décida de me
planter au milieu de leur jardin sur un plan d’herbe. Aujourd’hui, cinq années
ont passée. Je mesure 3 mètres. Je suis toujours vert. On m’habille de lumières
en décembre ; je suis fier de briller dans la nuit.
Je suis un sapin heureux.
Mireille
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Dans un
jardin anglais, au milieu d’un joli parterre entretenu aux ciseaux, mes racines
sont bien ancrées et profondément lancées dans la terre qui me sert de berceau
et de réservoir nourricier. L’homme, pour me créer, a multiplié mes parents,
les a croisés, a fait de nombreux essais pour enfin arriver à me donner
naissance.
Je suis
une rose, élégante et raffinée. Je suis reconnaissante aux mains de l’homme
d’avoir changé mon aspect, mon espèce,
car mon ancêtre est l’aubépine sauvage et libre… Moi, je suis la reine du
jardin… on coupe mes branches qui partent dans tous les sens, on replie les
autres, on les contraints à pousser dans un sens ou dans n autre, on me taille,
on enlève mes sœurs qui ont séché ou se sont abimées à cause de la pluie ou des
insectes… mes pétales, tel du velours, peuvent prendre tant de couleurs et de
textures différentes. Je peux être carmin, abricot, amarante, améthyste,
blanche, jaune, rose porcelaine, bouton d’or, capucine, cerise, corail,
cramoisi, lie de vin, fuchsia, mauve, violette et de tant d’autres
couleurs ! mes pétales sont grands ou petits, lisses ou chiffonnés, mais
toujours en beauté ! Quant à mon parfum, il peut soit être prenant et bien
fort, soit discret et si suave…
Moi, je
suis une rose « Carole Bouquet », et oui, le nom d’une actrice pour
moi ! L’homme qui m’a créée, l’a fait en l’honneur de cette Dame… Je suis
d’un très joli rose tendre, mes pétales sont très fournis et peuvent donner
naissance à une grande fleur… Ainsi, je ne passe pas inaperçu dans le
jardin ! Quant à mon parfum, il ressemble à un bon dessert à la framboise
et au citron… Que donner de plus pour moi, si élégante, et qui pousse un peu
toutes les autres plantes pour pouvoir être seule à recevoir les compliments de
tous ceux qui viennent m’admirer ! Dans l’aube claire, je mousse et je
m’épanouis doucement et j’attends les rayons du soleil pour faire grandir mes
pétales et laisser mon odeur envoûter les visiteurs… Ouille !!! Mais que
se passe-t-il ? Aïe ! Mais, j’ai mal ! Moi qui ai très peu
d’épines, je n’arrive pas à me défendre… me voilà coupée, enlevée à mes
branches nourricières. O me transporte, on m’enserre, on me dépose au milieu
d’autres roses et d’autres fleurs qui ont subi le même sort. Que
m’arrive-t-il ? Voilà ma tige dans l’eau, beurk ! Je n’aime pas, mais
pas du tout ! Je ne peux pas me défendre, personne ne m’entend, personne
n’écoute mon cri silencieux… J’agonise, je vais mourir… j’aurais aimé vivre
dans le vent, la pluie et la douceur du soleil. Sentir dans mon cœur les
abeilles et les papillons venus récolter mon pollen et transporter de mes
étamines vers des pistils d’autres belles… Je ne connaîtrai jamais cette
sensation… Je ne suis qu’une création de l’homme, pour son plaisir, mais moi,
il ne m’écoute ni ne m’entend… Et pourtant, je suis une des plus belles du
jardin ! Adieu, mes amies, ne croyez pas pouvoir vivre longtemps. La vie
d’une rose est éphémère, et ne dure jamais !
Valérie
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Je suis
un petit sapin, planté il y a deux ou trois ans en bordure d’un chemin qui
escalade allégrement les pentes de la grande sapinière du Mont Joux. Je ne suis
pas content d’être là, d’avoir des branches couvertes toute l’année de petites
aiguilles vertes, toujours vertes, inlassablement vertes… de plus, toutes ces
aiguilles, elles piquent ! Bien sûr, personne ne me regarde. Les
promeneurs préfèrent les hauts sapins au tronc solide dont on tirera de belles
planches, bien lisses. Ou bien, les enfants grimpent facilement sur leurs
branches comme sur une échelle, jusqu’au sommet, pour redescendre aussi
facilement, en s’amusant comme des fous.
Un soir
que je n’en pouvais plus, je me suis mis à pleurer et à gémir très fort… Si
fort qu’une belle dame s’approcha de moi : « Pourquoi
pleures-tu ? N’aies pas peur, je suis la fée du bonheur ». je lui
expliquai que j’en avais assez, que j’étais tout petit et laid, avec ces
aiguilles toujours vertes qui piquaient et faisaient mal quand on s’approchait
de moi. « Bonne fée, à la place de mes aiguilles, donne-moi des feuilles
d’or ! ». Elle me toucha de ses doigts fins et toutes mes aiguilles
tombèrent, mes branches se mirent à vibrer, envahies d’une sève nouvelle. Petit
à petit je sentis pousser les feuilles de métal précieux. Au matin, j’étais
merveilleux. Le soleil faisait étinceler ma nouvelle parure et toute la
journée, les promeneurs, les enfants vinrent m’admirer. Au soleil couchant,
j’avais de reflets de toutes les couleurs et dans la nuit seules quelques
étoiles dans le ciel me firent concurrence. Enfin, on me regardait, on
m’aimait, on venait me voir !
Mais
brusquement, surgirent des hommes cagoulés, une serpe à la main et un grand sac
dans l’autre. Ils se jetèrent à l’assaut de mes branches et me dépouillèrent de
mes magnifiques feuilles, puis me laissèrent tout nu ! Heureusement, ils
ne m’avaient pas blessé mais je ressemblais à un hérisson, j’étais affreux et
je grelottais. Je me mis à pleurer très fort, si fort que la bonne fée
accourut. « Bonne fée, s’il-te-plaît, je voudrais redevenir un vrai petit
sapin, couvert d’aiguilles toujours vertes pour pouvoir grandir tranquillement
au milieu de mes frères, sans richesse ni parure, mais heureux. Peut-être un
jour, ferais-je aussi la joie d’enfants qui décoreront mes branches ou
servirais-je à construire un beau chalet avec mon bois pour abriter une famille
gentille et heureuse. C’est tout ce que je veux, bonne fée. »
Christiane
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Un soir,
un rayon du soleil couchant me sortit de ma torpeur. Je me vis entourée
d’arbres qui me parurent gigantesques. Là, auprès de moi, il y avait un grand,
très grand chêne duquel tombaient des feuilles et des glands. De petits
écureuils courraient sur le sol de-ci de-là faisant provision de glands et,
vite, les amassant dans leurs réserves. Je me demandais : que fais-je
là ? Soudain un hibou se posa sur ma tête. Je voulus le chasser mais mes
bras ne m’obéissaient pas. il resta donc là, hululant de temps en temps.
Soudain, il prit son envol et, piqua directement sur un rongeur qui passait par
là. Je le vis reprendre son envol et il ne trouva d’autre endroit que ma tête
pour déguster sa proie. Tout à coup, une voix s’adressa à moi et me dit :
sais-tu lequel d’entre nous les bûcherons abattront demain ? Tiens,
pourquoi un arbre s’adresse-t-il à moi ? et comment se fait-il que je
l’entende et le comprenne ? La nuit passa, les écureuils firent des
provisions, les hiboux, chouettes et compagnie me frôlèrent de leur vol
silencieux. Au matin, je fus réveillée par un bruit qui me parut bizarre.
C’était mon voisin, le chêne, qui tremblait si fort que tous ses derniers
glands tombèrent et, ses branches se heurtaient les unes aux autres.
Brusquement, j’entendis un drôle de son, un bruit effrayant, mon voisin le
chêne se coucha sur le sol dans un grand fracas de branches cassées.
C’est
alors que je me demandai : mais qui suis-je ?
Eh oui,
j’étais moi aussi un arbre de la forêt. Un châtaignier pour ne rien vous
cacher. Hélas, je venais de perdre un ami. Il était plus âgé que moi de deux ou
trois dizaines d’années. J’avais grandi sous la protection de ses branches.
Ensemble, nous aimions voir ceux qui venaient ramasser mes châtaignes. Ils prennent
des précautions craignant les épines des bogues qui protègent mes fruits. Les
pics-verts aiment venir frapper mon tronc. D’autres oiseaux font leur nid dans
mes branches. J’aime écouter leurs chants, leur gazouillis quand ils
nourrissent leurs oisillons. Je les protège avec mon feuillage, du soleil et de
la pluie. Je suis aussi le refuge des écureuils. La nuit les oiseaux nocturnes
me rendent visite. Même les chauves-souris se pendent tête en bas dans ma
ramure. Combien d’années me reste-t-il à vivre ? Mon bois sera changé en
menuiserie. Quelle taille dois-je atteindre pour être considéré comme bon pour
l’abattage ? Pourquoi ne puis-je mourir naturellement, devenir centenaire
ou plus ? Je crains que cela ne soit pas pour moi. Dommage !!!
Colette
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Je suis
un sapin, appartenant à la noble famille des conifères. À ce titre, je
m’incline humblement devant mon souverain vénéré : sa majesté le séquoia.
En fait,
mon sentiment d’humilité envers le séquoia devrait, en toute légitimité, se
voir partagé par le monde entier. Pourquoi donc ? Eh bien, parce que, sur notre planète, le
séquoia surclasse tous les êtres vivants, de part sa taille et sa longévité,
jusqu’à deux mille ans.
Je ne
suis moi qu’un plébéien sapin de la forêt vosgienne, sapin dit « de
noël » et suis appelé à me voir enguirlandé en fin d’année, pour la joie
des enfants. Hélas, peu après, je subirai une bien triste fin, encombrant les
poubelles, voire bouchant les vide-ordures des immeubles. Amen !
Emmanuel
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Le
cerisier e pour moi une fête attendue, un festival de bons souvenirs : il
faut avoir le cœur léger devant la promesse du printemps à son apogée !
Ses
myriades de fleurs, à la senteur discrète et raffinée, sont fragiles comme moi,
virevoltent au moindre souffle à l’image de ma destinée éphémère.
Fascination
absolue devant le spectacle du ballet des pétales pour moi qui avait la danse
chevillée au corps.
Ce
tourbillon a inspiré Sakura « fleur de cerisier », mon nom d’écrivain
de haïkus, en japonais.
Les fruits
de l’arbre dépassent parfois la promesse des fleurs : l’imagination permet
aussi de construire demain.
Dès juin,
je m’extasie devant les cerises vermeille, disposées sur l’étal, je
m’émerveille ! Jeux mes merveilles ! On peut rêver !
Par
analogie, je dois apporter aux élèves dont le quotidien n’est pas toujours rose
mais morose et rarement tissé de pétales e soie immaculée, un peu de grâce, de
créativité, par le biais de l’imaginaire. Jeux mes merveilles ! On peut
rêver !
Rêverie
autour des fruits juteux et jumeaux, pendants d’oreilles. Privilégier la
beauté, la qualité à la quantité.
Les
cerises, légères, rubis au soleil, ont la consistance des haïkus, on les
déguste, le temps d’une respiration et on oublie tout.
De même,
l’enseignement doit savoir moduler sans jamais être lourd.
Une
saison passe vite : voici l’automne. Le cerisier offre son dernier lever
de rideau dans un flamboiement de feuilles pourpres, à faire rougir le coucher
du soleil.
Sans
rappel, il tire sa révérence, pour notre ravissement, prenant sa retraite
temporaire, avec grâce, légèreté, discrétion.
Chaque
année, le cerisier renouvelle ses performances florales et ses branches ploient
sous le poids des fruits : ses résultats sont fructueux. J’eusse voulu
suivre toujours son merveilleux exemple !
Marie-Christine
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