mardi 11 avril 2017

ESCAPADE SANS LES PARENTS

Il y a parfois mille et une raison de fuir l’autorité et la présence parentale. En premier lieu pour ressentir le goût de la liberté en agitant ses ailes de libellule translucides en une douce soirée passée devant le grand écran loin, loin des western à la John Wayne et des « Il était une fois dans l’Ouest » qui, à coups de colt et de moulinets de révolver auraient fait trembler tout l’Ouest des États-Unis. Oui. Pour rien au monde je n’aurais partagé mon plaisir de jeune assoiffée de découvertes en découvrant ainsi le 7ème art dans toute sa splendeur. Dans mon coin, au fond de ma 5ème zone pavillonnaire, se trouvait un « ciné-club » qui nous servait non des polars et des thrillers mais de merveilleux films comme Vol au-dessus d’un nid de coucous ou Cinq pièces faciles, et encore un film se passant au Canada et mettant en scène des aventuriers descendant en canoë kayak en rappel des rapides : oui, il s’agit de Délivrance. Un film magnifique, si prégnant, si trépidant. Une incitation au voyage. Et je revenais, les yeux pleins d’images, au bercail par la porte fenêtre entrouverte pour ne pas réveiller ma chère Bergère allemande qui d’un aboiement entremêlé de gémissements aurait réveillé toute la maisonnée encore mieux que le tintement du carillon de l’église du centre de la bourgade. Mes parents avaient jeté l’éponge et me laissait mener ma vie d’adulescente encore juvénile le samedi comme dit une chanson ancienne « le samedi soir après le turbin… l’ouvrier parisien ». oui. Quand j’avais effectué toutes les tâches m’incombant, je pouvais alors m’apprêter et ces quelques heures de liberté comptaient double dans le sablier de l’air du temps car elles se déroulaient loin des yeux parentaux et du qu’en-dira-t-on.

Claudine
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Est-il plus grand plaisir que celui de sortir la première fois,
Sans ses parents et leurs regards posés régulièrement sur nous ?
C'est quelque chose que je ne connais pas encore,
Alors je vais essayer de profiter pleinement de cette occasion.
Partir avec de fidèles amies toute une longue journée,
Aller à l'aventure ou bien choisir un but de sortie,
De nous seules dépendra le souvenir que nous garderons.
Ensemble nous partirons mais ensemble nous reviendrons.


Lâcher les parents,
L'espace d'une journée,
Ce n'est pas méchant.

Être enfin seul,
Pouvoir tout entreprendre,
C'est la liberté.

Paulette
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Comme tous les jours, à la sortie de l’école, Julien et Henri se dirigent de concert jusqu’à la place du Châtelet où chacun prend son bus pour regagner son domicile.  Ils appartiennent à cette génération d’enfants qui possèdent la clé de la maison, rentrant bien avant leurs parents restés encore au travail.
Par mauvais temps, Henri prend parfois seul le métro pour regagner le 16 de la rue Copenhague. Le changement à  Réaumur puis à Villiers ne lui fait pas peur et du haut de ses dix ans, il exerce un ascendant certain sur Julien, neuf ans, qui le regarde partir béat d’admiration, lui qui  ne prend jamais le métro sans ses parents. Or, malgré les recommandations et les interdictions, depuis quelque temps déjà,  Julien fait une petite escapade en compagnie de son ami Henri  qu’il raccompagne parfois bien au-delà de ce qu’il lui est permis. Bien que  n’ayant pas le ticket adéquat pour un trajet supplémentaire, il monte discrètement dans le bus 81 se collant à son dos et le quitte à l’arrêt « Trinité » où Henri a repéré le bus 26 qui, sans changement, ramènera son camarade vers Belleville et la rue Bisson.
Le temps est beau en cette fin d’avril et donne envie de se promener plutôt que de rentrer à la maison faire ses devoirs et chaque jour, Julien s’attarde davantage. Henri décide de lui montrer son appartement et voilà Julien, tout fier, qui le suit sans trop se préoccuper de l’heure. Quand il rentre à la maison, maman est déjà là qui s’inquiète.
«- Mais où étais-tu ? Tu n’as pas vu l’heure ?
 - Je n’étais pas loin, maman, Comme il fait beau je suis allé au parc.
- Et tes devoirs ?
- Je n’ai qu’une leçon et d’ailleurs, je la sais déjà à moitié. »
Maman  le regarde, un peu soupçonneuse.
-Tu sais que tu ne dois pas trainer dans les rues et je veux te trouver à la maison quand je rentre. 
- Mais oui maman, je sais. »
Pourtant quelques jours plus tard, le 9 mai 1978, très précisément, Henri insiste :
-C’est bientôt les vacances. Viens, je vais te montrer le trajet en métro. Tu vas voir c’est facile et comme çà tu pourras venir chez moi. »
Et les voilà tous deux descendant dans la station Chatelet. Tout se passe bien jusqu’à la  station Rome où ils remontent à la surface. Ils voient  alors tout un attroupement de personnes qui discutent et s’agitent en faisant de grands gestes. Julien n’entend qu’une partie des conversations mais il a bien compris qu’un homme important avait été assassiné à Rome. Son nom  Aldo Moro, ne lui dit rien mais il est à Rome. Il pâlit, prend peur et regrette d’être sans ses parents.
«Henri, je veux rentrer chez moi, dit-il, je ne veux pas rester à Rome.
Henri ne comprend pas très bien mais devant la mine défaite de son camarade, il le rassure.
«  Viens, je vais te raccompagner à Trinité et là, tu prendras ton bus. »
Julien rentre à la maison, tout bouleversé. Maman n’est pas encore rentrée mais il entend les voisins discuter sur le palier :
 « On l’a retrouvé dans le coffre d’une voiture ! A Rome, ils ont assassiné Aldo Moro ! »
Épouvanté, il verrouille la porte et se bouche les oreilles. Bientôt maman arrive et s’étonne de voir la porte verrouillée puis elle voit son fils, tout blanc, couché sur le canapé.
« -Que se passe-t-il Julien ? Tu es malade ?  demande-t-elle.
-Ils l’ont tué maman, ils l’ont tué à Rome.
-Tu parles d’Aldo Moro ? Tu as entendu les voisins ?
-Oui, insiste Julien, ils l’ont tué à Rome. A Rome, maman !
-Oui c’est bien triste, mais Rome c’est loin, c’est en Italie, ce n’est pas en France, précise maman intriguée.
Julien pousse un soupir de soulagement.
« -C’est loin maman, c’est en Italie ! »dit-il en se mettant à rire nerveusement et en dansant.
Maman ne comprend pas le comportement de son fils mais elle met cela sur l’effervescence des voisins qui, en s’agitant, lui ont fait peur. Il est vrai que la  nouvelle est renversante et  que  tout le pays est en ébullition.
Et ce n’est que bien plus tard, apprenant l’existence d’Henri qu’elle comprendra pourquoi lors d’une escapade sans parents, Julien s’était fait une grande frayeur qui le marqua pour longtemps.

Marie-Thérèse
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Espérant vivre une expérience seuls sans les parents, les trois ados de 12 ans ne se quittant pas depuis leur cinq ans, fréquentant les mêmes classes, amis, ils étaient devenus au fil des ans très fusionnels. Pour cette petite escapade, seuls dans la nuit, ils avaient un but. Ce but était de vérifier l’histoire des feux follets qui, depuis la nuit des temps hantaient les cimetières. La curiosité les motivait de constater eux-mêmes, ces histoires qui étaient contées depuis la nuit des temps.
C’était le début des années 80. A part l’école, les activités sportives, chaque soir, ils passaient leurs soirées au foyer en famille. A force de prières, ils avaient obtenu le droit de passer une soirée et une nuit chez l’un des copains pour réviser leurs leçons, une fois de temps en temps. C'était la joie, les parents se connaissaient depuis la primaire et se téléphonaient pour être rassurés.
Ce vendredi-là, ils avaient demandé de passer la soirée chez le copain. Accordée fut la demande. Ils se donnèrent rendez-vous vers le cimetière de la ville voisine, après avoir rempli leurs poches de victuailles pour diner. Leur cœur battait très fort à mesure que la nuit tombait. Ils mangèrent une partie des provisions avec l’impression de commettre une énorme faute.
Enfin la nuit tomba sur la ville. Ils se firent la courte échelle pour escalader le mur du cimetière. Il faisait très noir. La lune éclairait faiblement les croix dressées au-dessus des tombeaux. Nos trois compères n’étaient pas fiers. Le moindre bruit les faisait sursauter : les chats qui poussaient des cris en fuyant,  pris de panique les oiseaux de nuit s’envolaient dans des bruissements d’ailes affolants. Ils s’assirent sur le bord d’un caveau sinistre et froid afin d’observer les tombes silencieuses qui les entouraient.
C’est à ce moment que les feux follets se manifestèrent par leurs lumières fluorescentes. Ça ressemblait à des petit elfes qui sortaient des tombes remontant brusquement pour s’envoler vers le ciel après avoir effectué une gracieuse danse féerique tels des petites fées. Etait-ce l’âme des chers disparus qui venait s’aérer un moment pour s’envoler vers l’éternité ou se réintégrer dans les sinistres linceuls ?
Ils se serrèrent  les uns contre les autres pour se réchauffer un peu et se rassurer. Leurs yeux se fermaient de fatigue. C’est alors que l’incident dut se produire. De grands squelettes sortir des tombes, certains avec des chapeaux, d’autres avec des voilettes de dentelle. Ils étaient souples et remplis de vigueur. Ils semblaient voler le long des tombes. Ils se donnèrent la main partant dans une ribambelle, firent une ronde macabre. Des couples valsaient, d’autres sûrement très âgés dansaient la polka et la mazurka.
Un bruit les tira de leurs rêves en sursaut. C’étaient deux matous qui se coursaient, qui avaient renversé une énorme poterie qui s’était brisée. Ils se regardèrent ahuris puis décidèrent de rentrer au logis. Mais une chose était certaine : c’est que les feux follets existent bien, même si ce n’est qu’un phénomène chimique. Ils se quittèrent fiers de leur premier exploit. Leurs parents réveillés à trois heures du matin demandèrent des explications. Chacun donna sa version d’un air désolé. L’un prétendit que son ami ronflait si fort qu’il préférait s’en aller. L’autre, son copain était très agité. Il parlait sans arrêt en dormant. Quant au troisième, il avait eu une crise d’angoisse  sans raison. Il avait envie de retrouver ses parents.
Le lendemain, seuls avec leur maman, ils avouèrent leur escapade et la raison de ce comportement. Les mamans ont compris leur garçon et leur envie de vérité sur les feux follets. L’une d’elles avait, à douze ans, fait la même expérience. Ils promirent de ne plus partir seuls dans la nuit sans rien dire. Comme punition, ils furent privés de leurs petites soirées entre copains.

Mireille
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Je n’ai pas gardé beaucoup de souvenirs de ce qu’on appelait le « sale âge » ou « l’âge bête », entendez l’adolescence. Peu de conflits. Par contre l’envie folle de s’envoler du nid, des projets plein la tête et la conviction que pour y parvenir je devrais batailler dur. Tout cela me taraudait, tandis que mes parents faisaient l’impossible pour sortir ensemble leurs quatre enfants. Si les rêves parentaux n’étaient pas les nôtres, rêver est très communicatif… je me rendais compte qu’en tant qu’aînée j’allais devoir ouvrir la route et que cela pouvait être difficile, même, et surtout, avec des parents aimants… J’en étais là de mes réflexions quand une opportunité s’offrit à moi. J’avais 16 ans et j’achevais ma première année de scolarité à l’École Normale où j’avais choisi l’internat. Je m’y plaisais beaucoup et profitais au maximum des sorties culturelles de « mon âge »… Un matin, lors de l’information quotidienne, la directrice nous signala que « la jeunesse et les sports » offrait à l’une d’entre nous de partir à la découverte de la Yougoslavie via Venise pendant 15 jours d’été ; celle qui partirait devrait rédiger un compte-rendu qu’elle adresserait à l’organisme dès son retour. Partir seule… J’eus vite fait de déposer ma candidature, qui fut retenue.
Toute notre famille se réjouit pour moi, m’envia probablement un peu, et se réorganisa pour faire face à mon absence. Il y eut même des promotions ! Ma sœur de quatre ans ma cadette fut promue aînée pour 15 jours. Le voyage fut délicieux, il correspondait à mes centres d’intérêt et préoccupations du moment. En Yougoslavie nous fûmes hébergés en cités universitaires et avions des échanges avec des étudiants engagés dans la construction sociale et politique (autogestionnaire) de leur pays fédéré… un beau pays, en ce bel été. À Venise, nous étions logés dans un foyer catholique ; les visites étaient plus culturelles, mais toujours variées. Il y eut aussi, comme dans tous les groupes de jeunes gens, des moments de détente joyeux et tendres, tempérés de petites mises au point nécessaire. J’admirais le tact des accompagnateurs, un peu plus âgés que nous mais qui maîtrisaient bien leur sujet – j’en pris de la graine pour mes étés de monitrice à venir.
Je n’ai jamais oublié ce voyage libre, cette impression délicieuse que le monde m’appartenait enfin. C’est vrai que j’ai toujours aimé voyager, même quand je ne pouvais pas aller très loin. Un voyage, c’est une fenêtre ouverte sur une autre réalité. On s’y prépare avant, on s’y plonge et on en profite pendant, et on  y repense encore longtemps après… Un de mes moteurs.
Les retombées immédiates du voyage furent également positives pour tous. La rédaction du compte-rendu prolongea agréablement le voyage et ses effets sur le début de mon émancipation. De plus, ayant fait la connaissance en cours de route d’un Normalien de Mâcon, à 30 km du pays de maman où nous passions un mois de vacances tous les étés, nous avions prévu de nous revoir… ce qui valut à toute la famille, un agréable détour dans le Beaujolais.
Tout le monde était content, et je me souviens m’être alors réjouie en constatant que les innovations de cet été-là avaient mis un peu d’air dans mes relations familiales, et que ma libération ne serait pas forcément difficile.

Aujourd’hui, avec le recul que procure l’âge, je me dis qu’à l’occasion de ma première escapade sans les parents, nous avions franchi une étape importante : la reconnaissance de mon autonomie.

Françoise
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C'était l'été aussi dans les Pyrénées ariégeoises.
J'avais deux ans : mes parents travaillaient dans les champs et les prés, pour mener à bien moissons et fenaisons vitales pour nourrir la maisonnée et les vaches, durant la période hivernale.
Au plus fort de la chaleur de l'après-midi, j'étais confinée dans mon lit pour la sieste, sous la garde austère de ma grand-mère paternelle, veuve de guerre, portant le deuil, de la tête aux pieds.
Elle voulait à tout prix m'endormir en chevrotant son registre de variétés : " Fais dodo...", " En voiture mesdames..., " C'est la souillon du canton qui a perdu son cotillon"...mais en occitan, ma première langue : " qué ra mangana dé cantou qua perduch é cotillou "
Je m'ennuyais. Je suis sortie. Je voulais rejoindre mes parents. Je me suis égarée, pieds nus, par les chemins de terre, sous la morsure de la chaleur.
J'ai dû errer, à travers bois.
Une battue fut organisée. Je ne sais pas si les cris et les aboiements me réveillèrent ou si je fus repérée par mes pleurs et cris.
Je retrouvai dons les miens à une heure avancée de la nuit.
Je n'ai pas souvenance d'avoir eu à essuyer de surcroît des remontrances.

Marie-Christine
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Evasion du quotidien
Sans souci, sans contrainte,
Chercher le meilleur coin,
Avec des amis proches,
Prendre le temps de vivre,
Apprécier le moment présent,
Déambuler sans but précis,
Et se ressourcer.

Fabienne

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