Il y a
parfois mille et une raison de fuir l’autorité et la présence parentale. En
premier lieu pour ressentir le goût de la liberté en agitant ses ailes de
libellule translucides en une douce soirée passée devant le grand écran loin,
loin des western à la John Wayne et des « Il était une fois dans
l’Ouest » qui, à coups de colt et de moulinets de révolver auraient fait
trembler tout l’Ouest des États-Unis. Oui. Pour rien au monde je n’aurais
partagé mon plaisir de jeune assoiffée de découvertes en découvrant ainsi le 7ème
art dans toute sa splendeur. Dans mon coin, au fond de ma 5ème zone
pavillonnaire, se trouvait un « ciné-club » qui nous servait non des
polars et des thrillers mais de merveilleux films comme Vol au-dessus d’un nid de coucous ou Cinq pièces faciles, et encore un film se passant au Canada et
mettant en scène des aventuriers descendant en canoë kayak en rappel des
rapides : oui, il s’agit de
Délivrance. Un film magnifique, si prégnant, si trépidant. Une incitation
au voyage. Et je revenais, les yeux pleins d’images, au bercail par la porte
fenêtre entrouverte pour ne pas réveiller ma chère Bergère allemande qui d’un aboiement
entremêlé de gémissements aurait réveillé toute la maisonnée encore mieux que
le tintement du carillon de l’église du centre de la bourgade. Mes parents
avaient jeté l’éponge et me laissait mener ma vie d’adulescente encore juvénile
le samedi comme dit une chanson ancienne « le samedi soir après le turbin…
l’ouvrier parisien ». oui. Quand j’avais effectué toutes les tâches
m’incombant, je pouvais alors m’apprêter et ces quelques heures de liberté
comptaient double dans le sablier de l’air du temps car elles se déroulaient
loin des yeux parentaux et du qu’en-dira-t-on.
Claudine
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Est-il plus grand plaisir que celui de sortir la première
fois,
Sans ses parents et leurs regards posés régulièrement sur nous ?
C'est quelque chose que je ne connais pas encore,
Alors je vais essayer de profiter pleinement de cette occasion.
Partir avec de fidèles amies toute une longue journée,
Aller à l'aventure ou bien choisir un but de sortie,
De nous seules dépendra le souvenir que nous garderons.
Ensemble nous partirons mais ensemble nous reviendrons.
Sans ses parents et leurs regards posés régulièrement sur nous ?
C'est quelque chose que je ne connais pas encore,
Alors je vais essayer de profiter pleinement de cette occasion.
Partir avec de fidèles amies toute une longue journée,
Aller à l'aventure ou bien choisir un but de sortie,
De nous seules dépendra le souvenir que nous garderons.
Ensemble nous partirons mais ensemble nous reviendrons.
Lâcher
les parents,
L'espace
d'une journée,
Ce
n'est pas méchant.
Être
enfin seul,
Pouvoir
tout entreprendre,
C'est
la liberté.
Paulette
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Comme tous les jours, à
la sortie de l’école, Julien et Henri se dirigent de concert jusqu’à la place
du Châtelet où chacun prend son bus pour regagner son domicile. Ils appartiennent à cette génération
d’enfants qui possèdent la clé de la maison, rentrant bien avant leurs parents
restés encore au travail.
Par mauvais temps, Henri
prend parfois seul le métro pour regagner le 16 de la rue Copenhague. Le
changement à Réaumur puis à Villiers ne
lui fait pas peur et du haut de ses dix ans, il exerce un ascendant certain sur
Julien, neuf ans, qui le regarde partir béat d’admiration, lui qui ne prend jamais le métro sans ses parents.
Or, malgré les recommandations et les interdictions, depuis quelque temps déjà, Julien fait une petite escapade en compagnie
de son ami Henri qu’il raccompagne
parfois bien au-delà de ce qu’il lui est permis. Bien que n’ayant pas le ticket adéquat pour un trajet
supplémentaire, il monte discrètement dans le bus 81 se collant à son dos et le
quitte à l’arrêt « Trinité » où Henri a repéré le bus 26 qui, sans
changement, ramènera son camarade vers Belleville et la rue Bisson.
Le temps est beau en
cette fin d’avril et donne envie de se promener plutôt que de rentrer à la
maison faire ses devoirs et chaque jour, Julien s’attarde davantage. Henri
décide de lui montrer son appartement et voilà Julien, tout fier, qui le suit
sans trop se préoccuper de l’heure. Quand il rentre à la maison, maman est déjà
là qui s’inquiète.
«- Mais où
étais-tu ? Tu n’as pas vu l’heure ?
- Je n’étais pas loin, maman, Comme il
fait beau je suis allé au parc.
- Et tes devoirs ?
- Je n’ai qu’une leçon
et d’ailleurs, je la sais déjà à moitié. »
Maman le regarde, un peu soupçonneuse.
-Tu sais que tu ne dois
pas trainer dans les rues et je veux te trouver à la maison quand je
rentre.
- Mais oui maman, je
sais. »
Pourtant quelques jours
plus tard, le 9 mai 1978, très précisément, Henri insiste :
-C’est bientôt les
vacances. Viens, je vais te montrer le trajet en métro. Tu vas voir c’est
facile et comme çà tu pourras venir chez moi. »
Et les voilà tous deux
descendant dans la station Chatelet. Tout se passe bien jusqu’à la station Rome où ils remontent à la surface.
Ils voient alors tout un attroupement de
personnes qui discutent et s’agitent en faisant de grands gestes. Julien
n’entend qu’une partie des conversations mais il a bien compris qu’un homme
important avait été assassiné à Rome. Son nom
Aldo Moro, ne lui dit rien mais il est à Rome. Il pâlit, prend peur et
regrette d’être sans ses parents.
«Henri, je veux rentrer
chez moi, dit-il, je ne veux pas rester à Rome.
Henri ne comprend pas
très bien mais devant la mine défaite de son camarade, il le rassure.
« Viens, je vais
te raccompagner à Trinité et là, tu prendras ton bus. »
Julien rentre à la
maison, tout bouleversé. Maman n’est pas encore rentrée mais il entend les
voisins discuter sur le palier :
« On l’a
retrouvé dans le coffre d’une voiture ! A Rome, ils ont assassiné Aldo
Moro ! »
Épouvanté, il verrouille
la porte et se bouche les oreilles. Bientôt maman arrive et s’étonne de voir la
porte verrouillée puis elle voit son fils, tout blanc, couché sur le canapé.
« -Que se
passe-t-il Julien ? Tu es malade ?
demande-t-elle.
-Ils l’ont tué maman,
ils l’ont tué à Rome.
-Tu parles d’Aldo
Moro ? Tu as entendu les voisins ?
-Oui, insiste Julien,
ils l’ont tué à Rome. A Rome, maman !
-Oui c’est bien triste,
mais Rome c’est loin, c’est en Italie, ce n’est pas en France, précise maman
intriguée.
Julien pousse un soupir
de soulagement.
« -C’est loin
maman, c’est en Italie ! »dit-il en se mettant à rire nerveusement et
en dansant.
Maman ne comprend pas le
comportement de son fils mais elle met cela sur l’effervescence des voisins
qui, en s’agitant, lui ont fait peur. Il est vrai que la nouvelle est renversante et que
tout le pays est en ébullition.
Et ce n’est que bien
plus tard, apprenant l’existence d’Henri qu’elle comprendra pourquoi lors d’une
escapade sans parents, Julien s’était fait une grande frayeur qui le marqua
pour longtemps.
Marie-Thérèse
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Espérant vivre une
expérience seuls sans les parents, les trois ados de 12 ans ne se quittant pas
depuis leur cinq ans, fréquentant les mêmes classes, amis, ils étaient devenus
au fil des ans très fusionnels. Pour cette petite escapade, seuls dans la nuit,
ils avaient un but. Ce but était de vérifier l’histoire des feux follets qui,
depuis la nuit des temps hantaient les cimetières. La curiosité les motivait de
constater eux-mêmes, ces histoires qui étaient contées depuis la nuit des
temps.
C’était le début des
années 80. A part l’école, les activités sportives, chaque soir, ils passaient
leurs soirées au foyer en famille. A force de prières, ils avaient obtenu le
droit de passer une soirée et une nuit chez l’un des copains pour réviser leurs
leçons, une fois de temps en temps. C'était la joie, les parents se
connaissaient depuis la primaire et se téléphonaient pour être rassurés.
Ce vendredi-là, ils
avaient demandé de passer la soirée chez le copain. Accordée fut la demande.
Ils se donnèrent rendez-vous vers le cimetière de la ville voisine, après avoir
rempli leurs poches de victuailles pour diner. Leur cœur battait très fort à
mesure que la nuit tombait. Ils mangèrent une partie des provisions avec
l’impression de commettre une énorme faute.
Enfin la nuit tomba sur
la ville. Ils se firent la courte échelle pour escalader le mur du cimetière.
Il faisait très noir. La lune éclairait faiblement les croix dressées au-dessus
des tombeaux. Nos trois compères n’étaient pas fiers. Le moindre bruit les
faisait sursauter : les chats qui poussaient des cris en fuyant, pris de panique les oiseaux de nuit
s’envolaient dans des bruissements d’ailes affolants. Ils s’assirent sur le
bord d’un caveau sinistre et froid afin d’observer les tombes silencieuses qui
les entouraient.
C’est à ce moment que
les feux follets se manifestèrent par leurs lumières fluorescentes. Ça
ressemblait à des petit elfes qui sortaient des tombes remontant brusquement
pour s’envoler vers le ciel après avoir effectué une gracieuse danse féerique
tels des petites fées. Etait-ce l’âme des chers disparus qui venait s’aérer un
moment pour s’envoler vers l’éternité ou se réintégrer dans les sinistres
linceuls ?
Ils se serrèrent les uns contre les autres pour se réchauffer
un peu et se rassurer. Leurs yeux se fermaient de fatigue. C’est alors que
l’incident dut se produire. De grands squelettes sortir des tombes, certains
avec des chapeaux, d’autres avec des voilettes de dentelle. Ils étaient souples
et remplis de vigueur. Ils semblaient voler le long des tombes. Ils se
donnèrent la main partant dans une ribambelle, firent une ronde macabre. Des
couples valsaient, d’autres sûrement très âgés dansaient la polka et la
mazurka.
Un bruit les tira de
leurs rêves en sursaut. C’étaient deux matous qui se coursaient, qui avaient
renversé une énorme poterie qui s’était brisée. Ils se regardèrent ahuris puis
décidèrent de rentrer au logis. Mais une chose était certaine : c’est que
les feux follets existent bien, même si ce n’est qu’un phénomène chimique. Ils
se quittèrent fiers de leur premier exploit. Leurs parents réveillés à trois
heures du matin demandèrent des explications. Chacun donna sa version d’un air
désolé. L’un prétendit que son ami ronflait si fort qu’il préférait s’en aller.
L’autre, son copain était très agité. Il parlait sans arrêt en dormant. Quant
au troisième, il avait eu une crise d’angoisse
sans raison. Il avait envie de retrouver ses parents.
Le lendemain, seuls avec
leur maman, ils avouèrent leur escapade et la raison de ce comportement. Les mamans
ont compris leur garçon et leur envie de vérité sur les feux follets. L’une
d’elles avait, à douze ans, fait la même expérience. Ils promirent de ne plus
partir seuls dans la nuit sans rien dire. Comme punition, ils furent privés de
leurs petites soirées entre copains.
Mireille
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Je n’ai
pas gardé beaucoup de souvenirs de ce qu’on appelait le « sale âge »
ou « l’âge bête », entendez l’adolescence. Peu de conflits. Par
contre l’envie folle de s’envoler du nid, des projets plein la tête et la
conviction que pour y parvenir je devrais batailler dur. Tout cela me
taraudait, tandis que mes parents faisaient l’impossible pour sortir ensemble
leurs quatre enfants. Si les rêves parentaux n’étaient pas les nôtres, rêver
est très communicatif… je me rendais compte qu’en tant qu’aînée j’allais devoir
ouvrir la route et que cela pouvait être difficile, même, et surtout, avec des
parents aimants… J’en étais là de mes réflexions quand une opportunité s’offrit
à moi. J’avais 16 ans et j’achevais ma première année de scolarité à l’École
Normale où j’avais choisi l’internat. Je m’y plaisais beaucoup et profitais au
maximum des sorties culturelles de « mon âge »… Un matin, lors de
l’information quotidienne, la directrice nous signala que « la jeunesse et
les sports » offrait à l’une d’entre nous de partir à la découverte de la
Yougoslavie via Venise pendant 15 jours d’été ; celle qui partirait
devrait rédiger un compte-rendu qu’elle adresserait à l’organisme dès son
retour. Partir seule… J’eus vite fait de déposer ma candidature, qui fut
retenue.
Toute notre
famille se réjouit pour moi, m’envia probablement un peu, et se réorganisa pour
faire face à mon absence. Il y eut même des promotions ! Ma sœur de quatre
ans ma cadette fut promue aînée pour 15 jours. Le voyage fut délicieux, il
correspondait à mes centres d’intérêt et préoccupations du moment. En
Yougoslavie nous fûmes hébergés en cités universitaires et avions des échanges
avec des étudiants engagés dans la construction sociale et politique
(autogestionnaire) de leur pays fédéré… un beau pays, en ce bel été. À Venise,
nous étions logés dans un foyer catholique ; les visites étaient plus
culturelles, mais toujours variées. Il y eut aussi, comme dans tous les groupes
de jeunes gens, des moments de détente joyeux et tendres, tempérés de petites
mises au point nécessaire. J’admirais le tact des accompagnateurs, un peu plus
âgés que nous mais qui maîtrisaient bien leur sujet – j’en pris de la graine
pour mes étés de monitrice à venir.
Je n’ai
jamais oublié ce voyage libre, cette impression délicieuse que le monde
m’appartenait enfin. C’est vrai que j’ai toujours aimé voyager, même quand je
ne pouvais pas aller très loin. Un voyage, c’est une fenêtre ouverte sur une
autre réalité. On s’y prépare avant, on s’y plonge et on en profite pendant, et
on y repense encore longtemps après… Un
de mes moteurs.
Les
retombées immédiates du voyage furent également positives pour tous. La
rédaction du compte-rendu prolongea agréablement le voyage et ses effets sur le
début de mon émancipation. De plus, ayant fait la connaissance en cours de
route d’un Normalien de Mâcon, à 30 km du pays de maman où nous passions un
mois de vacances tous les étés, nous avions prévu de nous revoir… ce qui valut
à toute la famille, un agréable détour dans le Beaujolais.
Tout le
monde était content, et je me souviens m’être alors réjouie en constatant que
les innovations de cet été-là avaient mis un peu d’air dans mes relations
familiales, et que ma libération ne serait pas forcément difficile.
Aujourd’hui,
avec le recul que procure l’âge, je me dis qu’à l’occasion de ma première
escapade sans les parents, nous avions franchi une étape importante : la
reconnaissance de mon autonomie.
Françoise
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C'était
l'été aussi dans les Pyrénées ariégeoises.
J'avais
deux ans : mes parents travaillaient dans les champs et les prés, pour mener à
bien moissons et fenaisons vitales pour nourrir la maisonnée et les vaches,
durant la période hivernale.
Au plus
fort de la chaleur de l'après-midi, j'étais confinée dans mon lit pour la sieste,
sous la garde austère de ma grand-mère paternelle, veuve de guerre, portant le
deuil, de la tête aux pieds.
Elle voulait
à tout prix m'endormir en chevrotant son registre de variétés : " Fais
dodo...", " En voiture mesdames..., " C'est la souillon du
canton qui a perdu son cotillon"...mais en occitan, ma première langue :
" qué ra mangana dé cantou qua perduch é cotillou "
Je m'ennuyais.
Je suis sortie. Je voulais rejoindre mes parents. Je me suis égarée, pieds nus,
par les chemins de terre, sous la morsure de la chaleur.
J'ai dû
errer, à travers bois.
Une battue
fut organisée. Je ne sais pas si les cris et les aboiements me réveillèrent ou
si je fus repérée par mes pleurs et cris.
Je
retrouvai dons les miens à une heure avancée de la nuit.
Je n'ai pas
souvenance d'avoir eu à essuyer de surcroît des remontrances.
Evasion du quotidien
Sans souci, sans contrainte,
Chercher le meilleur coin,
Avec des amis proches,
Prendre le temps de vivre,
Apprécier le moment présent,
Déambuler sans but précis,
Et se ressourcer.
Fabienne
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