J'appartiens
au genre féminin ; je suis généralement vêtue de rose et de bleu, parfois.
Hélas !
Étant pulpeuse, j'attire les convoitises : je suis tellement appétissante que
l'on me mordille bien souvent.
Je suis
aussi souple qu'une gymnaste olympique : telle Nadia Comaneci, naguère, je
rebondis dans l'espace.
Hélas ! Des
êtres cruels, sans scrupule, désœuvrés, me mutilent au cutter ou avec la pointe
du compas.
Je suis
pourtant d'une grande utilité, ayant le monopole de faire disparaître bévues et
inepties, fort préjudiciables pour leurs auteurs, si je n'interviens pas.
Ma
discrétion est absolue, je ne me plains jamais, étant sans défense ; malheureusement,
je diminue irrémédiablement.
Je suis
sollicitée.certains jours plus que d'autres. Couverte de tags, ne sachant pas
lire, ces messages ne m'étant pas destinés, je me transforme alors en messager,
projectile ou pigeon voyageur, selon les humeurs. Le destinataire écrit sa
réponse et je retourne à la case de départ par la voie des airs.
Parfois je
suis ornée de cœurs qui ne me sont pas destinés : l'être humain est ainsi fait,
l'ingratitude personnifiée.
Je suis la
servante et le souffre-douleur de tous ces énergumènes : j'attends la nuit avec
impatience, pour me reposer dans un local portatif bien clos avec d'autres
collègues aux fonctions bien spécifiques, dont le quotidien n'est pas non plus
une sinécure.
En
récompense de mes bons et loyaux services, j'atterris brutalement et sans
préavis à la poubelle, après une existence usante. Je suis la
gomme de l'écolier.
Marie-Christine
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Autrefois elle se
servait de moi presque tous les jours, maintenant c’est beaucoup plus
irrégulier. Je la voyais venir avec son panier et dans ma bouche grande ouverte
elle me chargeait. Puis elle sélectionnait quelques boutons et je me mettais à
valser le temps nécessaire. Elle
revenait ensuite s’agenouiller devant moi et déchargeait mon contenu, dès fois
elle me faisait travailler deux fois d’affilée. Maintenant je suis comme en
préretraite. Je ne travaille plus qu’une à deux fois par semaine et je n’en ai
plus plein la gueule. Pourtant je tourne aussi bien, je sais qu’elle fait
attention à moi car j’ai une petite fuite au niveau du hublot, une paire de
collant coincée dans la porte et qui a abimée mon caoutchouc qui assure
l’adhérence. Alors elle place une petite serpillère à mes pieds comme une sorte
de bavoir pour absorber l’eau qui s’écoule mais elle dit que tant que je marche
elle me gardera. Je l’entends souvent dire que je suis la plus belle invention
pour la femme. Je suis la machine à laver le linge
Fabienne
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Dès le matin je l’entends grommeler :
« Ah ! Où ai-je bien pu les mettre ? J’étais sûre de les avoir
rangés mais bien sûr, ils ne sont plus là, ils ne sont jamais à leur place ! » Elle ouvre un
tiroir puis un autre. Mais elle ne peut me trouver et pour cause ! C’est
vrai qu’elle est désordonnée et surtout très distraite mais moi, je suis là
dans mon coin et je ris sous cape de l’entendre râler. Pourquoi me
cherche-t-elle ? Elle vient de me prendre et m’a déjà oublié. Je ne suis
pas si loin.
Il suffirait d’un tout petit effort et d’un peu de patience ! Et oui je me suis glissé, devinez-où ? Juste sous le journal qu’elle a posé sans regarder mais à demi-seulement, il faudra bien qu’elle me retrouve ! Et maintenant elle cherche et elle râle et moi, je ris, je ris en sourdine, sans soubresaut. Posera-t-elle son verre à mes côtés ? Mon métal froid le fera tinter. Mais pour l’heure, j’attends tranquillement. Pourvu qu’elle ne se fasse pas mal en m’attrapant de travers ! je pourrais la piquer ou peut-être l’écorcher en un mot la blesser bien contre mon gré, surtout si elle m’envoie promener un peu trop rapidement. Peut-être au contraire va-t-elle me bousculer et me faire tomber ? Ce ne sera pas si grave ! J’en ai l’habitude et je suis résistant mais à force je risque fort de m’abimer à mon tour et alors me jettera-t-elle au rebut ? C’est vrai qu’épointé, je peux encore servir tant que mon fil garde son usage. Mon petit frère est là dans sa pochette au fond de son sac à main. Il est sérieux car il va au bureau. Mon grand frère, regardez-le là-bas, a-t-il sommeil ? Il baille accroché à un clou, au mur de la cuisine en bonne compagnie près des casseroles. Mais moi, je suis l’homme à tout faire : carton, tissu, ficelle, papier, plastique, j’en vois de toutes les couleurs. Je ne suis pas un spécialiste mais toujours prêt à dépanner.
Il suffirait d’un tout petit effort et d’un peu de patience ! Et oui je me suis glissé, devinez-où ? Juste sous le journal qu’elle a posé sans regarder mais à demi-seulement, il faudra bien qu’elle me retrouve ! Et maintenant elle cherche et elle râle et moi, je ris, je ris en sourdine, sans soubresaut. Posera-t-elle son verre à mes côtés ? Mon métal froid le fera tinter. Mais pour l’heure, j’attends tranquillement. Pourvu qu’elle ne se fasse pas mal en m’attrapant de travers ! je pourrais la piquer ou peut-être l’écorcher en un mot la blesser bien contre mon gré, surtout si elle m’envoie promener un peu trop rapidement. Peut-être au contraire va-t-elle me bousculer et me faire tomber ? Ce ne sera pas si grave ! J’en ai l’habitude et je suis résistant mais à force je risque fort de m’abimer à mon tour et alors me jettera-t-elle au rebut ? C’est vrai qu’épointé, je peux encore servir tant que mon fil garde son usage. Mon petit frère est là dans sa pochette au fond de son sac à main. Il est sérieux car il va au bureau. Mon grand frère, regardez-le là-bas, a-t-il sommeil ? Il baille accroché à un clou, au mur de la cuisine en bonne compagnie près des casseroles. Mais moi, je suis l’homme à tout faire : carton, tissu, ficelle, papier, plastique, j’en vois de toutes les couleurs. Je ne suis pas un spécialiste mais toujours prêt à dépanner.
Enfin voilà, elle m’a remarqué. J’avais
laissé dépasser un bout de mon oreille. Elle pousse un ouf de
soulagement ! Ce n’était pourtant pas un si grand tourment et elle m’attrape
tout en jurant : « Je savais bien que je l’avais mis sur la
table ! » Eh oui, elle le savait si bien qu’elle m’a cherché partout
et maintenant, contente, elle ouvre d’un
coup bref, son paquet au papier métallisé. Sans moi qu’aurait-elle fait ?
Nous sommes les ciseaux.
Marie-Thérèse
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Grâce à
mon coude alambiqué, je suis souple et rompue à toutes les corvées. Je me livre
à des génuflexions qui vous stupéfieraient. Je suis une athlète de haut rang et
je peux garder la pose un certain temps. Je suis patiente et téméraire à la
fois. Je peux souffler le chaud et le froid. Je suis complaisante et j’aime
rendre service. Je peux contenir mes humeurs et apprécie qu’on me félicite. Je suis
reconnaissante et surtout professionnelle. Je guide souvent vos gestes sans
rien y paraître. On m’a conçu ainsi pour que je vous sois utile. Et belle de
surcroît ce qui allie l’utile à l’agréable. Je vois la vie en couleurs et me
décline du bleu ciel au bleu acier en passant par le mauve, le vert émeraude et
le rose fuchsia. Mes yeux à facettes, ronds ou encore en amande brillent de
plaisir quand vos jolis doigts fins les caressent d’un tour de main. Je connais
votre maniaquerie et je sais que vous attachez une attention particulière à ma
toilette. Je me veux bien proprette. Vous m’avez à l’œil et je ne voudrais
point vous décevoir. Peut-être aurais-je réussi à vous émouvoir, et vous m’offrez
une belle place dans vos placards. Je deviendrai contenu et contenant. Je côtoierai
ainsi mes amis du moment. Je me calerai entre les courbes et les déliés… les
formes cubiques et sphériques, les cônes et les objets cylindriques. J’en
adopterai des formes et des contours. Je pourrai faire la connaissance d’une
comparse que je pourrai former à ses nouvelles tâches. Je lui apporterai toute
mon empathie et mon expérience de terrain, afin de me remplacer assurément le
temps venu. Je la stimulerai si je la trouve trop apathique. Vous me verrez
fort affligée de devoir vous laisser après tant d’années de bons et loyaux
services. Mais telle est la loi du devoir bien accompli.
Votre dévouée
Émilie.
P.-S. :
si vous ne vous souvenez pas de moi, je pourrai de mes neurones déficients
laisser passer inconsciemment quelques souvenirs par les trous de ma mémoire
qui se rappellent encore parfaitement du goût de vos aliments. Je suis :
la passoire.
Claudine
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Que m'arrive t-il d'un coup ?
J'étais bien tranquille au milieu de mes semblables, j'étais épanoui et
satisfait, bien calé dans un coin au calme et me voici tout chahuté,
transporté, où vais-je ainsi ? J'ai été placé sans ménagement dans une caisse
au milieu de quelques autres et nous voilà partis, on marche. Pas très
longtemps malgré tout, on me dépose enfin, je suis au dehors de nouveau, je
sens la brise me caresser doucement. La
journée a été bien chaude mais le soleil décline à présent, la nuit sera bientôt là.
La nuit est terminée, une autre
journée commence, le soleil brille de nouveau. Je suis toujours serré contre
les autres dans cette caisse, nous attendons mais nous ne savons pas quoi exactement. Mais voilà que ça bouge de
nouveau, quel sera le programme aujourd'hui, après cette longue attente.
J'entends des bruits, on vide, on creuse, on arrange, on nettoie. Autour de
nous les objets se multiplient, on dirait la préparation d'un chantier. Au bout
d'un moment, je vois disparaître mon voisin, où l'emporte-t-on ainsi ? Je n'ai
pas le temps d'y réfléchir bien longtemps, me voici à mon tour attrapé par le pied et remonté en hauteur.
Rien ne bouge plus, je dois donc être arrivé à destination. Mais voilà qu'on me
remue encore, on m'installe un peu plus, plutôt bien je dois dire, et là je
m'aperçois que j'ai retrouvé mes voisins, je suis bien aise de les revoir, je
me sens moins seul. Enfin on me laisse,
je souffle, c'est à présent à mes côtés que ça bouge, sans doute quelqu'un qui
ne va pas tarder à me rejoindre là.
De nouveau plus rien ne bouge à
mes côtés, ni à gauche, ni à droite, le calme est revenu, je peux me détendre
et regarder où je suis. Je scrute mon horizon et je vois que je suis en
hauteur, je domine le vide, en-dessous j'aperçois le vert d'une pelouse, un
grand sapin au milieu remue doucement ses branches. Partout autour se dressent
d'autres habitations, droit devant une rue gravit la côte et plus loin encore,
c'est bien le périphérique que je distingue, j'entends le bruit continu de la
circulation. C'est donc là qu'on a choisi de m'installer, c'est là que je vais
vivre, reprendre des forces et m'épanouir.
Le temps passe doucement
aujourd'hui et je vois d'autres pensionnaires à leur tout remués et installés
plus loin, à nos côtés. Si nous sommes tous alignés, chacun son coin malgré
tout, nous sommes regroupés quatre par quatre et à intervalle régulier. Mais
ainsi disposés tous ensemble, nous avons d'un coup fière allure, la maîtresse
de maison peut être satisfaite de son travail et de la vue qu'elle va offrir
aux autres, grâce à nous qui sommes à la fois semblables et différents.
Autour de nous le grand ménage
est fait, le chantier a disparu, la caisse inconfortable aussi, je crois qu'à
présent nous n'avons plus rien à craindre. Une dernière visite de la maîtresse
des lieux, elle semble nous admirer et verse enfin à nos pieds, l'eau que nous
attendions, il ne nous manquait que ça pour recommencer à vivre. Et je crois que
les autres seront d'accord pour dire avec moi « je crois que je vais bien
me plaire ici et faire des miracles cet été ». Je suis le géranium
Paulette
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J’aime quand tu poses un
regard bienveillant à mon égard. Des fois, tu me caresses le dos gentiment.
C’est par moi que tu décides de te
vêtir, si tu dois sortir ou rester à la maison, je suis ta pluie et ton beau temps. Tu m’as
choisie car tu aimes tous ceux qui me ressemblent, tu les collectionnes même.
D’où je suis, j’ai la
chance de bénéficier d’une vue
panoramique. En bas, je veux voir mes semblables qui me contemplent sous
différentes formes du gant de toilette dans la salle de bains au décor des toilettes,
de la vaisselle jusqu’au taille crayon.
Moi, je reste là, adhérant
à la vitre. Oui, je suis ta grosse grenouille verte, qui sert de baromètre et
qui guide ta vie selon le temps présent, avec le chaud, le froid, le printemps,
l’été, l’automne, l’hiver, Noël et ses merveilles.
Mireille
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Petit cadre
mural, je mesure 27 cm sur 17 cm et je peux aussi tenir debout grâce à un
trépied pliable fixé sur mon dos. De couleur acajou, j’entoure non pas un
tableau magnifique mais un sous-verre de
velours grenat divisé en trois parties. Au centre, une photo : celle d’un
homme de taille moyenne, droit et fier, fixant l’objectif d’un seul œil, l’autre
étant recouvert d’un bandeau noir. À gauche de la photo est épinglé un ruban de
satin jaune bordé de vert, à l’extrémité duquel est suspendue une médaille. À droite,
une autre médaille, en forme de croix, suspendue à un ruban rayé vert et rouge
orné d’une palme. Une croix de guerre faisant face à une autre médaille
militaire… Un souvenir de la guerre de 14-18, j’ai 100 ans !
Petit cadre
relique, j’ai orné longtemps le buffet de la salle à manger de la famille à
laquelle appartenait le jeune homme. J’ai été témoin de la vie quotidienne de
cette famille, de ses joies, de ses peines, d ses discussions aussi… j’ai
assisté aux fêtes, aux cérémonies. Témoin de vies tantôt joyeuses tantôt
tristes, je suis resté le même. Simple cadre, j’évoque non seulement la vie de
toute une famille mais aussi un siècle e notre histoire : batailles de la Marne,
de Verdun, Chemin des Dames dont le jeune homme de la photo est le symbole,
celui de ceux qui se sont battus et sont tombés pour que leur Patrie soit
libre, celui de ceux qui se battent encore pour des causes similaires. Petit cadre
mural : merci !
Christiane
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