dimanche 30 avril 2017

LA PAROLE AUX OBJETS

J'appartiens au genre féminin ; je suis généralement vêtue de rose et de bleu, parfois.
Hélas ! Étant pulpeuse, j'attire les convoitises : je suis tellement appétissante que l'on me mordille bien souvent.
Je suis aussi souple qu'une gymnaste olympique : telle Nadia Comaneci, naguère, je rebondis dans l'espace.
Hélas ! Des êtres cruels, sans scrupule, désœuvrés, me mutilent au cutter ou avec la pointe du compas.
Je suis pourtant d'une grande utilité, ayant le monopole de faire disparaître bévues et inepties, fort préjudiciables pour leurs auteurs, si je n'interviens pas.
Ma discrétion est absolue, je ne me plains jamais, étant sans défense ; malheureusement, je diminue irrémédiablement.
Je suis sollicitée.certains jours plus que d'autres. Couverte de tags, ne sachant pas lire, ces messages ne m'étant pas destinés, je me transforme alors en messager, projectile ou pigeon voyageur, selon les humeurs. Le destinataire écrit sa réponse et je retourne à la case de départ par la voie des airs.
Parfois je suis ornée de cœurs qui ne me sont pas destinés : l'être humain est ainsi fait, l'ingratitude personnifiée.
Je suis la servante et le souffre-douleur de tous ces énergumènes : j'attends la nuit avec impatience, pour me reposer dans un local portatif bien clos avec d'autres collègues aux fonctions bien spécifiques, dont le quotidien n'est pas non plus une sinécure.
En récompense de mes bons et loyaux services, j'atterris brutalement et sans préavis à la poubelle, après une existence usante. Je suis la gomme de l'écolier.

Marie-Christine
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Autrefois elle se servait de moi presque tous les jours, maintenant c’est beaucoup plus irrégulier. Je la voyais venir avec son panier et dans ma bouche grande ouverte elle me chargeait. Puis elle sélectionnait quelques boutons et je me mettais à valser le temps  nécessaire. Elle revenait ensuite s’agenouiller devant moi et déchargeait mon contenu, dès fois elle me faisait travailler deux fois d’affilée. Maintenant je suis comme en préretraite. Je ne travaille plus qu’une à deux fois par semaine et je n’en ai plus plein la gueule. Pourtant je tourne aussi bien, je sais qu’elle fait attention à moi car j’ai une petite fuite au niveau du hublot, une paire de collant coincée dans la porte et qui a abimée mon caoutchouc qui assure l’adhérence. Alors elle place une petite serpillère à mes pieds comme une sorte de bavoir pour absorber l’eau qui s’écoule mais elle dit que tant que je marche elle me gardera. Je l’entends souvent dire que je suis la plus belle invention pour la femme.  Je suis la machine à laver le linge

Fabienne 
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Dès le matin je l’entends grommeler : « Ah ! Où ai-je bien pu les mettre ? J’étais sûre de les avoir rangés mais bien sûr, ils ne sont plus là, ils ne sont jamais  à leur place ! » Elle ouvre un tiroir puis un autre. Mais elle ne peut me trouver et pour cause ! C’est vrai qu’elle est désordonnée et surtout très distraite mais moi, je suis là dans mon coin et je ris sous cape de l’entendre râler. Pourquoi me cherche-t-elle ? Elle vient de me prendre et m’a déjà oublié. Je ne suis pas si loin.
Il suffirait d’un tout petit effort et d’un peu de patience ! Et oui je me suis glissé, devinez-où ? Juste sous le journal qu’elle a posé sans regarder mais à demi-seulement, il faudra bien qu’elle me retrouve ! Et maintenant elle cherche et elle râle et moi, je ris, je ris en sourdine, sans soubresaut. Posera-t-elle son verre à mes côtés ? Mon métal froid le fera tinter. Mais pour l’heure, j’attends tranquillement. Pourvu qu’elle ne se fasse pas mal en m’attrapant de travers ! je pourrais la piquer ou peut-être l’écorcher en un mot la blesser bien contre mon gré, surtout si elle m’envoie promener un peu trop rapidement. Peut-être au contraire va-t-elle me bousculer et me faire tomber ? Ce ne sera pas si grave ! J’en ai l’habitude et je suis résistant mais à force je risque fort de m’abimer à mon tour et alors me jettera-t-elle au rebut ? C’est vrai qu’épointé, je peux encore servir tant que mon fil garde son usage.  Mon petit frère est là dans sa pochette  au fond de son sac à main. Il est sérieux car il va au bureau. Mon grand frère, regardez-le là-bas, a-t-il sommeil ? Il baille accroché à un clou, au mur de la cuisine en bonne compagnie près des casseroles. Mais moi, je suis l’homme à tout faire : carton, tissu, ficelle, papier, plastique, j’en vois de toutes les couleurs.  Je ne suis pas un spécialiste mais toujours prêt à dépanner.
Enfin voilà, elle m’a remarqué. J’avais laissé dépasser un bout de mon oreille. Elle pousse un ouf de soulagement ! Ce n’était pourtant pas un si grand tourment et elle m’attrape tout en jurant : « Je savais bien que je l’avais mis sur la table ! » Eh oui, elle le savait si bien qu’elle m’a cherché partout et maintenant, contente, elle ouvre  d’un coup bref, son paquet au papier métallisé. Sans moi qu’aurait-elle fait ?
Nous sommes les ciseaux.

Marie-Thérèse
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Grâce à mon coude alambiqué, je suis souple et rompue à toutes les corvées. Je me livre à des génuflexions qui vous stupéfieraient. Je suis une athlète de haut rang et je peux garder la pose un certain temps. Je suis patiente et téméraire à la fois. Je peux souffler le chaud et le froid. Je suis complaisante et j’aime rendre service. Je peux contenir mes humeurs et apprécie qu’on me félicite. Je suis reconnaissante et surtout professionnelle. Je guide souvent vos gestes sans rien y paraître. On m’a conçu ainsi pour que je vous sois utile. Et belle de surcroît ce qui allie l’utile à l’agréable. Je vois la vie en couleurs et me décline du bleu ciel au bleu acier en passant par le mauve, le vert émeraude et le rose fuchsia. Mes yeux à facettes, ronds ou encore en amande brillent de plaisir quand vos jolis doigts fins les caressent d’un tour de main. Je connais votre maniaquerie et je sais que vous attachez une attention particulière à ma toilette. Je me veux bien proprette. Vous m’avez à l’œil et je ne voudrais point vous décevoir. Peut-être aurais-je réussi à vous émouvoir, et vous m’offrez une belle place dans vos placards. Je deviendrai contenu et contenant. Je côtoierai ainsi mes amis du moment. Je me calerai entre les courbes et les déliés… les formes cubiques et sphériques, les cônes et les objets cylindriques. J’en adopterai des formes et des contours. Je pourrai faire la connaissance d’une comparse que je pourrai former à ses nouvelles tâches. Je lui apporterai toute mon empathie et mon expérience de terrain, afin de me remplacer assurément le temps venu. Je la stimulerai si je la trouve trop apathique. Vous me verrez fort affligée de devoir vous laisser après tant d’années de bons et loyaux services. Mais telle est la loi du devoir bien accompli.
Votre dévouée Émilie.

P.-S. : si vous ne vous souvenez pas de moi, je pourrai de mes neurones déficients laisser passer inconsciemment quelques souvenirs par les trous de ma mémoire qui se rappellent encore parfaitement du goût de vos aliments. Je suis : la passoire.

Claudine
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Que m'arrive t-il d'un coup ? J'étais bien tranquille au milieu de mes semblables, j'étais épanoui et satisfait, bien calé dans un coin au calme et me voici tout chahuté, transporté, où vais-je ainsi ? J'ai été placé sans ménagement dans une caisse au milieu de quelques autres et nous voilà partis, on marche. Pas très longtemps malgré tout, on me dépose enfin, je suis au dehors de nouveau, je sens  la brise me caresser doucement. La journée a été bien chaude mais le soleil décline à présent,  la nuit sera bientôt là.
La nuit est terminée, une autre journée commence, le soleil brille de nouveau. Je suis toujours serré contre les autres dans cette caisse, nous attendons mais nous ne savons pas quoi  exactement. Mais voilà que ça bouge de nouveau, quel sera le programme aujourd'hui, après cette longue attente. J'entends des bruits, on vide, on creuse, on arrange, on nettoie. Autour de nous les objets se multiplient, on dirait la préparation d'un chantier. Au bout d'un moment, je vois disparaître mon voisin, où l'emporte-t-on ainsi ? Je n'ai pas le temps d'y réfléchir bien longtemps, me voici à mon tour  attrapé par le pied et remonté en hauteur. Rien ne bouge plus, je dois donc être arrivé à destination. Mais voilà qu'on me remue encore, on m'installe un peu plus, plutôt bien je dois dire, et là je m'aperçois que j'ai retrouvé mes voisins, je suis bien aise de les revoir, je me sens moins seul.  Enfin on me laisse, je souffle, c'est à présent à mes côtés que ça bouge, sans doute quelqu'un qui ne va pas tarder à me rejoindre là.
De nouveau plus rien ne bouge à mes côtés, ni à gauche, ni à droite, le calme est revenu, je peux me détendre et regarder où je suis. Je scrute mon horizon et je vois que je suis en hauteur, je domine le vide, en-dessous j'aperçois le vert d'une pelouse, un grand sapin au milieu remue doucement ses branches. Partout autour se dressent d'autres habitations, droit devant une rue gravit la côte et plus loin encore, c'est bien le périphérique que je distingue, j'entends le bruit continu de la circulation. C'est donc là qu'on a choisi de m'installer, c'est là que je vais vivre, reprendre des forces et m'épanouir.
Le temps passe doucement aujourd'hui et je vois d'autres pensionnaires à leur tout remués et installés plus loin, à nos côtés. Si nous sommes tous alignés, chacun son coin malgré tout, nous sommes regroupés quatre par quatre et à intervalle régulier. Mais ainsi disposés tous ensemble, nous avons d'un coup fière allure, la maîtresse de maison peut être satisfaite de son travail et de la vue qu'elle va offrir aux autres, grâce à nous qui sommes à la fois semblables et différents.
Autour de nous le grand ménage est fait, le chantier a disparu, la caisse inconfortable aussi, je crois qu'à présent nous n'avons plus rien à craindre. Une dernière visite de la maîtresse des lieux, elle semble nous admirer et verse enfin à nos pieds, l'eau que nous attendions, il ne nous manquait que ça pour recommencer à vivre. Et je crois que les autres seront d'accord pour dire avec moi « je crois que je vais bien me plaire ici et faire des miracles cet été ». Je suis le géranium

Paulette
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J’aime quand tu poses un regard bienveillant à mon égard. Des fois, tu me caresses le dos gentiment. C’est  par moi que tu décides de te vêtir, si tu dois sortir ou rester à la  maison,   je suis ta pluie et ton beau temps. Tu m’as choisie car tu aimes tous ceux qui me ressemblent, tu les collectionnes même.
D’où je suis, j’ai la chance de bénéficier  d’une vue panoramique. En bas, je veux voir mes semblables qui me contemplent sous différentes formes du gant de toilette dans la salle de bains au décor des toilettes, de la vaisselle jusqu’au taille crayon.

Moi, je reste là, adhérant à la vitre. Oui, je suis ta grosse grenouille verte, qui sert de baromètre et qui guide ta vie selon le temps présent, avec le chaud, le froid, le printemps, l’été, l’automne, l’hiver, Noël et ses merveilles.

Mireille
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Petit cadre mural, je mesure 27 cm sur 17 cm et je peux aussi tenir debout grâce à un trépied pliable fixé sur mon dos. De couleur acajou, j’entoure non pas un tableau magnifique mais  un sous-verre de velours grenat divisé en trois parties. Au centre, une photo : celle d’un homme de taille moyenne, droit et fier, fixant l’objectif d’un seul œil, l’autre étant recouvert d’un bandeau noir. À gauche de la photo est épinglé un ruban de satin jaune bordé de vert, à l’extrémité duquel est suspendue une médaille. À droite, une autre médaille, en forme de croix, suspendue à un ruban rayé vert et rouge orné d’une palme. Une croix de guerre faisant face à une autre médaille militaire… Un souvenir de la guerre de 14-18, j’ai 100 ans !

Petit cadre relique, j’ai orné longtemps le buffet de la salle à manger de la famille à laquelle appartenait le jeune homme. J’ai été témoin de la vie quotidienne de cette famille, de ses joies, de ses peines, d ses discussions aussi… j’ai assisté aux fêtes, aux cérémonies. Témoin de vies tantôt joyeuses tantôt tristes, je suis resté le même. Simple cadre, j’évoque non seulement la vie de toute une famille mais aussi un siècle e notre histoire : batailles de la Marne, de Verdun, Chemin des Dames dont le jeune homme de la photo est le symbole, celui de ceux qui se sont battus et sont tombés pour que leur Patrie soit libre, celui de ceux qui se battent encore pour des causes similaires. Petit cadre mural : merci !

Christiane

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