Ecrivez d'après cette photo, laissez libre cours à votre imagination
Bonjour
Mesdames. Que voulez-vous que je vous apprenne de plus à ce jour ? Alors
que vous produisez de si beaux textes au fil des séances pour notre atelier
d’écriture. Nous sommes toutes mains et doigts liés sur nos pianos
d’ordinateurs, entre nos pleins et déliés sur la feuille qui ne reste que
rarement blanche. Et blanches sont mes pensées pour toi Emmanuel qui joue aux
abonnés absents. Oui, ton humour, ta présence, ta réserve, ton érudition me
manquent. « Mais quand reviendras-tu ? »Au printemps, en été, en
hiver ? Barbara a résumé mes ressentis.
Et le
printemps, synonyme de renouveau, de nouveauté, de verdeur et de fleurs ne fait
que souligner mon questionnement qui
tourne en boucle dans mes pensées. Nous naissons un jour de printemps ou
peut-être en été comme ce joli peuplier aux tendres feuilles dentelées. Il a
pris racine de sa mère généreuse et étend ainsi ses petits parasols dorés au-dessus
de l’humus dûment hydraté. Il grandira certes comme nous s’il est chouchouté
par dame nature. Il en faudra des averses, des ondées, pour former ces
gouttelettes de rosées que chaque matin la fraîcheur de la nuit a déposées sur ses
nervures jaune thé. Il en faudra des rayons de soleil et de la lumière pour
synthétiser toute cette matière en chlorophylle. Nous verrons bientôt
apparaître un jeune tendron qui s’élèvera droit et fier aux multiples
ramifications dans nos jardins, près de nos chaumières ou vers les canaux et
les cimetières. Ecouter le chant des peupliers, un jour de prière. Quand le
vent s’engouffre dans sa légère crinière. Laissez-vous bercer par cette litanie
mille fois renouvelée et humer cette douce brise chargée peut-être de pollens
mais qui ne sont pas allergènes. Il vous fera peut-être un signe de sa crête
huppée, il vous dira peut-être au revoir de ses doigts fins et légers. Il vous
embrassera d’un lointain nuage de feuilles ocrées par la venue d’un automne
annonciateur d’hiver. Il laissera tomber nonchalamment à vos pieds un tapis
safran et parfumé qui, moelleux, s’enfonce sous les semelles des galoches, des
souliers. Il vous invitera peut-être à le saluer et à vous inquiéter de son
devenir quand il aura à contrer et à se préserver des frimas hivernaux venus le
harceler. Il n’attendra que le jour où
vous reviendrez, chargé d’amour et de tendresse. Vers lui, la main tendue et
quelques caresses. Il sera devenu père, peut-être grand-père et arrière
grand-père. Il sera moins seul entouré de toute une génération de jeunots et
d’arbres plus mâtures. Il rendra hommage à dame nature.
Claudine
.....................................................
Quand
j'écris sur une feuille de papier, je suis complice de la mort d'un arbre.
Comme moi,
il est né : son existence a connu bien des péripéties, selon qu'il s'est
développé en milieu naturel, sauvage ou qu'il a été cultivé par la main de
l'homme, souvent à des fins ornementales, festives, commerciales, rarement
désintéressées.
La
croissance végétale étant plus lente que la nôtre, le manteau sylvestre met des
siècles à se constituer, et, un beau jour, les gigantesques engins de mort
viennent procéder à la déforestation massive, bouleversant ipso facto
l'écosystème. L'arbre est parfois tronçonné, déraciné, arraché à sa forêt
natale pour devenir sapin de Noël, saigné comme le pin des Landes, ou tatoué
par des inconscients, soucieux de laisser une trace de leur passage.
L'arbre a
comme nous des racines : les siennes sont enfoncées dans le sol, où il puise
l'eau, ainsi que les sels minéraux, nécessaires à son développement ; en ce qui
nous concerne, notre arbre généalogique, déploie ses ramures, au fil des générations.
Pour croître
harmonieusement, l'arbre et l'humain nécessitent des soins, du respect.
Toutes ces
racines porteuses du tronc et des sommités feuillues, peuvent être victimes de
maladies et autres aléas existentiels : ainsi se déroule le chemin de vie.
Nous ne
sommes pas à l'abri des tempêtes et des drames de l'existence, l'arbre non plus
qui change de vêture au fil des saisons, se couvrant de tendres bourgeons, de
nuages floraux au printemps, déployant en été ses profondes frondaisons
abritant les oiseaux. En automne, l'arbre magicien, déployant son manteau,
donne un récital de couleurs et nous offre ses fruits. Hélas ! Les feuilles en
tourbillonnant, quittent la ramée nourricière ; l'arbre dépouillé, démuni comme
un SDF, attend des jours meilleurs, tandis que nous nous chauffons au feu de
bois, dans une vaste pièce meublée de chêne massif sculpté.
Nous
gaspillons sans compter le papier jeté à la corbeille, le bois, les meubles mis
au rebut : toute médaille a son revers : à mesure que s'intensifie la déforestation,
le désert avance.
L'arbre et
moi-même avons cependant passé de bons moments, dans la jeunesse, à écouter le
concert de la brise, le murmure du ruisseau, les mélodies des oiseaux, cachant
leurs nids dans la fraîcheur du feuillage.
L'arbre
vieillit aussi : il doit se dire comme moi qu'il faut vivre aujourd'hui, pas
plus, et demain, on verra bien.
Marie-Christine
.......................................................
A voir les mains d’un enfant
plantant un jeune arbre, je revois immédiatement ma petite fille venant passer
quelques jours de vacances à la maison. Etait-elle en CM2 ou en 6ème,
je ne m’en souviens plus mais elle était alors âgée d’une dizaine d’années.
L’institutrice ou le professeur de sciences n’avait pas trouvé mieux que de
leur demander d’étudier, pendant ces quinze jours, la croissance de graines de
façon très expérimentale, les avertissant que les compte-rendu seraient notés.
Je la vis débarquer du train. D’une main, elle
trainait sa valise et de l’autre elle soutenait bien horizontalement, un petit carton fermé, contenant son trésor.
« -Attention Mamie, il ne faut pas le
renverser. Tout serait perdu ! »
Et elle le posa précautionneusement sur la banquette
arrière de la voiture, en s’asseyant à côté, comme pour le surveiller, ne voulant pas, contrairement à son
habitude, venir sur le siège avant.
Vu la hauteur de la
boîte, il ne pouvait s’agir d’un animal. J’étais intriguée.
Dès son arrivée, elle la
déposa sur la table et ouvrit le couvercle. Je découvris alors à ma grande
stupeur, six petits pots de yaourt en verre, côte à côte. Elle sortit ensuite
son petit calepin et m’expliqua :
« Tu vois mamie,
j’ai mis des graines de blé. Enfin c’est ce qu’a dit la maitresse Mais maman
m’a donné des graines de riz et d’orge car elle n’avait pas assez de blé à la
maison. Chaque jour, à la même heure, je dois noter les changements. Aujourd’hui,
je suis un peu en retard mais c’est à cause du train. Cela fait déjà huit jours, que je les ai
mises.
- Et
ce pot-là, lui dis-je pourquoi est-il
couvert ?
- C’est
pour savoir si cela pousse sans la lumière du jour, » me répondit-elle.
Et
pendant ces huit jours, je la vis verser scrupuleusement un peu d’eau sur
certaines, et pas sur d’autres et même mettre un peu de glace pour l’une
d’entre elles puis inscrire consciencieusement les informations : couleur,
hauteur de la plante, germination ou non, et même dessiccation.
Je
la voyais heureuse en contemplant les quelques minuscules tiges maigrichonnes
qui, tant bien que mal, arrivaient à se
dresser au-dessus de leurs graines dans trois des pots et qu’elle tentait de
mesurer.
Juste
avant de repartir, elle réalisa, sur une feuille de cahier quadrillé, un
magnifique graphique dont elle était très fière.
Pendant
toute cette expérimentation, je ne pouvais m’empêcher de penser aux enfants qui
étaient partis à cette époque de l’année, sur la mer, en stage de
vaurien ou au ski. Avaient-ils emporté leurs petits pots sur les bateaux
ou sur les pistes ? Et quel souci pour les parents respectueux des
consignes professorales !
Le
jour du départ, dans la précipitation, elle oublia ses pots mais elle avait tous ses résultats consignés avec soin et
conservés dans sa valise.
Eh
bien oui, nombreux parents ne se sentaient pas l’âme de chercheur ou
d’agriculteur et pas plus que leur progéniture. Toujours est-il qu’à la
rentrée, la maitresse ne parla plus de cette observation. Tout juste
donna-t-elle un vague regard sur le graphique de ma petite fille.
Déçue,
très déçue, elle me dit au téléphone :
« Tu
sais mamie, les enfants n’ont pas fait l’expérience. Seulement deux ou trois
copains. Alors la maitresse a dit que ça ne compterait pas. Et elle n’a même
pas pris mon devoir avec le graphique !»
Et
voilà comment on décourage les futurs chercheurs ou biologistes !
Marie-Thérèse
...........................................
Théodore était heureux, il venait de gagner
un petit arbre à la fête de la nature de son école. Une fois rentré à la maison
il choisit avec son père le meilleur endroit pour le planter. Pas trop au
soleil ni trop à l’ombre il fallait qu’il profite sans brûler ni péricliter. Il
commença à creuser un trou suffisamment grand comme lui avait expliqué son
père, afin que les racines puissent s’y sentir à l’aise et se développer. Il
mit un peu d’eau au fond et y installa délicatement la jeune pousse. Il ne
savait pas le nom de son arbre, il l’avait oublié mais cela n’avait pas
d’importance il allait lui donner un nom. Une fois l’arbre installé il rangea
les outils dans le garage, alla prendre son goûter, très fier de sa nouvelle
responsabilité, il devait veiller sur son arbre. Le lendemain matin à peine
réveillé il se précipita pour voir si l’arbre avait grandi. Quelle déception il
était exactement pareil que la veille ! Son désarroi était si grand que
ses parents durent lui expliquer qu’il ne le verrait pas grandir d’un jour sur
l’autre mais qu’il faudrait des mois d’attente et d’attention pour qu’il voit
une différence. Théodore fût un peu rasséréné mais il aurait quand même bien
voulu voir quelque chose. Son attention fût détournée par Milou le chien de la
famille qui s’approchait de l’arbre. Il eut peur et couru demander à son père
comment faire pour protéger son arbre, il ne pouvait quand même pas rester en
permanence devant. Alors avec son père il installa un petit grillage autour de
la pousse afin que celle-ci soit à l’abri de toutes pattes ou pied qui
risqueraient de l’achever à jamais. Il se promit de passer tout les jours pour
dire bonjour à son arbre et contrôler si tout allait bien, l’arroser si
nécessaire. Il repartit dans ses pensées pour réfléchir au nom qu’il allait lui
donner.
Fabienne
.............................................
Qui veut
mes mains ? Pour manier des outils, construire des maisons, des machines.
Qui veut mes mains ? Fortes, robustes et habiles, toutes neuves, un bon
placement en somme. Qui veut mes mains ? Qui veut mes mains, mon
esprit ? Pour dompter la matière, calculer les normes. Qui veut mes mains,
mon esprit ? Ceux d’un homme qui veut vivre et grandir. Qui veut mes
mains, mon esprit ? Qui veut mes mains, mon intelligence ?
Quoi ? Vous me dites non ! Mais alors vous voulez qu’aux coins des
rues, misérables, honteuses, mes mains se tendent pour recevoir de quoi nourrir
le corps. Vous voulez que dans les brousses, les marécages, mes mains crispées
et sauvages, tiennent un fusil pour faire disparaître l’humain et l’esprit…
Voulez-vous aussi mon âme ? Que je
ne sois plus moi ! Seulement un matricule, un robot, que je sois à vos
pieds, suppliant, pleurant qu’on me donne un travail, à n’importe quel prix,
dans n’importe quelle condition… Écrasé, bafoué, meurtri, de l’homme ne gardant
que la forme ! Voulez-vous enfin que je rende l’âme.
Christiane
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire