« Si
c’était à refaire, dit Emmeline à son
amie Vanda, je m’y prendrai bien autrement. »
Et de lui raconter comment voulant prendre un
oreiller placé un peu trop loin sur la
plus haute étagère de son armoire, elle
a joué l’équilibriste.
«
Bien mal m’en a pris et je m’en mords les doigts.
Comme
tu le sais je suis assez petite. J’ai donc pris l’escabeau, celui qui n’a que trois marches et je suis montée un
peu insouciante. J’ai tendu le bras mais je me suis aperçue que j’étais trop
loin. Je n’arrivai même pas à l’effleurer. Au lieu de redescendre de mon
perchoir et de me repositionner, j’ai pensé qu’en faisant un effort, j’y
arriverais. Juchée sur la pointe des pieds, je tendis davantage la main, m’étirai encore plus tout, en me hissant et
enfin je réussissais à le saisir entre
quelques doigts seulement. L’oreiller se souleva et glissant de la planche,
s’envola en me déstabilisant. Je fis un demi-tour involontaire et me retrouvai
très vite par terre à côté de l’oreiller. Résultat : en décoration, une
minerve autour du cou et une cheville plâtrée pour cause de mauvaise fracture. Tu vois Vanda, c’est tout de même
bête de mettre sa vie en péril pour un
peu de paresse. Tout ça pour attraper un oreiller !
Si
c’était à refaire, je me garderais bien de me prendre pour une trapéziste ou
une écuyère sur son cheval. Je prendrais le temps de réfléchir avant de me
lancer ainsi dans le vide. J’aurais pu ainsi réaliser mon voyage en Norvège que j’ai dû annuler, à quinze jours du départ.
Adieu Fjords, forêts et lacs, paysages merveilleux et soleil de
minuit ! Adieu à cette croisière dont j’ai tant rêvée qui devait me
permettre de voir le glacier de Briksdalsbreen et le parc national de
Jotunheimen. J’aurais déambulé dans la ville de Trondheim, visité son vieux
centre avec ses ruelles commerçantes, admiré sa Cathédrale et ses musées et je
serais repartie sous les rayons du soleil rasant la mer, éclairant de ses feux
toutes ces petites maisons de bois aux couleurs vives.
Adieu aussi au projet de voyage aux iles
Comores cet été pour rejoindre un lointain cousin que j’ai retrouvé par hasard
sur internet. Il m’avait invité et nous avions projeté de longues randonnées à
travers ce paysage fabuleux fait de montagnes volcaniques verdoyantes. Nous
aurions parcouru leurs pentes escarpées surplombant l’océan. Nous serions redescendus
vers une plage pour nous y reposer avant de plonger dans ses fonds marins où
l’eau est à la fois si bleue et si transparente. Peut-être aurions-nous aperçu
quelque tortue verte flottant dans le
courant ou quelque raie-manta, ses ailes déployées.
Et
tout cela pour un oreiller. Ah ! Si c’était à refaire…
Marie-Thérèse
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Plus jeune,
Denise était coquette : elle avait une garde-robe de prix. Hélas, elle n’eut
pas de grandes occasions de sortir, la mode changea, le poids de Denise aussi. Récemment,
elle a fait don de manteaux en vison et en astrakan, de l’ensemble de dentelle
noire, rehaussé de précieuses broderies, à une association caritative ; il
arrive un jour où il faut vider ses armoires.
Si c’était
à refaire, Denise n’aurait pas accepté de prendre l’écrasante charge de syndic
bénévole ! Au cours d’une assemblée tumultueuse chez un syndic professionnel
le passage à un administrateur judiciaire paraissait inéluctable : une
copropriétaire désigna Denise, qui depuis une vingtaine d’années a fait
réaliser de grands travaux, assurant une gestion irréprochable, mais écrasée
sous le poids des responsabilités, des menaces, du harcèlement, trouvant à son
retour des post-it collés sur sa porte par deux pervers particulièrement retors…
Marie-Christine
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Et le fait de naître sous x a scellé définitivement le
destin de Jacqueline : une jeune femme présentant un déficit mental ?
Et si ses parents, sa mère ou son père, sa grand-mère avait envisagé de la
garder ? Et si la laisser vivre sa vie de nouveau-né, de nourrisson et
d’enfant comblé psychiquement parlant en lui permettant de mener une vie
d’adolescente qui s’éveille à la vie de nouvel adulte plus ou moins consciente
de sa chance, avait pu faire changer le court du temps et des préjugés ?
Peut-on imaginer une seule seconde que le psychisme d’un enfant entourée comme
il se doit peut être à des milliers de bornes de celui qui ne l’est pas ?
Et pour revenir à Jacqueline qui respire la gentillesse et
la joie de vivre est vibrante de sincérité et d’honnêteté. Elle a une façon
bien à elle d’aller vers les autres et de faire son bonhomme de chemin. Elle
est attendrissante : généreuse et disposant de cette sociabilité et de cet
allant qui manque à tant et tant…On en oublierait pour autant son handicap. Et
si au lieu de vivre dans un foyer comme à l’heure actuelle, elle s’était
retrouvée dans une famille qui lui aurait donné d’autres valeurs, d’autres
concepts et cette indifférence tant de fois cités dans les problèmes
sociétaires actuels? Et si au contraire,
des parents conscient de son potentiel l’avait poussée vers un métier de
sociabilité ou délicatesse et diplomatie sont intimement liés ? Et si un
jour : elle rencontrait le grand amour ou encore vivait au jour le jour
une amitié solide et sensée….Elle le mériterait grandement. De ses mains
potelées et de sa voix de malentendante elle s’exprime d’une façon simple et
néanmoins précise. Elle n’en veut point à sa famille de l’avoir laissée tomber.
Elle accepte son état et va même jusqu’à se présenter comme handicapée.
« C’est la vie ! » Assène t’elle-même si on ne lui a rien
demandé. Son sourire et cette bonhommie inscrite dans ses yeux et sur les
lignes lisses de son visage poupon en disent long sur sa personnalité. Elle est
loin de se passer la rate au cours bouillon et par le aisément de ses
conditions de vie qui inquiéteraient peut-être d’autres sujets…Mais pas elle.
Elle le vit bien, sans contrefaçon, avec détermination. Elle aime s’adresser à
ses interlocuteurs en leurs demandant leur nom. C’est une jolie façon de faire
connaissance. Une mise en lien très affective et non indécente. Elle s’inquiète pour ses
prochains et leurs demande comment ils vont ! » C’est mignon. Elle
est courageuse et volontaire. Elle fournit beaucoup d’efforts envers et contre
tout. Avec son entourage propre, plus ou moins proche. Après le reste de sa
vie : est un mystère. Je ne connais pas tout.
Son courage et sa témérité m’ont marqués. Jamais une
plainte, ni un regret. Que des pensées positives et de la disponibilité. On pourrait
dire qu’elle est « on » dans le jargon franco-américain.
Et s’il fallait par citer d’autres exemples au
quotidien : je parlerais bien de cette gymnase d’une vie qui j’imagine
n’aurait pas imaginé une minute de ne pas ou plus s’entrainer en demi pointe
sur le cheval d’arçon. Un entrainement de chaque seconde qui nécessite beaucoup
d’aplomb et de ténacité tout ‘au long des années. Elle a près de quatre vingt
printemps et dispose d’un corps sculpté comme une liane. Et si au cours de sa
vie, elle avait abandonné sa passion : que serait-elle devenue sur le plan
physique et psychique ? La gymnastique a mené ses pas sur les tatamis et
dans les anneaux de la vie.
Claudine
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