.................................................
Écrire sur un parfum qui
nous rappelle des souvenirs ou une odeur spéciale qui aurait marqué notre
existence, cela tiendrait en deux ou trois lignes. C’est pourquoi, je vais en
citer plusieurs qui sont restés dans ma mémoire :
Les
fleurs de troène qui entouraient les marches qui menaient à la porte de mon
escalier. J’en cueillais pour les déposer dans un petit verre à liqueur pour
les humer encore, une fois rentrée chez moi.
Les
lys majestueux dans leurs pures robes blanches au parfum enivrant, au bout de
leurs longues tiges. Une année, au 15 août, le jour de ma fête, ils en avaient
été déposés au pied de la vierge Marie, une grande quantité. J’avais aidé à
remplir les vases, aussi on m’offrit un bouquet. J’étais joyeuse et fière.
La
vaseline à la violette pour le soin des cheveux mélangée au parfum et de la
savonnette Palmolive, et de crème : « Malaceine » pour visage sont les odeurs qui me rappellent
ma maman.
Les
jardins fleuris des amies, parfumés de roses, d’iris, d’églantiers, de tulipes,
de glycines et de seringat. Les amis sont partis loin de ce monde mais souvent
les parfums me rappellent à leurs souvenirs : j’en suis attristée.
Les
tabacs froids, les tabacs chauds, faut-il les supporter par amitié ? Puis
moins désagréable, le tabac pour les pipes à l’odeur de pain d’épice dont le
parfum parfois revient, déclenchant un sourire en pensant à l’absent dont le
fantôme vient vous dire bonjour. On hume cette odeur de souvenirs lointains
qu’on voulait oublier mais qui parfois revient.
Lorsque fatiguée, seule,
nous rentrons dans notre maison vide, au 4ème étage, au deuxième, on
s’arrête en sentant une bonne odeur de linge fraichement lavé où le
« minidoux » est passé. Un étage au-dessus, c’est les bonnes odeurs
du pot-au-feu et de gâteaux mélangées. On a envie d’ouvrier la porte, de revoir
sa maman qui a tout préparé. On retrouve, par ces odeurs, un peu de notre
enfance disparue.
Mais en ouvrant notre
porte, c’est la solitude, noire et froide, qui nous attend. C’est à vous de
préparer le repas en se disant que les voisins vont dire : « Ça
sent bon chez la voisine
, on en mangerait bien ! »
, on en mangerait bien ! »
Je pourrai en écrire des
pages et des pages mais gardons-en pour une autre fois…
Mon parfum préféré qui
me ravit, est « Poison » de
chez Christian Dior et « Opium » mais je me contente de « Comme
une évidence » qui n’est pas mal non plus. Ils me rappellent des amies,
des membres de ma famille qui me les ont fait connaître et qui ont une place
dans mon cœur.
Mireille
..........................................................
« -
Mais quelle douce odeur ! », s’exclame Anita, en prenant le trottoir,
face à une échoppe d’où s’échappe une délicieuse senteur de ragoût de pommes de
terre. Ce fumet attirant flotte agréablement sous mes narines et doit
certainement lui rappeler de jolis souvenirs goûteux et gustatifs de son pays :
une bonne chorba orientale et odorante ou encore un tajine marocain aux
effluves délicats de cumin et de coriandre. Et c’est en me laissant charmer par
le sourire franc et éclatant de cette Libanaise aux cheveux épais et bruns,
sortant de ses fourneaux une portion dégageant un parfum précieux, que je me
délecte les pupilles et bientôt les papilles.
Un plat ô
combien cher à mon cœur et à mes racines, oui à mes narines d’Europe centrale
où le goulasch trône en maître en Hongrie et en Russie, mets parfumé réalisé
avec du paprika et pouvant se présenter en boulettes comme mon père, éternel
insatisfait, pouvait les réaliser. Un goût inimitable en bouche qui m’a
enthousiasmée. Et d’en déguster une en pays catalan, en Espagne, à Barcelone
sur le marché m’a totalement surprise et stupéfaite par sa senteur et son bel
aspect safrané
Claudine
..................................................................
Quand mes enfants
n’étaient encore que des bébés j’adorais à leur réveil les prendre dans mes
bras, les câliner, les embrasser. J’avais trouvé un endroit particulièrement agréable et d’une odeur
succulente. Cet endroit se situe juste en dessous de l’oreille à la base du
cou, là ou la peau est douce comme de la soie et d’où émanait un parfum
incomparable de sable tiède et de pain chaud. L’odeur aussi du sommeil dont ils
venaient d’émerger. Ils fermaient alors les yeux, rentraient la tête dans les
épaules et poussaient de petits cris. Je me régalais de ces moments-là.
Bien qu’ayant 5 ans de différence entre mon
fils et ma fille le rituel était le même. Les enfants ayant grandi, une fois
réveillée j’attendais dans mon lit. Le bruit des petits pas sur le parquet
m’annonçaient le début des réjouissances. Mon enfant venait se pelotonner
contre moi, et moi comme une mère chatte, les yeux fermés j’enfouissais mon nez
dans les boucles blondes à la recherche de cet espace odorant. Qu’il était
agréable ce parfum ! Je l’humais
toutes narines ouvertes et pour moi c’était le bonheur, un sentiment de
plénitude, de bien-être total. Cela provoquait le même geste de rentrer la tête
dans les épaules dans un rire cristallin et de me dire « maman tu chatouilles ».
J’aurais voulu suspendre le temps pour que cela dure. Mes enfants sont des
adultes maintenant mais quand je suis allongée à la plage ou que le boulanger
me sert une baguette encore chaude me
reviennent en mémoire ces instants bénis. Suivant mon état d’esprit cela
provoque juste une pointe de nostalgie mais si je ne vais pas très bien cela
accroît ma mélancolie. Je ne me prive pas pour autant ni de la plage ni de
baguette chaude !
Fabienne
..........................................................
« Parfum »,
je ne sais pourquoi ce mot m’évoque immédiatement l’Orient et les fastes de l’empire
ottoman, associé à Shéhérazade et aux contes des Mille et une nuits. Telles des
volutes de fumée dont le nom est issu, cette reine de la nuit se parfume et je
hume dans mon imaginaire, la fragrance envoûtante, entêtante même, mais subtile
qi monte et se diffuse dans l’immense salle du palais. Assis sur les coussins à
même le sol, le sultan et les princes, fumant la pipe d’opium, regardent avec
volupté évoluer dans un ballet magnifique et sensuel, de merveilleuses
danseuses. Elles incarnent la beauté parfaite et le charme de la jeunesse. Le court
bustier moulant et la large ceinture de leur pantalon bouffant à taille basse,
s’ornent de paillettes et de strass qui, telles des étoiles piquées sur un ciel
brumeux, brillent dans la lumière tamisée où flottent des arômes étonnants
presque savoureux. De leurs doigts agiles, elles couvrent et découvrent
tour-à-tour leur corps à demi-dénudé sous les longs voiles transparents
répandant dans l’atmosphère, les effluves d’onguents dont elles l’ont
imprégné. Leurs bras, avec des gestes
amples, parfois langoureux et souvent vifs, décrivent d’harmonieuses
arabesques. Leurs hanches se meuvent en de nombreuses ondulations et
leur
ventre frémit en tremblements impressionnants. Au son d’une musique ensorcelante,
elles se balancent et se trémoussent, sautent et se déplacent, communiquant
alors leurs vibrations à
l’air ambiant comme pour mieux exhaler les senteurs des résines qui brûlent
dans des grandes vasques d’argent. L’ambre se marie à l’encens et à de plus délicates
essences : rose de Damas ou fleur d’oranger et, par moments, à celles plus
fortes du benjoin ou du musc.
Toutes ces
odeurs me chatouillent les narines et je me crois soudain revenue dans une
parfumerie de haut luxe. Je pense à tous ces grands noms qui font la gloire de
la France : Guerlain, Dior, Saint-Laurent et tant d’autres… Mais non, je
rêve, je n’y suis point ! Je suis seulement en train de défaire un paquet
cadeau, un soir de Noël. J’y découvre, oh surprise ! un petit flacon en
verre, teinté bleu outremer, à la forme étrange, tel un bouchon à la tête
renflée. Je m’empresse de l’ouvrir et je reçois comme une bouffée chaude, épicée.
Curieuse, je lis la notice : bergamote et mandarine s’allient au jasmin,
au mimosa et se fondent en un bouquet odoriférant avec le benjoin, la rose et
le muguet. Ils composent ainsi ce parfum au nom évocateur ! « Ispahan ».
D’un seul
coup, il me ramène en Orient !
Marie-Thérèse
..............................................................
Marie-Thérèse
..............................................................
Quoi de plus agréable que des
sentir les bonnes odeurs de cuisine. Je me souviens de tous les bons plats que
ma mère nous cuisinait, du pâté en croûte en passant par la viande nappée d'une
sauce onctueuse, pour finir avec un
grand plat de crème en guise de dessert.
Il est une odeur simple que
j'aime tout particulièrement, c'est celle des petits oignons qui rissolent.
C'est pour moi l'annonce d'un petit plat bien mijoté, une odeur qui nous
déchire l'estomac, qui va enchanter nos papilles et c'est avec un réel plaisir
doublé d'impatience qu'on passera à table à l'heure du repas.
Cette odeur me ramène longtemps
en arrière, dans ma toute petite enfance. En effet, pas plus haute que trois
pommes, j'aimais déjà cette odeur. Quand ma mère cuisinait ainsi, j'attendais
qu'elle s'éloigne quelques instants, pour moi il était alors temps d'agir. Bien
vite je tirais une chaise jusque sur le devant la cuisinière, je montais dessus
pour être à la bonne hauteur et, telle une voleuse, très vite je prenais dans
la marmite ces petites oignons que je mangeais avec gourmandise. Je ne m'en
souviens pas bien sûr mais ma mère me l'a souvent raconté.
Je revois aussi ma mère qui en
souriant de mon audace, se plaisait à me rappeler cette anecdote. C'est ainsi
que j'ai su combien toute jeune, j'aimais déjà cette odeur et ces petits
oignons tout juste dorés. Je n'ai pas changé, je les aime toujours, mais à
présent il ne m'est plus nécessaire de les manger avant la fin de la cuisson,
puisque je cuisine moi-même. Et depuis j'ai également appris la patience,
j'attends donc sagement l'heure du service.
Paulette
................................................................
Un
sentier de terre battue conduisait au hameau montagnard, lieu de ma naissance.
Nous n’avions ni eau courante ni électricité. Le foyer, âtre fuligineux, était
le lieu privilégié de l’humble maisonnée, témoin des événements jalonnant notre
survie. C’est là que nous chauffions, cuisinions, faisions chauffer des
chaudrons d’eau pour la lessive, les naissances, les décès.
Du
conduit de la cheminée, au fil des saisons, de façon aléatoire, s’échappaient
des filets, volutes ou tourbillons de fumée : ce sont les odeurs de fumée
qui sont inscrites en moi, ancrées dans mon parcours de vie.
Je ne
connaissais pas encore les histoires et rituels des Indiens mais, de
l’extérieur, je savais si la maison était occupée ou non. L’odeur de la fumée
m’indiquait si l’on brûlait des genêts entêtants, du hêtre, du chêne ou du
châtaignier crépitant, surtout s’il était humide, dégageant une odeur de moisi.
Nous
récoltions du blé noir, milliards d’épis blancs mellifluents, envahis par les
abeilles, nous le dépiquions sur l’aire et les ventilions à l’aide du tarare.
Quand ma
grand-mère faisait sauter les crêpes de blé noir, un parfum exquis s’échappait
de la cheminée, promesse de repas festif. C’est alors que je guettais le
passage de jean, un voisin malchanceux, isolé, qui revenait de sa grange où il
trayait ses deux vaches. Il sentait lui aussi les crêpes : ma grand-mère
ne manquait jamais de lui en envoyer quelques-unes par mes soins : il en
faisait son régal, lui qui ne cuisinait jamais. Quelle délicatesse de la part
de mon aïeule : joie de partager beaucoup lorsqu’on a peu.
Cette
fumée odorante, conviviale, reste un indice de lieu de vie, nourricier.
Parfois
s’élevait le fumet d’un civet de lapin mais rarement ! On ne l’appréciait
que davantage !
Au
changement de saison, en période automnale, si le conduit n’avait pas été
encore ramoné pour affronter les longues veillées hivernales, suite à
l’encrassement, aux dépôts intempestifs de suie, la fumée s’élevait dans l’air
frais, âcre et piquant les yeux, irritant la gorge.
Une
maison sans fumée, dans le hameau, dénonçait un foyer abandonné, déserté par
ses propriétaires tenaillés par la misère, partis vers des cieux plus cléments
ou rentrés dans leur éternité.
Plus
tard, suite aux aléas de mon existence, les odeurs de fumée du foyer natal
furent remplacées par l’impersonnel et inodore chauffage central. C’était
l’invisibilité, absence de visibilité du processus d’élaboration du
chauffage : je préférais voir le feu et sentir la fumée, mes repères en
quelque sorte.
Plus tard
en traversant régulièrement la Haute Garonne, je respirais la fumée des
cheminées d’usines chimiques : odeur de chou pourri de l’hydroxyde
sulfuré ; les volutes gigantesques et tourmentées, au gré du vent se
dispersaient dans la nature : on ne parlait pas encore de pollution
industrielle, encore moins de séquelles pour la santé des riverains qui
gagnaient leur vie dans ces instruments de mort.
Puis, les
circonstances de la vie m’éclairant sur les périodes les plus sombres de notre
Histoire, j’au eu vent des crématoriums des camps de la mort, de l’odeur
inhumaine et insoutenable des fumées, selon les dires de rescapés de
l’Holocauste.
Actuellement,
on pratique de plus en plus la crémation, certains jours, la fumée s’élève,
filtrée, inodore, en Ile de France.
Enfin, je
vois les deux colossales cheminées de l’incinérateur des ordures ménagères, sis
à Ivry : la vapeur d’eau s’en échappe obstinément, inodore, comme si de
rien n’était. Plus rien n’a de visage humain ou inhumain, c’est la démesure
anonyme, à la mesure de la société de consommation.
Toutes
ces odeurs de fumée jalonnent ma vie, avec ses joies et ses peines, dans un
environnement plus ou moins hospitalier, vie et mort liées.
Derrière
l’écran de ces fumées odorantes, nauséabondes à plus d’un titre ou inodores,
s’inscrivent des histoires de vie, d’oubli, de misère, d’humilité ou de
détresse.
Je ne
suis pas dupe du sfumato et autres enfumages, odorants ou non !
Marie-Christine
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire