Les enfants la préparent
de longue date ! La veille déjà, la salle d’études a été fermée pour
installer une grande estrade et mettre des chaises pour les futurs spectateurs
et la cour de récréation bruisse comme une ruche en pleine activité. Les
maitresses aidées de parents posent des planches sur des tréteaux ou placent
des piquets pour délimiter les différentes activités. Des électriciens
accrochent le long des murs, des banderoles et des petits drapeaux entrecoupés
d’ampoules électriques colorées qui scintilleront par intermittence. Ils
branchent aussi la sono. Enfin le grand jour tant attendu arrive !
Tous sont émoustillés. Ce matin encore, c’est la course pour garnir les stands
d’objets à vendre réalisés par les enfants : cartes postales, bagues et
colliers, petits animaux, quelques napperons brodés… Il faut aussi tout mettre
en place pour les jeux : tirs avec des balles- mousse, courses de sacs,
pêche à ligne, relais et championnat de hula-hoop. Moins d’une heure avant
l’ouverture, les pâtissières déposent leurs gâteaux et les découpent en parts.
Les boissons et jus de fruits sont déjà
là. Dans des paniers, des friandises et des bonbons enveloppés de papier
brillant attendent les plus grands qui les vendront en circulant à travers la
foule venue nombreuse.
A 14 heures tapantes, la
grande porte d’entrée s’ouvre exceptionnellement pour laisser passer parents et
amis. Joyeusement et dans le brouhaha des conversations, ils s’assoient pour
voir le spectacle. D’abord, les petits
de maternelle déguisés en fleurs et en papillons entrent en scène sous une
douce musique. Ils tournent en rond et
s’entrecroisent sous l’œil vigilant de la maitresse et celui non moins attendri
de leurs père et mère. Puis quelques enfants, récitent une poésie. Pour Anne,
ce sera «le Chêne et le Roseau» de La Fontaine, pour Christine, « Petites
souris» de Lucie Delarue Mardrus et pour Louis, «Chanson pour les enfants,
l’hiver» de Jacques Prévert. Et voilà, les grandes qui apparaissent à leur
tour, vêtues de tutus. Au son d’une musique classique, elles dansent sur la
pointe des pieds et font des entrechats. Puis les garçons les remplacent pour
un petit sketch. La séance se finit sous les applaudissements et les cris de
joie.
Et tous s’éparpillent
dans la cour pour continuer à jouer et s’amuser, s’interpeler et rire,
parcourir les diverses attractions et profiter d’un excellent goûter…Tout s’est bien passé ! La fête est
réussie et chacun fatigué en gardera un bon souvenir.
Marie-Thérèse
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Souvenirs…Souvenirs…Est-ce
que l’esprit de la fête était réellement là ?
Ce
n’était pourtant pas l’envie qui manquait ! Notre matriarche gourmande et
prévoyante achetait en conséquence les friandises, diverses confiseries et
autres sucreries lors de certaines occasions à Noel ou à Pâques. Lors de
la chandeleur : elle nous faisait des crêpes. Mais très certainement l’esprit communautaire et collectif nous
faisait défaut : nous les enfants. Ingrats que nous étions. La rivalité et
la jalousie freinaient quelque peu les démonstrations sincères et sereines qui
rallient et lient le tout ‘à chacun. Et le sentiment de se sentir lésé(e)s ou
laissé pour compte primait avant tout : gâchant le plaisir en pourrissant
les moments festifs.
Si j’en crois les générations qui ont
suivi : ce serait dans le même état d’esprit que ces cadeaux de la vie
seraient reçus. Heureusement : ils ne sont pas proscrits, encore moins
prescrits sur ordonnance car il faudrait une sacrée intendance pour gérer les
états émotionnels de chacun dans une famille où la place du tout ‘à chacun
revient sois à l’ainé, sois au benjamin de sexe masculin. Mais la notion de
transmission est bien ancrée dans nos artères
au sang mêlé et aux notions religieuses quelques peu adaptées, reconnues
selon les circonstances et les croyances.
Ainsi va
la vie et le sucre français fait partie de nous comme les bulles de Champagne
font briller les yeux de ceux qui en consomment.
Ainsi
prendre connaissance des festivités perpétuées sur d’autres continents et sur
le territoire français peut se montrer ô combien enrichissant et pleinement
gratifiant. Je parlerais de la fête de l’Aid à laquelle j’ai eu l’occasion de
participer en Kabylie il y vingt ans de cela et qui est restée gravée dans mes
souvenirs comme un souvenir heureux. Comme lors de nos fêtes de fin d’année :
c’est le moment de resserrer les liens familiaux et de venir saluer les
nombreux villageois pressés aux bords des routes et des villages. Parées de
leurs plus beaux atours les autochtones pratiquants ou non apparaissent
sous leur plus jour sous un soleil ardent. Très féminines : les cheveux
relevées, nattées aux jolis reflets de henné recouverts d’un foulard dans les
tons de leurs jolies robes satinées d’un orange pétant aux broderies bleues, vertes
et blanches pour les femmes apparaissent gracieuses. Graciles pour
certaines, plus voutées et enrobées pour d’autres : qu’importe. On ne voit
plus les rides dans ces visages marqués par les chauds rayons d’un soleil montagnard.
De jolies montagnes que l’ont nomme aussi cathédrales car elles brillent de
tous leurs feus la nuit venant : rappelant au passage la présence
noctambule et quelque peu irréelle d’enfants, d’hommes assis au bord des routes
sinueuses mais néanmoins accueillantes. Une nuit passe éclairée aux multiples
lueurs des bougies formant des ramifications dans de multiples mains éclairent
les Burnous ou les djellabas pour les hommes sur leur pantalon de ville. Le
lever du soleil est divin ! Le mouton et le méchoui ne vont pas tarder à
rejoindre la graine de couscous amoureusement brassée par des mains expertes et
reposant derrière les tentures des fenêtres voilant un astre au zénith. C’est
le moment de l’échange des cadeaux, des offrandes alimentaires qui permettent à
tout ‘à chacun d’améliorer le quotidien et de renforcer la solidarité et la
fraternité.
Claudine
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Dans un
hameau montagnard du Couserans, ne figurant sur aucune carte, il restait six
foyers ; les autres s'étaient éteints suite au décès du propriétaire, au départ
pour New York, ou vers "la plaine", la Haute-Garonne, où la terre
plus fertile et plus facile à travailler, rendait l'existence moins rude.
Vers la fin
Janvier, on sacrifiait un ou deux cochons dans deux foyers ; les deux autres
survivant chichement n'ayant pas les moyens d'engraisser des porcs, nourris
avec le lait des vaches et les céréales. Enfin deux autres propriétaires, mieux
lotis recevaient des mandats de leur famille américaine : ils pouvaient se
permettre d'acheter de temps à autre de la viande dans l'une des deux boucheries
du chef-lieu du canton ; cette emplette complétait la production de leurs
poulaillers respectifs.
La maman de
Denise était quotidiennement à la peine pour engraisser les deux porcins et
nettoyer leur soue ; dès la mi-janvier, il fallait lancer les invitations,
s'assurer que le tueur serait disponible et équipé de tout le matériel
nécessaire, que des hommes solides viendraient accompagner et tenir les bêtes
jusqu'au lieu du supplice. Parfois un garçonnet tenait la queue du cochon avec
fierté.
Il fallait
faire des achats qui grevaient un budget déjà inexistant : citron, noix de
muscade, poivre en grain, sel : gros et fin, noix de muscade, clous de girofle,
eau de fleur d'oranger, huile, gousses de vanille. Denise était transportée
dans un autre univers, s'émerveillait devant le flacon couleur lapis lazuli
habillé d'une étiquette de rêve : de l'eau de fleur d'oranger distillée sur la
Côte d'AZUR.
Les
préparatifs commençaient l'avant-veille : la maîtresse de maison sortait le
service de vaisselle ornementé de rayures tricolores, le chaudron de cuivre,
les nappes blanches, les récipients, les couverts, les rallonges.La provision
de bois devait être conséquente car tout cuisait dans l'âtre, sans oublier les
coutelas et le hachoir. Anna, la mère de Marcel apporterait le hachoir muni de
grilles de différents calibres suivant que l'on fixerait avec une vis en bout
de table.
D'abord,
c'était" la prise du cochon": une fois l'animal dûment allongé,
maintenu, égorgé sur le pétrin retourné du pain, le sang était recueilli,
vivement battu pour éviter la fibrillation, la coagulation, car il allait être
utilisé pour le boudin. Il fallait ensuite ébouillanter la bête, racler raser
vivement avec des racloirs, brûler la corne de ses sabots. La toilette devait
être impeccable pour éviter la prolifération de microbes, puis les hommes enchaînaient les pattes arrière et
le transportaient à l'intérieur pour l'accrocher à la poutre maîtresse du
plafond, tête en bas, au pied du lit de la grand-mère maternelle de Denise.
A ce moment-là,
on incisait l'abdomen afin d'éviscérer le porc: on voyait le foie pour les
saucisses, le boudin, le pâté, les poumons et une partie de la fressure pour le
boudin aussi.
Les
intestins : le grêle et le gros devaient être rapidement vidés, nettoyés, Anna
retirait le gras adipeux avec une
épingle à chignon, sans trouer le boyau, ni le tordre, encore moins le
perforer.
Denise
adorait laver "le ventre" du porc, à la fontaine, vu que l'eau
courante n'existait pas dans les maisons du hameau. La propreté devait être
irréprochable. La vessie servirait à mettre de la graisse fondue.
Tandis que
les deux carcasses s'égouttaient dans des seaux en fer-blanc, maintenues
ouvertes par un pieu de part et d'autre de la cage thoracique, la fête du
cochon commençait.
Les convives
prenaient place, s'attablant devant les entrées : trois plats composés d'œufs
durs, de rondelles de saucisson de branches de chou-fleur, le tout artistement
présenté et parfaitement assaisonné. Suivait le bouillon au vermicelle coloré
avec du roux. La poitrine de veau farcie était entourée de légumes. Venait le
dessert : du riz au lait aromatisé de vanille et les beignets à l'eau de fleur
d'oranger. Les gros pains ronds venaient de la boulangerie ; le vin, le café,
l'eau de vie artisanale et le rhum accompagnaient le festin.
On restait
plus de deux heures à table ; les convives repartaient dans le froid , la
neige, avant la nuit pour abreuver leurs vaches.
Le branle
bas de combat suivait son cours : le grand chaudron de cuivre, sur le grand
trépied, dans l'âtre, attendait la venue du boudin préparé avec les bajoues, le
coeur, les poumons du gras et des épices : on gardait l'eau grasse de la
cuisson pour faire du milla avec la farine de maïs vivement tournée avec une
immense spatule ; on versait cette préparation sur la table recouverte de
nappes blanches et saupoudrées de farine de blé ; on laissait refroidir et on
découpait en tranches que l'on ferait ensuite dorer à la poële, 'il fallait
faire la vaisselle et la ranger. IOn gardait du filet mignon pour le grand père
maternel et pour monsieur le curé : on nommait ce présent le filet de monsieur
le curé.
Le lendemain
on préparait la chair à saucisse à l'aide du hachoir en fonte vissé au bout de
la table, en actionnant la manivelle, la chair sortait par la grille de
l'appareil.
Les jambons
séchaient à l'intérieur de l'âtre en attendant d'être mis au sel dans le
saloir, les saucisses étaient disposées sur de longues perches au plafond pour
rejoindre rejoindre plus tard de grands pots en grès, recouvertes d'huile. Les
saucissons une fois secs iraient au grenier sous la cendre de bois.
Les
quartiers de lard sécheraient et puis seraient salés.
Denise admirait
le travail de sa mère qui magistralement préparait les provisions pour une
année entière. Dans le cochon, tout est bon !
Marie-Christine
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Ce n'est pas une fête traditionnelle dont je vais vous
parler mais d'un départ en vacances. Pour moi c'est une fête, et si pour les autres
ce n'est pas le cas, j'en perds mon latin. Que peut-on espérer de mieux en
effet après l'hiver, la grisaille, le froid et la pluie, sinon d'aller voir
ailleurs pour y trouver à coup sûr le soleil et la chaleur.
Mais comme beaucoup de choses, les vacances se préparent
bien à l'avance. Quand on est décidé sur la date, il reste à choisir la
destination ; alors, pour ça on se penche sur le catalogue, on le feuillette
minutieusement, on l'étudie, on pèse le pour et le contre de chaque offre.
Chaque page nous fait rêver mais il faut savoir se montrer raisonnable et ne
pas oublier de regarder aussi la colonne «prix» ! Vient ensuite le moment de
trancher entre deux ou trois destinations qui nous attirent mais ce n’est pas
le plus difficile, on sait que de toute façon, quelle que soit la décision
finale, ce sera formidable. Une fois
cette étape franchie, il faut réserver l’hôtel, alors très vite on se
met devant l'ordinateur, quelques clics et c'est fait, c'est quand même beau la
nouvelle technologie.
Une fois ce détail réglé on se sent déjà ailleurs, on rêve,
la vie nous paraît de suite plus légère. Mais les jours passant très vite
malgré tout, on pense déjà à ce qu'il faudra emporter. Il s'agit de ne rien
oublier tout en veillant à ne pas trop charger les valises, pour ça on prépare
ce que j'appelle une «check liste». L'indispensable vient de suite en tête, on
le note tout de même. Puis, au fil des jours, une petite chose, un détail nous
vient en tête, alors vite on prend la liste et on l'ajoute à la suite.
Arrive enfin la veille du départ, on devient fébrile et
c'est le cœur léger qu'on prépare la valise, ça y est, on part. On sort alors
le linge et tout ce qui est noté sur la lite, on arrange au mieux le tout, le
linge délicat et les objets fragiles devant rester sur le dessus afin de ne pas
être écrasé ou malmené. On termine et on ferme la valise, on la cadenasse à
l'aide du code, c'est fait, on est heureux.
Le lendemain on est encore vigilant, il ne s'agit pas de
rater le coche, il faut être à l'heure, au bon endroit et dans le bon avion.
Une fois l'embarquement terminé on décompresse, on est en route, le plus dur
est fait, maintenant nous sommes pris en charge, à d'autres de tout gérer et de
décider. Que c'est bon de se laisser vivre...
A l'arrivée la découverte des nouveaux lieux nous laisse un
peu ébahis, on fait des tas de projets pour les jours suivants, il y a tant à
voir et à découvrir. On le sait, cette semaine passera très vite, gageons que
refaire sa valise en vue du retour ne sera pas aussi réjouissant, à nous de
nouveau la corvée des courses, de la cuisine et du ménage. Mais pour tenir bon
au retour, on se note dans un coin de la tête, «ne pas oublier de réfléchir au
prochain séjour, à la prochaine destination».
Paulette
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A la
campagne, encore à la fin des années cinquante, Denise enfant allait parfois
aux Rogations : le prêtre, dûment revêtu de ses habits sacerdotaux allait se
recueillir au pied des croix de granit monumentales érigées sur le territoire
de la commune. La procession se composait essentiellement des enfants de chœur
porteurs du goupillon plongé dans le récipient d'eau bénite et des enfants du
catéchisme.
Il
s'agissait, au début du printemps d'implorer le Ciel pour que le temps soit
clément pour les futures récoltes, qu'elles ne soient pas détruites par les
parasites, la grêle, les intempéries. Cette cérémonie était issue des Rogalia
romaines : elle a peut-être disparu, le monde agricole ayant beaucoup changé.
......................
Denise a
participé quelquefois à la Fête Dieu : au mois de Mai : le prêtre, porteur de
l'ostensoir, avançait sous un dais tenu par quatre porteurs, faisait une
station à chaque reposoir, entouré des catéchistes, "des saintes femmes
" et suivi de quelques villageois. A chaque présentation de l'ostensoir,
il fallait jeter une pluie de pétales de fleurs ; Denise en avait cueilli en
descendant de son hameau, distant de plusieurs kilomètres, mais elle n'avait
pas de corbeille ; elle se rendait chez l'épicière Nana Souques qui vidait
celle des sucettes exposées en vitrine, la remplissait des pétales de pivoines,
roses, aconits, boutons d'or, marguerites puis, après avoir passé un long ruban
blanc à chaque extrémité, passait le tout au cou de Denise ; bien entendu, à la
fin de la cérémonie, Denise rapportait à l'épicerie la corbeille qui reprenait
sa fonction première.
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