La fileuse, Manuel Zapata Orihuela |
Elle n’est plus elle-même, les yeux écarquillés, les doigts
déformés, à force de fixer son regard sur son rouet, les mains manipulant sa
quenouille, elle voit des mètres de laine. Combien de pelotes a-t-elle
confectionnées ? Combien de pulls, de couvertures ont vu le jour par son
savoir-faire ? Les moutons bêlent autour d’elle mais elle n’y prête plus
attention. Elle est hypnotisée par leurs toisons. Et pendant ce temps, le temps
file entre ses doigts et demain, il sera trop tard, pour filer autre part.
Mireille
File la laine ma fille
Surtout celle de Lama
File la laine de la plaine
Surtout celle d’Alpaga
Transforme les fleurs de coton
En étoffes aux superbes éclats
Tes grands yeux au regard profond
Ne quittent l’écheveau
Bien loin de nos civilisations ici-bas
Que pour créer le renouveau
Sous le soleil Péruvien tout là-bas
Au pays des rustiques agriculteurs
Et bien sûr, n’oublions pas
De courageux éleveurs
Sous des altitudes défiant Eole et le froid
Tableau peint avec romance et chaleur
Par le mari de notre amie Marie-Thérèse Zapata.
Claudine
Le soleil adoré des Incas, mélange de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, baigne la fileuse, trônant au milieu de nulle part, assise au premier plan, contre une volumineuse structure cubique, grisâtre, aux arrêtes froides, nues, impersonnelles.
La fileuse
aux mains surdimensionnées, étire de la main gauche la laine blanche de lama ou
de vigogne, fait tourner de la droite le fuseau pour tordre le brin
blanc : selon la légende, l’arc-en-ciel Kuychi, mécontent des habitants de
Taquile leur aurait enlevé les couleurs, les laissant dans un univers de blancs
et de bruns ; c’est en apprenant à tisser que les Indiens auraient
« recouvré » la couleur
Le fil,
métaphore de la vie, traverse les temps, identique à lui-même !
Dans les
lointains, trois arbres marron, étoilés par le béton, semblent lancer un appel
muet, vain et dérisoire, uniques vestiges de la nature déforestée.
La
descendante des Incas, nous regarde sidérée, nous délivrant un message
implicite concernant l’avenir des règnes animal, végétal et humain : nous
lisons une épouvante indicible dans ses pupilles dilatées, couleur
d’obsidienne.
Malgré
l’insoutenable horreur des génocides, des bouleversements climatiques,
l’essentiel est de vivre !
Quand la
croûte terrestre continue à s’assombrir, le soleil brille pour tous.
Sous
l’astre du jour
Au milieu
de nulle part
Sidérée,
elle file !
Marie-Christine
Les yeux
grands ouverts
Elle file
la laine de mouton
Du matin
au soir
Emmanuel
Femme au
visage étincelant de lumière, aux grands yeux ouverts sur le monde, tu essaies
de relier les fils qui habillent tes blanches quenouilles. Chez toi, c’est
toujours le printemps, il y a toujours du soleil, c’est toujours le pays des
merveilles !
Si tu
cherches les jours de douleur
Un ami
pour sécher tes pleurs
Va chez
la fileuse, va chez la fileuse
Il y a
toujours la clé sur la porte
Tu
rentres, on te réconforte
Il y a
toujours au coin du fourneau
De la
soupe et du café chaud
Chez la
fileuse, va chez la fileuse
Il y a
toujours un feu bien nourri
Une
chambre, un lit pour la nuit
Il y a
toujours des amis qu’on aime
On
partage leurs joies, leurs problèmes
Chez la
fileuse, va chez la fileuse
Il y a
toujours un air de guitare
Et l’on
chante nos joies, nos vies simples, nos espoirs surtout
Christiane
Il faut
avancer le travail,
Le
finaliser méticuleusement,
Enchainer
les gestes pour ce faire,
User la
peau de ses doigts,
Sans
répit, il faut avancer,
Et
viendra enfin le produit terminé.
Paulette
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