dimanche 15 avril 2012

UNE MAISON SURGIE DU PASSE



Evoquez une maison où vous avez vécu ou bien où vous êtes passés. Faites une description précise des lieux, de l’environnement, de l’atmosphère dégagée par les lieux, agrémentez votre description de petites scènes, de souvenirs marquants ou de sensations pour nous la rendre vivante.

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Lorsque nous étions enfants, nous allions aux beaux jours camper dans un pré que des gens nous louaient. Nous allions régulièrement leur rendre visite, ce qui était toujours un moment agréable. Nous passions par un étroit chemin de terre dont les haies nous tendaient leurs mûres gorgées de sucre pour le délice de nos palais. Enfin, la maison bleue se tenait devant nous avec ses glycines mauves qui pendaient en grappes le long de ses murs. Au pied des fenêtres, fiers sur leurs tiges, les hortensias tendaient vers le ciel leurs têtes fleuries bleu azur.
Avant même d’avoir frappé, la porte s’ouvrait. La maîtresse de maison nous invitait à entrer dans la salle commune où trônait une grande cheminée de marbre rose. La grand-mère, madame Jeanne, était assise devant et brodait de jolis petits napperons. Nous aimions l’écouter raconter des histoires de sa vie, et de celle du village dans le passé. Rien ne changeait chez ces gens au fil des années ce qui était rassurant. Le maître des lieux qui travaillait la terre s’accordait un peu de répit. Attablé, avec à la main une burette, une petite pince et un compte-fil, il tentait de réparer une montre. Il n’était pas très causant, mais le peu qu’il disait était juste et enrichissant. Le chat quittait son coussin moelleux  et venait se frotter à nos jambes avec des miaulements de bienvenue. Puis, Bobby, le petit chien blanc, nous adressait de joyeux aboiements en tendant sa petite patte avec un regard rempli de tendresse.
L’atmosphère était chaleureuse. Une odeur de genêts coupés se mélangeait à celle de la lavande. On nous offrait du cidre frais, un marbré fait maison accompagné de crème et de fruits des bois. Nous repartions l’esprit léger, avec en cadeau une salade, de la ciboulette et un gros bouquet de fleurs.
Cette maison restait identique au fil du temps, ainsi que ses habitants au sourire rayonnant. Les années ont passé, nous ne sommes plus revenus, vivant notre vie d’adulte. J’ai voulu y revenir avec mes enfants pour leur faire découvrir la maison bleue au pied de la colline. Elle était vide, les fleurs avaient fané. Les enfants avec lesquels nous échangions des vœux de fin d’année étaient partis à la ville pour installer leur famille. Tout avait disparu mais les souvenirs d’enfance resteront dans nos cœurs à jamais.

Mireille

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"Retour maison" !
Maison de mon enfance
Refuge de l'adolescence...
Départ pour la vie active
Suite aux invectives...
Et aux remarques suggestives
Départ vers la capitale

Quel dédale !
Retour sur mon temps disponible vers la maison de mes années juvéniles. Elle s'est passé de moi, elle m'a oubliée, je crois...


La commode de ma chambre a descendu les marches de marbre rose, les corolles des jolies campanules finement ciselées dans ce bois de rose que je contemplais la nuit, quand les rayons de la lune jouaient dans leurs pétales. J'avançais ma petite frimousse pour respirer l'odeur de la cire ; avec mon doigt, j'en contournais les détails. Ma commode, dans laquelle tous mes trésors étaient entreposés, mes souvenirs de jeunesse ont déménagés...
Non ! Non ! Pas trop loin d'ici... Enfin, je l'espère... Ma commode écoute du Bach, du Mozart et du Fauré. Dans la belle pièce du piano, elle s'est réfugiée !
Oh ! Ma commode, est-ce que tu me reconnais ?
Tu sembles me sourire, quand je caresse tes entrelacs à l'encaustique, tu me tends tes boutons cuivrés pour que je les fasse briller.
De la porte-fenêtre se glisse furtif, un rayon de soleil. Il illumine un instant, oh merveille des merveilles, le résultat d'un travail amoureusement mené.
Mon père, fervent admirateur d'antiquité, de meubles anciens en chêne ou en merisier, serait enfin fier du résultat qu'il espérait. A force de chiner dans les salles de ventes, à Drouot, son trésor il l'a trouvé !
Un secrétaire renaissance de style anglais avec son abattant et ses tiroirs richement sculptés du plus bel effet. A coté de la bonnetière de miel doré. celle qui contient les nappes et les serviettes brodées que le dimanche, ma mère sortait pour en orner la table en marqueterie de bois vernissé.
Mon père a essayé de tout coordonné... sauf le canapé ! Empire, à ce qu'il paraît ! Pire, à mes yeux, jamais, on ferait !
Ce canapé a accueilli néanmoins les états de fatigue de ma mère, il a supporté ses plaintes et ses reproches, il l’a accompagnée... oh combien, il a souffert ! Il en était décomposé, puis complètement démantibulé, dans un autre hémisphère… A son départ, nous avons changé ce jour-là d'atmosphère !

Claudine

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C’était une vraie maison familiale, une vraie « villa » pour reprendre l’expression de ma grand-mère.
Que de jours heureux y avons-nous passés ! Toutes les vacances s’y déroulaient : Noël, Pâques et les deux mois d’été.
Cette bâtisse imposante était en réalité l’ancienne mairie du village, rachetée par mon trisaïeul lorsque la troisième République fit édifier un autre bâtiment, plus important, flanqué de part et d’autre d’une école de filles et d’une école de garçons.
Après avoir gravi cinq ou six marches, on pénétrait dans notre « villa » par un long couloir assez sombre qui donnait accès, sur la droite, à une vaste cuisine, véritable pièce à vivre où trônaient un fourneau, une longue table de bois et un canapé en rotin, face au fourneau appuyé le long du mur où rutilait toute une batterie de casseroles en cuivre. Qu’il faisait bon dans cette cuisine bien chauffée l’hiver, bien fraîche l’été. Que d’histoires et de chansons apprises, assises sur le canapé, alors que mon arrière-grand-mère faisait cuire des confitures de groseilles ou de prunes dans un grand chaudron de cuivre. Quels arômes s’en dégageaient ! Ils emplissaient toute la maison et il me semble les respirer encore.
Une simple porte séparait la cuisine de la salle à manger, plus austère, qui sentait l’encaustique. Nous y prenions les repas les jours de fête, même en hiver lorsque grand-père, dès la veille, avait allumé la salamandre. Cette pièce, un peu solennelle, ne nous plaisait guère… sauf quand les repas duraient trop longtemps et que nous avions le droit de jouer sous la table à pigeon vole ou de nous raconter des histoires plus ou moins vraies.
Au premier étage, se trouvaient quatre chambres à coucher. Deux à l’Est étaient ensoleillées dès les premières heures du jour. Deux à l’Ouest étaient lumineuses tard dans la soirée. Les portes des chambres restaient toujours ouvertes et donnaient une clarté tamisée au couloir. Les chambres étaient toutes meublées de grands lits et de grandes armoires, elles fleuraient bon la lavande ou le patchouli… ce qui me faisait rêver à des pays lointains.
Au fond du couloir, une porte nous attirait. Elle permettait de monter au grenier par un escalier ressemblant à une échelle de meunier. Que de trésors sous les combles ! Vieilles malles où s’entassaient vêtements démodés, rideaux défraichis, qui faisaient notre bonheur les jours de pluie. Nous nous transformions en fées, en princesses, en mariées ou en fantômes. Au grenier, on trouvait également de gros livres rouges, dorés sur tranche, récompenses du travail scolaire de nos grands-oncles ou grands-tantes, datant de presque cent ans. Nous aimions caresser leur reliure, les feuilleter, même si les histoires qu’ils racontaient ne nous intéressaient pas et puis tourner ces pages couvertes de poussière nous faisait éternuer à qui mieux mieux…
Cependant, pour nous faire descendre de notre Eldorado, il fallait nous menacer d’une fessée. Alors, adieu dorures, costumes de fées ou de princesses, il nous fallait revenir chez les humains !
Le verger avait aussi très souvent notre visite. Manger des groseilles, des prunes ou des poires cueillies directement sur l’arbre, cela a tellement plus de goût que dans une assiette.
De tout ce passé, il ne me reste plus rien qu’une vieille photographie, mais aussi en la regardant le souvenir des jours insouciants d’une enfance heureuse.

Christiane

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Durant la guerre, je fis la connaissance d’une jeune femme de mon âge, une commerçante qui me mettait toujours de côté quelques denrées. La  paix revenue, elle me fit part de son désir de rencontrer un monsieur d’un bon milieu, ayant du bien, d’une trentaine d’années et qui, par sa tenue, son comportement, soit tout à fait « vieille France ». Je me disais qu’elle aurait bien du mal à trouver : élégant, ça se trouve mais pour le reste… elle l’a finalement rencontré dans un bal, peut-être par l’intermédiaire de son père qui était garde républicain. Il vivait avec sa mère, une femme douce et effacée qui était en extase devant son fils. Ils habitaient une immense demeure. Après le lourd portail, je remarquai dans le vaste jardin un séquoia, arbre tout à fait inconnu, qu’ils avaient peut-être rapporté d’un voyage dans la lointaine Amérique. La maison comprenait deux étages et tout le rez-de-chaussée était vitré, avec sur les portes, en guise de vitres de véritables vitraux : des fleurs, une femme en longue robe. Cet aspect grandiose cachait à peine le délabrement des lieux. Sur les murs on voyait partout des fissures, la maison avait souffert et l’argent manquait visiblement pour l’entretenir. Le mobilier consistait en quelques fauteuils fanés recouverts de châles. Dans les pièces aucun appareil de chauffage à part de grandes cheminées mais l’hiver devait être glacial dans la maison. Mon amie semblait fascinée et ne pas se rendre compte qu’elle risquait non pas d’épouser un homme riche mais plutôt misérable et peut-être même endetté. Dans les chambres à l’étage, les armoires étaient poussiéreuses et les édredons sur les lits, passés. Je conseillai à mon amie de continuer à fréquenter son beau monsieur si ça lui chantait mais de rester vivre dans son deux-pièces avec tout le confort. Elle n’en fit rien. Le monsieur, représentant de commerce, devait voir ses affaires reprendre maintenant que la guerre était finie. Le mariage se fit et ils partirent en voyage aux Sables d’Olonne. Le retour fut synonyme de grandes désillusions. Le monsieur rentrait tard ou bien visiblement enivré. Les dettes semblaient s’accumuler, leur voyage de noces n’était toujours pas réglé. La vieille dame décéda et les choses allèrent de mal en pis. La maison si séduisante était en réalité un enfer et mon amie pensa divorcer. Elle n’eut pas le temps de le faire. Son mari mourut dans un accident de voiture. Avec la vente de la « superbe » maison, elle put tout de même s’acheter un petit pavillon de banlieue, moins tapageur mais bien plus agréable à vivre.

Rose

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