dimanche 17 juin 2012

OBJETS PERDUS / OBJETS TROUVES

36, rue des Morillons à Paris : entre 600 et 700 objets perdus échouent chaque jour. Enregistrés et étiquetés par une escadre de 37 personnes, ils sont classés et conservés sur quelque 530 m² d'étagères... Seuls une centaine d'objets par jour sont réclamés par leur propriétaire. Aussi dans les sous-sols, on trouve : robes de mariée, dentiers, crâne, crocodile empaillé, cornemuse, poupée gonflable, téléphones portables, doudous d'enfant, masque de la seconde guerre mondiale, album de timbres rares, parapluies, urnes funaires...


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Je me suis rendue aux objets trouvés, au 36 rue des Morillons dans le XVe arrondissement. On me demanda ce que j’avais perdu. J’ai répondu : mon doudou, ma moto, ma pompe à vélo. Ils m’ont proposé un porte-manteau. Oh, oh…
J’ai demandé ma perceuse, mes berceuses, ma liseuse. Ils n’avaient qu’une barboteuse. Oh, oh…
Je cherche mon missel, ma crécelle. Ils m’ont offert du vermicelle. Oh, oh… Je cherche mes lorgnons, mes rognons, mais non pas des oignons !
Où sont mes mouchoirs, mon armoire et mes loirs ? Non, je ne veux pas d’un hachoir !
J’ai perdu une andouille, une gargouille, et ma cagoule, mes rubans et mon caban mais je ne veux pas d’un forban.
Je sais, je perds tout, mais garder tout.
Je ne reprends que mes bichons, mes chansons, mon saucisson, mes cornichons. Oh, oh…

Mireille

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Il existe à Paris un immense entrepôt où chacun peut venir chercher ce qu’il a perdu. Entre autres objets, on peut trouver, classés selon leur catégorie :
1 – le DO de la clarinette qui manque aux scouts ou aux colonies de vacances pour marcher  et avaler les kilomètres sans rouspéter.
2 – La titine que cet homme recherche désespérément depuis si longtemps, sa chère titine sans qui la vie n’a plus de sens.
3 – Le chat de la Mère Michel, disparu dans les casseroles du Père Lustucru ?
4 - L’arche perdue responsable du naufrage de ses occupants, perdus eux aussi ?
5 – Une lettre ou deux, détachés des enseignes de commerces et nous donnant à lire Bo..anger pour Boulanger.
6 – Le temps qu’on ne peut jamais rattraper, objet de biens des soucis pour celui ou celle qui l’a laissé filer, inconscient peut-être des conséquences de son manque de vigilance.
7 – Des fleurs bleues : à l’époque d’Internet, il y a-t-il encore des jeunes filles romantiques et innocentes ?

8 – Des illusions. Elles sont de toutes sortes. Celles de ces femmes ayant cru trouver dans l’homme de leur choix le mari idéal et qui se révèle, à l’usage si j’ose dire, bien décevant.
Celles de ces parents ayant tout misé sur leur enfant si beau, si intelligent mais qui ne répond pas à leur attente.
Celles de ces citoyens ayant cru en la doctrine prêchée par les candidats pour se faire élire, et qui aussitôt oublient leurs promesses.
9 – Une odeur ou un goût venant de l’enfance, qu’on ne peut retrouver dans les fruits et légumes poussés à l’aide d’engrais chimiques et cueillis avant qu’ils ne soient mûrs.
10 – Enfin, dans une grande pièce, sur des étagères couvrant les murs, les têtes de tous ces pauvres gens ayant perdu la leur, avec tous leurs souvenirs et jusqu’aux noms et visages de leurs proches.
De 11 à l’infini : parapluies, canes, montres, lunettes, doudous, sacs, etc., etc.

Colette

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Tous les lundis après-midi,  je me rendais dans un club de jeunes retraités où nous buvions un verre et bavardions en nous félicitant de nos nouvelles libertés, loin de la tyrannie des rythmes professionnels et familiaux. J’avais toujours à côté de moi, un monsieur un peu étrange qui ne se séparait jamais d’un gros cahier rouge où il  notait tout ce qu’il faisait et entendait, des potins du cercle aux affaires sérieuses des journaux. Que des méchancetés à vrai dire, sur nous tous et des assertions bien plus graves sur les membres du gouvernement. Nous étions à l’époque de l’affaire « des frégates » et il disait savoir des choses. Voilà qu’un jour, il égara son précieux calepin. Il était bouleversé : ne vous en inquiétez pas pour si peu, il tombera dans un caniveau et passez à autre chose, lui dis-je. Il se rendit aux objets trouvés. En vain. Il y retourna à de nombreuses reprises tant et si bien qu’il finit peut-être par attirer l’attention sur lui et son fameux cahier plein de secrets. Un jour l’employé des objets trouvés l’informa qu’il était convoqué à la préfecture de police pour certaines choses dont il parlait dans le cahier retrouvé et transmis selon ses dires à de plus hautes instances. Il était très inquiet, nerveux, se sentait « piégé » et se faisait une montagne de cette convocation. Je ne pris pas tout ça très au sérieux.
Mais, ce monsieur ne revint plus jamais le lundi au club. Nous avons cherché à en savoir plus mais son téléphone n’a plus jamais répondu, il n’était pas à son domicile et la concierge ne voulut jamais rien nous dire le concernant. Il avait disparu, s’était évaporé dans la nature, perdu en somme.  Nous n’entendîmes plus jamais parler de lui.
Moralité : ne perdez rien de précieux qui aille aux objets trouvés.

Rose

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-"Maman ! On va au parc ?"
-"S'te plaît... on peut y aller ?
-"Allez, maman ! Viens, je n'aurai pas le temps de jouer !
-"O.K. Je prends mes cliques et mes claques.
-"Ah ! Oh fait, il fait chaud ou pas ?"
Pas le temps de consulter la météo, je me fie au temps de ce matin, il faisait bon !
Juste une veste...Oh zut! pas de poche ! Pas le temps d'en chercher une autre... Je sens que le fiston va craquer... Il est déjà entrain de gigoter. Je discerne les muscles de sa mâchoire se crisper... Allez ! il faut garder son calme ! Restons zen !
Je prends simplement mon portefeuille, habituellement, je suis toujours chargée comme un mulet, entre le kadi et les sacs, je n'ai plus de main libre !
Le gamin commence vraiment à montrer des signes d'impatience : l'attente n'est pas son point fort, ni d'ailleurs celui de la nouvelle génération... Je ne me serais jamais risquée à me conduire ainsi avec ma mère, elle aurait eu tôt de m'en mettre une ... Mais comme on n'a plus le droit de donner de claques de nos jours... Peut-on encore simplement élever la voix ?
Fatiguée comme je suis, je serais bien restée à la maison si je ne devais pas impérativement faire quelques courses.
-"Allez, on y va !"
On se dirige vers le parc, pendant qu'il se mêle à un petit groupe d'enfants, il joue tranquillement avec ses balles de jonglage, pendant que je l'attends assise sur un banc. Il a encore fait des progrès, je le regarde lancer au dessus de sa tête : une, deux, voir trois balles en alternance, l'une après l'autre, voir en même temps... Elles décrivent un croissant de lune.
Les mains bougent à peine, seules les paumes semblables à de petits paniers impulsent l'influx nécessaire. Les doigts regroupés autour des boules colorées en silicone libèrent les projectiles dans une trajectoire précise.
Une douce torpeur m'envahit ! Allez ! Il est temps de vaquer à mes occupations.
Alors ! Que je récapitule ! Il me faut du jus, quelques gâteaux pour le goûter, des pâtes et du steak haché pour ce soir !
Je me lève, je fais quelques pas, je cherche mon porte-monnaie sensé se trouvé à l'abri dans ma veste... Rien !
Je fouille de nouveau, je reviens vers le banc, je regarde partout... rien. Je refais le chemin parcouru. J'étais persuadée l'avoir encore en main, à travers la veste quelques instants plus tôt. Je finis par retourner mon vêtement, je sens l'angoisse me gagner. Mes yeux balayent l'herbe avoisinante, je tourne en rond, je sens mon sang se glacer... j'en ai des frissons et je n'arrive plus à contenir le tremblement de mes mains. j'en ai des sueurs froides, malgré le rouge aux joues qui me gagne...
-"Non ! C'est pas vrai ! Il ne manquait plus que ça !"
Je m'approche des enfants qui forment un cercle autour d'un homme.
Je dois avoir l'air d'une folle... L'homme lève les yeux et me dévisage de ses yeux bleus d'un air intrigué !
Il se rend régulièrement au parc et apporte complaisamment sa gentille participation en donnant quelques cours de jonglage à ses petites groupies.
Il se tourne vers moi, tout en continuant de jongler et d'une voix calme me demande :
-"Vous avez perdu quelque chose ?"
-"Oui ! Mes papiers !" j'arrive à dire dans un souffle. Ma gorge est serrée.
L'homme reprends : -" Si vous aviez une carte bleue, je vous conseille d'allez faire opposition immédiatement !"

Il rajoute : " Vous savez, il faut faire vite... !"
-"Téléphoner pour faire opposition !"
Je tremble tant que je n'arrive même plus à tenir mon téléphone dans ma main !
Je m'éloigne en bafouillant quelques excuses, j'essaye de me calmer. Je vais me rafraîchir le visage et les idées, sous l'eau fraîche, dans les toilettes non loin de là.
J'arrive enfin à faire opposition, déjà une chose de faite... Mais, comment je vais faire mes courses ce soir ? Plus de carte bleue !
Et comment je vais rentrer chez moi ! Plus de passe. Je vais devoir sonner chez un voisin !
Je me souviens que le lendemain, je dois me rendre au dispensaire ! Sans carte vitale...Il faudra que je paye le plein tarif... Allez ! On me connaît ! On verra bien !
Un peu plus calme, je reviens vers le petit groupe, l'homme quelque peu inquiet pour moi me demande :
-"Vous avez pu faire opposition ?"
-"Oui ! Merci pour votre aide !" je réponds avec une voix plus affirmative que précédemment...
Il reprend :
-"Vous savez... Il ne faut pas vous promener avec tous vos papiers !"
-"Oui, c'est vrai ! Je le reconnais !"
" J'étais pressée, je n'ai pas pris de sac... Mon fils commençait à s'énerver ! Il voulait vous rejoindre pour jouer ! Il se faisait tard, on n'avait pas beaucoup de temps !"
Voilà, que je lui mettais la faute sur le dos au fiston ! Et c'est vrai, que quelque part, je lui reprochais de n'avoir même pas levé le petit doigt pour m'offrir son aide ! Mais je réalise qu'il ne réalisait certainement pas dans quel désarroi, je me trouvais occupé qu'il était !
Je m'en voulais ! Perdre ses papiers, ce n'est pas anodin !
C'est une perte de temps, du stress, de la fatigue inutile pour quelques secondes d'inattention !
C'est beaucoup de démarches administratives, d'attente et de tracas.
Mais... quelques temps plus tard, alors que je n'y croyais plus...J'ai reçu un courrier du centre des objets trouvés et après une longue attente : c'est enfin mon tout, mon cœur bat la chamade quand on me rend mon portefeuille avec juste ma carte d'identité apparemment infalsifiable ! Personne n'en avait voulu !
Autre éventualité : mon profil : femme blanche de race européenne portant lunette sans signes particuliers n'intéressait personne !
Il aura fallu débourser 12 euros pour repartir chez moi, le cœur plus léger.
Malgré un sentiment de violation, j'avais retrouvé mon identité !

Claudine

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