dimanche 14 octobre 2012

CONCIERGE DANS SA LOGE


C'est la triste histoire d'un petit homme très brun, aux yeux et aux cheveux noirs corbeau. Il apparaissait souvent au détour d'un couloir, dans l’entrebâillement du sas de l’entrée, traversant le petit jardin intérieur d'un pas rapide et silencieux vers sa loge située non loin dans un autre bâtiment.
Il vaquait à ses occupations tout au long de sa journée de gardien d'immeuble, homme d'entretien, homme à tout faire et à tout entendre, public-relations et employé de bureau à ses heures. Quand un locataire souhaitait l'entretenir d'un problème particulier : il s'arrêtait, calme et pas forcément hostile. Il attendait que la personne expose ses désira tas et ses critiques quelles qu'en soient la nature et la provenance : 
l'interphone défectueux, l'ascenseur en panne, des traces de doigts sur  la glace dans le hall,  la présence indésirable de deux-roues dans les parties communes,   de personnes extérieures à l'immeuble venant visiter les boites à lettres, voir les appartements lors de l'absence de leurs locataires, ainsi que des poubelles débordantes de sacs pas fermés hermétiquement, la porte du garage vandalisée…
Le ton adopté variait. Certaines personnes d'un abord extérieur plaisant et agréable, pouvaient montrer deux visages. En présence de l'intéressé, elles affichaient un sourire bienveillant imperturbable et immuable en venant lui adresser des doléances sur un ton mielleux, joignant la plaisanterie et la tape amicale sur le bras ou dans le dos. Mais, il s'agissait de considérer l'envers du décor...
Sitôt les talons tournés, elles montraient leur réelle personnalité et s'avéraient de féroces revendicatrices comme s'il s'agissait d'obtenir à tout prix un dû. Elles n'admettaient pas que leur demande ne soit pas considérée et réglée dans l'urgence, soit immédiatement !
 Les locataires ne connaissaient certainement pas les bons conseils de M. de La Fontaine : "Patience et longueur de temps, valent mieux que force et que rage !" et se montraient fort peu conciliants, ni compréhensifs ! Ils reprochaient à cet homme de n'avoir pas la volonté de transmettre à sa hiérarchie les irrégularités ponctuelles et occasionnelles survenues dans le cadre de son emploi.
Certains locataires lui reprochaient un manque de conscience professionnelle, voire un taux d'absentéisme important qui consistait à ne pas se montrer présent dans sa loge pour son public en dehors des heures de présence indiquées sur la porte !

Les nerfs du gardien annonçaient un proche court-circuit. L'homme n'allait pas tarder à se montrer belliqueux ! Il s'agissait de calmer la situation et de caresser l'homme dans le bon sens du terme et du poil ! Son caractère bien trempé n'allait pas tarder à se révéler et l'enfermerait dans une réputation d'homme des cavernes peu avenant et "brut de brut "!
Pendant ce temps, les locataires se sentant lésés, estimaient être dans leur bon droit en téléphonant directement à leur bailleur !
D'autres adressaient un courrier directement au service technique auprès du supérieur hiérarchique !
La réaction du gardien ne s'est pas fait attendre... Le noir de ses yeux lançait des éclairs à l'encontre des personnes l'ayant dénigré auprès de sa direction. Elles resteront inscrites à jamais sur sa "liste rouge".
Depuis ce jour, l'ambiance s'est quelque peu dégradée !
Chacun réagissait différemment :
Il y avait les meneurs de troupe, les menés, les influençables et les influencés, les pour, les contre, les sans jugement, les indifférents !
Chacun en rajoutait, tirait à lui la couverture ! Une vraie scène de théâtre où se jouait une vraie pièce !
Certains éprouvaient du plaisir d'avoir enfin du craquant et du croustillant  à se mettre sous la dent ! Réelle revanche dans leur vie quotidienne qui mettait un peu de piment ! Elles se délectaient de ce bien-être indéniable de pouvoir mettre la zizanie dans toute une collectivité.
L'approche et le dialogue avec le gardien devenaient de plus en plus difficiles.
Je sentais cet homme profondément blessé et déçu par la déconsidération de son travail et de son investissement personnel auprès de nous-autres : Messieurs et Mesdames les locataires. Ils nous a tous pris en grippe et ne se gênait pas pour dénoncer l'hypocrisie, le manque de considération et la lâcheté des gens de l'immeuble !
Résultat
J'ai donc vu des lettres de protestation et bientôt une pétition circuler demandant son remplacement ! Un couple l'a effectivement remplacé pendant les vacances, de l'eau est passé sous les ponts, mais certains esprits vindicatifs restent vindicatifs quoiqu’il arrive et ont agi de même avec tous les autres gardiens lui ayant succédé !
Personnellement, je n'avais rien à reprocher à cet homme si ce n'est sa façon un peu sèche de répondre quand il ne pouvait pas résoudre un problème dans l'urgence. Il avait dix doigts comme tout-à chacun !
Il s'y connaissait en plomberie, lors d'une fuite d'eau, il n'y avait personne comme lui, capable de faire face à la situation ! Je connaissais ses difficultés personnelles, je savais pertinemment que cet homme ne gagnait pas suffisamment bien sa vie pour subvenir décemment aux frais liés à la location de son logement dans une banlieue proche, ainsi qu'à ses dépenses quotidiennes pour s'alimenter, se vêtir et se soigner.
Même, s'il m'intimidait, je le respectais et je pense qu'il le ressentait et il ne m'a jamais agressée verbalement.
Je n'ai pas signé la pétition !
J'étais loin d'imaginer qu'il allait se venger de nous d'une façon extrêmement pernicieuse : il a détruit tous les documents instruisant nos dossiers locatifs !
Ma conclusion se ponctuera de la citation suivante :
"Qui sème le vent, récolte la tempête !"

Claudine

.......................................................................................


Une grande cour mal pavée, entourée d’un garage, d’un atelier de serrurerie, d’un autre de tanneur, activité très répandue dans notre banlieue arrosée par la Bièvre. Au fond de cette cour, quelques jardinets cultivés par les locataires… Tout cela c’était le domaine de notre concierge.
Tôt le matin, à grand bruit, elle sortait nos lourdes poubelles. Petit café au lait et c’était déjà l’heure du passage du facteur. Très concentrée, elle triait le courrier puis en faisait la distribution accompagnée de commentaires : « Madame Lucas, j’ai une lettre de votre fils. Comment va-t-il ? », «  Monsieur Léon, un rappel, vous avez encore oublié de payer votre loyer ce mois-ci. Attention, le proprio n’est pas commode ! »
Et la distribution des quittances, elle, prenait toute la journée avec les inévitables discours des satisfaits et surtout des râleurs. « Ce sont toujours les mêmes qui payent et quand on demande une réparation, je vous dis pas ma bonne dame… »
C’est la concierge qui briquait notre vieil escalier de bois, sans oublier la rampe et la grosse boule de verre qui brillait tel un soleil d’été.
Elle qui aussi remplaçait le journal que beaucoup ne pouvait pas acheter en colportant les nouvelles du quartier.
La loge c’était notre lieu de rendez-vous et quelque fois aussi le refuge quand il y avait de l’orage dans les ménages.
Notre cour, c’était comme un petit village où tout le monde se connaissait, où madame Germaine ou madame Marie, je ne sais plus, régnait avec gentillesse et efficacité.
Mais tout ça c’était au siècle d’avant et elles nous manquent vraiment  nos pipelettes d’antan.
 
Monique
.........................................................................................
 1 – Concierge et musicologie
Jusqu’au milieu du XXème siècle, les vedettes de la chanson ont souvent débuté leur carrière dans des cours d’immeuble, avec la permission de la concierge voire sa coopération tant pour ramasser les sous jetés par les fenêtres que pour vendre la musique dans les étages et parfois même s’adonner à un accompagnement musical à l’accordéon, dit « piano à bretelles ». Cette activité où le concierge jouait un rôle accessoire mais incontournable octroyait aux locataires mélomanes un appréciable « plus » en matière de qualité de vie, avec en prime une convivialité de voisinage puisque, dit-on, la musique adoucit les mœurs.
2 – La concierge et le plus-que-parfait du subjonctif
Dans l’immeuble loge un professeur de français. Le concierge est en train de procéder au nettoyage de l’escalier avec serpillière et seau d’eau lorsque descend ce locataire qui lui demande poliment « Permettriez-vous, Madame, que je passasse ? » Réponse du concierge : « Mais passassez donc, Monsieur, passassez ! »
Qui, dans cet échange, serait le plus à blâmer ? Ne serait-ce pas le locataire pour son pédantisme ?
3 – Le gardien disciplinaire
Dans le grand parc entourant l’immeuble a été aménagée une aire où les enfants sont censés cantonner leurs jeux. Très vite, les plus âgés outrepassent les limites de cette aire et vont dévaler les chemins sur leur vélo, leurs patins et leur planche à roulettes.
Les remontrances s’avérant vaines, le gardien a recours à une sanction propre à maîtriser cette turbulence : ayant permis aux enfants, à leur grande joie d’arroser à tour de rôle les pelouses à la lance à eau, il punit les fauteurs de troubles en les privant de leur tour d’arrosage.
4 – Concierge officiant ou officier ?
Des conscrits campagnards se pointent à une caserne de la région parisienne et sont répartis en chambrées où ils se trouvent mêlés à des titis parisiens. Les premières semaines sont dévolues à « faire ses classes » où l’on apprend entre autres à faire le salut militaire aux officiers croisés en chemin.
Arrive enfin la « perm » durant laquelle certains de ces campagnards seront cornaqués par leurs camarades vers des sites touristiques : la Concorde, le Louvre… où se trouvent des hôtels de grand luxe à la porte desquels fait les cent pas un concierge revêtu d’un uniforme chamarré et rutilant. Lorsque la petite bande en goguette arrive à proximité, l’un des titis lance  la cantonade « Attention, un officier ! » Aussitôt les péquenauds font un impeccable salut militaire à l’hilarité des badauds. La bévue entraîna une réplique cinglante à l’adresse des farceurs : « Parisiens têtes de chiens, Parigots têtes de veaux »
5 – Un portier en flagrant délit de discrimination ethnique
Dans l’immédiat après-guerre, des permissionnaires de diverses armées alliées déambulent à Montmartre aux alentours des célèbres boîtes de nuit. A la devanture de l’une d’elle se tient un portier racoleur qui sait faire la différence entre le G .I. américains bourrés de dollars d’une part et les impécunieux pioupious français de l’autre. En effet, i allèche les Américains « Come in, come in, beautiful girls » tandis que les Français sont éconduits d’un « Circulez, circulez, y’a rien à voir ! »
6 – Concierges régicides
Au centre de Paris se visite la Conciergerie du Palais de Justice. Cela a été la dernière demeure de Louis XVI et de Marie-Antoinette, sous la garde de concierges zélés, avant d’être acheminés en charrette vers la guillotine.
Emmanuel
 
.................................................................................
« CONCIERGE » Quand quelqu’un parle de concierge, elle dit MA concierge et pour cause, chacune est bien  particulière même si des traits communs les caractérisent. Des concierges, j’en ai connu plusieurs car parfois je déménageais ; d’autres fois, c’est elle qui s’en allait.Ma première concierge vivait en couple. Ils étaient  alsaciens et étaient venus, il y avait bien longtemps déjà, pour trouver du travail.  Je venais d’arriver à Paris et m’étonnais de les voir vivre dans un si petit espace. La loge me paraissait  grande comme un mouchoir de poche. Elle ressemblait à ces vieilles échoppes accrochées, on ne sait comment, dans un angle des murs d’immeuble. Elle était si petite qu’elle semblait tout droit sortie d’un livre d’images. A gauche, en entrant sous la voûte et avant d’atteindre la cour : deux petites marches, une porte vitrée et collée contre son panneau, une table étroite, couverte d’une toile cirée sur laquelle trônait, au centre, un bouquet de fleurs des champs. En fin de journée, ce couple était assis là, derrière cette table, leurs visages paisibles de part et d’autre des fleurs. Accroché au mur, dans  leur dos, un grand calendrier présentait un couple de cigognes dominant un paysage typique. Nul ne pouvait ignorer l’amour qu’ils portaient à leur région. N’allez pas croire pour autant  que ce petit bout de femme déjà âgée, était une concierge revêche ou tire-au-flanc.  Il fallait voir avec quelle énergie elle frottait les escaliers en bois des deux entrées de l’immeuble puis les cirait ou lavait à grande eau, les pavés de la cour. Discrète, elle parlait peu mais cependant, dés le matin, elle savait adresser à chacun, une parole chaleureuse, encourageant les écoliers  d’un « apprenez bien les petits ! ». C’était la bonté même ! Elle aimait les enfants bien qu’elle n’en eût point et parfois leur donnait un bonbon quand ils s’étaient montrés polis ou sages. Un jour, l’heure de la retraite sonna et le couple s’envola non sans avoir laissé à mes  enfants, un petit souvenir : une petite station météo. Dans une petite maisonnette en bois se cachait un  couple d’alsaciens. Si le temps était à la pluie, Monsieur sortait avec son parapluie mais si le soleil brillait, Monsieur disparaissait pour laisser place à Madame.J’ai aussi déménagé, non plus dans un vieil immeuble parisien mais dans un plus moderne aux larges baies. La loge était un peu plus spacieuse. La concierge, une grande femme blonde, était jeune et avenante. Elle se déplaçait continuellement avec son seau et son balai. Il est vrai qu’elle avait plusieurs escaliers et quelques cinq ou six étages à  nettoyer. Elle parlait fort avec un accent étrange et très guttural. Elle semblait toujours en colère mais, en réalité, elle ne l’était pas, c’était pour elle, sa façon de parler car, dès qu’elle adressait la parole à un résident, un large sourire illuminait son visage. Par contre, gare à l’inconnu qui s’approchait de sa loge. Elle était très soupçonneuse. « Vous voulez qui ? Vous voulez quoi ? » Pas question de pénétrer dans l’immeuble sans montrer patte blanche ! « Et surtout n’oubliez pas de vous essuyer les pieds ! » ajoutait- elle avant de le laisser pénétrer. Parfois elle semblait avoir disparu dans un de ces nombreux escaliers ou, peut- être, à  la cave où elle rangeait balais et serpillières. Survenait-il un inconnu qu’elle apparaissait comme par enchantement, défendant son territoire telle une place forte. Par contre, elle n’aimait pas beaucoup les enfants, très nombreux, qui, disait-elle lui salissaient les locaux. Elle les pourchassait avec son balai et son chiffon à poussière, les menaçant de tous les maux.J’ai de nouveau déménagé dans un immeuble plus ancien. Bien que plus modeste, il avait aussi sa concierge. C’était une espagnole entre deux âges, mère de deux jeunes enfants. Comme la loge était trop petite pour la famille, les enfants dormaient sous les combles dans une chambre qu’on appelait autrefois « chambre de bonne ». Que d’ingéniosité il  fallait pour pouvoir vivre dans un espace aussi réduit !  Le couple avait un lit-armoire qu’il fallait déplier chaque soir et replier tôt le matin avant que les premiers résidents n’apparaissent ! Un réduit servait à la fois de toilettes et de douche selon les moments de la journée et, caché derrière un rideau à fleurs, se trouvait une minuscule cuisine donnant sur la cour intérieure. Là aussi, sous la voûte, il fallait monter deux marches pour frapper à la porte vitrée de la loge. La concierge montait le courrier deux fois par jour et s’attardait parfois auprès des résidents âgés pour s’enquérir de leur santé ou s’informer de leurs besoins.  Bien sûr, elle lavait le sol des parties communes, balayait le grand escalier en colimaçon, en essuyait la rampe. Une fois par semaine, elle le frottait et le cirait ; elle installait aussi dans le passage, une grande échelle pour laver et essuyer le lustre qui l’éclairait. L’après-midi était plus calme. Derrière le rideau de sa loge, elle surveillait les rares allées et venues tout en cousant ou tricotant. Une musique de flamenco en sourdine s’en échappait quand la porte s’ouvrait au résident venu chercher une information ou le courrier non distribué en son absence.Je quittais cet immeuble pour un nouveau, beaucoup plus grand. Là, ce n’était pas une concierge mais un concierge costaud et très disert. Tout en lavant le hall d’entrée, il faisait facilement un brin de causette avec les habitants ce qui lui permettait également de surveiller très activement toutes les allées et venues. Rien ne lui échappait. Très serviable, il rendait facilement service, montant occasionnellement  les courses ou les paquets aux personnes âgées. Une machine qui déborde, une porte qui ne ferme plus ou qui grince, une panne électrique … Il était là !  Il ne comptait pas son temps.  Même en dehors de ses heures de service, il lui arrivait de dépanner un résident en le conduisant à la gare ou à l’aéroport ou en allant chercher un colis trop lourd. Comme tout concierge, il encaissait les loyers, distribuait le courrier dans les boîtes, recevait les colis, sortait les poubelles, surveillait les travaux et les visites régulières des plombiers et chauffagistes. Beaucoup lui faisait entièrement confiance et lui laissait les clés de leur appartement.Mais un beau jour, le concierge devint gardien. Chaque locataire reçut un courrier de la société précisant ses nouvelles fonctions. Il ne pouvait plus distribuer le courrier ni prendre les colis ou les recommandés. Il n’appelait plus directement les sociétés pour les réparations courantes mais devait attendre un fax du bailleur. Il n’avait plus le droit de dépanner les locataires. Il n’encaissait plus les loyers, ceux-ci devaient désormais être prélevés. Il dut participer à de nombreuses journées de formation, notamment pour appendre à se servir d’un ordinateur. Il reçut un énorme classeur. Là se trouvait son guide : « Comment se comporter avec les locataires en  toutes circonstances, par exemple en cas d’agressivité, ou d’ivresse. Que faire devant tel ou tel problème. A quelle hiérarchie se référait selon les cas. » Les entrées du garage furent informatisées et une porte à digicode fut placée à l’entrée. Ses heures de travail furent réduites et il fallut s’habituer à pénétrer dans l’immeuble au moyen d’un « bip ». Il ne s’occupa plus des plates-bandes de la cour. Une société de jardinage vint les entretenir et tondre la pelouse. Il devint presque invisible faisant rapidement son travail. Bientôt il n’habita plus sur place, n’étant présent que sur ses horaires.Sans doute, pour lui, l’exercice de son métier devint moins contraignant : il n’était plus sollicité à toute heure et ses tâches étaient plus cadrées. La profession de gardien d’immeuble s’est modernisée avec l’introduction de l’informatique qui supprima certains travaux. Aussi est-il courant maintenant de voir un gardien pour plusieurs immeubles. Cependant la fonction tend à disparaître au profit de sociétés de nettoyage, les contacts humains disparaissant.
Marie-Thérèse
...................................................................................................
Que de choses à dire sur ce mot : concierge. Ce mot désuet, d’un autre temps. Souvenez-vous, pour ceux qui sont assez âgés pour s’en souvenir, des rues de Paris mal pavées, des immeubles vieillots, et sous un grand porche donnant sur une cour carrée, une porte mal entretenue, celle de la loge de la concierge. Souvent désagréablement placée, en plein bruit, en plein vent, elle devait donner sur le grand escalier pour permettre d’y avoir l’œil. Par la partie vitrée de la porte, à travers la déchirure d’un simple rideau de dentelle usagée, on pouvait voir sans être vu.
Il y avait une pancarte à la porte : On est prié de dire son nom après 10 heures. La concierge entendait-elle vraiment les noms qui étaient prononcés en filant vers l’escalier, bafouillés parfois. Il arrivait qu’elle s’endorme derrière son rideau de dentelle mais malgré cela elle savait tout sur tout le monde. Ainsi la femme de monsieur Jules, voyageur de commerce, une fois son mari parti en tournée à travers la France recevait beaucoup, et surtout la nuit… Si la dame ne donnait pas spontanément à la concierge un sou, cette dernière traînait ostensiblement sur son palier, un balai à la main, pour voir qui sortirait de l’appartement. Que de malice sous ses cheveux grisonnants, sous le chignon « tomate » dont s’échappaient, retenues malhabilement par de grosses épingles, des mèches un peu négligées. La coquetterie ne sied pas aux concierges ni le maquillage. Celle-ci était « naturelle ». À l’époque les policiers, appelés « hirondelles » et vêtus de pèlerine bleu marine, qui sillonnaient la ville à vélo s’arrêtait volontiers dans sa loge boire un petit quelque chose. Le pause chez la pipelette du coin étaient appréciées et… productives. La concierge aimait elle aussi ces moments-là : elle leur servait le café bien chaud et vidait son sac, dévoilant dans le détail la vie de l’immeuble, du quartier. Ils se connaissaient bien à la longue et se faisaient même la bise. Lorsqu’elle avait la visite d’un inspecteur, elle était encore plus fière. Il débarquait avec son imper et son chapeau mou comme dans les films noirs de ces années-là et il avait besoin d’elle. Il sortait une photo : connaissez-vous cette femme ? Mais oui, bien sûr, j’connais, c’est la poule à monsieur Georges, le type du 5ème au fond à gauche qui donne jamais de pourboire. Elle savait tout, oui, et elle était très précieuse à la police. Elle savait tout mais elle disait… ou ne disait pas. C’était fonction de… vous devinez quoi.
Il y avait des distractions dans son quotidien mais elle avait peu de temps pour se prélasser. Le service aux locataires et l’entretien de l’immeuble, parfois elle n’avait pas même le temps de finir de se préparer et faisait le ménage en bigoudis La concierge est dans l’escalier. Quand elle prenait une pause, elle faisait comme toutes les concierges, elle prenait son chat sur ses genoux ou bien arroser le géranium sur le rebord de sa fenêtre qui donnait invariablement sur la petite cour qui servait de local à poubelles.
Elle était là jour et nuit, toute l’année, elle faisait plus que n’importe quel habitant partie de l’immeuble, c’était une concierge, une vraie, comme on en voit plus beaucoup.
 
Rose
.......................................................................................
 
« La concierge est dans l’escalier ». Ce petit panonceau accroché à la porte de la loge de la concierge, vous l’avez sûrement vu comme moi. Alors comment tracer le portait de quelqu’un est presque toujours dans les escaliers ?
Parisienne depuis l’âge de trois mois, j’ai dû voir ces écriteaux bien avant de savoir lire et je vais essayer de vous décrire madame Duratus, la dernière concierge que j’ai connue. Mes parents habitaient un immeuble de style vaguement haussmannien faisant un angle avec une avenue et une rue moins passante. C’était un immeuble de cinq étages, comptant trois appartements par étage. Le sixième était occupé par des chambres de bonnes. Les bonnes ayant disparu depuis longtemps, les chambres étaient louées comme studio, sans confort.
Madame Duratus régnait sur ce petit royaume. C’était une grande femme, bien charpentée mais sans rondeurs. Elle n’était plus toute jeune, quelques fils argentés ornaient son épaisse chevelure brune, bouclée, un peu à la Marlène Dietrich. Elle aimait les fleurs et portait toujours des robes et des blouses avec des motifs fleuris. Sa petite loge, située à droite de la porte d’entrée était propre et coquette, tapissée de papier peint à fleurs roses et mauves.
Quelques fleurs en plastique ornaient le poste de TSF, puis le poste de télévision. Madame Duratus cultivait également quelques géraniums dans des pots posés sur le rebord de la fenêtre de sa loge qui donnait sur la cour. C’était là aussi qu’était accrochée la cage du canari. Notre concierge avait beaucoup d’obligations. Elle s’occupait des poubelles, elle les sortait tous les jours très tôt le matin, elle les rentrait le soir après le passage des bennes, les nettoyait consciencieusement et les rangeait dans un local spécial.
En plus, elle assurait la propreté et l’entretien des escaliers, distribuait le courrier à tous les habitants de l’immeuble, ce qui explique qu’elle était si souvent « dans l’escalier ».
Ses responsabilités ne s’arrêtaient pas là. Une vraie concierge observe d’un œil toujours vigilant toute entrée et sortie de l’immeuble. Elle saisit donc parfaitement à quelle heure vous êtes rentré, avec qui et dans quel état… la concierge est l’idéal agent de renseignements pour tous les curieux ainsi que les représentants de l’ordre. Elle peut aussi ne pas jouer ce rôle et se taire, cela dépend de vos relations avec elle rapport influencé en votre faveur par les étrennes de fin d’année.
Malgré quelques avantages en  nature (logement et charges gratuits) il n’est guère étonnant que les vocations se fassent de plus en plus rares pour ce genre de fonction. Maintenant ce sont des gardiens spécialisés qui veillent sur des ensembles d’immeubles comptant des centaines de locataires. Ce n’est plus le même travail.
Le gardien est rarement dans l’escalier, il fait plutôt sa ronde avec son chien féroce.

Christiane

....................................................................................

Au numéro 7 rue des Chevriers à paris, se trouve la loge de madame Seguin, gardienne d’un vieil immeuble de cinq étages.
Sa loge qui servait de salle de séjour a été meublée d’une table fleurie et de quatre chaises fraichement encaustiquées, ainsi que d’un bureau encombré de papiers et de dossiers.
Au-dessus à droite, était accrochées les clefs avec les noms des locataires. À gauche, un téléphone mural avec une petite boîte pour recueillir le prix de la communication et les pourboires. Contre le mur, un bahut recouvert d’un napperon en dentelle sur étaient déposés la pendule et divers bibelots. Au-dessus, trône un magnifique cadre avec la photo de monsieur Seguin père accompagné d’une malicieuse chèvre blanche. Seraient-ce la chèvre et le monsieur Seguin de l’histoire qui nous attristait lorsque nous étions enfants ? La concierge souriait en nous racontant que c’était un pied-de-nez à l’histoire mais que cette chèvre faisait partie du troupeau de ses grands-parents qui étaient éleveurs et vendaient du lait et des fromages de chèvre. Sur le guéridon, dans une cage, un mainate sautillait en sifflant l’air d’un film Le jour le plus long et nos repartions avec cet air dans la tête et chantions malgré nous « Hello, le soleil, brille, brille… ». On apercevait la petite cuisine avec son poêle noir sur lequel mijotaient toujours de bons plats régionaux qui nous faisaient saliver. A côté de la fenêtre, était accrochée une autre cage dans laquelle sifflaient joyeusement huit serins blancs, jaunes ou orange. C’était gai mais abrutissant à la fin, on ne s’entendait plus parler. Le matin madame Seguin montait le courrier en faisant la causette avec les locataires qui étaient présents. Un malicieux, dès son approche, chantait « C’est la pipelette, c’est la pipelette qui apporte le courrier… ». Ça la faisait rire car elle aimait plaisanter et un lien amical l’unissait à cette personne. Elle était serviable, agréable avec les locataires qu’elle aimait bien, les autres avaient la vie dure et elle ne leur passait rien.
Le soir, derrière le carreau de sa loge, un panneau affichait le nom des personnes qui avaient du courrier de la tournée de l’après-midi.
On s’est souvenu longtemps de madame Seguin, qui n’avait pas de barbichette mais jouait aux fléchettes pendant ses rares heures de loisir et nous faisait bien rire.
 
Mireille




Aucun commentaire: