dimanche 7 janvier 2018

UNE HISTOIRE DE BIJOUX

Lorsque j’étais adolescente, ma grand-mère maternelle m’a remis une bague de fiançailles qui avait appartenu à la mère de mon grand-père. Mon arrière-grand-mère est morte lorsque mon grand-père avait quatorze ans. D’elle, je n’ai qu’une simple photo. Et cette bague, pleine de charme, chargée d’une histoire et d’une mémoire. Elle est en or, deux petites feuilles vertes viennent entourer quatre minuscules perles représentant des fleurs. Une bague très féminine, très romantique. J’imagine la joie que mon aïeule a dû ressentir lorsque son amoureux la lui a offerte.
Cette bague est un véritable lien de famille, un héritage, et je me sens comme inscrite dans l’histoire familiale grâce à ce bijou.
Je l’ai reçu à l’âge de quinze ans et l’ai portée nuit et jour pendant de longues années. Et quand ma fille a eu ses quinze ans, je lui ai offert ce précieux cadeau d’une filiation indéfectible et indéfinissable.

Valérie
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Oublier le quotidien devant la vitrine d’un joaillier de la Place Vendôme permet de faire le point sur la beauté, le plaisir, la richesse et aussi l’envers du décor pour le plus grand nombre des mortels. En effet, un bijou cache sous ses facettes nombre de péchés capitaux : orgueil pour les uns, frustration pour les autres, suscite l’envie, peut déclencher des règlements de comptes lors de perte ou d’appropriations indues…
Comme beaucoup de touristes, j’ai pu voir les bijoux de la couronne britannique exposés dans la Tour de Londres : ces symboles de richesse, de puissance m’ont paru figés pour l’éternité. La littérature en exemples abonde : Diderot, Les bijoux indiscrets ; Maupassant, La parure ; et tant d’autres : que de promesses mais aussi de privations, d’humiliations et de misère !
Parfois, la possession d’un bijou revêt une valeur affective comme la bague de fiançailles. Une enfant de ma connaissance me disait être depuis toujours attirée par tout ce qui brille : âgée de cinq ans, elle avait trouvé la bague de sa mère, l’avait fourré dans une enveloppe et posée dans sa chambre. Son père, maniaque du rangement, jeta le tout, sans vérifier le contenu. L’enfant ne fut pas grondée, on lui dit simplement que ce bijou valait le prix d’une belle maison. Depuis, sa mère en a une aussi belle, mais ce n’est pas celle de ses fiançailles. Elle a une très  belle maison également.
Dans d’autres lieux, au début du vingtième siècle, mon grand-père paternel était « caissier », colporteur muni d’une caisse en bois attachée au cou, à l’aide d’une courroie en cuir, il allait ainsi des Pyrénées jusqu’au Berry, vendre des bagues, des boucles d’oreilles en plaqué or ou argent : ces modestes bijoux devaient porter des promesses de plaisir et de fidélité, mais aussi de deuil ; j’ai vu des femmes porter des boucles d’oreilles en argent, ornementées d’une pierre noire, comme l’onyx, pendant leur veuvage, souvent définitif : peu d’entre elles se remariaient.
Pour ma modeste part, une personne à laquelle j’avais rendu des services, mais ou la reconnaissance existe parfois, m’avait donné une alliance familiale que j’avais dû faire agrandir.
J’avais acheté moi-même ma bague de fiançailles : j’aurais dû réfléchir au degré de ladrerie du fiancé ! L’amour rend aveugle mais le mariage rend la raison !
J’ai donné ces bijoux à ma fille, en souvenir : elle les garde précieusement mais sans ostentation.

Marie-Christine
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Lors de ma dernière année d'étude au lycée technique, j'ai dû accomplir un stage en entreprise. Pas un simple stage d'observation mais un stage de trois mois. J'observais, j'apprenais mais je travaillais aussi. Chaque fin de semaine, j'étais évaluée par le directeur de l'agence sur un livret de stage que j'ai toujours en ma possession.  Au terme de ce stage je devais rédiger un rapport complet, étayé de documents si possible. Ce rapport était noté pour sa présentation, sur le fond et sur la forme, et pris en compte dans la note pour le diplôme de fin d'année.
On devait trouver ce stage par nous-mêmes, il était rémunéré ou pas, l'important était surtout de trouver où le faire. Aidée je crois par ma tante qui habitait la ville, j'ai pu  faire ce stage dans une banque à Cachan.  A l'issue de mon stage, j'ai eu la bonne surprise de recevoir une rémunération. L'autre bonne surprise fût que ma mère me laisse disposer de cet argent. Quand j'ai travaillé ensuite, il n'en a pas été de même avec mon salaire qu'elle conservait. Je ne me souviens plus de la somme reçue pour ces trois mois mais pour moi qui n'avais jamais eu d'argent, c'était beaucoup.
Avec cet argent, j'ai voulu faire plaisir à tout le monde chez moi et je me suis orientée vers les bijoux en or. Pour mon père je fis l'acquisition d'une chaîne et d'une médaille, je sais qu'il aurait aimé porter une chaîne mais il ne s'était pas permis cette dépense.  La chaîne était classique et pour la médaille, puisque mon père aimait conduire, je lui pris un Saint-Christophe. Il fût bien sûr très touché par mon cadeau, en le recevant il me dit que jamais cette chaîne ne le quitterait. Et c'est vrai, cette chaîne n'a pas quitté son cou, je l'ai toujours à présent et elle a ensuite servi à mon mari qui avait cassé la sienne, elle compte doublement pour moi.
Ma mère m'avait offert une bague ornée d'une topaze jaune pour je ne sais plus quelle occasion. Cette bague lui plaisait, elle m'en parlait régulièrement, mais elle était sans doute comme moi, elle dépensait pour faire plaisir aux autres, sans penser à elle-même. Je lui offris donc une bague dans le même esprit que la mienne, je la choisis avec un rubis pour qu'elle se marie avec le pendentif que mon père lui avait offert quelques années plus tôt pour leurs vingt-cinq ans de mariage. Ma mère était moins démonstrative mais je sais qu'elle a été heureuse de mon geste, elle a pris soin de cette bague et  l'a donc peu portée, les grandes occasions de la sortir étaient rares.
Toute occupée à mes achats, j'avais remarqué dans la vitrine d’un bijoutier un petit pendentif  assez original, et drôle à la fois. Il représentait une petite fourmi à la besogne, elle était représentée debout et portait sur son dos une  charge qu'elle tenait avec deux de ses pattes levées, cette charge était symbolisée par une perle de culture. Je pensais aussitôt à ma sœur aînée,  toujours occupée à laver et frotter, une vraie maniaque qui n'arrête jamais, je trouvais que c'était tout à fait le bijou qu'il lui fallait, la fourmi étant très travailleuse. Quant à ma deuxième sœur, faute d'idée plus personnelle pour elle, je lui pris le même pendentif, pas de jalousie. Et toutes deux furent surprises et comblées, ma sœur aînée a bien ri de la comparaison que j'avais faite pour le choix de ce cadeau.
Et mon frère, il n'a pas été oublié bien sûr, mais je ne me rappelle absolument pas de ce que j'ai bien pu lui offrir. J'avais opté pour les bijoux,  mais qu'ai-je bien pu lui offrir ? Impossible de m'en souvenir aujourd'hui.
Mon premier salaire a donc été bien utilisé. On est parfois aussi heureux à offrir qu'à recevoir, le bonheur qu'on procure est un très beau cadeau pour celui qui offre.

Paulette
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Il y a cette toute petite bague en argent portant l’étoile à cinq branches qui m’a été offerte il y a des décennies de cela, en mes vertes années, par ma grand-mère qui était très croyante. Un petit bijou d’une finesse et d’une joliesse sans pareille. Si délicate que dans mes doigts gourds et mes mains maladroites, la pauvre a eu bien du fil à tordre et un jour, elle rompit ses vœux de durabilité et d’éternité. Elle restera néanmoins en ma mémoire jusqu’à ce que celle-ci m’abandonne à jamais.
 Elle a laissé des étoiles dans mes yeux et le goût des métaux argentés comme ce petit cœur en corail rouge, cette perle de turquoise offerte par des amis, et cette mini améthyste travaillée en forme de diamant. J’avoue que j’aurais un faible pour les pierres précieuses et semi précieuses. Mais je ne me transformerai pas non plus en femme à bijoux. Ce métal gris malheureusement s’il ne se marie pas avec une autre matière risque de se déformer à la chaleur, de s’altérer, de ternir avec les frottements, les intempéries, les produits corrosifs de nettoyage et les mauvais traitements.
Il reste l’or. Et justement lors d’un voyage en Grèce, alors que nous nous trouvions à Athènes, dans le quartier de la Plaka et des bijoutiers, en passant devant une devanture, mes yeux ne pouvaient se détacher de l’anneau en or porteur d’un minuscule rubis… Que depuis j’ai remplacé car il était très certainement mal scellé sur une base manquant de carats. Voyant mon hésitation et mon indétermination, une amie me l’a offerte. Je l’ai toujours au doigt. Je lui suis reconnaissante pour son geste que je n’oublierai pas.
Et j’ai appris que l’or valait véritablement son pesant d’or, de serments et de cérémonial.  Il y aurait plusieurs couleurs d’or dont les plus connues sont : le jaune, le rose, le gris. Ce qui ferait son originalité. Et les trois ors se reliant en trois anneaux distincts ou accolés forment un beau spectacle à l’œil surtout quand on célèbre sa première et unique union nuptiale. Elle est toujours présente à mon doigt mais à la main droite. En l’absence de bague de fiançailles, il serait de bon ton de se voir offrir un petit chaton aux multiples facettes biseautées… mais les finances du moment et très certainement l’avarice du conjoint n’ont pas joué en ma faveur. Alors je me la suis offert en post-divorce, ainsi que tous les autres bijoux qui m’ont été habillement subtilisés et cambriolés depuis.
Mais ce ne seraient que des valeurs matérielles et je ne sais s’il faudrait pleurer sur du zirconium et autres petites pierres brillantes à défaut de diamants ? Ce qui me fait le plus grincer des dents ce serait plus la valeur affective et esthétique perdue à jamais que je portais au port de ces bijoux qui ont compté en mon cœur au jour le jour, selon les périodes de ma vie et mes envies du moment pour les accorder selon mes vêtements. Un voile d’amertume masque depuis mes yeux, mes mains, mon cou aussi et j’ai essayé de me voiler la face en tentant d’en oublier l’absence. Tous ces bijoux auraient-ils une âme et habiteraient-ils ainsi mon esprit ?

Claudine
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Lucile regardait avec insistance le décolleté de la femme qui lui faisait face dans ce repas où elle avait été invitée presque par hasard. En tout cas, elle ne se serait jamais imaginée déjeunant dans ce grand restaurant luxueux mais pour l’heure, ce qui l’attirait au plus haut point, c’était ce long collier de corail rouge doublé d’une petite chaine dorée portant à intervalles réguliers des cristaux d’améthyste. Sous la lumière électrique, ils s’irisaient passant du bleu profond au violet très clair et ce scintillement continu intensifiait la couleur rouge du corail lui donnant un éclat inhabituel.
Elle ne remarqua pas tout de suite le petit pendentif qui y était accroché. De forme ovale, cerclé d’or, ce coquillage nacré, sorte de camée, était comme sculpté laissant  voir en relief, un visage d’enfant. Lucile subjuguée par la beauté insolite de ces trois bijoux dont la combinaison chatoyante s’harmonisait avec bonheur, en oubliait de manger. Soudain, elle sentit le regard pesant et interrogatif de la femme. Elle n’osa pas lever  les yeux mais bien au contraire les plongea sur la nappe.
C’est alors qu’elle aperçut sa main qui se tendait vers son verre.
 Au moment même où son vis-à-vis  en  saisit le pied, elle entendit le léger crissement de la bague qu’elle portait à l’annulaire : une énorme bague qui s’arrondissait tel un soleil sur le dos de sa main. Ses rayons d’or étaient incrustés de petites pierres aux teintes vives alors que son centre bleu-vert se composait d’une tourmaline cuprifère de forme ronde.
Lucile ne put retenir un discret Oh ! de stupéfaction.  Certes, elle admirait le bijou mais se demandait comment elle pouvait sans gêne, attraper les objets! Elle en aurait été bien incapable.  Mais elle savait qu’elle n’en aurait jamais l’occasion. Elle ne portait pour l’heure, à l’auriculaire qu’une chevalière en or gravée à ses initiales, cadeau de ses parents pour ses vingt ans et autour du cou, une jolie chainette qui marqua son passage à la majorité et elle se sentait bien comme cela.

Marie-Thérèse 

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