dimanche 20 mai 2012

ELLIS ISLAND


Fuir ! Fuir un pays, une patrie,
Fuir pour ne plus revenir !
Fuir pour trouver un nouveau nid
Fuir pour ne plus ressentir
Les malheurs, les privations

Le manque de liberté, la corruption,
Le manque de deniers, les insomnies
Fuir pour se créer des liens
Fuir pour retrouver quelqu'un,
Fuir pour découvrir un nouveau pays,
Fuir pour garder la vie !
Fuir enfin enfin vers une autre destinée...
Tout quitter sans regretter
Tout abandonner !
Tout vendre ou tout laisser
Juste le produit de ses biens,
Ou presque rien
Fuir, vers l'inconnu, vers l'avenir,
Une promesse d'embauche,
Ou une vie de débauche ?
Vers le miroir aux alouettes ?
Ou vers une vie plus replète,
Ou rien !
Mais les yeux vers le lointain
Oubliant, le manque de soins,
L'estomac criant famine, criant sa faim,
Sa faim de vivre, sa faim de pain !
Les yeux dans ceux du voisin
Des visages amaigris et anxieux
De multiples regards envieux
Des regards désespérés et vitreux
Des iris qui en disent long sur les états d'âmes
Des pupilles qui révèlent les plaies de l'âme
Reflètent l'inquiétude, l'attente, les désirs et le dépit,
Des regards expirant par la maladie
Des regards respirant la vie
Des regards submergés d'amertume,
Des regards plongés dans la brume
D'autres, qui d'un regard,
Peuvent détourner le bien d'autrui,
Toute une fortune, ou quelques dollars,
Amassés jour après jour, pauvres fuyards !
Celui qui a tout vendu, celui qui s'enfuit,
Vers un lointain peuplé de rapaces et d'embûches,
Celui qui ne compte plus que sur lui,
Pour rester en vie !
Des regards menés par l'amour,
Sous les chapeaux, plein de non-dit
Qui sait ? Rencontre d'une vie
Rencontre de l'espoir
Voir le jour enfin... après tout ce noir
Fonder une famille, trouver un emploi
Construire une nouvelle vie et un nid douillet
Pouvoir faire enfin ce qui nous plaît !
Pouvoir vivre sa foi
Abrité par de nouvelles lois
Dans un pays où on y croît.
Claudine
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Ils restent des heures à contempler la mer. Etourdis, fatigués par le long voyage inconfortable. Ils ont tout laissé, n’ont emporté que de modestes bagages. Ils ont fui un pays impossible à vivre. Ils ne savent plus où ils en sont, déroutés. Ils pensent avec quelques pincements au cœur aux êtres chers qui n’ont pu les suivre et qu’ils ne reverront probablement jamais. Ils saluent la statue de la liberté. C’est la liberté retrouvée. Ils placent tant d’espoir en cette terre inconnue. Un bon travail, une confortable maison. Certains d’entre eux auront cette chance, d’autres celle d’une vie médiocre mais meilleure toutefois que celle d’avant, d’autres encore sombreront dans la misère. Est-ce leur destin ?
Mais ils auront en tout cas essayé de trouver leur rêve. L’Amérique s’offre à eux.
Mireille
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A la recherche de la liberté
Tu saignes le monde
Plaie profonde
Cousue de barbelés
Griffant ton nom : liberté
Tu saignes l’Italie, la Bulgarie, l’Europe
Famélique, squelettique,
Inexpiable charnier
Fossoyeur de liberté



Tu saignes boat-people du Vieux Continent
Evasion folle
Ultime témérité
Sur un sillage de liberté
Tu saignes noble fils d’Allah
Sous le joug fanatique des Ayatollah
Dont l’intégrisme a amputé
Ton Coran de ses versets de liberté
Tu saignes ton sang que tu vends
Pour une pièce d’argent
Corps et esprit affamés
De pain, de dignité, de liberté
Tu saignes loubard du caniveau
Bâtard d’une HLM et d’un bistrot
Au carrefour des mal-aimés
Donneras-tu rendez-vous à la liberté
Tu saignes compagnon d’ici et d’ailleurs
Travailleur aujourd’hui, demain chômeur
Militant sali, brimé, insulté
Pour son goût de la liberté
Tu saignes d’avoir renoncé à aimer
Pour mieux asseoir ton autorité
Pantin solitaire dans ta cage dorée
Tu meurs en parodiant la liberté

Tu saignes le monde
Mais partout se lève féconde
Une humanité inlassablement poussée
A te rencontrer : liberté

Christiane
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Qu'êtes-vous devenus ?
Dans ce grand cargo, que la mer houspille,  le destin de chacun vacille. Chacun vit, respire le même air dans un espace réduit. Presque personne ne compatit à ce drame humain, ce grand voyage, cet immense périple qui ampute d'un ancêtre, d'un gamin. Des générations de déracinés sont nées !
Chacun partage ou se dispute, tout un chacun se côtoie, chacun se tutoie ou se vouvoie, tous se pourvoient dans la même voie. Certains donnent de la voix, d'autres, ne parlent pas, mais beaucoup d'entres eux ne se comprennent pas ! Le rempart de la langue, des rites et des coutumes, un fossé infranchissable pour certains, à titre posthume, accessible pour d'autres, histoire de traducteurs, on les aide dans leurs malheurs.
Toute une foule de passants, de fuyards : les immigrés ou les migrants ? Ils viennent de tous les continents. Ils n'ont qu'une seule raison en commun : fuir leur pays d'origine pour des raisons politiques, économiques, sociales et idéologiques ! Ils parlent le langage universel, celui des regards et des gestes. Ils se côtoient dans l'adversité et des liens peuvent se créer.
À d'autres moments la situation peut devenir critique. Que d'hommes chapeautés ou casquettés, portant le gilet,  la veste et pour certains le nœud ou la cravate, sous le col qui fut empesé. Que de femmes portant le foulard, d'autres laissant libre leur chevelure joliment arrangée en chignon, ou ondulante autour de leur visage. Elles attendent calmes toutes serrées les unes à coté des autres, dans leur manteau. Tout ce monde réuni, toutes nationalités confondues rassemblées sur le pont de ce grand bateau aux longs cordages.
Dans ce cargo... loin, très loin du Titanic, quelques similitudes : juste quelques canots de sauvetage. Que d'êtres vivants, debout, sérieux, tous tournés vers le photographe : les uns fixant l'objectif,  certains se surprenant à sourire soit des yeux, soit par  un véritable sourire qui illumine leur visage comme vous, là-bas, jolie femme au chignon ! Quand les chapeaux melons rencontrent les feutres, les borsalino et le monde en casquettes, comment s'instaure la communication ?
Quelques visages tournés vers je ne sais quelle attraction, se passerait-il quelque chose sur la droite ?
La terre promise vous souhaiterait-elle un bon voyage, un encouragement pour cette ultime traversée ou la bienvenue dans de nouvelles contrées ?

Messieurs aux chapeaux, mesdames aux foulards et aux cheveux épris de liberté...
Face à votre destin inconnu...
Qu'êtes-vous devenus ?


Claudine
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A quoi pensent vraiment tous ces pauvres gens en saluant la statue de la liberté ? A la liberté ou à tout ce qu’ils ont dû quitter pour connaître une vie meilleure.
Quitter les anciens qui, trop vieux, ne pouvait les suivre, quitter leur pauvre village brûlé par un soleil implacable, quitter le cimetière où repose toute l’histoire de la famille, quitter la trop encombrante maie taillée par le grand-père, meuble qui a vu le mariage des enfants et des petits-enfants.
Dans le ballot ou l’antique valise, vite garnis de quelques trésors qu’on ne pouvait abandonner, des photos, quelques bijoux achetés à grand-peine, le beau drap brodé par la grand-mère et le peu d’argent resté après l’achat du billet qui rend possible la promesse de cette vie pleine d’espoirs.
Ont-ils le temps de penser, tout va si vite : contrôles d’identité, démarches multiples, eux qui venaient souvent de pays où la misère permettait de rêver.
Maintenant, vite, il faut descendre du bateau, vite se présenter devant les bureaux pour l’identité, vite devant le médecin qui vous ausculte sans ménagement, il n’a pas le temps, ils sont si nombreux ces pauvres prétendants à la liberté et au bonheur.
Vite, vite, personne n’a le temps. La file est longue. Quand pourront-ils s’arrêter et réaliser que, peut-être ils vont enfin la connaître cette Amérique de liberté.

Monique
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Que de mains levées au-dessus d'un feutre ou d'un béret, doigts écartés ou serrés, en un geste latéral, s'agitent, se tendent, se figent, en direction de celle de la statue de liberté...
Cette grande dame française venue terminer son pèlerinage en gardienne accueillante de la ville de New-York, première grande cité du monde américain, première citadelle que les immigrés-immigrants aperçoivent du bateau après leur long périple avant de faire escale dans l'ile de tous les espoirs.
Juste un bras de mer les sépare et leur sort sera scellé pour l'éternité.
Claudine
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C'est le débarquement, à quai, femmes et hommes lourdement chargés de paniers ronds, de nacelles, de malles et de différents ballots, avancent un papier entre les dents, le visage fermé. Tous les regards convergent devant, sur la droite, certains le sourcil froncé, les traits marqués.
Un homme paraît plus détendu, affiche un sourire dans un visage aux joues bien remplies, les yeux fixés sur la superbe chevelure brune des deux jolies créatures devant lui. Il ressemble à notre "fou-chantant" dans son costume de jeune premier, sûr de lui. Voudrait-il dépasser ou s'apprête-t-il à aider les deux femmes enveloppées d'écharpes croisées sur leur poitrine, leurs hanches et ceinturant la lourde jupe sur leurs douces formes.
Toujours est-il que l'homme à la malle et au regard froncé, observe le manège.
Son regard en dit long sur sa désapprobation !
Derrière eux, plusieurs hommes chapeautés. L'un portant une bien lourde valise, semble progresser douloureusement, d'autres s'apprêtent à lui emboîter le pas, et là-bas au loin, une femme au chapeau à plume, la main posée sur la balustrade et l'autre sur sa hanche, semble se demander comment elle va s'y prendre pour porter tous ses bagages !
Nous assistons à un spectacle qui en dit long sur les origines et les conditions de vie de chaque voyageur, voyageuses et nouveaux arrivants sur ce nouveau territoire à conquérir ...

Claudine





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