mercredi 29 août 2012

PORTRAIT


Nicole, je crois bien la connaître. C’est ma sœur. Elle est l’aînée, et si dans notre enfance elle était plus grande que moi, aujourd’hui c’est tout le contraire.
Ce qui gouverne sa vie : la hantise de prendre du poids, conserver un peu de sa jeunesse. Extrêmement coquette, elle aime choisir des vêtements jeunes qui flattent sa silhouette menue. Elle porte les cheveux très courts, couleur cassis, lui permettant de se couvrir le chef de chapeaux ou casquettes qu’elle a en quantité, de toutes formes et de toutes couleurs, pour l’hiver ou l’été, et cela lui va à merveille. Autre caractéristique : les bijoux fantaisie. Là aussi, il y a abondance ! Deux voire trois colliers superposés pour rappeler les couleurs bariolées de certains pulls ou tee-shirts, plusieurs bracelets à chaque bras, et bien sûr des boucles d’oreilles sans lesquelles elle se sentirait toute nue.
Si vous croisez dans la rue une petite personne marchant un peu penchée en avant, un chapeau de saison sur la tête et chantonnant sans arrêt, c’est elle.
Elle a gardé un côté enfantin, s’amusant à frôler les boutiques pour en ouvrir sur son passage les portes automatiques, garnissant son lit de peluches, ce qui oblige son mari à « virer tout ça » d’un haussement d’épaules avant de se coucher. Qu’à cela ne tienne, le lendemain, elles reprennent place.

D’une grande générosité, elle a beaucoup d’amis et adore recevoir, mais que c’est difficile de vivre avec elle ! Moi, je n’y tiens pas plus de trois ou quatre jours.
Toujours levée la première, et très tôt, à sept heures elle s’estime en retard, elle se hâte de commencer sa cuisine, attendant avec impatience que son mari fasse surface pour se précipiter dans la chambre, aérer et faire le lit pour que toute la maisons soit impeccable à 11 heures du matin pour pouvoir regarder les émissions de jeux à la télé. Elle ne manque jamais Les Zamours. Après un déjeuner vite expédié, elle devient hôtesse bénévole dans son association où elle est plus qu’attendue tant elle s’y est impliquée.
Ma sœur est une sacrée tête de mule et son mari un grand râleur. C’est la bagarre perpétuelle pour des riens, l’heure de faire les courses, la température de la maison, le choix d’un menu ou d’un film… Ca rouspète, ça crie, ça boude, mais jamais longtemps, jusqu’au prochain prétexte. Ils sont en fait inséparables depuis 53 ans mais se trouver entre eux est plutôt incommode.
 
Colette
 
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Veuve avec deux enfants à charge à l’époque j’avais accepté un travail à la Sécurité Sociale et c’est là que je l’ai rencontrée. Elle occupait le bureau à côté du mien. Elle avait vingt-huit ans, était célibataire et sans enfant. Son rêve aurait été d’avoir un enfant mais « pas le bonhomme », ce qui était plutôt mal vu à l’époque. Elle s’est entichée de mes deux fils et sans rien me dire s’est mise à tricoter pour eux – des vêtements magnifiques que je n’aurais jamais pu acheter. Elle leur apportait du chocolat, des bonbons, achetait des fournitures pour la rentrée scolaire. Peu à peu, elle devint comme une sœur pour moi et une seconde mère pour mes enfants. Elle prenait ma place en diverses occasions et quand je ne pouvais pas honorer mes obligations. Si je venais à disparaître, je pouvais compter sur sa présence pour mes fils. Cela me tranquillisait bien que sa présence pouvait paraître parfois un peu envahissante et qu’elle se montrait souvent autoritaire.
Sa vie était très vide, elle ne faisait rien et n’avait personne… sauf nous. Elle vivait presque recluse, ne faisait pas beaucoup d’effort pour aller vers les autres et ne prêtait aucune attention à sa tenue. Un jour mes fils lui ont dit « quand même tu as de beaux yeux bleus, tu devrais t’acheter du bleu… et pourquoi tu ne te maquilles jamais ? » Peu à peu sous notre influence, elle devenue plus coquette et s’est ouverte un peu, a découvert les sorties comme le cinéma. Elle est devenue moins triste… mais n’était pas drôle non plus. Une année, nous l’avons emmenée avec nous au club Med, dans ce qui était les premières paillotes. Elle nageait, profitait et semblait heureuse. Ce qui lui manquait c’était bien sûr une famille unie et aimante bien à elle. Nous avons partagé ensemble plusieurs années de notre vie puis elle a disparu. Un jour, en sortant d’un train de banlieue, un sale type, voulant lui arracher sa chaîne et sa médaille en or, l’a projetée brutalement sur l’arrête du trottoir. Le choc a été très violent et à l’hôpital ensuite, on nous appris que la vie l’avait quittée. C’était comme si elle n’avait jamais vraiment eu sa chance et nous l’avons beaucoup regrettée.
 
Rose

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