lundi 17 décembre 2012

LA RUE EST MA MAISON





Tente de camping
Bonheur, vacances, soleil
Tristesse et pauvreté
 

 

Jolie la couette rose
Que fait-elle dans la rue
Avec un homme dessous
 

 
Devant la boutique
Un abri pour SDF
Baigné de lumière
 
 
Sur le pavé froid
Quatre cartons colorés
Un abri pour SDF

Monique
 
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Ils sont là, on ne les voit pas !
Toutes ces années, tout ce temps perdu qui ne se rattrape plus. Toutes ces espérances déçues. Le temps s'arrête là, au coin de la rue. C'est Nono, le S.D.F, le clochard, l’hurluberlu... 
 
Toutes ces personnes qui passent. Toutes celles qui ne le voient plus. Toutes celles qui le dépassent, elles l'ont peut-être connu ?
Ils sont nombreux les "Nono" dans le grand Paris qui se prépare. Pas encore recensés sur la liste des pas-logés. Ils sont bien là, mon œil s'égare à les compter, il y en a tant... Dans les squats détruits, les expulsés. Des "Bernard", des "Nadine", des "Momo".
Squattant cette métropole, notre capitale, où tous les argentés restent pendant que les autres détalent. Ce beau Paris aux multiples clochers.
C'est vers Notre-Dame, à l’Hôtel-Dieu, que la misère est bien représentée !
De l'intergénérationnel : de la personne-âgée au couple avec bébé. La poussette que l'on berce et les larmes qu'on ne peut empêcher de couler. Ils sont là, ombres d'eux-mêmes, debout ou recroquevillés, les enfants sur les banquettes sont couchés.
Ils sont dehors, dans des abris de fortune, dans ces froids hivernaux de décembre et de sa brume Sous des tentes de couleurs. Ils apparaissent le visage empourpré, l’alcool fait des ravages, au lieu de les réchauffer  !


Nous connaissons tous cela ! Nous le voyons au quotidien. Mais nous avons fort à faire, nous n'avons pas les moyens, de sortir de l'ornière tous ces déshérités, ces victimes de la vie chère ! Nous ne pouvons pas loger tous les mal-logés et les sans-abris ! Nous pouvons à peine subvenir à nos besoins !
Faut-il faire appel à la générosité de nos concitoyens ? Il existe encore des personnes ayant du cœur ou qui s'en donnent les moyens. Faut-il trouver les propriétaires et réquisitionner de gré ou de force, les logements vidés de leurs locataires à cause de loyers impayés ? Pourra-t-on, comme les nouvelles mesures gouvernementales le précisent, réquisitionner ces appartements pour y installer tous les sans-abris ?

Il y a déjà tant d'inscriptions sur les listes d'attente des demandeurs...
Silencieusement, il a existé, il existe et il existera toujours
Dans mon petit Gentilly,
En son centre,
En son cœur,
Des anonymes qui se dévouent à chaque heure.
Un morceau de pain, un toit, une parole, au jour le jour,
Un peu de bonheur !
 
Claudine

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J’ai choisi la rue

Pour ses rencontres chaleureuses

En vagabondant

 

Que vaut le confort,

Enfermé à domicile,

Isolé d’autrui ?

 

Suis-je en déchéance ?

Foin de misérabilisme,

Du prêchi-prêcha !

 

Comment subsister ?

Se résoudre à faire la manche,

Avec du talent.

 

Et se dire pour ça

Qu’il n’est pas de sot métier

Alors on y va.

Emmanuel

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Noël se prépare, les passants chargés de paquets se pressent sur les trottoirs mouillés par les premiers flocons de neige.
Penser aux cadeaux, à la toilette, aux repas, aux vins, aux huitres, à la bûche glacée. Aura-ton assez d’assiettes, de verres, de couverts ? Quel souci !
Les trottoirs sont brillamment éclairés, les chants de noël fusent de toutes parts. Dans l’air flotte une odeur de marrons grillés, et… dans ce coin bien à l’ombre, une forme cachée sous un tas de malheureux vêtements, protégée du vent par quelques vieux cartons, bien tassée sur elle-même pour conserver le plus de chaleur possible : un homme, égaré près de cette foule gaie et bruyante, essaie de survivre malgré tout.
Qui pense à cet oublié des jours de fêtes, et de tous les autres, qui n’a même pas l’aumône d’un regard ?
 
Monique
 
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Il est là, depuis le matin, assis le dos au mur de la superette, tout près de la porte d’entrée, son chien à côté de lui, dans un panier. Devant ses jambes allongées, sur un morceau de tissu effrangé, une sébile attend les quelques piécettes que les clients voudront bien lui donner, menue monnaie qui leur reste après avoir réglé leurs courses. Il ne mendie pas, il n’interpelle pas le passant, il attend. Déguenillé, pantalon rapiécé  et même déchiré, vieilles godasses éculées et trouées, il attend que le jour passe. Parfois, une personne le salue, une parole, un sourire et sa figure s’illumine. A midi, alors que les portes vont fermer, il se glisse rapidement dans le magasin pour attraper une tranche de jambon ou un pâté et une bière ou une bouteille de vin, selon ce qu’il a récolté. Il n’est pas admis dans ce petit supermarché. Il pourrait détourner la clientèle car il parait sale si sale ! mais il est seulement toléré quand les clients se sont sauvés. Il dépose le tout, près de son chien et traverse la rue pour aller chercher du pain. Il n’entre pas dans la boutique. La boulangère le connait et le voit arriver. Elle vient sur le pas de la porte et lui tend, enveloppé dans du papier, son morceau de pain quotidien. Il l’échange contre quelques piécettes. Jamais, il ne quémande mais toujours il paie. C’est sa fierté ! Les jours de pluie, il se réfugie dans la gare, caché derrière le distributeur de boissons. Sa présence ne doit pas perturber. Elle n’est pas autorisée, surtout avec son chien qu’il emmitoufle dans son panier. De temps en temps, il parle. C’est ainsi que par bribes, jour à  près jour, il raconte une partie de son histoire. Parfois, il se tait.
C’est un ancien cadre de société, d’une ville de province. Lors de la grande grève, il a dans une réunion de comité, osé parler du sort des ouvriers. Le patron d’un ton sec, l’a remercié et licencié. Brusquement, il se retrouve à la porte mais il croit en sa chance. Il a de l’expérience, des collègues, des amis et un carnet d’adresses bien fourni. Il va, il en est sûr, très rapidement retrouver un travail. Ce n’est qu’un incident ! Pas la peine d’affoler la famille. Il rentre chez lui et ne dit rien à sa femme. Et pendant quelques temps, il continue ses journées. Il ne va  pas au travail. Il en cherche ! Contacter les collègues, qui, gênés, ne lui répondent guère. Ils sont eux-mêmes sur un siège éjectable. Ils ne peuvent l’aider. Les amis, quels amis ? Ils savent. Vous n’avez plus le même statut ! Demandeur d’emploi, ils ne vous reconnaissent plus parmi les leurs. Ils se détournent. Les jours passent. L’un d’entre eux, plus mal intentionné ou plus niais, a informé sa femme qui se fâche. Elle ne s’est pas mariée avec un homme, sans travail, qui vit à ses crochets, elle voit déjà les dettes s’accumuler. Et de fait, il a beau chercher. De travail point, salaire trop élevé, il baisse son salaire. Poste trop important, il change de catégorie. De son CV, peu à peu, il efface ses diplômes et son expérience. Il n’inscrit plus que des dates. Peut-être  trouvera-t-il un poste d’employé, ou d’ouvrier même non qualifié. Mais rien n’y fait ! Ses mains parlent, ses mains qui n’ont, disent-ils, jamais travaillé. C’est sûr, il n’est pas manuel. Son costume, son langage. Tout le dénonce. Alors, un soir d’orage, sa femme le quitte ; elle part avec les enfants chez ses parents. Elle ne veut plus le voir. La maison est vendue, même bradée pour payer les arriérés. Et il se retrouve à la rue, avec seulement quelques bagages. Bien sûr, il a le chômage ! Il prend une petite chambre dans un tout petit hôtel. Bien que très las, il continue à chercher auprès des anciens clients, des fournisseurs, mais nul ne prête attention. C’est un parmi tant d’autres qui demande du travail. Pas le temps de le recevoir, pas le temps de le rencontrer. Son adresse, pas sérieux ! Sans doute, quelque vagabond ! Les mois passent. Le chômage baisse, la chambre d’hôtel augmente. Il va troquer son costume de dirigeant de société contre une salopette de jardinier. Peut-être cela lui portera-t-il chance ! Il se sent mal à l’aise dans cet accoutrement mais il faut bien s’habituer. Trouver du travail le hante, n’importe quel travail mais où demander ? Ici, là, partout. La réponse est toujours la même. Découragé, il se met à boire pour oublier. Un soir, il rentre trop ivre à sa chambre. L’hôtelier le chasse.
Alors, il veut quitter cette ville infernale où il a tout perdu ! Il prend un billet de train et, dans le petit matin glacé, il arrive là, là où personne ne le connait. Au moins, sa honte deviendra plus légère ! Il n’a plus à raser les murs pour cacher sa misère. Il ne sait où loger. Il erre. Sous un arbre il se repose. Un chien soudain s’approche et le renifle. Son poil est tout pelé. Il le caresse puis il se lève et reprend sa marche. Le chien le suit. Il est comme lui, sans toit, ni maitre. Il devient son ami.
Et depuis, ils sont là tous les deux à attendre, à attendre quoi ? Que les jours passent sans espoir d’une autre vie…
 
Marie-Thérèse
Il était descendu seul sur la côte, une simple balade en auto-stop. Au détour d’une rue, il la vit assise sur le rebord d’une margelle de fontaine, les cheveux embroussaillés, les vêtements déchirés et des sacs pleins à ses côtés mais aussi sa bouteille dont elle ne pouvait se passer. Par on ne sait quel instinct, il s’approche d’elle. Elle n’a pourtant rien qui puisse l’attirer. Il lui parle. Elle lui raconte sa vie. Elle n’est pas tout à fait normale, elle a été rejetée par sa famille. Voilà déjà huit ans qu’elle se traîne dans les rues de la grande ville entre deux séjours à l’hôpital. Là, elle est plutôt bien, elle ne boit pas trop, dit-elle. La journée s’écoule, il reste près d’elle. Et même il en tombe amoureux fou. Qu’espère t-il ? La sauver de l’enfer où elle est plongée ? Mais c’est elle qui va l’entraîner !
 Il remonte à Paris mais son image l’obsède. Le prochain week-end, c’est sûr, il ira la retrouver. Où ? Mais à la fontaine. Elle sera sûrement là, impatiente à espérer. De semaine en semaine, il part la rencontrer. Il en oublie même d’aller travailler. Ses collègues ont beau lui dire que c’est folie,  qu’il doit être plus sensé : rien n’y fait. Trop d’absences injustifiées, c’est le licenciement assuré. Mais qu’importe puisque c’est la liberté ! Il a bien un petit pécule mis de côté. Et après tant d’années de travail, il va toucher le chômage. Oui certes, mais que de démarches ! Et puis dans son métier, un travail lui sera vite proposé. Il traîne, traîne, traîne pour rassembler ses papiers. Enfin, après plusieurs mois, le dossier s’achève. L’esprit tranquille, il court rejoindre sa bienaimée. Il lui propose de monter à Paris mais elle ne veut quitter ni son soleil ni son quartier. De plus, elle s’est remise à boire et même  à se droguer. Lui, qui n’a jamais touché un verre, pour l’accompagner, peu à peu se laisse tenter.
 Plusieurs mois s’écoulent. Mais que se passe-t-il sur son compte, il s’est vidé. Tant d’allées et venues ! De plus, il a omis de pointer et aucun subside n’est arrivé. Comment faire pour payer son loyer ? Qu’à cela ne tienne ! Il va restituer sa chambre. Il ira chez sa mère, elle peut bien l’abriter ! Mais celle-ci n’est pas d’accord. Elle a travaillé dur et ce petit appartement, elle l’a gagné. Le partager avec un fils travailleur oui, mais pas avec un paresseux. A son insu, il se réfugie dans la cave. Ce sera momentané, pense-t-il. Il se prend à rêver : «Il va la rejoindre, l’éloigner de la grande ville. A la campagne, il va cultiver un potager ; elle se refera une santé.»    Oui, mais ce n’est qu’un rêve ! Il part, il la rencontre et tout se passe mal, très mal. Dès qu’elle le voit, elle lui hurle : «Dès demain, je rentre à l’hôpital. Je ne veux plus te voir, tu me casses les pieds avec tes sermons, tes histoires et tes projets».
Il revient à Paris, tout dépité. Il ne mange plus mais il se saoule. Jour après jour, il marche dans le froid, le ventre vide. Il ne veut pas tendre la main. Il ne va pas mendier ! Il a honte de lui-même mais il n’a plus de courage. Il est devenu comme elle. Sale, déguenillé, mal rasé mais il n’a rien à transporter. Les bras ballants, il déambule. Rasant les murs, il se cache. Parfois il titube ou se laisse tomber le long d’un mur. Ce n’est pas seulement l’alcool qui le ronge mais c’est la faim, la maladie qui s’est installée. C’est aussi le désespoir. Il pourrait bien se sortir de ce mauvais pas, retrouver la vie d’autrefois mais songe-t-il «Comment envisager de travailler ?  Bien sûr, je peux demander de l’aide à mes anciens copains mais je serai alors leur risée, je suis devenu alcoolique et ne peut plus m’en passer et d’ailleurs je n’ai plus de forces.» Il vit comme un rat et ne rentre au fond de sa cave qu’à la nuit tombée. Sa mère, il l’aperçoit parfois mais il  ne veut l’approcher. Il sait trop bien ce qu’elle lui dirait. Et seule la bouteille peut le consoler de son  amour perdu. Elle le réchauffe et lui permet d’oublier sans le sermonner ou lui reprocher  sa conduite insensée.
Un jour, il n’en peut plus de cet enfer ! Lassé de cette misère, il se rappelle que son père tirait, il avait un pistolet. Il le cherche dans la cave, il le trouve et dans la nuit noire, un coup retentit. C’en est fini de sa vie.
Marie-Thérèse
 

1 commentaire:

Michel a dit…

Froid dormeur
sur le trottoir
l'espoir se glace