mardi 16 avril 2013

ENTRE RÊVE ET CAUCHEMAR - ODILON REDON

Les tableaux d'Odilon Redon, du noir à la couleur, entre rêve et cauchemar, ouvrent les portes de l'imaginaire.
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Doux visage d'une madone aux cheveux angevins,
De ce roux vénitien qu'adoraient les peintres italiens,
Et que l'époque vénérait dans les toiles de maîtres.
Yeux clos, semblant tournés vers l'intérieur,
Reflet du repos de l'âme et de la sérénité parfaite,
Immobile et insouciante des perturbations extérieures, 
La madone endormie règne sur son univers comme une statuette. 
Épanouissement mystique, si calme dans ce bleu azuré.
Son corps repose dans ce sable d'une blondeur dorée,
Seuls ses lèvres minces et son nez aquilin déposent
Un léger souffle dans cette gorge aux rives bien délimitées.
Et un rayon de soleil se dépose dans l'or de cette immensité sablée.
Lointaine apparition aux contours si bien dessinés,
Me montre le chemin d'un sommeil bien mérité. 

Claudine

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Une toile ! Un dessin en noir et blanc! Un enfant, une cloche ! Quel est cet enfant qui tire sur la cloche ? Sur la grosse cloche de l’école blottie sous l’auvent où les hirondelles viennent faire leur nid et les araignées tisser leurs toiles ou sur celle de l’église qui depuis des lustres est accrochée à une grosse poutre poussiéreuse ?  Pour cet enfant dont les yeux écarquillés reflètent l’angoisse, la cloche est le signal d’une nouvelle torture. C’est le rappel de tant de mauvais moments à passer pour celui qui ne peut apprendre. Des instants volées à son bonheur de flâner dans la nature, de courir à travers champs, de parcourir vignes et bois, d’écouter le chant des oiseaux et de découvrir les herbes folles, le long du ruisseau. Ici, point de couleur ! La cloche résonne dans sa tête comme un gros bourdon qui frappe et refrappe sans cesse. Elle rythme les heures. Elle grave dans sa mémoire les tristes épisodes de la vie qui s’écoule à l’ombre des murs gris loin de la lumière. L’enfant regarde la cloche qui comme un chapeau, pourrait le coiffer de tout son poids.  S’il se détache, son battant rond, lourd, presque aussi gros que sa propre tête, peut l’écraser. La cloche sonne ! C’est lui qui la tire et la fait tinter. Il ne peut échapper à son destin, celui d’un pauvre petit écolier qui s’évertue sans succès, sous la risée de ses camarades, ou celui d’un homme qui peine, incompris dans sa solitude. Comme il serait bon de s’évader de la grisaille du quotidien ! De créer des rêves, de bâtir son propre monde, de fuir !... et s’en aller pour l’éternité car c’est d’elle dont parle l’artiste. Ce visage enfantin est un masque posé sur un squelette à peine esquissé mais bien présent ! Il cache la laideur de celle que certains appellent « la faucheuse » et d’autres « la chevelue ». Ici, la mort n’est pas hideuse, elle est simplement là, comme l’aboutissement du temps qui s’écoule. Et la cloche, comme un symbole, porte sur elle la lumière de la vie qui se retire pour faire place à l’obscurité. Ce contraste sur fond noir prend vie et donne le sentiment de quelque chose d’inéluctable mais pas de panique, seulement une fatalité !

Marie-Thérèse

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Je suis accablé d’un monotone cauchemar récurrent dont je perçois au réveil les grandes lignes : je me trouve démuni, à l’étranger, en perdition dans une grande ville, au sein d’une foule anonyme de piétons qui passent leur chemin, indifférents à mon désarroi et avec lesquels je ne peux communiquer.

Je n’ai aucune peine à discerner le lien entre ce cauchemar et un vécu objectif qui m’a été, sur le moment, fort perturbant, mais qui lui s’est promptement et favorablement résolu. Il faut croire, à cet égard, que le dicton « tout est bien qui finit bien » ne s’applique guère au psychisme ou au subconscient. Cette digression faite, revenons à mon vécu auquel j’attribue, sous toutes réserves, l’origine de mon cauchemar. En voici la narration :
Dans le cadre de mes activités professionnelles, je dois me rendre à Munich où m’est réservée, au sortir de la gare, une voiture de location. J’ai sur moi un plan de la ville sur lequel j’ai préalablement circonscrit mes parcours : hôtel, rendez-vous de travail, loisirs, tourisme…
Tout se passe sans la moindre anicroche jusqu’au terme de mon séjour quand, après une dernière visite, je dois me rendre à la gare pour y restituer la voiture et prendre mon train de retour.
Me heurtant à une pénurie de signalisation, à des sens interdits, à des rues barrées par des chantiers, je me perds dans le dédale urbain. L’heure tourne et mon inquiétude grandit. Garant ma voiture par-ci par-là et faisant appel à mes maigres connaissances de l’allemand, j’interpelle des passants mais comprend mal leurs réponses, en patois – à ce qu’il me semble – et avec l’accent bavarois !
L’idée –qui s’avère salvatrice – alors me vient, étant arrêté à un feu rouge, d’interroger le conducteur de la voiture qui me précède. Celui-ci me fait signe de le suivre et me guide jusqu’à la gare. Ouf !!! Par la pensée, j’adresse à mon sauveur un sonore «Danke schon »
Il n’empêche, comme je le dis plus haut, que l’angoisse que j’ai préalablement éprouvée durant de longues minutes et qui vient d’être dissipée, me rattrapera ultérieurement dans mon sommeil.

Emmanuel

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La nuit les rêves sont si brefs que, bien souvent, on ne s’en souvient pas mais on peut se les fabriquer, et là tout est permis. Mon rêve ? J’aurais aimé savoir dessiner, tout simplement.
Quelles œuvres admirables que celles d’Odilon Redon, ce peintre qui semble transposer ses rêves et ses visions sur la toile ! Rêve-t-on en couleurs ? Après ses peintures  en noir et blanc, il nous fait découvrir des œuvres pleines de couleurs. Fondu de verts sombres, turquoise, rouge-orange, roses, fleurs, visages, avec une touche si légère que cela permet à notre imagination de voir plus loin, comme cette jolie femme qui semble surgir d’une mer bleue tendre.
J’aimerais moi aussi, mais cela reste un rêve, peindre. Peut-être une petite violette et sa feuille toute ronde…
Je ne peux m’empêcher d’évoquer le souvenir de ce maître japonais qui, d’un seul trait trace des tiges de bambou et avec simplement du noir et du vert crée tout un paysage, une forêt traversée par un ruisseau et qui s’y reflète avec, au loin, le Mont Fuji. Quel talent ! et combien d’heures de travail et de persévérance.

Monique
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Un craquement sinistre, le sentiment de n'être plus seule dans ce jardin, puis le sol s'ouvre sur ma droite et une fissure étroite semblable à un long serpent argenté légèrement ondulant se crée un espace tant bien que mal dans cette terre encore gelée d'un weekend de Pâque aux tisons. Puis, contournant la cabane de taule rouillée, elle finit par s'échouer là, tout près des hibiscus bourgeonnant. Je reste là, tétanisée. Deux yeux grands ouverts apparaissent flous sous les remous de l'eau verglacée emplissant la crevasse. Puis le calme revenu, je cerne avec plus de précision les formes angulaires de ce visage d'une blancheur cadavérique. Ses pupilles se tournent vers moi. Elles semblent m'interroger, me demander de l'aide. Un grand froid m'envahit soudain. Je reste paralysée, impossible d'aller vers cette silhouette se dessinant sous l'eau. J'aurais envie de libérer ce jeune homme de son carcan glacé, mais j'ai si peur qu'il m'entraîne vers lui, dans son univers inconnu, vers ce monde qui me fait si peur, peut-être sa dernière demeure ? Je me sens lâche, vile et inutile. Je m'en veux de ne pas pouvoir lui porter secours. Je m'attends néanmoins à ce que l'homme de glace vienne vers moi me prendre la main et m'emmène avec lui, là-bas, si loin. J'ai froid, je ne pense qu'à moi. J'ai si froid et je me réveille complètement transie de la tête aux pieds.

Claudine 

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Je regardais au fond de l'étang chimérique l'eau trouble dans laquelle je croyais voir surgir d'énormes monstres pareils à des serpents gigantesques se dressant vers moi tous crochets dehors pour me mordre, puis m'emporter loin des vivants dans un abîme sans espoir de retour.
Le jour se levait lorsque je vis cette femme endormie, émergeant de ces eaux devenues claires, dans lesquelles se mirait un ciel d'azur. Je lui tendis ma main. Elle ouvrit les yeux en souriant et me suivit. Je l'installai dans ma maison. C'est ainsi qu'elle devint ma muse pour la vie. Elle ensoleilla ma vie me faisant découvrir les merveilles que nous offre la nature. Dans le jardin où elle aimait s’asseoir  je peignais des fleurs : les lilas de ses yeux, les coquelicots de ses lèvres, les lys de la blancheur de sa peau délicate, les roses pivoines semblables à  ses joues lorsque je lui adressais un compliment. Elle représentait toutes les fleurs à elle seule, par sa garde-robe composée de vives couleurs gaies et attrayantes. Elle m’accompagna tout au long de ma vie, tuant mes vieux démons en faisant renaître le romantique poète qui dormait au fond de moi. Sois bénie ma douce mie pour cet amour qui a embelli le reste de ma vie.

Mireille


A quoi penses-tu jolie brunette à la robe de jade ?
Entourée comme tu es de toutes ces belles fleurs de base...
Où dahlias, hortensias, marguerites, renoncules et bleuets 
S'enchevêtrent et t'entourent dans un tableau inanimé,
Merveilleux spectacle ne captant pas ton regard.
Qu'est-ce qui te chagrines et t'importunes sans égard ?
Au point de t'indisposer et de ne plus donner d'attrait
À ton environnement proche et au peintre qui dessine tes traits.

Claudine

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Bleu comme le bleu indigo de ce bateau filant sous un ciel bleu empourpré de ce rose flamant du soleil couchant. Embarquement frêle sur lequel deux personnages dans leurs aubes respectives se tiennent serrés l'un contre l'autre : le brun du drapé de l'un rejoint le jaune moutardé de l'autre. Ils voguent dans une eau verte chargée de cette mousse verdâtre indiquant la progression de la barque, dans une direction que seules les voiles gonflées de vent, et le gouvernail que tient l'homme assis devant semblent connaître.   

Claudine
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C’est une de ces nuits froides où blottit sur le canapé, je sommeille bien au chaud sous mes couvertures. Sans bien m’en rendre compte, je m’endors. Je me retrouve dans une large allée qui, d’un côté, laisse voir la campagne à perte de vue. Pas un passant, pas une seule âme vivante. De l’autre côté, c’est un long mur de pierres qui la borde. Relativement haut, il y  pousse çà et là quelques herbes folles. Un grand silence règne. Tout en marchant lentement, je respire cet air léger et je me sens heureuse. Tout est calme et tranquille. Je regarde le ciel, qui, telle une porcelaine de chine, se colore d’un bleu clair, limpide,  émaillé de quelques zébrures blanches. Soudain, entre deux petits nuages blancs, je vois comme une apparition. Deux têtes diaphanes se dessinent peu à peu. Elles grandissent, grandissent et semblent s’approcher. Très intriguée, je continue à m’avancer dans leur direction.  Tout à coup, comme par magie, elles prennent corps et les voilà à terre devant moi. Qui sont-elles ? Elles me font signe de la main. Je les connais donc ! Elles semblent me parler, leurs lèvres bougent mais aucun son ne sort ne leur bouche. Je n’entends rien. Je ne comprends rien ! Que veulent-elles me dire ? Tiens, elles se sont évanouies dans l’atmosphère. Etrange ! Le mur aussi a disparu. Le paysage change ! Me voilà au milieu d’un parc planté de grands arbres. Où suis- je ? Je n’en ai aucune idée. Je me retrouve perdue et pourtant ce lieu ne me parait pas inconnu ! Je sens comme une présence à mes côtés et attirée par quelqu’un ou quelque chose d’invisible. Je foule l’herbe et j’ai l’impression de ne pas toucher le sol. Brusquement, une cloche retentit au loin et déclenche un grand fracas. Le vent se met à souffler, à hurler. Je cours, je cours aussi vite que mes jambes peuvent me porter. Dans quelle direction ? Celle où le vent me pousse. Je ne peux résister à sa force brutale. Un portail de bois vermoulu surgit de nulle part. Je m’y engouffre. Derrière un long escalier en colimaçon monte dans le vide. Je grimpe quelques marches et là, sur le côté, une vieille armoire brinquebalante ouvre sa porte grinçante.  Je suis paniquée. Je m’y réfugie. Aussitôt, comme par miracle, mes craintes s’envolent.  Subitement, tout prend feu autour de moi! Et pourtant, je me sens bien, comme protégée, à l’étroit dans cette penderie. Je regarde les branches se tordre dans les flammes. L’escalier se consume à mes pieds. J’ai chaud ! Très chaud. Un instant encore ; Hélène me secoue ! « Réveille-toi, n’entends tu pas au-dehors, la tempête qui fait rage ?»

Marie-Thérèse
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Globe oculaire
Menant une montgolfière...

Ce n'est pas une mince affaire !
L'iris tourné vers la stratosphère,
De tes cils fins, tu dissipes les poussières.
Que vois-tu, dans ce ciel chargé de lourds cumulus blancs ?
Que pourrais-tu m'apprendre, œil sorti de ce tableau surprenant ?
Qui tracte de sa nacelle en forme de couvre-chef, de tortue ou d'escargot,
Des passagers ou peut-être personne dans un voyage au long cours dans ce chapeau,
Surplombant des mers noirâtres aux berges de sables granuleux et de plantes de pays chauds. 

Tu sonnes, tu sonnes carillonneur, le carillon à toute volée. Les nouvelles cloches de Notre Dame sont arrivées ! Rutilantes, nettoyées de leurs impuretés, de ces vieilles toiles d'araignées datant de Mathusalem ! Elles se seraient perdues entre Rome et Paris, un week-end Saint emprisonnées dans je ne sais quel donjon d'une tour médiévale que Quasimodo défendrait encore avec hargne depuis près de 750 ans de règne sans partage pour défendre son patrimoine, son ultime trésor. Tu sonnes carillonneur et tu nous donnes le plus beau des concerts que nous ayons encore jamais entendu à ce jour où chants liturgiques et religieux se mêlent harmonieusement. Je te vois te pendre le long d'une corde, le vide sous tes pieds, puis en parfait acrobate, attraper d'une autre main la corde voisine, prêt à effectuer un pied de nez à dame apesanteur. Tu cabrioles Quasimodo, fier de ton rôle de sonneur de cloches. Que tes grands yeux ouverts te mènent toujours vers ta destinée.

Claudine



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